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1.3 Mesures de champs cinématiques et thermiques

1.3.3 Mesures de champs thermiques

C’est dans les années 1800 que William Herschell découvrit le rayonnement infrarouge du spectre électromagnétique. Il fallut attendre 1840 pour voir la réalisation de la première image thermique. Les caméras infrarouges ont ensuite été largement utilisées dans un but militaire et, depuis plusieurs décennies, ce moyen d’observation est devenu un moyen de mesure de plus en plus utilisé dans le monde de la recherche en mécanique des matériaux. Changements de phases [Shaw and Kyriakides, 1997; Iadicola and Shaw, 2002; Pieczyska

et al., 2004; Schlosser, 2008], plasticité [Badulescu et al., 2011], fatigue [Luong, 1995; Boulanger et al., 2004], localisation [Louche et al., 2005; Louche, 2009; Saai et al., 2010; Dumoulin et al., 2010]...Aucun domaine d’étude en mécanique expérimentale n’échappe aux détecteurs de caméras infrarouges de plus en plus performants.

1.3.3.1 Principe

La longueur d’onde des rayonnements IR est comprise entre 0.75 et 100µm. On dis-tingue les infrarouges proches (0.75-3 µm), moyens (3-6 µm), lointains (6-15 µm) et ex-trêmes (15-100 µm). Des détecteurs spécialisés, utilisés dans les caméras infrarouges, per-mettent de capter le rayonnement IR compris entre 2 et 14 µm, comme présenté sur la Fig. 1.11. Comme pour la lumière visible, un objet peut transmettre, absorber et réfléchir le rayonnement IR (Fig. 1.12.a). A partir du rayonnement IR détecté à une certaine lon-gueur d’onde, grâce à la loi de Planck et à des lois de calibration, il est possible de mesurer la température de ce corps.

Figure 1.11: Spectre du rayonnement électromagnétique. Intervalle plus réduit (2 à 14

Si l’objet observé émet dans l’IR, l’environnement aussi peut jouer sur la quantité du rayonnement IR arrivant sur les détecteurs de la caméra. L’atmosphère (Fig. 1.12.b) absorbe une partie du rayonnement provenant du corps observé. Elle émet également un rayonnement IR directement ou indirectement, via la réflexion sur l’échantillon.

Ainsi, la radiation totaleWtot reçue par les détecteurs vaut :

Wtot=ǫτ Wobj+ (1ǫ)τ Wenv+ (1τ)Watm. (1.1)

ǫ est l’émissivité de la surface de l’échantillon observé, τ la transmission de l’at-mosphère,Wobj,Wenv etWatm le rayonnement renvoyé respectivement par l’objet, l’envi-ronnement via l’objet et par l’atmosphère. La radiation recherchée étant celle émis par le corps, il vient :

Wobj = 1

ǫτWtot− (1ǫ)

ǫ Wenv−(1τ)

ǫτ Watm. (1.2)

Les capteurs d’une caméra infrarouge captent le rayonnement pendant un certain temps, appelé temps d’intégration. La quantité de rayonnement arrivant au détecteur est mesurée en Niveaux Informatiques (NI), appelés aussi Digital Level (DL) (Fig. 1.12.c). Ces DL dépendent de la température du corps qui émet les IR, de la température de l’environnement et du temps d’intégration. Ils sont transformés en température grâce à une loi de calibration établie à partir de corps noirs de référence.

Figure 1.12: Principe de base de la mesure par caméra IR. a) L’objet émet, transmet, absorbe, réfléchit les IR. b) Pour arriver aux détecteurs de la caméra IR, le rayonnement traverse l’atmosphère qui ne transmet qu’une partie du rayonnement émis par le corps ob-servé, et qui émet lui aussi des IR. c) La caméra IR capte les IR et transforme l’information en température via une loi d’étalonnage.

Pour finir, mentionnons que la caméra infrarouge utilisée dans cette étude est une FLIR SC 7000, ayant une résolution (NETD) de±20 mK et une précision de±2 K dans la gamme de température utilisée.

