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Chapitre II Relations entre maturité scolaire, autorégulation et devenir scolaire

II.2 De la maturité scolaire à la régulation cognitive et comportementale

II.2.1 La maturité scolaire

II.2.1.1 Terminologies

Si le terme de maturité scolaire comprend différentes acceptions, il comprend aussi de nombreux synonymes dans la littérature. La littérature anglo-saxonne tend à privilégier le terme school readiness (Blair, 2002; Carlton & Winsler, 1999; Duncan, et al., 2007; G. R. Gredler, 1992; Lemelin, et al., 2007; Olsen & DeBoise, 2007), mais on rencontrera également d’autres dénominations relatives à des concepts sensiblement identiques. Les termes de school adjustment ou early school adjustment (Ladd, Birch, & Buhs, 1999; Nettles, Caughy, & O'Campo, 2008; Reynolds & Bezruczko, 1993; Wentzel, 2003) sont aussi couramment employés. La littérature francophone offre à son tour différentes traductions fluctuant de l’ajustement socioscolaire (Deslandes & Jacques, 2004), la préparation scolaire (Capuano, et al., 2001; Tremblay, 2006), l’adaptation scolaire (Zazzo, 1978) ou la maturité scolaire (Lapointe, Pagani, & Martin, 2007; Reuchlin, 1970). Par la suite, nous emploierons de manière indifférenciée les termes maturité scolaire et school readiness.

II.2.1.2 Conceptions de la maturité scolaire

La notion de school readiness peut se traduire littéralement par le « fait d’être prêt pour l’école ». La question concerne l’âge auquel les enfants sont prêts à commencer un

programme scolaire formel, au regard de leur niveau conatif et cognitif. L’âge constitue le critère principal pour évaluer la maturité scolaire (Crnic & Lamberty, 1994). L’hypothèse sur laquelle repose cette notion est la suivante : avec l’âge, se développent les compétences qui permettront aux enfants d’augmenter leur chance de réussite à l’école. Cette hypothèse s’appuie donc sur une théorie du développement qui privilégie l’impact de la maturation biologique. Pourtant, Carlton et Winsler (1999) mettent en avant deux composantes de la notion de readiness. La première concerne l’enfant et le niveau de développement auquel il doit parvenir pour appréhender un matériel spécifique, en cela il s’agit du fait d’être prêt à apprendre. La seconde concerne l’école et la possibilité que l’enfant réussisse dans le contexte scolaire, il s’agit ici davantage du fait d’être prêt pour l’école. En fait, il peut se définir, dans un premier temps, comme la qualité faisant qu’un élève pourra suivre avec succès le programme d’enseignement auquel il sera intégré. C’est ici l’élève qui doit s’ajuster aux demandes de l’école. Autrement dit, le fait d’être prêt se situe « dans la tête de l’enfant »27 (Elkind, 2008, p. 48).

Afin d’illustrer plus concrètement ce que représente cette notion, nous reprenons à Graue (2006) un exemple d’une liste d’habiletés et de dispositions individuelles permettant aux parents d’évaluer leurs enfants sur leur maturité scolaire, autrement dit, leurs capacités à intégrer l’école (voir Encadré II.2-1 ci-dessous).

Encadré II.2-1 : Liste d’habiletés permettant aux parents d’évaluer leurs enfants sur la maturité scolaire, in http://school.familyeducation.com/kindergarten/school-readiness/38491.html

Kindergarten Readiness Checklist by Peggy Gisler, Ed.S. and Marge Eberts, Ed.S.

While there's no perfect formula that determines when children are truly ready for kindergarten, you can use this checklist to see how well your child is doing in acquiring the skills found on most kindergarten checklists.

Check the skills your child has mastered. Then recheck every month to see what additional skills your child can accomplish easily. Young children change so fast -- if they can't do something this week, they may be able to do it a few weeks later.

• Listen to stories without interrupting • Recognize rhyming sounds

• Pay attention for short periods of time to adult-directed tasks • Understand actions have both causes and effects

• Show understanding of general times of day

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• Cut with scissors • Trace basic shapes • Begin to share with others • Start to follow rules

• Be able to recognize authority • Manage bathroom needs

• Button shirts, pants, coats, and zip up zippers • Begin to control oneself

• Separate from parents without being upset • Speak understandably

• Talk in complete sentences of five to six words • Look at pictures and then tell stories

• Identify rhyming words

• Identify the beginning sound of some words • Identify some alphabet letters

• Recognize some common sight words like "stop" • Sort similar objects by color, size, and shape

• Recognize groups of one, two, three, four, and five objects • Count to ten

• Bounce a ball

If your child has acquired most of the skills on this checklist and will be at least four years old at the start of the summer before he or she starts kindergarten, he or she is probably ready for kindergarten. What teachers want to see on the first day of school are children who are healthy, mature, capable, and eager to learn.

Comme le souligne Graue (2006), bien que variant d’une école à une autre, ces habiletés sont par nature normatives et ont une visée comparative.

