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4.2 – La migration comme proxy de la libération, ou comment les magazines gais tracent le parcours téléologique de

l’homosexuel immigrant

Sur le total de 359 numéros consultés des trois magazines, de janvier 2000 à décembre 2010, 94 textes pertinents ont été relevés dans lesquels la différenciation ethnosexuelle des milieux LGBT québécois est représentée ou discutée : 60 dans Fugues, 21 dans RG et 13 dans Être. Comme on le constate dans le tableau 5, la répartition annuelle de ces textes est très inégale, mais on observe une hausse significative du nombre de textes depuis 2007, qui s’est accentuée en 2010. Il faut noter qu’un numéro de Fugues, en 2002, contient un dossier sur l’homosexualité et l’immigration qui réunit à lui seul neuf des soixante textes répertoriés dans ce magazine. Le nombre plus important de textes dans

Fugues peut être expliqué par la taille respective de ces magazines et par leur contenu. En

effet, bien que le format de Fugues soit plus petit que les deux autres magazines, il comporte beaucoup plus de pages et plus d’espace rédactionnel y est consacré aux enjeux sociaux et communautaires, tandis qu’historiquement, Être et RG consacraient une partie importante de leurs pages aux activités culturelles et de clubbing. La disparité n’est donc pas nécessairement influencée par une sensibilité plus grande à l’égard de cette différenciation parmi le personnel de Fugues.

Les principaux genres de textes sont informatifs (49) – nouvelles, brèves et articles –, suivis des entrevues et portraits (24) et des éditoriaux, chroniques et opinions du lecteur (12), tendance similaire dans l’ensemble des magazines. Le nombre important des entretiens, en outre souvent utilisés dans une partie des textes informatifs, indique un

recours fréquent à la forme narrative : les personnes immigrantes de minorités sexuelles y sont invitées à témoigner de leur parcours et de leurs épreuves. On observe en effet que cinq textes dans Être, neuf dans RG et trente-trois dans Fugues, soit environ la moitié des textes dans chacun des magazines, offrent le témoignage de personnes immigrantes et, dans la majorité des cas, ces personnes sont représentées de façon personnelle et sous la forme active, dans des récits d’empowerment. De prime abord, il est donc possible d’affirmer que les personnes de minorités ethniques, notamment immigrantes64, ont un accès significatif à ces magazines et que leur voix y est régulièrement incluse, en particulier au cours des dernières années.

Tableau 5 : Occurrences d’articles portants sur la différenciation ethnosexuelle au sein des milieux LGBT québécois, par magazine et par année, janvier 2000-décembre 2010

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Total

Fugues 8 1 12 1 4 2 1 7 3 6 15 60

RG 0 2 2 0 1 2 1 3 3 2 5 21

Être 2 0 0 0 0 1 0 0 0 4 6 13

Total 10 3 14 1 5 5 2 10 6 12 26 94

Il faut toutefois noter le nombre très restreint d’auteurs dans Fugues, particulièrement d’auteurs de minorités ethniques : on n’y dénombre que douze auteurs, dont un seul n’est pas du groupe majoritaire ou d’origine française – il est d’origine latino- américaine – et quarante-et-un des soixante articles ont été écrits par seulement cinq personnes, y compris quatorze par Denis-Daniel Boullé, d’origine française. Dans RG, on dénombre quinze auteurs, et cinq des textes proviennent de personnes ou groupes de

64 Cette précision est ajoutée, car les personnes de minorités ethniques qui s’expriment dans les textes

analysés sont principalement immigrantes, c’est-à-dire qu’elles sont nées à l’extérieur du Canada. En effet, très peu de textes parlent des personnes de minorités ethniques nées au Canada, les quelques rares cas concernent principalement des personnes nées de parents italiens : ceci a par ailleurs pour effet d’occulter l’existence de Québécois et Québécoises qui ne sont pas immigrants sans pour autant être de descendance canadienne-française. Ainsi, les personnes de minorités ethniques tendent à être reléguées au statut d’immigrantes, donc non québécoises. On observe donc ici une construction de l’Autre ethnique comme étant, d’emblée, extérieur à la québecité, étranger.

minorités ethniques : Helem, le Centre de recherche-action sur les relations raciales, ainsi qu’un Latino-américain, un Libanais et un Kirghize. Quant à Être, les treize articles y sont rédigés par six personnes, dont une personne d’origine latino-américaine. Un seul auteur, André Gagnon, y est l’auteur de quatre textes. Ceci indique un point important : bien que les personnes immigrantes soient nombreuses à témoigner de leurs parcours, elles le font presque toujours à travers le regard, et la plume, d’auteurs qui, eux, ne sont pas de minorités ethniques, enjeu qui sera abordé plus loin.

