3.5 Con urren e par omparaison en aléa moral et séle tion adverse
4.1.1 La mena e de ollusion
La ollusion est le phénomène d'entente entre agents é onomiques, désireux de se
soustraire, grâ e à leur oopération , au régime on urrentiel qui leur est imposé.
Ce omportement d'entente, qui nuit gravement au bien-être des onsommateurs,
est une pratique avérée de l'é onomie industrielle 1
. La ollusion peut prendre des
formesvariées,di ilementdéte tables expost :ententesurlesprix,répartitiondes
mar hés, oordinationdes annon es,attribution de quotasdeprodu tion...
Régulationet orrélation : la mena e de la ollusion
Ainsique nousl'avonsdéjà souligné de nombreuses fois dansle hapitre pré édent,
lesmé anismesde on urren epar omparaison semblent parti ulière ment sensibles
à la ollusion. Pouyet (2002) [85℄ rappelle que la on urren e par omparaison en-
gendre des externalités informationnel les entre les on urrents. En onséquen e,
es on urrentsvont souhaiter former un artel ollusif an de oordonner leurs dé-
isions et de ontrer les eets d'extra tion de rente desmé anismes de on urren e
par omparaison. Or, nous avons noté que plus les agents sont orrélés, plus la
on urren e par omparaison est intéressante pour la olle tivité. D'un autre té,
la rédu tion des rentes traditionnel lement abandonnées aux entreprises motive les
omportements d'entente.Et eux- isedéveloppentd'autantplusfa ilementqueles
entreprisessontpro hes,etdon orrélées.Onpressentdon unerelationintrinsèque
entre lapuissan ed'un mé anisme omparatifet les in itations àla ollusion.
Audelàdesin itationsàla ollusion,leseetsmêmesde elle- isurl'e ien edes
mé anismes omparatifssontà raindre. Danslamesureoù lesin itations résultent
dela omparaison desinformationsémisespar lesentreprises,la oordination de es
dernièresannihilel'e ien edumé anisme.Eneet,dans e aslesinformationssur
lesquellestravaillelerégulateur ne signalent plusla performan e del'entreprise. Au
ontraire,elles orrespondentàdesvaleursarti iellement hoisies,andemaximiser
l'utilité olle tive d'un artel.
Bienquelaplupartdesauteursquenousavonsdéjà itésmentionnentlamena e
de ollusion,seuleAuriol(2000)[59℄proposeunmodèlequisoitinitialementrobusteà
1
la ollusion. Nousproposons dans e début de se tiond'analyser leseets généraux
de la ollusion sur les mé anismes omparatifs. Nous distinguons deux as, selon
que les entreprises forment le artel ollusif après ou avant la dé ouverte de leur
ara téristique de produ tivité.À partir du adre proposépar Laont &Martimort
(2000) [73℄, nousenvisageonsdon l'impa t dela ollusion suivant qu'elleintervient
ex post ouex ante.
Collusion ex post : le modèle de Laont &Martimort (2000)
Laont&Martimort(2000)[73℄ proposent unerelationd'agen e,robuste àla ollu-
sion, bien que le prin ipal exploite la orrélation entre deux agents. Ils onsidèrent
le as où les deux agents sont invités à révéler leur préféren e pour la fourniture
d'un bien publi . Ils onsidèrent pour ela le adre général de Crémer & M Lean
(1988)[66℄.Dansle hapitrepré édent,nousavionsprésenté lemodèledeCrémeret
M Leanàl'aidedePouyet(2002)[85℄quil'appliqueàlarégulation.Nousavionsalors
pré iséquel'arti ledePouyettraitait plusparti ulière ment durledela orrélation
dans les in itations à la ollusion. En eet, Pouyet a repris le modèle de Laont
et Martimort, an de l'appliquer à une relation d'agen e régulateur - entreprises.
Nous nousréférons don plus expli itement au modèle de Pouyet pour expliquer le
mé anismeenvisagé par Laont et Martimort.
On onsidèredeuxentreprises orrélées etneutres aurisque; leur ara téristique
de produ tivité, dis rète, peut prendre deux valeurs :
β
∈ {β; β}
. Le régulateur one la produ tion à l'entreprise la plus produ tive, ou, en as d'annon es iden-tiques,partage laprodu tion entre lesdeuxagents. Laontet Martimort imaginent
quela ollusionintervientparletru hementd'untiers.Cetentremetteu rpropose
auxentreprisesdemaximiserlasommedeleurs utilités, enleurindiquantquelle a-
ra téristique annon er au régulateur. Il leur ore don un ontrat, ditparallèle,
suivant lequel elles doivent lui indiquer leur ara téristique 2
, an qu'il puisse opti-
miser lesannon es àfaire au régulateur. Ce ontrat prévoit également les transferts
par lesquelsles gains dela ollusion sontpartagés entre lesentreprises.
