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Chapitre 3. Le développement et la migration comme possibilités à Chacsinkín

3.3 Les projets de développement dans la municipalité

3.3.4 Mayaoob

La Société de solidarité sociale (SSS) Mayaoob s‟est formée en 1996 avec l‟appui du prêtre de la paroisse, membre de Misioneros A.C. Mayaoob compte 25 membres, soit douze couples et un ancien membre de l‟équipe de Misioneros A.C., qui sans prendre part aux activités productives, conseille et administre les demandes de subvention pour le groupe. Mayaoob a mené plusieurs projets depuis ses débuts; au commencement, le groupe a entrepris l‟élevage de cochons dans le but de produire du gaz butane à partir du lisier. Malheureusement, il n‟y avait pas assez de bêtes pour que ça fonctionne. Son deuxième projet a consisté en la production de tilapia d‟élevage. Le groupe a reçu un financement pour acheter le bassin et a poursuivi ses activités pendant trois ans,

75 jusqu‟au jour où il a perdu contact avec son principal acheteur. Grâce à l‟argent amassé pendant ces trois années, le groupe s‟est acheté une terre de quarante hectares. Comme ils étaient maintenant propriétaires, les membres du groupe ont reçu un financement du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) pour faire creuser un puits sur leur terrain et faire l‟élevage d‟un troupeau de quelques six cent moutons. Malheureusement, le groupe a sous- estimé les besoins en nourriture du troupeau et les bêtes ont commencé à mourir peu à peu. Après avoir vendu ce qu‟il leur restait de bêtes, les membres du groupe ont décidé d‟investir dans l‟installation d‟une ligne électrique sur leur propriété afin de se doter d‟un système d‟irrigation. Le groupe a eu de la chance car la localité de Xno-Huayab a récemment été munie du courant électrique et leur propriété se trouve justement entre Chacsinkín et Xno-Huayab, à trois cent mètres des installations. Le groupe a dû débourser 120 000 pesos pour que la ligne se rende jusqu‟à leur puits, somme qu‟ils ont empruntée à un membre du groupe.

Depuis 2010, Mayaoob profite d‟un système d‟irrigation et se dédie au travail de la terre. Lors de mon passage, les hommes du groupe cultivaient le piment fort, une culture qui dure trois mois et qui peut rapporter à chacun jusqu‟à 2 500 pesos par semaine. Quand la saison se termine, vers la fin du mois de septembre, le groupe se lance dans la production de radis, de coriandre et de laitue. Sur une partie du terrain un peu plus rocailleuse, des arbres fruitiers ont été plantés. Ces produits sont vendus sur le marché de la municipalité d‟Oxcutzcab, à 50 kilomètres de Chacsinkín. Le groupe cultive aussi les produits de la milpa traditionnelle, soit le haricot, la courge et différentes variétés de maïs. Contrairement à la grande majorité des cultivateurs du village, ils ne sont pas dépendants de la pluie et leurs récoltes sont plus fructueuses. Les gains annuels sont malgré tout variables.

Les hommes du groupe se sont divisés la propriété en parcelles de même taille et chacun travaille de son côté. Une partie du terrain est laissée en jachère. Une part du profit de chaque membre lui revient directement et l‟autre part est déposée dans un compte d‟épargne commun pour couvrir les dépenses du groupe. Chaque homme s‟est vu assigner une parcelle de deux hectares qu‟il gère comme il l‟entend; deux d‟entre eux laissent leurs fils cultiver une partie de leur terre et profiter du système d‟irrigation. Les femmes du groupe, quant à elles, ne cultivent pas la terre;

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elles s‟occupent plutôt de tâches diverses pour le groupe comme la vente des produits ainsi que le séchage et l‟entreposage des semences.

Certaines femmes mènent des activités génératrices de revenus au sein d‟un autre groupe. Par exemple, trois d‟entre elles ont monté un projet de fabrication de sirop de fleurs d‟hibiscus. Elles le vendent soit au village sur commande, soit en faisant du porte-à-porte à Peto le samedi. Le profit hebdomadaire de ce petit groupe est d‟environ 80 pesos par personne. Certaines autres femmes du groupe font aussi des sucreries à base de papaye et de courge et une d‟entre elles est membre du groupe de productrices d‟horchata. Ce ne sont pas toutes les femmes du groupe qui peuvent s‟investir dans de tels projets; certains époux n‟aiment pas l‟idée que leur femme se promène „sans surveillance‟ à l‟extérieur du village.

À l‟époque où ce groupe s‟est formé, deux autres semblables ont vu le jour. Cependant, ils se sont démantelés. Lorsque questionnés sur les raisons de la longévité de leur groupe malgré des échecs répétés, les membres de Mayaoob affirment qu‟ils en tirent des avantages uniques comme l‟accès au système d‟irrigation et au compte d‟épargne commun. De plus, ils sont presque tous parents les uns avec les autres, ce qui peut atténuer les conflits car des relations d‟autorité sont déjà établies entre eux. Les membres de Mayaoob considèrent que le travail au sein de leur groupe est suffisant et qu‟ils n‟ont pas besoin de migrer pour subvenir aux besoins de leur famille. Ils mènent par contre plusieurs activités parallèles comme la confection de hamacs, de

hipiles, la participation à d‟autres projets générateurs de revenus, l‟élevage d‟animaux de basse-

cour et la culture de certains produits sur la terre communautaire ou sur leur terrain privé.

Les projets de développement s‟inscrivent parmi une multitude d‟autres activités rémunératrices. L‟importance du revenu tiré de ces projets parmi les autres sources de revenus au sein d‟une maisonnée est variable d‟un projet et d‟une famille à l‟autre. Dans tous les cas, la participation aux projets de développement générateurs de revenus requiert des membres qu‟ils soient présents au village, ce qui les coupe de la possibilité de migrer. De façon corollaire, les personnes migrantes n‟ont pas la possibilité de participer aux projets de développement générateurs de revenus. Un portrait des différentes formes de migration permettra de comparer les avantages et

77 les inconvénients de ce type d‟option par rapport aux possibilités offertes par les projets de développement.