Au-delà des chiffres, qui indiquent certes une prise en compte accrue des réalités des personnes immigrantes dans ces trois magazines au cours des dernières années, cette médiation des témoignages invite à analyser le contenu de ces textes. L’attention a ainsi été portée, dans un premier temps, au cadrage des enjeux et de ces témoignages : quels problèmes et thèmes sont abordés ou occultés, qu’est-ce qui est accentué ou au contraire marginalisé? Cette analyse a fait émerger cinq cadres, dont l’occurrence est présentée dans le tableau 6.

Tableau 6 : Occurrences des cadres par magazine, janvier 2000-décembre 2010

Cadres Fugues RG Être Total

Marginalisation et homophobie dans les milieux ethniques 27 11 10 48

Oppression dans le pays d'origine 22 7 5 34

Lois et procédures d'immigration 16 6 2 24

Activités des organisations ethnosexuelles 17 3 1 21 Préjugés, exclusion et racisme dans les milieux LGBT 12 3 4 19

On constate que la hiérarchisation des cadres est similaire dans les trois magazines. L’occurrence très significative du cadre « marginalisation et homophobie dans les milieux ethniques », suivis par l’« oppression dans le pays d’origine » indique clairement l’orientation : l’un ou l’autre prédomine dans la moitié des textes de chacun des magazines, particulièrement le premier cadre, auquel sont consacrés trois textes dans Être, six dans RG et huit dans Fugues. Par ailleurs, leur prédominance contribue à accentuer le cadrage : en

effet, on remarque qu’ils sont presque systématiquement au premier ou deuxième rang en importance, c’est-à-dire qu’ils sont mis de l’avant, et ce, de façon marquée.

Les autres cadres sont quant à eux moins fréquents, bien qu’ils demeurent relativement importants, notamment les « lois et procédures d’immigration » et les « activités des organisations ethnosexuelles » dans Fugues. Dans le cas du premier, son importance – il est souvent au premier plan des textes qui en font mention – est due au type de plusieurs de ces textes : principalement des nouvelles brèves décrivant les problèmes avec ces lois et procédures ou leur changement, sans aborder d’autres aspects. Dans le cas du deuxième, sa saillance s’explique par sa présence presque exclusive dans des annonces qui publicisent précisément ces activités en quelques lignes. En somme, ces deux cadres sont généralement isolés dans autres. On remarque par ailleurs que le cadre des « préjugés, exclusion et racisme dans les milieux LGBT » est non seulement le moins fréquent, n’apparaissant qu’à dix-neuf occasions, mais aussi celui qui est davantage dispersé dans les trois magazines. La moitié de ses occurrences ont eu lieu entre 2000 et 2002 (dix sur dix- neuf) et seulement trois textes, deux dans Fugues et un dans RG, y sont consacrés. Les plus récents textes dans lesquels ce cadre a été mis à l’avant-plan datent respectivement de 2000 (Être), 2001 (RG) et 2007 (Fugues). Au-delà de cette quantification de l’occurrence et de la saillance des cadres, il importe toutefois d’en analyser la portée et la signification.

L’occurrence et l’association des deux principaux cadres, particulièrement fortes en 200965, suscitent une compréhension des personnes immigrantes comme parties d’entités homogènes au sein desquelles les croyances et valeurs du pays d’origine seraient mécaniquement reproduites, comme dans l’extrait suivant :

Comme les nouveaux arrivants au Québec proviennent surtout d’Afrique et d’Asie, force est de constater que la situation ne devrait pas s’améliorer si rien n’est fait […]. En effet, 63 % des immigrants d’Afrique ou d’Asie considèrent l’homosexualité comme une maladie. De même, 59 % des personnes considérant l’homosexualité comme anormale et 73 % des

