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L’effet de l’âge est-il réellement indépendant et direct ?

I.2 Des questionnements méthodologiques

I.2.3 L’effet de l’âge est-il réellement indépendant et direct ?

La majorité des études recensées interroge l’effet direct de l’âge sur le parcours et la performance des élèves. Rares sont les recherches tentant d’interroger un effet d’interaction ou de médiation de l’âge. Pourtant, Morrisson et al. (1997) précisent que les futures études sur l’effet de l’âge d’entrée à l’école gagneraient à examiner de plus près les potentiels effets d’interaction entre l’âge d’entrée et d’autres variables psychologiques (p. 261). C’est également le cas de Christian et al. (2001) qui s’interrogent sur le fait que l’âge d’entrée à l’école est un facteur de risque indépendant ou bien issu de sa combinaison avec des variables telles que le Quotient Intellectuel ou la Profession et Catégorie Socioprofessionnelle (PCS). A notre connaissance, seuls le sexe et la PCS des élèves ont été analysés comme potentiels facteurs médiateurs et modérateurs. Concernant un effet modérateur de l’âge en fonction du sexe mais sans utiliser une ANOVA, une étude (Crosser, 1991) s’appuyant sur une succession de T de Student montre que si les élèves les plus âgés ont de meilleures performances que les plus jeunes, l’écart de performance tend à s’accroître chez les garçons dans une épreuve d’écriture. D’autres travaux, dont les échantillons ou la méthode sont parfois discutables, mettent en évidence cet effet (Narahara, 1998; Sheehan, Cryan, Wiechel, & Bandy, 1991).

Le milieu socioéconomique apparaît aussi dans la littérature comme un facteur de risque concernant l’échec scolaire en relation avec l’âge d’entrée. Toutefois, ce sont davantage les élèves défavorisés en début de scolarité, donc les jeunes enfants « économiquement désavantagés », qui sont l’objet de l’intérêt des chercheurs (Alexander & Entwisle, 1988; Howse, Lange, Farran, & Boyles, 2003; Stipek & Ryan, 1997). Ces études n’analysent pas

l’effet multiplicatif de l’âge et de la PCS. L’étude de Crone et Whitehurst (1999) est caractéristique de ce constat. Ces auteurs interrogent l’effet de l’âge comparativement à celui de la scolarisation sur les habiletés en écriture et en littératie. Bien que spécifiant l’existence de « trois variables modératrices potentielles » (p. 605), ils les contrôlent en s’appuyant sur des groupes d’élèves jeunes et âgés statistiquement similaires sur ces trois variables évinçant en cela le potentiel effet d’interaction entre ces dernières et l’âge chronologique des élèves.

I.2.4

Synthèse

Le constat récurrent visant à mettre en évidence un effet faible, nul ou inverse de l’effet de l’âge sur les performances et le parcours scolaires des élèves a conduit certains chercheurs à mettre en doute les qualités méthodologiques des recherches. D’une part, certains ont mis en doute la véracité de cet effet dans la mesure où il peut être confondu avec celui de la durée de scolarisation. Une fois ce biais potentiel pris en compte, la stratégie permettant d’interroger l’effet de l’âge pourrait consister en la comparaison de la réussite des élèves en s’appuyant sur les dates de naissance. Pourtant, faire l’hypothèse que ces dernières soient distribuées aléatoirement s’avère erroné. La première raison repose sur le fait que l’entrée, avancée ou retardée, à l’école primaire est dépendante de la date de naissance. La seconde raison est relative au fait que le maintien ou la promotion d’une classe à l’autre est dépendant du niveau des élèves qui lui-même est corrélé à l’âge des élèves. Ainsi, les différences interindividuelles observées dans le parcours et la performance scolaires en fonction de l’âge des élèves pourront refléter à la fois des variations dues à la durée de scolarisation, au fait de rentrer à la date légale ou non en début de CP et au fait de suivre ou non un parcours académique « typique ».

La précédente recension des études, interrogeant l’impact de la date d’entrée à l’école sur les caractéristiques de la scolarisation des élèves, montre que ces recherches restent majoritairement bivariées, et, en cela, qu’elles sont de portée très limitée. Si l’effet de la date de naissance est clairement identifié comme ayant un impact sur les performances des élèves ou encore leurs parcours scolaires, il apparaît que cet impact est toujours envisagé comme direct. Le fait d’isoler l’âge d’entrée à l’école comme facteur explicatif de la performance scolaire ultérieure n’offre qu’une perspective très réduite dans la compréhension du phénomène. Deux positions apparaissent dans la littérature avec d’une part, les chercheurs qui tendent à répliquer avec plus ou moins de bonheur un effet direct de la date de naissance sur

différents aspects de la scolarisation des élèves et d’autre part, ceux qui n’ont de cesse de montrer que la date de naissance n’a aucun effet sur la scolarisation des élèves. Tout se passe comme si le fait de trouver que l’effet direct de la date de naissance est relativement faible autorisait définitivement les chercheurs à sceller le destin de cette variable en la considérant comme inopérante dans l’explication des différences interindividuelles de réussite et de parcours. Pourtant, en interroger l’impact non pas sur une évaluation mais davantage sur le développement des compétences des élèves pourrait aussi s’avérer utile. De la même manière, l’envisager comme susceptible de présenter un effet indirect et non pas direct semblerait aussi être une hypothèse porteuse d’intérêt.

Dans toutes les configurations de biais ou limites évoquées précédemment, l’effet de la date de naissance tend à être réduit et non pas augmenté. La validité des études n’est donc pas remise en cause. Ainsi, si l’on écarte ces biais méthodologiques et que l’on accepte le constat d’une contribution plus élevée de l’école à celui du simple processus de maturation, la persistance même faible d’un effet de l’âge à durée de scolarisation identique ne renvoie qu’à peu d’hypothèses explicatives. C’est l’objet de la partie suivante.