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Partie 2 La figure médiatique du père : invention, production de savoirs et rapports de

B. Revalorisation du quotidien

3. Micro-récit de la vie des pères et politisation des pratiques quotidiennes

!

La mise en récit de la vie des pères a déjà été largement abordée dans les parties sur la sélection des témoignages et la construction du héros du quotidien. Il s’agit de se focaliser ici sur un point en particulier à la lumière de Michel de Certeau114 : les pratiques et les tactiques quotidiennes des pères soulignées par les journalistes. En effet, la première partie de l’enquête, réservée aux témoignages, représente un potentiel guide de survie du jeune papa qui souhaiterait être plus présent au quotidien. Par exemple, les journalistes écrivent : « ce

n’est pas la solution la plus facile, c’est pourquoi les papas trouvent des combines pour rester auprès du nouveau venu : des arrêts maladies donnés par des praticiens compréhensifs ou encore l’aménagement du temps de travail ». Si Causette réclame des réformes politiques et !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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juridiques, le magazine semble proposer également, à travers des exemples de vie d’autres pères, de faire leurs propres armes et de contourner le droit. Cet art de faire ou ce braconnage fait partie de la figure du « nouveau père » proposée par les journalistes dont le pouvoir tutélaire semble se déplacer dans des formes de « microphysique du pouvoir ». Elle prend vie dans l’agir comme il a été montré précédemment dans la description des corps. Mais elle semble aussi façonner une certaine écriture journalistique proche de certains guides pratiques au sens positif du terme qui rempliraient une fonction politique.

En effet, face aux politiques publiques autour du congé paternité jugées insuffisantes par Anna et Maëylis, elles ont mis en valeur les tactiques du quotidien des hommes pour les contourner. Selon Michel de Certeau, la tactique n’est pas calculée et anticipée comme la stratégie. Cet art du faible est un mouvement qui fait du coup par coup en situation et à un moment donné : c’est l’implicite (le quotidien) qui déjoue l’explicite (le droit) et rejoue avec les règles du jeu. Les journalistes décrivent alors une certaine vision du politique qui se joue aussi en dehors des institutions dans l’espace privé. Si ce problème public rend visible le privé, il invite aussi à le préserver comme un espace de liberté politique dans les pratiques. Par ailleurs, cette description de la paternité est aussi une façon de ramener les hommes vers des manières de faire quotidiennes que les femmes ont du emprunter face aux inégalités de genre qui ne cessent et n’ont cessé de les toucher. Décrire les hommes de cette façon revient à les familiariser et à les rapprocher des mères, dans une démarche relationnelle.

4. Conclusion

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Finalement, les journalistes construisent un point de vue, élaborent des méthodes de savoir et optent pour un style d’écriture triplement excluant de l’espace public selon Nancy Fraser115

. En effet, la revalorisation du banal, la construction des savoirs sur les expériences personnelles et les sentiments des hommes et la mise en place d’une « rhétorique de l’intime » représentent traditionnellement des obstacles pour pénétrer cet espace fondé sur un éthos « viril, rationnel et universel ». De fait, ce problème public invite à repenser le fonctionnement général de l’espace public et ses nouvelles dynamiques. En effet, il circule aujourd’hui dans différents espaces socio-discursifs. Finalement, la question du congé paternité est ici soumise à un processus de « désintellectualisation ». Ce terme prend ici un !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

115 Nancy Fraser, « Repenser la sphère publique, une contribution à la critique de la démocratie telle qu’elle

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sens positif et prône une compréhension sensible du réel : les journalistes se posent davantage

sur les causes et leurs impactes que sur les faits.

Pour aborder la dernière partie de cette recherche, j’aimerais désormais ouvrir une réflexion sur une autre figure qui semble émerger en demi-teinte : l’homme féministe.

C. L’homme féministe : la figure de l’homme invoquée par Causette !

Cette dernière partie, sera l’occasion de montrer l’émergence d’une figure qui découle de celle du « néo-daron », partout présente mais qui n’est pas explicitée comme telle par les journalistes : l’homme féministe. La démarche inclusive des femmes engagées dans ce dossier ne semble pas seulement valoriser les pères mais les pousser à s’engager pour une cause qui concerne aussi les femmes et leurs droits. Ici, je me focaliserai moins sur l’homme en tant que père que sur le père en tant qu’homme engagé dans une lutte contre les injustices sociales autour du genre. Ce point accordera une place importante à mon entretien réalisé auprès de Thibaut, un deuxième entrepreneur de cause resté relativement en retrait sur la sphère médiatique mais visible dans la société civile. Il pourrait être une des formes d’incarnation, hasardeuse mais heureuse, de l’homme-féministe invoqué par Causette. Dans cette partie, je comparerai la trajectoire de Thibaut (pas encore père) et ses processus de mobilisation avec ceux d’Iris afin d’identifier d’éventuels points communs entre ces deux acteurs. L’intérêt porté à cet homme me permettra de faire un retour sur la réflexivité des acteurs du problème public et de donner des perspectives à la notion de « cause commune ». Celle-ci travaillerait aussi les acteurs et aurait déjà une prise dans le réel avec Thibaut.

1. L’homme féministe : une figure omniprésente dans l’enquête et dans les entretiens

!

Si les journalistes se focalisent sur la paternité en proposant une figure à la fois idéale et contre-stéréotypée, le « néo-daron », elles développent toutefois a posteriori un discours plus large : « les hommes engagez-vous en tant qu’homme ». En effet, une autre figure du père autour de l’engagement semble se dessiner. Quels sont ces signes de l’engagement ?

Ces signes se lisent à deux niveaux dans les écrits des journalistes de Causette. D’une part, dans l’enquête avec la description de pères investis dans leur quotidien. D’autre part, la mise en scène de la parole des pères par les journalistes qui paraît mimer leur engager dans le