65 Ce sont les deux seuls cadres présents dans Être et RG cette année-là, et deux longs articles du Fugues y

personnes se disant contre le droit de se marier pour les couples de mêmes [sic] sexe, sont originaires d’Afrique. (Borgia, 2009 : 7)

Il y est présumé qu’une action est nécessaire de la part de la « société d’accueil », si elle souhaite que les perceptions changent parmi les nouveaux arrivants, comme s’ils étaient habités par une inertie. Cette idée d’inertie dans les perceptions sur l’homosexualité aux pays d’origine et parmi les « communautés culturelles » est très présente, notamment dans les textes du Fugues. On y trouve des affirmations comme : « Le demandeur gai ne peut même pas compter sur les communautés ethniques déjà installées, qui, traditionnellement, sont homophobes. » (Boullé, 2000a : 60) À l’opposé de l’« accueil » offert par la société québécoise, on retrouve donc une inertie présumée favorisant le maintien de « traditions » conservatrices au sein des « communautés culturelles ».

On retrouve ce même cadrage caractéristique dans un article intitulé « Le Québec, un vrai paradis? » (Burgard, 2010a) portant sur la situation des personnes immigrantes de minorités sexuelles. Le témoignage de deux personnes, l’un Libanais et l’autre Congolais, constitue la partie saillante du texte où on observe notamment les deux affirmations suivantes :

Il faut dire que la communauté libanaise, très croyante, peine à se défaire de certaines valeurs traditionalistes, comme beaucoup d’autres communautés au Québec.

Dans certaines communautés, par exemple chez les Africains, l’acceptation de ces valeurs est d’autant plus difficile que le concept d’homosexualité n’existe même pas dans leur société. (Burgard, 2010a : 18)

On remarque ici une opération, fréquente dans les textes analysés, qui consiste à généraliser un témoignage à l’ensemble d’une nation, voire même d’un continent : le récit de libération d’un jeune Congolais suffit ainsi à affirmer que « les Africains » et « leur société » acceptent difficilement l’homosexualité et ne comprennent pas ce concept, ce qui laisse entendre qu’il n’y a aucune différence dans les façons de signifier l’homosexualité en Afrique et, par extension, dans la « communauté africaine » au Québec. Ces deux récits négatifs, aussi bien à l’égard du pays d’origine que des « communautés culturelles » au

Québec, est complété d’un troisième récit, celui-ci d’un Colombien qui se dit « parfaitement intégré au Québec »66, mais qui risque maintenant d’être expulsé en Colombie suite au rejet de sa demande de statut de réfugié. Cette éventualité, qui met de l’avant les limites des « lois et procédures d’immigration », troisième cadre de cet article, est présentée par l’auteur comme une condamnation à « retourner dans le placard » que serait la Colombie.

Il n’est pas question ici de remettre en question l’« authenticité » des témoignages d’oppression mis en relief dans ces textes. Plutôt, il convient d’interroger leur prédominance ainsi que leur généralisation. Le caractère monolithique de la manière dont ces témoignages sont relatés est lourd de conséquences. Affirmer que « [b]ien des communautés immigrantes [so]nt restées figées dans le temps », (Passiour, 2010 : 134) ou encore parler de « la réalité de la communauté noire » (Bernier, 2010 : 11; nos italiques) occulte toute nuance possible dans les perceptions des sexualités non normatives dans les « communautés immigrantes », apparemment caractérisées par une réalité homogène, ainsi que tout changement de ces perceptions dans le temps. En plus d’apparaître comme des entités totales, les « communautés immigrantes » sont ainsi reléguées dans un espace anachronique67 (McClintock, 1995) : un ailleurs spatial actuel, en l’occurrence les pays du Sud et par extension les « communautés culturelles » en vient à signifier une autre

66 Par cette énonciation mettant en relief une intégration réussie – les référents de cette réussite ne sont

toutefois pas précisés, si ce n’est que « son entourage l’accepte tel qu’il est », qu’il est hors du placard ainsi qu’« activiste infatigable » –, on constate une représentation de l’altérité ethnique non racisée. À l’exemple d’autres personnes immigrantes de sexualités non normatives qui témoignent dans les magazines gais québécois, la réussite de son intégration, passant forcément par la sortie du placard, a pour effet de ne pas les astreindre au statut racisé que partagent les autres personnes de minorités ethniques, dont l’homophobie présumée constitue apparemment un trait culturel qui les place résolument hors de la québecité.

