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2.4 Etude expérimentale

2.4.2 Mesure de la distribution de vitesse du jet atomique

On dispose généralement de deux méthodes pour mesurer la distribution de vitesse d’un jet :

• une méthode de temps de vol [141], qui ramène la mesure de vitesse à une mesure de durée • une méthode de fluorescence induite par laser, basée sur l’effet Doppler.

Nous avons choisi de mesurer la dispersion en vitesse du jet atomique par fluorescence induite par laser, technique qui était plus adaptée à notre montage.

A. Principe de la mesure

Un laser accordable permet de sonder par effet Doppler les différentes classes de vitesse pré- sentes dans un jet atomique. Les atomes qui, du fait de leur vitesse, entrent en résonance avec le laser, émettent un photon de fluorescence, que l’on peut collecter à l’aide d’un photomultiplicateur pour obtenir le flux d’atomes ayant une vitesse donnée. En répétant l’opération pour différentes fréquences sondes, nous accédons à la distribution de vitesse du jet atomique. L’enregistrement du signal de fluorescence en fonction de la fréquence du laser restitue fidèlement la distribution des vitesses du jet si deux conditions sont remplies:

– la largeur naturelle de la transition atomique est négligeable devant l’élargissement Doppler – l’élargissement par saturation de la raie atomique et la largeur de la raie laser sont négligeables.

L’expérience de fluorescence est schématisée sur la figure (2.10) où un faisceau laser pénètre dans l’enceinte à vide en faisant l’angle θ avec l’axe du jet atomique. Au premier ordre, l’effet Doppler dépend seulement de la projection vp de la vitesse de l’atome selon l’axe de propagation

du laser :

f (vp) = Z

d3v f (v) δ (vp− vzcos θ − vxsin θ) (2.46)

A partir d’une distribution Maxwellienne elliptique des vitesses, rappelée à l’équation (2.11), on détermine la fonction de distribution des vitesses projetées f(vp) en effectuant le changement de

variables suivant (vx,vz) −→ (v1,v2), l’axe y restant inchangé. Après intégration sur les vitesses vy

et v2, nous obtenons l’expression suivante de f(vp) :

f (vp) = µ m 2πkBT (θ)1/2 exp " −m (vp− u cos θ) 2 2kBT (θ) # (2.47)

avec T (θ) = Tkcos2θ + T⊥sin2θ (2.48)

La distribution f (vp) des atomes qui fluorescent est centrée en vp= u cos θ et sa largeur est reliée

à une moyenne pondérée des températures parallèles et perpendiculaires recherchées. Un premier laser A sonde le jet atomique sous un angle voisin de 45 : θA = 47,9 ± 0,5◦ pour accéder à la

température parallèle des atomes de lithium. Un second laser B, d’incidence proche de la normaleB ' 90◦), est sensible à la température perpendiculaire des atomes de lithium. La mesure du

décalage Doppler entre les pics A et B permet de déterminer la vitesse moyenne des atomes dans le jet atomique.

44 CHAPITRE 2. LE JET ATOMIQUE DE LITHIUM Laser Z PM Y X Z F O U R V2 V1

FIG. 2.10 – Schéma de l’expérience de fluorescence induite par laser (vue de dessus). Par effet

Doppler, le jet atomique est sensible à la projection vpde la vitesse de l’atome sur l’axe du faisceau

laser. Les photons de fluorescence émis sont collectés à l’aide d’une optique représentée sur la figure (2.11) et détectés avec un photomultiplicateur (P.M.).

B. Dispositif expérimental

La distribution de vitesse du jet atomique est analysée en utilisant un laser sonde, des étalons de fréquence et un dispositif permettant la collection et la détection des photons de fluorescence. La sonde laser On sonde le jet atomique à l’aide d’un laser à colorant qui excite successive- ment les composantes hyperfines de la transition 2S1/2 - 2P3/2 du lithium 7 à 671 nanomètres. Les données numériques concernant cette transition sont présentées à l’annexe A. Les densités de puissance laser utilisées, de l’ordre de 10−2 mW/cm2, correspondent à un paramètre de saturation

s ≈ 5 × 10−3, traduisant un élargissement par saturation négligeable de la raie atomique. Le la-

ser est stabilisé en fréquence grâce à un asservissement en cavité externe utilisant la méthode de Hänsch-Couillaud [102] qui permet d’obtenir une largeur de raie laser de l’ordre de 1 MHz. La fréquence du laser est modifiée à l’aide d’une cale piézoélectrique de course 5 µm montée sur l’un des miroirs de la cavité confocale utilisée pour l’asservissement Hänsch - Couillaud. Pour λL =

671 nanomètres, la longueur de la cavité laser étant de 1,7 m, l’excursion en fréquence du laser est de 1,3 GHz. Les deux faisceaux lasers A et B traversent l’enceinte à vide à travers des hublots de verre (BK7) et sondent le jet atomique 225 millimètres après l’embase de l’écorceur, à une distance suffisante pour que l’expansion supersonique soit terminée.

