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2.4 Etude expérimentale

2.4.1 Le four de lithium

La production d’une vapeur atomique s’effectue en chauffant l’élément chimique pour atteindre une pression de vapeur saturante suffisante. Lorsque la température du four est comprise entre 700 et 1000 K, la pression de vapeur saturante du lithium, exprimée en millibars, est donnée par [139] :

Log10(PLi) = 8,137 − 8172/T0 (2.44)

où T0désigne la température du four exprimée en Kelvins. La figure (2.7) montre qu’une pression

de vapeur saturante de 1 millibar est obtenue en chauffant du lithium à la température de 1005 Kel- vins soit environ 730C. La construction d’un jet thermique d’atomes de lithium est donc à priori plus délicate qu’avec les autres alcalins, ces derniers nécessitant des températures de chauffage bien inférieures pour obtenir la même pression de vapeur saturante. Je commencerai par décrire le four utilisé à Toulouse avant de détailler son utilisation, depuis le chargement du lithium jusqu’à son utilisation. Le principe du four est décrit par R. Delhuille dans sa thèse [101]. Je ne présenterai ici que les points essentiels, en insistant sur les modifications effectuées pour fiabiliser le dispositif.

40 CHAPITRE 2. LE JET ATOMIQUE DE LITHIUM 700 750 800 850 900 950 1000 1050 1100 1E-4 1E-3 0,01 0,1 1 P L i ( m b a r ) Température (K)

FIG. 2.7 – Pression de vapeur saturante du lithium en fonction de la température de chauffage.

A. Conception du four

Notre four s’inspire largement du dispositif utilisé au LASIM à Lyon par M. Broyer et Ph. Du- gourd pour produire des agrégats de lithium [140]. Le chauffage du four s’effectue par conduction thermique à l’aide d’éléments chauffants à extrémités froides fabriqués par la firme Thermocoax. Ce mode de chauffage a été préféré au chauffage par rayonnement, qui nécessite des courants de plusieurs centaines d’ampères et l’évacuation d’une puissance de chauffage de plusieurs kilowatts. Munis d’extrémités froides, les éléments chauffants sont prévus pour fonctionner jusqu’à environ 1100 Kelvins. La figure (2.8) est un dessin technique du four utilisé à Toulouse dont une photogra- phie est représentée sur la figure (2.9).

FIG. 2.8 – Dessin technique du four de lithium utilisé à Toulouse.

Le four se décompose en deux parties: le corps, qui contient le creuset de lithium, et la partie avant, à hauteur de la buse, trou de diamètre d = 200 micromètres, percé dans une paroi d’inox d’épaisseur e = 0,3 millimètre. Le chauffage du corps, partie la plus massive, est assuré par deux

2.4. ETUDE EXPÉRIMENTALE 41 éléments chauffants. Un élément chauffant supplémentaire, utilisé à l’avant du four, surchauffe la partie avant d’environ 80◦C par rapport au corps ce qui limite les risques d’obstruction de la buse.

Chaque élément chauffant est alimenté par une alimentation stabilisée de puissance 90 Watts. La puissance nécessaire au chauffage est minimisée par l’utilisation de deux écrans thermiques qui entourent le corps. Un troisième écran, construit en cuivre et refroidi à l’eau, permet d’évacuer la chaleur rayonnée et d’éviter de chauffer l’enceinte à vide. L’arrivée du gaz porteur s’effectue par l’arrière du four, dans la zone la plus froide, pour éviter que du lithium n’obstrue la conduite. L’étanchéité du dispositif est assuré par un joint cuivre CF35, situé à l’arrière du four.

FIG. 2.9 – Photographie du four de lithium utilisé à Toulouse.

Nous mesurons la température du four aux points B (buse) et C (corps) à l’aide de deux ther- mocouples de type K de précision 1 %. La température T0, lue sur le thermocouple au point B de la £gure (2.8) diffère de la température réelle à hauteur de la buse à cause des pertes par conduc- tion thermique. Un bilan d’énergie permet de véri£er que cette correction est probablement négli- geable : le thermocouple B est situé à r= 8 millimètres du centre de la buse d’épaisseur e = 0,3

millimètre, si bien que la température réelle Tb, s’écarte de la température lue Tlue de:

1/Tb3= 1/Tlue3 − 3εσr2/(4Ke) (2.45) oùσdésigne la constante de Stefan - Boltzmann et ε= 0,35 l’émissivité de la surface du four de

conductivité thermique K = 0,1W.cm−1.K−1. Le calcul montre que la correction sur la valeur de

T0est effectivement négligeable.