67 Dans son étude de la place du genre et de la sexualité dans le colonialisme, Anne McClintock (1995),

affirme que la production, à l’époque coloniale, d’un métarécit européen, dans lequel les différentes nations sont triées selon une téléologie de progrès où trône une nation européenne, génère une structure hiérarchique de temps ramifiés. Alors qu’elle montre comment les femmes, à l’image des colonisés, occupaient un temps antérieur, prémoderne, dans les représentations nationalistes, ici ce sont les « communautés culturelles » et pays du Sud qui occupent ce temps antérieur, géographiquement signifié, dans les représentations gaies dominantes.

temporalité, celle d’une prémodernité sexuelle marquée du poids de traditions conservatrices et opprimantes.

L’absence de nuance est tout aussi frappante lorsqu’il est question des pays d’origine. Cadre le plus fréquent et saillant, il met en scène un vaste placard géographique, les pays du Sud et d’Europe de l’Est, où il semble impossible de ne pas être hétérosexuel, comme le montrent les extraits suivants.

Être ouvertement gai dans un pays musulman, c’est comme prendre l’autoroute en sens inverse, c’est suicidaire. (Lafontaine, 2002a : 58)

[…] il n’y a aucun endroit au Mexique où les gais et les lesbiennes peuvent être en sécurité et surtout recevoir la protection des autorités en cas de besoin. […] Après tout, ils n’ont qu’à raser les murs, être perpétuellement aux aguets, ne pas se démontrer de tendresse et d’affection en public, s’inventer des conjointes et fuir tous les lieux où ils sont connus comme des maricones. (Boullé, 2005a : 8)

[…] pour beaucoup de gais mexicains, seuls leurs amis les plus proches sont au courant de leur orientation sexuelle. Sortir du placard, c’est souvent aller au devant [sic] des coups. […] Pour beaucoup la clandestinité reste le seul moyen de passer au travers des mailles du filet serré de l’homophobie régnante au Mexique. (Boullé, 2006 : 10)

Combien de gais à travers le monde sont emprisonnés ou tués sans autre procès que le fait d’être homosexuel. Combien n’auront pas la chance de pouvoir atteindre un pays où ils pourront littéralement sauver leur vie? (Fugues, 2009a : 68)

Il semble ainsi que l’homophobie imprègne totalement les « mentalités » dans ces pays non occidentaux : ce sont apparemment des entités homogènes et fixes, tout comme les « communautés culturelles » au Québec, l’homophobie étant qualifiée de « tare qui subsiste aussi dans les communautés ethniques installées ici » (Fugues, 2009 b : 62; nos italiques). L’usage du mot « tare » qui signifie un défaut grave, généralement héréditaire, vient par ailleurs renforcer le caractère statique, atavique de l’homophobie dans ces pays et communautés.

Quelques textes apportent néanmoins des nuances à ce récit d’oppression postulant la continuité de l’homophobie en contexte post-migratoire. Dans un texte basé sur des entretiens avec des personnes immigrantes, notamment un couple algérien, l’auteure met précisément en garde contre ce type de généralisation :

[…] il faut probablement éviter de confondre notre compréhension de la réalité immigrante et la pensée du pays d’origine ou encore la borner aux opinions des premiers jours, voire des premières années. Oh, bien sûr, il reste bien quelque chose des préjugés initiaux chez les quelques immigrants du Maghreb, d’Haïti ou d’Afrique qui ont accepté de partager leurs opinions avec moi. […] En gros, lorsqu’ils se disent « contre » l’homosexualité, ils m’expriment plutôt, chacun à leur manière, leur incompréhension de la nécessité pour les homosexuels de défendre leurs droits dans ce pays de liberté. (Proulx, 2005 : 12)

De plus, les hommes gais de minorités ethniques avec qui l’auteure s’est entretenue témoignent d’une résorption du conflit familial lié à la non-acceptation de leur sexualité non normative. Dans l’un des rares textes où le cadre des « préjugés, exclusion et racisme dans les milieux LGBT » occupe une place significative (Lafontaine, 2002 b), cette homophobie dans les pays d’origine et dans les « communautés culturelles » est relativisée, « la situation évolue », et mise en contexte : un homme noir affirme qu’elle est « héritée des Européens et des Occidentaux. L’homophobie des communautés ethniques est le fruit de la colonisation européenne. » (Lafontaine, 2002 : 60) Mais il demeure que ces nuances n’apparaissent qu’à de très rares occasions dans la représentation médiatique de la différenciation ethnosexuelle dans les milieux LGBT québécois et sont pratiquement inexistantes dans les textes des dernières années.