Rappelons lesgainset pertesauxquelss'exposentlesentreprisesà l'issuedu jeu,
dans e adrede Crémer et M Lean. Lorsqueles ara téristiques sont positivement
orrélées,leprot
πβ
i;βj
del'entreprisei
,de typeβi
, fa eà l'entreprisej
detypeβj
, vérie selon les as :πβ;β
60
πβ;β
> 0
πβ;β
< 0
πβ;β
>0
2
Cet agent,demêmequelerégulateur,ignoreinitialementles ara téristiquesdesentreprises;
Dans e adre, les in itations à former un artel ollusif dépendent don des
ara téristiquesdesentreprisesde lafaçon suivante :
Lorsque les deux entreprises sont e ientes, leurutilité expost est né-
gative(
πβ;β
60
pour ha une).Supposonsqu'unedesentreprisesannon eune ara téristiqueβ
quin'estpaslasienne.Elleengendrealors uneexternalitéin- formationnelle positiveen faveur del'autre, dontle protπ
β;β
devient positif. Bienqu'elle-même ontinued'obtenirunprotnégatif(π
β;β
),l'utilitédu artel s'entrouveaméliorée:2πβ;β
< π
β;β+πβ;β
.Cerésultatesten orerenfor ésiles deuxentreprisesdé ident dementir aurégulateur, puisquel'utilitéde ha unedevient positive(on passe de
πβ;β
60
à0 6 π
β;β
).Lorsque les entreprises ont des ara téristiques diérentes, elles ont
intérêt à e quel'entreprise e iente sefasse passerpour ine iente.
Lorsque les deux entreprises sont ine ientes,iln'estpasdansl'intérêt
du artelquel'une d'elles mente au régulateur.
Il existe don de multiples opportunités en faveur de la formation d'un artel.
An d'enannuler les onséquen es, Laont et Martimort dénissent un prin ipe de
robustesse faible à la ollusion. Le ontrat prin ipal oert par le régulateur est
faiblement robuste à la ollusion si, à son équilibre bayésien, le ontrat parallèle
optimal est nul ( 'est-à-dire qu'il aboutit à reporter les ara téristiques réelles au
régulateur).Ceprin ipe estsimilaireau prin ipede révélationdeBaron &Myerson
(1982) [61℄. Il s'agit pour le régulateur de se mettreà la pla e de l'entremetteur en
intégrant un ertainnombre de ontraintes danssonprogramme d'optimisation. De
ettefaçon,Pouyet notequele ontratprin ipal esttelqu'un artelsera systéma-
tiquement formé,mais quel'entremetteur re ommandera auxentreprises de révéler
honnêtement leur ara téristique.
L'introdu tiondes ontraintesderobustesseàla ollusiondansleprogramme du
régulateur onduit elui- i à distordre la quantité à produire par deux entreprises
ine ientes. On retrouve le résultat lassique qui onsiste à ne pas distordre par
rapport à l'optimum de premier rang le travail des entreprises e ientes. Pouyet
remarque néanmoins que e résultat de se ond rang tend vers l'optimum ave la
orrélationdesentreprises 3
.
Ainsi, dansune onguratio n deCrémer et M Lean, oùlerégulateur exploite la
orrélation entre les entreprises, la mena e de ollusion réduit l'e ien e du mé a-
nisme.Mais erésultat doit êtrerelativisé, danslamesureoù ils'atténuelorsque la
orrélationaugmente. Soulignonségalement quelatentation ollusivedans e adre
semble d'autant plus réduite que les entreprises sont orrélées. On se rappelle en
eet que plus les entreprises sont semblables, moins le risque de quitter le jeu ave
une désutilité élevée est grand. Inversement, deux entreprises faiblement orrélées
risquentd'important es pénalitésdanslejeuprin ipal.Ellesserontdavantagetentées
3
Rappelonsqu'il s'agit i i de orrélatio n positive. Mais Pouyetétudie également le as de la
orrélation négative entre les entreprises. Il montre que, dans e as, la ollusion n'est pas très
menaçantepourlerégulateur,puisqu'in itations individuelleset olle tivess'opposentalorssysté-
de re ouriraux servi esd'un entremetteur, pour s'assurer ontre lerisque.
Collusion ex ante : le modèle de Tangerås (2002)
Tangerås (2002) [89℄ omplête le travail de Laont et Martimort en onsidérant un
déroulementdujeudiérent.DanslesmodèlesdeLaont-Martimor tetPouyet,nous
avons vu que le artel ollusif se formait après que les entreprises aient dé ouvert
leur ara téristique.En e sens,onparle de ollusion ex ante lorsque les entreprises
s'engagent à oopérer lorsqu'elles n'ont en ore qu'une onnaissan e impré ise de
leur produ tivité. Dans e as, il n'y a pas d'asymétrie informationnel le entre les
entreprises, lors delaformation du artel.