1.3.3.2 Problèmes expérimentaux

La connaissance de l’émissivité ǫ de l’échantillon est le premier point délicat, pour mesurer la température avec une caméra IR. L’émissivité est la capacité d’un corps à absorber le rayonnement incident émis par l’atmosphère et l’environnement. Elle prend une valeur comprise entre 0 et 1. Dans le cas où ǫ = 1, le corps absorbe l’ensemble du

rayonnement électromagnétique quelle que soit sa direction, sans en réfléchir ni en trans-mettre. Il émet un rayonnement électromagnétique qui ne dépend que de sa température. Il s’agit d’un corps parfait appelé corps noir. A l’opposé, si ǫ= 0, le corps n’émet pas de rayonnement infrarouge. Il peut transmettre et/ou réfléchir ce rayonnement.

L’émissivité d’un objet dépend de plusieurs paramètres, matériau, angle d’observation, longueur d’onde, température, rugosité, etc. Dans la suite de l’étude, ce paramètre sera contrôlé en déposant une peinture à haute émissivité (ǫ= 0.95, [Schlosser, 2008]) sur les échantillons avant chaque essai. Des images réalisées au microscope électronique à balayage de cette peinture sont présentées sur la Fig. 1.13. La surface de la couche de peinture est assez irrégulière (Fig. 1.13.a) et a une épaisseur mesurée de 25±5µm (Fig. 1.13.b).

Figure 1.13: Couche de peinture observée au microscope électronique à balayage. a) Sur-face de la peinture. b) Coupe d’un échantillon recouvert de peinture.

Ensuite, la maîtrise de l’environnementest un des facteurs clés pour réaliser une bonne mesure de température et pour réaliser par la suite un calcul de sources de cha-leur convenable [Poncelet, 2007]. La couche d’air présente entre l’objet observé et la caméra va absorber une partie du rayonnement émis (Fig. 1.12). La caméra étant placée à moins d’un mètre de l’objet observé, cette absorption n’est pas prise en compte. En re-vanche, l’absorption du hublot transparent au rayonnement IR qui sera utilisé, sera prise en compte. Ensuite, les transferts thermiques par conduction, convection et rayonnement, entre l’environnement et l’échantillon étudié (voir Fig. 1.14) peuvent dégrader la qualité de la mesure et rendre l’interprétation des données plus difficile. Lors d’un essai méca-nique par exemple, l’éprouvette à la température Tépr est maintenue entre des mors à la température Tmors. Il est important d’attendre un certain temps afin d’être assuré que, par conduction, Tépr = Tmors. Ensuite, les échanges thermiques par convection sont des conditions aux limites très délicates à maîtriser. Les mouvements de l’air ambiant jouent un rôle important sur la cinétique de chauffage ou de refroidissement de l’éprouvette. Si ces mouvements d’air ne sont pas constants au cours du temps et dans l’espace, il est difficile d’identifier les pertes de chaleur liées aux échanges par convection. Pour finir, si c’est grâce au rayonnement infrarouge qu’émet l’éprouvette qu’il est possible de faire de la thermographie, l’environnement aussi émet un rayonnement qu’il faut contrôler. Par exemple, les mors en acier polis auront tendance à réfléchir la température de l’éprouvette et de l’environnement sur l’éprouvette elle-même et vers la caméra, perturbant ainsi la mesure. C’est pourquoi les mors et tous les éléments à proximité de la scène à observer sont peints avec la même peinture à haute émissivité que celle utilisée, pour recouvrir les

échantillons.

L’expérimentateur, représentant une source de chaleur extérieure à la scène observée, peut lui aussi perturber les observations thermographiques. Pour éviter cela, l’ensemble caméra et scène à observer a toujours été isolé (carton, tissus opaques aux IR) de façon à ce qu’aucune réflexion du rayonnement émis par l’utilisateur et qu’aucun mouvement d’air parasite ne viennent perturber la mesure (voir Fig. 1.14).

Figure1.14: Échanges thermiques possibles par convection, conduction et rayonnement et précautions d’usages.