Etalons de fréquence La calibration des spectres de fluorescence est réalisée à l’aide d’une cavité confocale Fabry-Pérot de longueur L voisine de 30 centimètres. Cette cavité possède un intervalle entre pics consécutifs, c/4L, voisin de 250 MHz et une finesse de l’ordre de 100. Nous étalonnons ce Fabry - Pérot à partir d’un profil d’absorption saturé obtenu à partir d’une cellule de type Heat-Pipe [142] en utilisant l’écart de 803,5 MHz entre les deux niveaux hyperfins de l’état 2S1/2 du lithium 7. Un tel profil indique la position sur le spectre des raies atomiques du

lithium en s’affranchissant de l’effet Doppler. Cette référence de fréquence permet une mesure plus précise de la vitesse moyenne des atomes de lithium, le laser B n’étant pas toujours exactement perpendiculaire à l’axe z du jet atomique.

2.4. ETUDE EXPÉRIMENTALE 45 Collection et détection des photons de fluorescence Les photons de fluorescence sont détectés à l’aide d’une optique de collection représentée sur la figure (2.11), qui réalise l’image de la zone émissive sur la photocathode d’un photomultiplicateur (P.M.). Le montage optique comprend deux lentilles asphériques identiques (L1) et (L2), et une lentille de champ (LC) dont le rôle est de col-

lecter les photons situés légèrement en dehors de l’axe optique. Le miroir sphérique (M) augmente l’efficacité de collection en réflichissant la lumière vers la zone émissive.

Lasers A et B Photocathode du P.M. (L )1 (L )C (L )2 66 208 Y X Z (M)

FIG. 2.11 – Montage optique utilisé pour collecter les photons de fluorescence induite par laser.

Le miroir sphérique (M) réfléchit la lumière vers la zone émissive, les lentilles (L1) et (L2) sont

des lentilles plan convexes, de grand diamètre et de courte focale ( f10 = f20 = 50 mm), toutes les

distances sont exprimées en millimètres.

Une fois collectés, les photons de fluorescence sont détectés par un photomultiplicateur EMI 9658 de photocathode S20. Le signal de fluorescence est exprimé en unités arbitraires (u.a.), la valeur actuelle du rendement quantique étant suffisante pour enregistrer des spectres présentant un bon rapport signal sur bruit.

C. Résultats expérimentaux

Nous avons enregistré une série de spectres de fluorescence pour différentes pressions du gaz porteur argon. La figure (2.12) montre le spectre obtenu dans les conditions de référence : pression du gaz porteur argon de 330 millibars et température du corps du four de 1000 Kelvins, correspon- dant à une pression de vapeur saturante de lithium de 0,9 millibar. L’intervalle spectral libre utilisé pour la calibration est de 251,4 ± 0,5 MHz. Le signal d’absorption saturé du lithium est représenté pour les fréquences inférieures à 1750 MHz. Chaque spectre contient 2 000 points d’acquisition. L’analyse d’un spectre de fluorescence fournit des informations variées rassemblées dans le tableau (2.1): vitesse moyenne des atomes de lithium, température parallèle et perpendiculaire des atomes de lithium, intensité du signal de fluroescence.

Vitesse moyenne des atomes de lithium La vitesse moyenne des atomes est mesurée à partir du décalage Doppler entre les pics A et B correspondant au même niveau hyperfin (F = 1 ou 2). Nous obtenons u = 1010 ± 10 m.s−1. L’erreur sur la mesure est dominée par l’erreur sur la mesure du cosinus de l’angle θAconnu au mieux à 0,9 % près. La détermination de ce cosinus est

délicate car il n’est pas simple de mesurer des distances directement dans l’enceinte à mieux qu’un millimètre près. La comparaison des différents spectres permet de vérifier que la vitesse des atomes est indépendante de la pression du gaz porteur P0, en accord avec la loi théorique u = (5kBT /m1)1/2

46 CHAPITRE 2. LE JET ATOMIQUE DE LITHIUM 0 500 1000 1500 2000 2500 0 2 4 6 8 10 1A 2A 1B 2B Signal (u.a.) Fréquence (MHz)

FIG. 2.12 – Signal de fluorescence induite par laser en fonction de la fréquence du laser. Les pics

de fluorescence sont identifiés par la valeur du niveau F qu’ils représentent (F = 1 ou 2) et par une lettre (A ou B) qui indique quel faisceau laser est concerné.

