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Mener un focus group pour renforcer un statut de recherche appliquée et proposer des grands recherche appliquée et proposer des grands

des troubles cognitifs

6.4 Mener un focus group pour renforcer un statut de recherche appliquée et proposer des grands recherche appliquée et proposer des grands

messages

Afin de proposer des pistes de réflexion sur la base des conclusions tirées de mon travail de description et d’analyse, une discussion sous forme de table ronde a été organisée. Le focus group (réunissant des acteurs/trices avec des occupations diverses, mais étant tous et toutes inscrits dans le paysage du prendre soin des cantons de Genève et de Vaud) a la caractéristique d’être affirmatif dans l’expression de points de vue et d’opinions (Bréchon, 2011, p. 29).

Il a réuni cinq personnes, ainsi que mon directeur de thèse et une collègue venue prendre des notes. Deux personnes qui devaient initialement prendre part à la discussion ont finalement été rencontrées plus tard.

La méthode du focus group porte sur la rencontre d’acteurs/trices que l’on peut considérer comme appartenant à un groupe (Bréchon, 2011). Elle a le potentiel de faire dialoguer des personnes autour d’un sujet. Elle permet d’observer comment les personnes interagissent — et notamment d’identifier les points d’entente et de friction — tout comme elle enrichit les informations par la complémentarité des propos (ibid.). Elle est en revanche plus difficile à « guider » que l’entretien individuel ou collectif. La discussion menée en date du 15 janvier 2020 était orientée vers la vérification d’un postulat : les modalités d’encadrement de la fabrique de l’habitat méritent d’être interrogées par un collectif réunissant des secteurs diversifiés, dans le but d’améliorer les conditions de vie des personnes que l’on tend souvent à « oublier ».

Objectifs du travail collaboratif

Les raisons qui m’ont poussée à inclure des « grands messages » en conclusion et en annexe ont déjà été exposées. Il s’agit ici d’expliquer pourquoi j’ai souhaité les faire émerger d’une discussion collective. Un premier intérêt, par rapport à des rencontres individualisées, est bien évidemment de pouvoir obtenir un maximum d’idées en peu de temps. Si cela demande plus de travail d’organisation en amont, le focus group permet de rencontrer plusieurs personnes en un lieu, à un moment.

Pour les participant-es, il donne une occasion de rencontre et de dialogue — il est moins exclusivement centré sur mes objectifs de recherche.

Un second intérêt porte sur la confrontation de positions — le focus group fait ressortir des avis divergents, ou du moins rend compte que les problématiques des un-es ne sont pas nécessairement les mêmes que celles des autres. À l’inverse, il est aussi un outil intéressant pour valoriser la complémentarité des engagements, et mettre en évidence des problématiques transversales et

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interdisciplinaires. Pour les participant-es, il peut être une occasion de formuler des satisfactions ou des frustrations de manière directe, et il est tout à fait intéressant d’observer qu’elles sont exprimées de manière encore plus franche que dans les entretiens.

La formulation de pistes de réflexion identifiées et discutées avec un collectif est aussi une manière d’interroger la production scientifique. Il n’était pas question de s’accorder une forme de supériorité illégitime sous couvert de « scientificité » en rédigeant ce chapitre seule. La collaboration est en outre protectrice, lorsque justement (et légitimement), on remet en cause la toute-puissance de la recherche académique. En ce sens, le focus group porte un double intérêt supplémentaire : il mêle les connaissances et les opinions de plusieurs acteurs/trices, et fait le pont entre recherche et pratique.

Il me semble que le focus group a également permis d’atteindre un objectif allant au-delà des attentes initiales : la rencontre de personnes de divers milieux dans un contexte inhabituel — sans enjeux directs pour elles — a peut-être offert un cadre permettant une plus grande liberté d’expression. L’intensité de la discussion dans laquelle j’ai eu de la peine à m’imposer, sa prolongation au-delà du temps initialement annoncé et les échanges de coordonnées entre les personnes présentes à son issue me semblent être des signes favorables à l’amorce du débat que je souhaitais initier avec les grands messages conclusifs. Ainsi, ce ne sont pas que les résultats qui portent un intérêt, mais également la méthode en elle-même.

Déroulement de la séance

Dans un premier temps, le focus group nécessite de recruter des participant-es, soit des personnes faisant partie d’un même « groupe », mais avec des positions permettant de représenter la diversité de ce dernier. Au final, ce sont sept acteurs/trices qui devaient se retrouver autour d’une table. Mon principal regret repose sur l’absence des « premiers/ères concerné-es » : les personnes vivant avec une forme de démence ou leurs proches aidant-es. Trois personnes ont été contactées, dont deux n’ont jamais répondu. La troisième n’avait pas des disponibilités correspondant à celles de la majorité, et la rencontre en différé (comme cela fut le cas pour les deux personnes absentes) ne s’est pas légitimée, puisque le projet reposait sur la discussion collective à laquelle elle ne pouvait dès le départ pas prendre part.

