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La maturation spermatique épididymaire

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I. L’organisation de la chromatine spermatique

3. La maturation spermatique épididymaire

a. L’épididyme

 L’anatomie et l’histologie

L’épididyme est un organe situé sur la face postérieure du testicule. Il est composé d’un unique tubule fortement contourné, dont la longueur varie beaucoup entre les différentes espèces de mammifères : environ 1 m chez la souris, 3,5 m chez le rat, 6 m chez l’homme et 60 m chez le verrat. Il permet de relier les canaux efférents, chargés de réabsorber une grande partie du fluide testiculaire, au canal déférent, qui transporte les spermatozoïdes matures de leur lieu de stockage à la prostate lors de l’éjaculation. L’épididyme est composé de trois régions : la tête, le corps et la queue (figure 38A). Chacune de ces parties est elle-même subdivisée en segments anatomiquement séparés par des travées conjonctives, les septa (Abou-Haïla & Fain-Maurel, 1984). D’après Johnston

Figure 38 : L’épididyme

A. Représentation schématique de l’épididyme de souris et de sa régionalisation en 10 segments (Johnston et al., 2005).

B. Coupes histologiques de la tête (1), du corps (2) et de la queue (3) de l’épididyme de souris, colorées au trichrome de Masson-Goldner.

État de l’art

l’expression génique en fonction de chaque segment a permis de distinguer six régions formant chacune une unité transcriptionnelle et probablement fonctionnelle. Ces six régions présentant un profil d’expression génique qui leur est propre sont composées d’un ou plusieurs segments (S) : S1, S2, S3, S4/5/6, S7 et S8/9/10.

L’épithélium formant la paroi de l’épididyme est pseudo-stratifié, cylindrique et repose sur une membrane basale (figure 38B-C). Sa hauteur varie entre la tête et la queue de l’épididyme : l’épithélium est épais dans la tête et fin dans la queue de l’épididyme. Le tubule est entouré sur toute sa longueur de cellules musculaires lisses permettant de soumettre l’épididyme à des contractions péristaltiques, afin d’assurer la progression des gamètes, et expulsant les spermatozoïdes stockés dans la queue de l’épididyme au moment de l’éjaculation. L’épithélium est composé de différents types cellulaires possédant des fonctions spécifiques et dont la proportion varie dans chaque segment en fonction des rôles physiologiques de celui-ci. Les cellules principales, majoritaires, sont liées entre elles au pôle apical par des jonctions serrées et des desmosomes qui forment la barrière hémato-épididymaire, permettant de protéger les spermatozoïdes d’une réponse auto-immune originaire du compartiment systémique et de contrôler les apports provenant du compartiment sanguin. La présence de cellules dendritiques entourant le tubule de l’épididyme a été récemment démontrée. Ces cellules émettent des prolongements entre les cellules épithéliales pouvant atteindre la lumière où transitent les spermatozoïdes. La fonction de ces cellules dendritiques dans la physiologie de l’épididyme n’est pas encore connue (Da Silva et al., 2011).

Les cellules principales représentent 65 à 80 % des cellules en fonction des segments. Ce sont des cellules en colonne présentant de nombreuses microvillosités et un noyau en position basale. L’apparence et l’organisation de leurs organites varient en fonction des régions de l’épididyme, en particulier ceux impliqués dans la sécrétion (réticulum endoplasmique, appareil de Golgi,…) et dans l’endocytose (endosomes, lysosomes,…) (Hermo & Robaire, 2002). Elles ont un rôle important dans la maturation des spermatozoïdes par leurs intenses activités de sécrétion et d’endocytose qui régulent la composition du fluide épididymaire.

Les cellules apicales, retrouvées principalement dans le segment 1, présentent un noyau en position apicale, d’où leur nom. Il semble qu’elles ne traversent pas toujours l’épithélium, ainsi certaines ne sont pas en contact avec la membrane basale. Leurs microvillosités sont courtes et peu nombreuses. Ces cellules sont en revanche riches en mitochondries et en lysosomes. Elles seraient impliquées dans l’endocytose des éléments du fluide épididymaire et dans l’acidification de ce fluide (Martínez-García et al., 1995).