Ces rares nuances doivent être mises en lien avec la rareté et marginalisation du cadre des « préjugés, exclusion et racisme dans les milieux LGBT ». Le peu d’importance attribuée à ce cadre pourrait s’expliquer par l’hypothèse selon laquelle le problème de l’homophobie au sein des « communautés culturelles » est plus important que le problème du racisme au sein des milieux LGBT. Or, rien ne permet de valider une telle hypothèse. Un sondage effectué en 2009 (Fondation Émergence, 2009) auprès de personnes de

« communautés culturelles » de première et deuxième génération tend certes à démontrer qu’une proportion plus faible des personnes immigrantes, correspondant aux répondants de « première génération », considèrent que l’homosexualité est une orientation sexuelle comme les autres : 62 % par opposition à 86 % des personnes de « deuxième génération », alors que dans un autre sondage réalisé en 2001, 88,9 % des Québécois – compris dans ce sondage comme toute personne habitant au Québec, y compris les personnes immigrantes – affirmaient que les homosexuels sont des personnes comme les autres (Presse Canadienne et Léger Marketing, 2001). On pourrait donc en conclure que les personnes immigrantes sont effectivement « plus homophobes », mais que cette hostilité décroît avec les années. Or, l’échantillonnage du sondage ne permet pas de faire de telles conclusions, puisqu’il y a une surreprésentation des personnes de première génération et la répartition des pays d’origine n’est pas uniforme : « Les immigrants de 2e génération [sic]68 sont majoritairement originaires de l’Europe de l’Ouest et des États-Unis, tandis que les immigrants de 1re génération sont majoritairement originaires de de [sic] l’Afrique, de l’Asie, des Antilles et des Caraïbes. » (Fondation Émergence, 2009 : 4) C’est d’ailleurs ce défaut d’échantillonnage qui a été utilisé par certains médias gais (Borgia, 2009) pour affirmer que les immigrants originaires de ces régions sont plus homophobes que les autres. Par ailleurs, il n’existe aucune donnée sur les préjugés ethniques et racistes dans les milieux LGBT québécois, élément qui ne devrait donc pas être marginalisé a priori.

Dans un contexte où il n’y a pas d’information fiable et précise sur l’étendue de l’homophobie dans les « communautés culturelles », ni du racisme dans les milieux LGBT, il n’est donc pas possible de justifier empiriquement la très grande différence entre

68 Le sondage de la Fondation Émergence, par cette appellation immigrants de « première génération » ou de

« deuxième génération » opère une distinction entre d’une part, les Québécois – catégorie mal définie qui correspondrait au groupe majoritaire, d’origine canadienne-française, ainsi qu’aux Québécois d’origine britannique, les Autochtones disparaissant de la population – et d’autre part, toute personne issue des autres flux migratoires. Dans la perspective de la Fondation Émergence, les personnes immigrantes, et leurs enfants, demeurent ainsi non-Québécoises peu importe le nombre d’années vécues au Québec ou qu’elles soient même nées au Québec. Elles sont ainsi suspectes de reproduire leurs « traditions culturelles » et doivent démontrer leur « intégration », notamment en se montrant ouvertes à l’égard de l’homosexualité. À l’opposé, le sondage Léger Marketing précédemment cité n’opère pas une telle distinction.

l’importance accordée à l’un (l’homophobie des « communautés culturelles ») et l’autre (le racisme dans les milieux LGBT) cadre, d’autant plus que les rares textes qui parlent de ce racisme rapportent les critiques révélatrices de personnes immigrantes de minorités sexuelles :

Ensuite le jeune homme a fustigé la presse gaie, qu’il ne lie plus, car « elle n’est pas représentative de toutes nos communautés ». (Bernard, 2000 : 7) Aux yeux des Blancs, les Noirs sont des objets exotiques musclés, dominants et bien montés, alors que les jeunes Asiatiques sont considérés comme dociles et soumis. Ceux qui ne correspondent pas à ces images se sentent

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