Une fois le groupe constitué et la date fixée, deux documents ont été envoyés à chaque participant-e : le résumé de ma thèse et une première identification des problématiques principales, constituant huit thèmes pouvant faire l’objet de

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recommandations. Le second document présente des titres de recommandations (cf. tableau 8) ainsi qu’une brève explication des problèmes observés, et laisse libres de texte deux sections : Qui peut agir ? Comment peut-on agir ? Il a été présenté comme une trame commune servant de point de départ, tout en précisant que tous les points peuvent être discutés, y compris la formulation des problématiques. La rencontre s’est faite dans des locaux de l’Université de Genève. La durée de la rencontre a été fixée à deux heures et demie.

Recommandation 1 : Décloisonner les secteurs politiques et opérationnels.

Recommandation 2 : Élargir les échelles de réflexion et d’action.

Recommandation 3 : Centraliser et rendre visibles les informations.

Recommandation 4 : Être à l’écoute et favoriser l’empowerment.

Recommandation 5 : Maximiser l’étendue, la qualité et la diversité de l’offre

« spécialisée ».

Recommandation 6 : Accorder le discours et l’action.

Recommandation 7 : Clarifier et déployer la vocation du dispositif.

Recommandation 8 : Flexibiliser — penser les parcours de vie.

Tableau 8 Titres des recommandations soumises avant le focus group

La séance était prévue en trois temps : dans le premier, je prenais la parole pour l’accueil, la présentation des principaux objectifs et résultats de la thèse et l’inscription de la rencontre dans la recherche. Par la suite, une discussion sur table, en deux groupes, devait permettre aux participant-es de faire connaissance et d’engager la discussion. Le troisième temps réunissait tout le monde pour une discussion collective que j’avais prévu d’organiser selon la trame des huit recommandations. In fine, le déroulement a pris une forme différente, probablement plus « libre » que ce qui était prévu. Après mon temps de parole, les participant-es ont été invités à discuter dans un seul groupe (puisque deux personnes étaient absentes). Malgré deux tentatives pour intégrer la structure autour des recommandations après la prise de parole de départ, la discussion a suivi son cours — l’avantage étant qu’elle offrait plus de spontanéité. Après deux heures et demie, j’ai présenté une conclusion et remercié les participant-es. Pour autant, la discussion s’est poursuivie pendant quarante minutes avec quatre des cinq membres du groupe.

La méthode s’est avérée concluante puisque des éléments sont ressortis sur chacun des points identifiés dans le document de départ et que d’autres ont émergé (notamment une neuvième recommandation : Assurer une planification et une expertise transversales et multiscalaires). En revanche, il a été nécessaire

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de faire face à plusieurs imprévus : sur la forme, cela concerne essentiellement le prolongement au-delà de l’horaire et la tournure moins structurée que ce qui était annoncé, en raison de ma relative absence dans la discussion. En effet, si j’ai joué un rôle actif dans l’organisation de la réunion et l’identification des objets de discussion, j’ai en revanche été essentiellement observatrice au moment de la discussion — il a été difficile d’interrompre le débat dont je me suis en partie sentie outsider (créant ainsi une séparation nette entre la chercheuse et les praticien-nes). Je craignais en outre qu’en revenant sur une forme trop standardisée, les échanges perdent en richesse d’informations. Sur le fond, il ressort que si certaines recommandations ont pu émerger, ce sont essentiellement des pistes de réflexion qui ont été formulées — permettant l’approfondissement des causes et conséquences des problématiques. Cela a entraîné une modification conséquente de la partie envisagée.

Utilisation des éléments de discussion dans la thèse

Les informations obtenues dans le focus group ont été en partie insérées dans les chapitres d’analyse (en particulier dans le chapitre 9), la conclusion et font l’objet d’une fiche en annexe 4. Elles ont permis de vérifier les thèses et postulats de l’ensemble de la recherche et d’en affirmer l’inscription au cœur de la pratique.

S’il a été choisi de faire apparaître ses principaux résultats sous forme de

« grands messages » dans la conclusion de la thèse, la version en annexe (recommandations) a pour vocation de pouvoir en être détachée. Sa rédaction a en effet été pensée pour qu’elle puisse être mobilisée comme « feuille de route » hors du contexte de ma thèse — et plus généralement de celui de la recherche académique. Ce choix a aussi été fait afin de mettre en évidence sa valeur collective. L’ensemble de la recherche s’est construit avec la participation directe ou indirecte de nombreux acteurs/trices de terrain et chercheurs/euses, mais ce volet représente en tout point une collaboration avec les participant-es à la discussion, où mon rôle aura essentiellement été d’organiser la rencontre et d’en transmettre les résultats.

Puisque la discussion a pris une forme ne répondant pas à la structure imaginée, une première écoute de l’enregistrement a servi à organiser les segments et à les rattacher à l’une des recommandations — voire à en créer une nouvelle. Par la suite, deux autres écoutes avaient pour but d’en extraire les éléments permettant de construire le propos, puis de le nourrir. Contrairement à ce qui a été fait pour les entretiens, je n’ai pas fait une retranscription complète. Il a été plus aisé de mettre en forme les propos puisque la connaissance de mes objectifs précis par les participant-es a ciblé la discussion autour des problématiques et de pistes de réflexion presque exclusivement.