vitesse moyenne des atomes d’argon u = 1060 m/s à l’équilibre thermodynamique. D’après P.A. Skovorodko [136], le décalage des vitesses entre atomes de lithium et atomes d’argon est de 1 %, et la vitesse moyenne des atomes de lithium est donc de 1070 m/s. L’écart observé avec la valeur théorique peut avoir différentes origines. La thermalisation du gaz peut ne pas être effective car le temps caractéristique d’écoulement du gaz dans la buse est de l’ordre de la seconde : le volume à vidanger est de quelques centimètres cubes et le débit de gaz émis à travers la buse est de 3 cm3/s

pour T0= 1080 K. Compte tenu de la difficulté de mesurer très précisément l’angle θA, cette mesure

de vitesse est peu fiable, et nous pensons que l’écart existant entre la valeur mesurée (1010 m/s) et la valeur théorique est liée à l’erreur commise sur la mesure de l’angle θA que nous pensons sous-

estimée. Une détermination plus précise de la vitesse moyenne des atomes de lithium est proposée au chapitre 6 et nous verrons que la valeur obtenue est alors en bon accord avec la théorie des jets supersoniques.

Température perpendiculaire des atomes de lithium La largeur des pics B devrait permettre de déterminer la température perpendiculaire des atomes de lithium T⊥2. Le laser B est en effet très

proche de l’incidence normale, comme le montre le profil d’absorption saturée. La zone observée du jet fait quelques millimètres de large ce qui correspond à une ouverture angulaire ∆θ du jet ato- mique de l’ordre de quelques 10−2 radian. Cette ouverture angulaire conduit à une dispersion de vitesse transverse u∆θ très supérieure à la dispersion de vitesse liée à la température perpendicu- laire. La température perpendiculaire n’aura donc pas d’interprétation simple, mais elle sur estime la température perpendiculaire réelle. Nous avons signalé que Beijerinck et Verster décrivent la distribution de vitesse transverse en utilisant une double Gaussienne [114, 134] et P.A. Skovo- rodko une fonction exponentielle [136]. Nous ajusterons nos points expérimentaux selon une loi Gaussienne car nous surestimons la température perpendiculaire des atomes.

2.4. ETUDE EXPÉRIMENTALE 47 Température parallèle des atomes de lithium La largeur des pics A détermine la température moyennée T (θ) définie par l’équation (2.48). Nous négligerons la contribution de T⊥ dans l’ex-

pression de T (θ) car nous considérons que la température perpendiculaire est surévaluée. Nous obtenons ainsi une borne supérieure pour la température parallèle Tk2 des atomes de lithium à partir de l’expression (2.48) qui devient :

Tk= T (θ)/ cos2θ (2.49)

Intensité du signal de fluorescence En mesurant sur chacun des spectres l’intensité de la fluo- rescence à partir du pic 2A, exprimée en unités arbitraires, nous avons une idée du comportement de l’intensité du jet avec la pression d’argon. La décroissance de l’intensité du jet lorsque la pres- sion d’argon augmente peut indiquer que le jet interagit avec le gaz résiduel, probablement au voisinage de l’écorceur.

Sur la figure (2.12), chaque pic de fluorescence a été ajusté séparément de son voisin à partir d’une loi Gaussienne. Dans la direction longitudinale du jet, cette approximation est très satisfai- sante (Cf. paragraphe (2.2)). La procédure de fit, basée sur une méthode de moindres carrés, fournit la température parallèle Tk2 = TkLi avec une incertitude de 0,2 Kelvin. L’erreur sur la mesure de

l’angle θA entraîne une erreur de 0,2 K sur la mesure de température parallèle. Nous estimons

donc que chaque température parallèle est mesurée avec une incertitude de 0,3 K. A cause de la difficulté de mesurer très précisément l’angle θAet l’incertitude sur la mesure de cet angle, on peut

craindre de sous estimer l’incertitude réelle et nous utiliserons une incertitude de 0,5 K. La table (2.1) montre que l’effet de refroidissement est clairement mis en évidence.

TAB. 2.1 – Mesures expérimentales de la vitesse moyenne et des températures parallèles et per-

pendiculaires des atomes de lithium. Pour chaque pression d’argon P0, la donnée de la tempéra-

ture parallèle des atomes d’argon, calculée par la loi semi-empirique de Beijerinck et Verster (Cf. 2.2.4), met en évidence l’effet de refroidissement des atomes de lithium.

P0(mbars) u(m.s−1) Tk1= TkAr(K) Tk2= TkLi(K) T⊥2(mK) Fluorescence (u.a.)

200 1020 32,6 10,1 493 8,5 267 1002 24,7 7,6 514 7,9 333 1009 19,9 6,6 497 7,0 400 1003 16,7 6,0 488 5,8 467 1015 14,4 6,1 546 6,6 534 996 12,6 6,0 593 5,0 600 1009 11,2 5,3 550 5,6