Les cellules basales sont des petites cellules hémisphériques, situées à la base de l’épithélium, qui peuvent être en contact avec la lumière du tubule épididymaire par des prolongements cytoplasmiques. Elles sont présentes tout le long de l’épididyme et représentent 10 à 20 % de l’ensemble des cellules épididymaires selon les segments. Leur(s) fonction(s) n’a(ont) pas été déterminée(s) à ce jour. Il est possible qu’elles participent à la protection contre les radicaux libres (Veri et al., 1993) et qu’elles soient capables de détecter la composition du fluide épididymaire afin de la réguler via un dialogue avec les autres types cellulaires de l’épithélium (Shum et al., 2008). Les cellules claires sont de larges cellules prismatiques qu’on retrouve principalement dans le corps et la queue de l’épididyme. Elles ont une forte activité d’endocytose et présentent donc un

Figure 39 : L’évolution du sécrétome de l’épithélium épididymaire de segment en segment

Les schémas représentant le sécrétome de chaque espèce (cochon, cheval, ovin, homme) indiquent, en fonction de la région de l’épididyme, l’expression des protéines en pourcentage par rapport à leur sécrétion totale dans tout l’organe. Le sécrétome de chaque espèce est également présenté sous forme de gel d’électrophorèse à 1 dimension dont chaque puits correspond à une région de l’épididyme. Il apparait que les protéines sécrétées évoluent en fonction de chaque région de l’épididyme. Seul le sécrétome de l’homme semble moins sujet à une variation des sécrétions en fonction des segments de l’épididyme (Dacheux et al., 2009).

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grand nombre de vésicules et d’endosomes dans leur partie apicale, ainsi que des lysosomes dans leur partie médiane. Dans leur partie basale se trouvent le noyau et une accumulation de gouttelettes lipidiques en quantité variable. Leur activité d’endocytose serait liée à leur rôle dans l’absorption de certains éléments du fluide épididymaire.

Pour finir, les cellules en halo sont rondes et de petites tailles. Elles sont présentent tout le long de l’épididyme et se situent vers la base de l’épithélium. Elles ont un cytoplasme réduit contenant un nombre variable de granules denses. Il s’agirait de lymphocytes T ou de monocytes (Hermo & Robaire, 2002).

 Les fonctions

À la fin de la spermatogenèse, les spermatozoïdes quittent le testicule et entrent dans les canaux efférents qui vont réabsorber une grande partie du fluide testiculaire. Ils rejoignent ensuite l’épididyme. Ils vont y transiter pendant 1 à 2 semaines, selon les espèces, jusqu’à rejoindre la queue de l’épididyme, où ils seront stockés entre deux éjaculations. La progression des spermatozoïdes pourtant immobiles est due à la fois à la pression du fluide entrant, produit en permanence par le testicule, et aux mouvements péristaltiques des fibres musculaires lisses qui entourent l’épithélium. C’est durant le transit que l’épididyme va assurer sa principale fonction : la maturation des spermatozoïdes. Ce processus est basé sur l’interaction constante des spermatozoïdes avec le fluide épididymaire. La composition de celui-ci varie entre chaque segment, grâce aux activités de sécrétion et d’endocytose de l’épithélium spécifiques à chaque segment (figure 39). Ceci permet une maturation progressive des spermatozoïdes sur les plans morphologiques, biochimiques et fonctionnels.

La membrane cytoplasmique des gamètes va subir un profond remodelage lipidique et protéique, lui permettant d’être plus fluide et d’acquérir et/ou de modifier des protéines essentielles à la reconnaissance de l’ovocyte et à la fusion du spermatozoïde avec lui. Ainsi, on observe sur le plan lipidique :

 une perte de phospholipides, variable selon les différents types,  une augmentation de la proportion d’acides gras polyinsaturés,

 une perte importante de cholestérol, contrebalancée par une acquisition de desmostérol, le dernier intermédiaire de la voie de biosynthèse du cholestérol,  une diminution du rapport cholestérol/phospholipides, indiquant une

augmentation de la fluidité membranaire (Saez et al., 2011).

Les protéines, quant à elles, peuvent être éliminées, incorporées ou associées à la membrane, relocalisées ou modifiées (Dacheux et al., 2003, 2009). Parmi ces modifications post- traductionnelles, générées par des enzymes et des molécules du fluide, se trouvent entre autres la phosphorylation, le pontage disulfure, la glycosylation et la protéolyse ménagée.

La morphologie des spermatozoïdes évolue également au cours du transit épididymaire, surtout au niveau de la tête spermatique. Ainsi, chez certaines espèces, l’acrosome voit sa taille, sa forme et son contenu modifiés (Bedford & Nicander, 1971 ; Scarlett et al., 2001 ; Olson et al., 2003). La taille de la tête du spermatozoïde se réduit grâce à la perte d’eau par le gamète d’une part (hypertonicité du fluide épididymaire par rapport au spermatozoïde) et à la poursuite de la

Figure 40 : La condensation de la chromatine spermatique lors du transit épididymaire

Observation par microscopie optique de spermatozoïdes prélevés dans la tête et dans la queue de l’épididyme de souris et colorés avec du bleu de toluidine, un colorant ayant une forte affinité pour les charges négatives, donc pour l’ADN. Ces photographies indiquent une diminution de la coloration du noyau spermatique entre la tête et la queue de l’épididyme, synonyme d’une augmentation de la condensation de l’ADN contenu dans le noyau.

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compaction de la chromatine d’autre part (figure 40), facilitant la mobilité du spermatozoïde dans le tractus femelle et protégeant l’ADN des attaques extérieures.