B. Mode opératoire: chimie du lithium et de l’argon

A température ambiante, le lithium se présente sous la forme d’un métal blanc, solide, plutôt mou, de densité 0,53 g.cm−3 à 300 Kelvins, dont le point de fusion est de 180 ◦C [103]. Ce réducteur s’oxyde facilement, notamment au contact d’eau, du dioxygène et réagit même avec le diazote. L’oxydation du lithium limite les performances du four en augmentant le risque d’obstruer la buse. Pour minimiser ces risques, nous utilisons depuis le printemps 2003 du lithium conditionné sous argon commercialisé par la £rme Neyco par ¤acons de 5 grammes, que nous stockons dans une enceinte où sont placées des pastilles dessicatrices. Les ¤acons sont enfouis dans du sable car

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le lithium peut s’enflammer et les feux d’alcalins, feux de classe spéciale, sont très dangereux. D’après le fournisseur, un flacon typique contient 99 % d’atomes de lithium, 0,74 % d’atomes de sodium et des atomes de potassium à l’état de traces.

Chargement du four Les résidus de lithium situés dans la buse et le creuset de lithium sont nettoyés en les oxydant avec de l’eau. La réaction d’oxydation, exothermique, libère des sels de lithium de couleur jaunâtre et le milieu devient basique. Il est donc vivement conseillé de mani- puler le lithium en milieu ventilé, muni de lunettes et de gants. Les gants permettent également de préserver l’état de surface du lithium lors de son chargement dans le four. Ce chargement com- mence par une phase de nettoyage des pièces mécaniques à l’éthanol. Les solvants commerciaux généralement associés aux bains à ultra-sons me semblent peu recommandables, certains d’entre eux ont pollué le corps du four pendant plusieurs semaines. Un chargement d’environ 3 grammes de lithium permet de disposer d’une autonomie d’utilisation de plusieurs mois tout en minimisant les risques d’obstruction de la buse, le lithium étant un liquide très mouillant.

Pureté du gaz porteur argon Le gaz porteur, de l’argon pour la plupart de nos applications, est fourni par la firme Air Liquide avec une pureté de 99,999 %. Nous éliminons les impuretés rési- duelles (eau, dioxygène) en interposant entre le détendeur et le creuset de lithium une cartouche purificatrice vendu par l’Air Liquide3. Le seuil de filtration de la cartouche est de 20 micromètres, et la teneur en impuretés en sortie de la cartouche est inférieure à 0,4 ppmv dans le cas de l’eau (≤ 0,1 ppmv pour du dioxygène). Nous estimons qu’en maintenant un faible débit d’argon en perma- nence à travers la buse, nous réduisons encore les risques d’oxydation du lithium. L’ensemble de ces précautions nous a permis d’obtenir un fonctionnement fiable du four, et l’autonomie d’utilisa- tion, dorénavant de plusieurs mois, est maintenant le plus souvent limitée par la quantité de lithium introduite.

Utilisation du four Une fois le lithium introduit dans le corps du four, la vapeur de lithium est portée à la température de référence T0 = 1080 K. Cette température est celle de la partie

avant du four et la partie arrière est portée à 1000 K. Ces valeurs sont limitées par la qualité de l’enroulement des éléments chauffants et nous atteignons les conditions de référence (T0 = 1080

K, P0 = 330 mbars) au bout d’une heure de chauffage. Lors de la première utilisation d’un four,

j’ai constaté que le jet atomique n’est pas d’emblée opérationnel car, dans les premières heures de chauffage, des espèces chimiques viennent polluer le jet d’atomes de lithium. L’hypothèse la plus vraisemblable est le rôle joué par les atomes de sodium. De pression de vapeur saturante plus élevée, ces atomes s’évaporent plus rapidement et s’ionisent sur le détecteur à fil chaud. En l’absence de système de détection approprié, on ne peut pas exclure la formation d’hydrures de lithium LiH, synthétisés en piégeant les dernières traces d’humidité. Il existe donc un effet de retard à l’utilisation, qui cesse dès que ces composés ne sont plus présents dans le jet. La durée du phénomène dépend des précautions décrites ci-dessus. Elle n’excède en général pas quelques heures. Après utilisation, nous éteignons le four de lithium de manière progressive en surchauffant en permanence la partie avant du four, d’environ 80 K par rapport à la partie arrière, de manière à réduire au maximum les risques d’obstruction de la buse. Le corps du four étant assez massif, le refroidissement du four, qui s’effectue presque exclusivement par rayonnement, prend en général plusieurs heures.

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