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5.2 Interférences en présence d’un champ magnétique

6.1.2 Aspect historique

L’histoire de la mesure de cette grandeur commence en 1901 lorsque le physicien W. Voigt prédit l’existence d’un analogue électrique à l’effet Zeeman [198]. En 1913, A. Lo Surdo [199] et J. Stark [200] observèrent séparément la levée de dégénérescence de niveaux d’énergies atomiques en appliquant un champ électrique. Les mesures spectroscopiques donnent accès à la différence de polarisabilité électrique des deux états impliqués dans la transition observée, mais ces mesures ne permettent pas de mesurer le déplacement énergétique d’un état par rapport à sa position en champ nul.

Premières mesures de polarisabilité atomique

Les premières mesures de la polarisabilité des atomes datent du début du XXiemesiècle. A cette

époque, la mesure était réalisée de manière indirecte en déterminant des constantes diélectriques (E. Hochheim, 1908 [201]) ou des indices de réfraction (C. Cuthbertson, 1911 [202]). Pour un gaz dilué, la relation entre polarisabilité et constante diélectrique εr est donnée par la formule de

Clausius - Mossotti : α = 3 4πn µ εr− 1 εr+ 2 ¶ (6.9) où n désigne la densité du gaz. Cette méthode s’est révélée très adaptée pour mesurer la pola- risabilité électrique de gaz rares dilués et elle est encore utilisée de nos jours pour mesurer la polarisabilité de ces atomes.

6.1. INTRODUCTION 149 La méthode par déflexion électrostatique

Une méthode de mesure directe de la polarisabilité électrique est d’observer la déflexion d’un jet atomique ou moléculaire collimaté à travers un champ électrique inhomogène. Lorsque le champ électrique est dirigé selon un axe z, la force exercée sur l’atome par le champ s’écrit :

Fel= αE µ dE dz ¶ (6.10) On trouvera une description de ce genre d’expériences dans le chapitre X du livre Molecular Beams de N.F. Ramsey [19]. La conception du déflecteur électrostatique doit créer un champ et un gra- dient de champ tels que la déflexion soit homogène sur un volume suffisant pour l’expérience. La déflexion électrostatique des atomes variant comme v−2, où v désigne la vitesse de l’atome, l’in-

certitude sur la connaissance de la distribution de vitesse des atomes constitue la cause dominante d’erreur dans la détermination de α.

Dès 1934, H. Scheffers et J. Stark [203] ont mesuré la polarisabilité d’atomes alcalins en me- surant la déflexion du jet atomique en utilisant un détecteur à fil chaud. Cette mesure constitue la première mesure de la polarisabilité électrique de l’atome de lithium. Elle a conduit à une valeur αLi= (12 ± 0,6) × 10−30m3, qui se révèlera beaucoup trop faible. L’erreur de cette mesure semble

provenir du fait que la distribution réelle de vitesse du jet atomique de lithium n’était pas bien décrite par la théorie.

Ce travail pionnier a conduit à chercher à mieux connaître la dispersion de vitesse des atomes et en 1963, G.E. Chamberlain et J.C. Zorn [204] mesurèrent la polarisabilité de l’atome de lithium avec une précision de 6,8 % correspondant à αLi= (22,0 ± 1,5) × 10−30 m3.

La déflexion électrostatique constitue encore l’une des rares déterminations expérimentales de la polarisabilité de certains atomes comme l’atome d’hydrogène, mesurée en 1936 par H. Scheffers et J. Stark [205, 206]. Cette technique est actuellement utilisée sur les agrégats d’atomes et de molécules éventuellement complexes et elle fournit alors un test intéressant de la structure de l’agrégat [197].

