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Chapitre II Relations entre maturité scolaire, autorégulation et devenir scolaire

II.1 Le processus de transition vers l’école

II.1.1 Caractéristiques des changements de la maternelle au CP

En France, la question du passage de l’école maternelle au CP a été largement étudiée par Bianka Zazzo (1978) mais aussi, plus tard, par Agnès Florin (1991). Nous nous appuierons en partie sur ces deux ouvrages pour présenter succinctement les caractéristiques de ces changements. Ces derniers peuvent s’analyser à différents niveaux, le plus moléculaire, celui des contenus des programmes, celui de l’organisation du travail dans la classe mais aussi, au niveau le plus molaire, en considérant les évolutions des politiques institutionnelles. Nous nous attarderons essentiellement sur ces deux derniers niveaux d’analyse.

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La numératie (ou numéracie) correspond à un ensemble de connaissances et compétences en mathématiques efficaces pour gérer les situations de vie quotidiennes. Statistique Canada définit la numératie comme « les connaissances et les compétences requises pour gérer efficacement les exigences relatives aux notions de calcul de diverses situations ».

Zazzo (1978) rappelle qu’au-delà du changement des contenus d’apprentissage entre l’école maternelle et le CP, les changements des conditions de travail sont importants. Elle distingue deux niveaux d’analyse de ces changements : le premier est celui des conditions d’apprentissage, le second celui de l’institution scolaire dans ses finalités et ses exigences.

II.1.1.1 Les conditions d’apprentissage en classe

Concernant le temps effectif de travail en classe, le changement est majeur, avec un allongement de la durée des périodes de travail en CP, dû notamment au respect de la progression du programme au cours de l’année, qui est davantage contrôlé. Simultanément, les temps de détente et de récréation sont réduits (diminution par deux). La question de la discipline est aussi davantage marquée en CP qu’à l’école maternelle. L’enfant qui était relativement libre d’aller et venir dans la classe de maternelle va devoir rester assis plus longtemps à son bureau. Il devra porter beaucoup plus d’attention au respect du silence et du calme dans la classe, tout en écoutant davantage et plus attentivement son enseignant. Cette attention est également centrale dans l’application des consignes et des règles, plus soutenues qu’à l’école maternelle. Zazzo (1978) souligne un paradoxe en constatant une forte augmentation de la directivité des conditions de travail en CP avec une diminution des exercices collectifs, alors que les élèves ont progressé en socialisation. Cette directivité porte d’ailleurs sur des contenus qui ne suivent pas toujours l’intérêt premier de l’enfant mais celui dicté par le programme (Sink, Edwards, & Weir, 2007). Les capacités d’autonomie, d’initiatives et d’organisation de son travail seront pour l’enfant autant de compétences à mettre en jeu pour s’adapter à ce nouveau contexte. Ces compétences ne pourront plus être hétéro-régulées par l’ATSEM (Agent Territorial Spécialisé des Écoles Maternelles) qui ne fait plus partie du paysage de la classe de CP.

II.1.1.2 Les changements institutionnels

Zazzo (1978) exprime clairement le changement qui s’opère entre maternelle et CP qui est un lieu où « on ne joue plus, du moins en classe, ni avec la complicité rassurante de l’enseignante, quels que soient par ailleurs les efforts de divertissement que celle-ci peut déployer. Enfants et maître entre désormais dans un nouveau système de valeurs où l’acquisition des connaissances prime toutes les autres » (p. 90). En effet, Florin et Crammer (2009)soulignent que durant les années de maternelle, les acquisitions fondamentales vont se

faire par le jeu. Ce dernier est au centre des situations que l’enfant rencontrera et participera entre autres du plaisir, de la découverte de nouvelles sensations et émotions dans la rencontre de nouvelles expériences avec une plus grande autonomie lui permettant de s’exercer à différents rôles, de développer son imaginaire, de s’accorder avec ses pairs, etc. Cette discontinuité dans la pédagogie de l’école maternelle et celle du CP est soulignée par le récent changement au niveau des cycles. Alors que la grande section maternelle (GSM) appartenait au cycle 2, celui des apprentissages fondamentaux, elle est réintégrée au sein du cycle 1, celui des apprentissages premiers, avec la petite et la moyenne section maternelle.

Les capacités de l’élève à s’adapter aux exigences de la classe constituent un point central dans l’évolution des programmes de la maternelle. Les nouveaux programmes officiels français (Ministère de l’Éducation Nationale, 2008a), au regard des précédents (Ministère de l’Éducation Nationale, 2002) participent de ce changement. En 2002, les programmes n’insistent pas sur l’enseignement des compétences liés à l’adaptation des élèves, ces dernières apparaissent davantage comme le fruit des « activités qui concourent à l’acquisition de compétences spécifiques à chacun des domaines » sur lequel le programme porte (voir Encadré II.1-1, ci-dessous).

Encadré II.1-1 : Présentation des compétences transversales dans le programme de 2002, in CNDP – ScéRén (2002) p. 61

Les activités qui concourent à l’acquisition de compétences spécifiques à chacun des domaines permettent également de développer des compétences transversales : attitudes face aux apprentissages, méthodes. La curiosité et l’envie de connaître, l’affirmation de soi, le respect des autres, l’autonomie sont autant de comportements qui sont sans cesse encouragés. L’attention, la patience, la concentration doivent régulièrement sous-tendre l’observation comme l’action. En s’habituant à mettre en jeu son activité de manière ordonnée (participation à l’élaboration du projet, aux tâches suggérées, à la réflexion sur l’action et son résultat ; repérage des informations pertinentes, organisation des données ; mémorisation des étapes de la séquence et des résultats obtenus…), l’enfant se dote d’une première méthodologie de l’apprentissage. »

Il est important de noter que ces compétences « ne sont pas construites pour elles-mêmes » (CNDP - ScéRén, 2002, p. 111).

En 2008, les compétences transversales de 2002 deviennent l’un des six grands domaines des programmes de l’école maternelle. Les grands domaines d’activité sont : s’approprier le langage ; découvrir l’écrit ; agir et s’exprimer avec son corps ; découvrir le monde ;

percevoir, sentir, imaginer, créer et devenir élève. Ce dernier domaine comprend le fait qu’à la fin de l’école maternelle l’enfant devra être capable de :

- respecter les autres et respecter les règles de la vie commune ; - écouter, aider, coopérer ; demander de l’aide ;

- éprouver de la confiance en soi ; contrôler ses émotions ; - identifier les adultes et leur rôle ;

- exécuter en autonomie des tâches simples et jouer son rôle dans des activités scolaires ;

- dire ce qu’il apprend. (Ministère de l’Éducation Nationale, 2008a)

Si la facette de la socialisation scolaire apparaît clairement dans ces nouveaux objectifs du devenir élève à travers des éléments relatifs au vivre et apprendre ensemble, une seconde facette concerne plus particulièrement le fait de passer d’un mode d’apprentissage spontané à un autre, typiquement scolaire dans lequel l’enfant devra adopter un comportement contrôlé. Il s’agira pour l’élève d’apprendre à réguler son comportement dans le contexte de la classe.

Ainsi, l’évolution de la société visant à former des élèves citoyens se reflète dans l’évolution des programmes scolaires sûrement du fait que cette transition est capitale pour le devenir des élèves, mais aussi parce que les parents, les enseignants, comme les chercheurs, se sont rendu compte très tôt des difficultés des élèves durant cette transition.