L’épididyme possède également une fonction primordiale de protection des spermatozoïdes. En effet, ces cellules sont quiescentes et ne peuvent pas réagir à leur milieu par elles-mêmes, puisque leur ADN est très fortement compacté et donc inaccessible pour la transcription et que leur cytoplasme et ses organites ont été éliminés lors de la spermiogenèse, limitant grandement les réserves d’enzymes de défenses et de réponse au stress. C’est donc l’épithélium épididymaire qui est chargé de finement contrôler l’environnement des spermatozoïdes, c’est-à-dire la composition du fluide, pour éviter toute atteinte des gamètes. L’un des stress majeurs rencontrés par les spermatozoïdes est le stress oxydant, généré par une concentration accrue en espèces oxygénées réactives (EOR). Nous verrons par la suite comment ce stress agit sur les gamètes et comment l’épididyme peut les en protéger (cf. Partie II).

b. La condensation de la chromatine spermatique épididymaire

Nous avons vu précédemment comment la chromatine spermatique évolue lors de la spermatogenèse, que ce soit durant la méiose avec l’incorporation de nombreux variants d’histones ou lors de la spermiogenèse avec le remplacement des histones par les protamines, afin de fortement condenser l’ADN. Cependant, comme nous venons de l’évoquer, la chromatine des gamètes continue à évoluer lors du transit épididymaire.

Peu de choses sont connues à l’heure actuelle sur la façon dont est poursuivie et régulée la condensation de la chromatine spermatique lors du transit épididymaire. La très forte diminution de la proportion en groupements thiols libres (–SH) entre les gamètes de la tête et de la queue de l’épididyme et le fait que les Prm soient riches en résidus Cys porteurs de –SH suggèrent que la condensation accrue de la chromatine des spermatozoïdes durant le transit épididymaire pourrait être due à une activité de pontage disulfure entre les Prm au sein du noyau spermatique. Ceci rapprocherait les différentes fibres d’ADN entre-elles et stabiliserait leur conformation spatiale afin de les rendre moins accessibles à de potentiels dangers et plus résistantes. Ainsi, l’ADN nucléaire spermatique serait moins sensible aux dommages induits par le peroxyde d’hydrogène (H2O2) que

l’ADN nucléaire de cellules somatiques (Sawyer et al., 2003). À l’appui de cette hypothèse, une protéine nucléaire spermatique connue pour avoir une activité de pontage disulfure, la sperm nucleus

glutathione peroxidase 4 (snGPx4 ou nuclear phospholipid hydroperoxide glutathione peroxidase [nPHGPx]),

et mise en place dans le noyau spermatique au moment de la spermatogenèse a été mise en évidence (Conrad et al., 2005).

Cette enzyme appartient à la famille des glutathion peroxydases, qui sont habituellement chargées d’éliminer les EOR. Elles sont capables de catalyser la transformation de H2O2 en H2O,

ainsi que d’autres hydroperoxydes (ROOH) en alcools (ROH) et en H2O. Cette réaction

enzymatique nécessite deux molécules de glutathion (GSH), un tripeptide comportant une cystéine, qui fourniront chacune un hydrogène lors de la réaction. Les deux molécules de GSH ainsi oxydées seront alors assemblées par un pont disulfure sous forme de GSSG.

Il semble que la protéine snGPx4 soit capable de réaliser cette réaction de transformation des EOR et des hydroperoxydes en n’utilisant pas le GSH, mais les groupements thiols des Prm

Figure 41 : La formation des EOR

H2O2 : peroxyde d’hydrogène ; HOBr : acide hypobromeux ; HOCl : acide hypochloreux ; NO• :

monoxyde d’azote ; NOS : nitric oxide synthase ; O2 : dioxygène ; O2•- : anion superoxyde ; OH• : radical

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comme donneurs d’hydrogène. SnGPx4 formerait ainsi un pont disulfure entre les cystéines des Prm, rapprochant les brins d’ADN auxquels elles sont liées et condensant la chromatine spermatique.

Les EOR nécessaires à cette réaction interviennent à plusieurs reprises lors de la maturation des spermatozoïdes et sont indispensables à l’acquisition de leur fonction. Cependant, ce sont également des molécules instables qui provoquent de nombreux dommages dans les cellules, au point, parfois, de causer une perte de fonction ou d’induire l’apoptose. Or, comme nous l’avons évoqué, les spermatozoïdes ne peuvent pas se défendre par eux-mêmes contre une concentration excessive en EOR. Nous allons donc maintenant nous intéresser à la génération, aux effets bénéfiques et toxiques, ainsi qu’au recyclage de ces EOR dans l’organisme et plus particulièrement dans l’épididyme, afin de mieux comprendre les processus physiologiques intervenant dans la maturation des spermatozoïdes.

II. Les effets des espèces oxygénées réactives sur la

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