Ce construit apparaît en Amérique du nord dans la fin des années 80, suite à la volonté du président Bush et des cinquante gouverneurs d’état de proposer six objectifs de réformes éducatives dont le premier est « qu’en l’an 2000, tous les enfants d’Amérique commenceront l’école prêts à apprendre »28 (Lewit & Baker, 1995). Durant ces années, le niveau kindergarten, accueillant les enfants de 5 ans évolue et devient davantage un niveau académique qu’un jardin d’enfant. Shepard et Lee Smith (1997; 1988) décrivent et expliquent ce phénomène d’intensification ou « d’escalade du programme d’enseignement » (p. 86) conduisant par exemple à ce que la connaissance des lettres passe de quelque chose qui doit être enseigné en kindergarten à quelque chose qui représente un prérequis. Plus précisément, les auteurs notent un renforcement du programme davantage axé sur les compétences de prélecture et de numératie avec parallèlement une pression des enseignants du grade supérieur (grade 1) pour accueillir des enfants sachant déjà lire. Cela représente ce que Shepard (1997, p. 87) nomme « la maternelle papier-crayon ».

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Plusieurs conceptions de la maturité scolaire existent dans la littérature (Carlton & Winsler, 1999; Janus & Offord, 2007; Meisels, 1999; Kyle L. Snow, 2006). Les ancrages théoriques de ce type de recherche sont multiples mais ne reflètent pas tous les mêmes conceptions de la relation que peuvent entretenir l’élève et l’école. Meisels (1999) a proposé quatre conceptions distinctes. On pourra s’inscrire dans une conception nativiste ou maturationniste et invoquer essentiellement le niveau du développement de l’enfant indépendamment du contexte pour rendre compte de ses performances scolaires. Cette perspective explique l’ajustement de l’élève à l’école par le niveau du processus développemental atteint par celui-ci. A l’opposé, la conception empiriste/ environnementaliste s’appuiera essentiellement sur la transmission culturelle liée à l’environnement. Il s’agira davantage de se focaliser sur ce que l’enfant est capable de faire et comment il se comporte plutôt que sur le niveau de maturité cognitive atteint par ce dernier. Il s’agit moins dans cette conception d’être prêt à apprendre que d’être prêt à entrer à l’école. Les élèves ne faisant pas preuve de certaines habiletés ou comportements doivent se les faire enseigner et les maîtriser avant l’entrée à l’école. Dans une approche plus sociologique, la perspective du constructivisme social rejette à la fois le caractère essentiellement inné ou acquis des critères susceptibles de rendre compte de la réussite dans de bonnes conditions des premières années de scolarité. Les capacités mises en évidence par l’élève sont déterminées par la nature des attentes des évaluateurs, des familles, de l’école, c’est-à-dire la communauté et l’environnement de l’élève. Cette interprétation sociale de ce que représente la maturité scolaire peut varier d’un milieu à l’autre (Graue, 1992). Cette perspective postule donc que le fait d’être prêt pour l’école est distinct des capacités des élèves mais est en relation avec les aspects sociaux et culturels dans lesquels les définitions sont entendues. Enfin, la perspective interactionniste fera la synthèse des propositions précédentes et postule que le concept est « bidirectionnel » (Meisels, 1999, p. 49) puisque le fait d’être prêt pour l’école intègre à la fois les capacités des élèves mais aussi les capacités du milieu (l’école) à répondre aux besoins de l’élève. Autrement dit, « it is the product of interaction between children’s prior experiences, their genetic endowment, their maturational status and the whole range of environmental and cultural experiences that they encounter. »29 (Meisels, 1996, p. 410). Cette dernière perspective, que l’on pourra qualifier de vygotskienne, tend à prendre en compte l’environnement, ici l’enseignant, comme participant du développement du niveau actuel de l’élève vers un niveau potentiel.

29 C’est le produit de l'interaction entre les expériences des enfants, leur patrimoine génétique, leur niveau de maturité et toute la gamme d'expériences environnementales et culturelles qu'ils rencontrent.

La définition de la maturité scolaire oscille donc entre, d’une part, ce qu’elle représente pour la communauté scolaire (éducateurs, familles, et ce qui est demandé par cette dernière) et d’autre part, reflète les caractéristiques de l’enfant. Si Carlton et Winsler (1999) mettent en avant ces deux composantes, interrogeant à la fois le fait d’être prêt à apprendre et le fait d’être capable de réussir à l’école, il revient à Kagan (1990) d’avoir clairement défini ces deux pôles : « readiness for learning and readiness for school » (p. 273). Pour l’auteur, le fait d’être prêt à apprendre (readiness for learning) est une conception proposée davantage par les théoriciens de la psychologie du développement et de l’éducation. L’âge moyen auquel les enfants accéderont à telle capacité en est la clef. Diverses variables pourront intervenir sur le fait d’être prêt à apprendre selon les approches (Gagné, Piaget, Bruner, etc.), allant des aptitudes intellectuelles, à la motivation en passant par la maturité émotionnelle. A l’opposé, Kagan (1990) montre que le fait d’être prêt pour l’école (readiness for school) est un construit plus unifié intégrant des habiletés cognitives et linguistiques très précises comme l’identification de couleurs, la reconnaissance de formes géométriques, etc. Cette « rhétorique de la maturité scolaire » (Kagan, 1990, p. 272) est essentielle mais ne conduit malheureusement pas à une définition unifiée du concept mais bien davantage à un agrégat de dimensions, variables ou d’indicateurs sélectionnés tantôt du côté de l’école (pratiques des enseignants par exemple) ou du côté de l’élève (habiletés cognitives par exemple). Si ce construit est qualifié d’abstrait par les uns (Blair, et al., 2007, p. 150), Snow (2006) rappelle que des tentatives ont toutefois vu le jour pour transformer ce construit, au croisement de multiples domaines, en une théorie intégrée. C’est l’objet de la partie suivante.

II.2.2

L’autorégulation comme facteur central du devenir des élèves en début de