La méthode "E - H gradient balance"

Cette méthode, proposée pour la première fois par B. Berderson en 1961, consiste à compenser l’action de la force de déflexion électrostatique par une force magnétique, résultant de l’interaction d’un moment dipolaire magnétique avec un gradient de champ magnétique. Les pièces polaires l’électro-aimant à fer sont les électrodes du condensateur et ceci assure qu’en l’absence de satura- tion de l’aimantation du fer, les champs E et B sont proportionnels. L’expérience consiste alors à ajuster l’intensité relative de ces champs de manière à ce que les forces électriques et magnétiques soient exactement opposées pour un niveau (F,MF) :

αLiE µ ∂E ∂z= −µ(MF) µ ∂B ∂z ¶ (6.11)

µ(MF) désignant le moment dipolaire magnétique de l’atome dans le sous - niveau MF. Lorsque

Ez(∂Ez/∂z) = Bz(∂Bz/∂z), la condition (6.11) peut être réécrite sous la forme :

150 CHAPITRE 6. POLARISABILITÉ DE L’ATOME DE LITHIUM

L’expérience est réalisée pour un champ magnétique B fixé, en balayant le champ électrique E et en observant les atomes non défléchis. Des pics de résonance, correspondant aux divers niveaux (F,MF) apparaissent lorsque la condition (6.11) est satisfaite, et la mesure de la polarisabilité

est déduite de celle des champs électrique et magnétique et du moment dipolaire magnétique. L’avantage de cette méthode est qu’elle ne dépend pas de la vitesse de l’atome. En contre - partie, la barre d’erreur est dominée par la mesure de l’intensité des champs électrique et magnétique appliqués et de leur gradient.

Cette méthode a été appliquée pour la première fois en 1961 par A. Salop et B. Bederson, qui ont ainsi obtenu pour la polarisabilité la valeur αLi = (20,0 ± 3,0) × 10−30 m3 [207]. Dans

cette expérience, le champ magnétique était déduit de la connaissance de la valeur du champ pour laquelle µ(MF) = 0.

En 1974, B. Bederson améliora la précision sur la détermination de la polarisabilité des alcalins en comparant dans le même appareil la polarisabilité de l’atome à mesurer et celle de l’état méta- stable3S

1 de l’hélium, qui avait été calculée avec une très bonne précision par Chung et Hurst en

1966 [208]. Lorsque le même champ magnétique est utilisé pour satisfaire la condition d’équilibre (6.11) pour l’atome alcalin et l’atome de référence, la polarisabilité de l’atome alcalin (du lithium en l’occurrence) est de la forme :

αLi= αr · µ(MF) µr ¸ µ Vr V2 (6.13) en désignant par αr, µr et Vr la polarisabilité électrique, le moment magnétique et le potentiel

électrique correspondant à l’atome de référence. Cette méthode, qui permet de s’affranchir de la plupart des effets systématiques sur la mesure de αLi, constitue la détermination expérimentale

la plus précise à ce jour de la polarisabilité électrique de l’atome de lithium. B. Bederson et ses collaborateurs ont ainsi obtenu une précision de 2,1 % [209]:

αBedersonLi = (24,3 ± 0,5) × 10−30m3 (6.14) Effet de la structure hyperfine sur la polarisabilité électrique du lithium

La dépendance de la polarisabilité électrique avec les sous - niveaux hyperfins a été étudiée sur le plan théorique, en particulier par U. Kaldor [210]. Sur les alcalins, il est possible de mesurer avec une excellente précision le déplacement relatif de deux niveaux hyperfins (F = I + 1/2,MF = 0)

et (F = I − 1/2,MF = 0) en mesurant la fréquence de la transition (qui est celle des horloges

atomiques) en fonction du champ électrique appliqué. Cette mesure a été faite pour tous les alcalins par R. Mowat [211], qui donne, pour l’atome7Li, un déplacement de cette fréquence égal à :

δ f = −0,061(2) × 10−10E2 Hz (6.15) où le champ E est mesuré en V/m. Il est facile de convertir cette quantité pour en déduire la différence relative entre les polarisabilités électriques des deux niveaux :

α(F = 2,MF = 0) − α(F = 1,MF = 0)

αLi = −0,30 × 10

−5 (6.16)

Nous pouvons considérer que ces deux niveaux hyperfins ont la même polarisabilité avec une excellente approximation.

6.2. PRINCIPE DE LA MESURE INTERFÉROMÉTRIQUE 151