L'analysede Tangeråss'ins rit dansle adredumodèled'Auriol (2000)[59℄.Les
entreprises ont lapossibilitéde sous rire un ontrat parallèle à elui du régulateur.
Ave des hypothèses légèrement diérentes de elles que nous avons exposées dans
la se tion 3.4, Tangerås retrouve des résultats similaires en l'absen e de ollusion.
Bienquelesentreprisesignorentleur ara téristique,ellesanti ipent larédu tionde
leurs rentes, dueau mé anisme omparatifdurégulateur. Ellessont don tentéesde
s'entendre ex ante, an d'annon er une ara téristique ommune
b = b
qui maxi- mise leur rente informationnel le. Tangerås reprend le prin ipe de robustesse faibleà la ollusion deLaontet Martimort. L'intégrati on de ontraintes supplémentaire s
permet dedénir un ontratprin ipal robuste àla ollusion. Enterme de bien-être,
l'issuede e ontratdépend alorsde lapossibilitéqu'ont les entreprises depro éder
à despaiementsparallèles entreelles.
Lorsquelesentreprisesn'ontpasa èsauxtransfertsparallèles,Tangeråsmontre
que le régulateur peut s'opposer sans oût à la ollusion. Il lui sut de donner au
jeu une onguration de dilemme du prisonnier en menaçant de ré ompenser
l'entreprisequiannon ehonnêtement
b = b
etdepénaliserl'autre,en asd'annon es in ompatibles4
. En revan he, lorsque les entreprises peuvent pro éder à des trans-
ferts entreelles, les ontraintes de robustesseà la ollusion deviennent oûteuses. Il
n'est pluspossibled'atteindre lasolution lassiquedese ondrang :lerégulateurest
ontraint de éder une rente aux entreprises. Tangerås montre que ette rente tend
à ompenser lesgainsdela on urren epar omparaisonlorsquela orrélationentre
les entreprises tend àêtre parfaite(
α
→ 1
).Tangeråsobtientainsidesrésultatsopposésà euxdePouyet.Cette ontradi tio n
apparente s'expliqueparleshypothèsesdiérentesdedéroulementdujeu.Lorsquela
ollusionintervientexpost,lerégulateurpeuttirerpartidel'asymétried'information
entreles entreprises. Notamment,tout refusdu ontrat parallèle par une entreprise
envoie un signal informatif à l'autre. En revan he, lorsque la ollusion intervient
ex ante,le régulateur ne peut plus exploiter e dé alage informationnel. Les rentes
demeurent oûteuses, et les in itations à la ollusion sont d'autant plus fortes que
4
Il s'agit don de rompre la symétrie des pénalités innies, proposées par Auriol & Laont
(1992)[56℄.Cettedispositionnemodieenrienlasolutionàl'équilibredujeu,puisqu'elle on erne
lesentreprisessont orrélées.Celajustiel'é artobservéentreles résultatsdesdeux
modèles.
Il est toutefois di ile de déterminer lequel de es deux types de modèle est le
plus pertinent. D'un té, il semble plus on evable que le artel ollusif se forme
après que les entreprises aient dé ouvert leur ara téristique ( ex post, plutt qu'ex
ante).D'un autre té, lamodélisationdela ollusion ex post parPouyet faitappel
au adre de Crémer et M Lean qui semble peu opérationnel dans notre ontexte
de régulation. Enn, le prin ipe de robustesse à la ollusion qui est mis en ÷uvre
est faible, 'est-à-dire qu'il ne garantit pas l'uni ité de l'équilibre robuste à la
ollusion. Ainsi, le omportement d'entente expli ite entre les entreprises réduit en
général sensiblement les eetsdesmé anismes omparatifs.
En pratique, il semble souhaitable d'assurer, autant que possible, que les en-
treprises ne seront pas tentées par un artel ollusif. Par exemple, en augmentant
le nombre d'entreprises impliquées dans le mé anisme de régulation, le régulateur
réduit les opportunités de ollusion expli ite. En eet, la multipli ation des agents
a roît la probabilité de déviation de l'équilibre ollusif, et diminue la stabilité du
artel.Unesolution,plussé urisanteen ore, onsisteà omparerlesannon espassées
desentreprises, avant qu'elles n'aient pu établirun artel.
Maissilesentreprisesdoiventêtreparti ulière ment suspe téesd'entente,lerégu-
lateurn'estpasau-delàdetoutsoupçon,danslamesureoùilpeutêtre apturé.Nous
onsidérons danslesparagraphes qui suivent, omment l'entente entrelerégulateur
et lesentreprisespeut perturber lemé anisme omparatif.