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Matrice de similitude, arbre phylogénétique et organigramme

1.7. Bactériophages

1.7.3. Matrice de similitude, arbre phylogénétique et organigramme

L’unification des données protéomiques disponibles sur les phages, combinée aux paramètres physicochimiques connus, ouvre la porte à des représentations organisationnelles et hierarchiques dans le domaine de la virologie bactérienne. La classification de tous les morphotypes de phages subit continuellement des remaniements, puisque à chaque nouveau génome disponible, de nouveaux liens évolutifs se définissent. En raison de l’absence chez les phages de gènes codant pour l’ARN ribosomal (ARNr) 16S, séquence génétique de référence utilisée pour établir des liens de parenté et déterminer les dérives génétiques dans

Tableau 1.6. Premier état taxinomique des listériaphages (caractéristiques principales). (Adapté d’Ackermann, 2006) *A511, H387 et 2671 : phages utilisés dans cette thèse.

Famille Espèces Autres membres importants Taille approximative virion (nm) Diamètre : capside/ Longueur : queue Taille approximative génome (kb) Myoviridae A511 P100 88 / 200 110-120 (125-140) 4211 B054 01761 62-66 / 230-270 41-44 Siphoviridae P35 56-60 / 110 36 2389 PSA 58-62 / 170-180 38 H387 58-62 / 190-200 2685 B025 58-62 / 230-260 37-41 2671 A118 A500 A006 58-62 / 270-310 38-42

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l’évolution des bactéries, la comparaison protéinique demeure actuellement le meilleur moyen d’établir des regroupements de similitude. Désormais, vu l’étendue des données protéiniques et génomiques à traiter, l’utilisation de logiciels bio-informatiques est nécessaire pour générer des matrices de similitude ainsi que des réseaux et des arbres phylogénétiques. À partir des banques de données génomiques publiques du NCBI, un plus grand nombre de protéines phagiques peuvent être comparées. L’analyse comparative de protéines de phages permet de faire des regroupements plus précis, de suivre leur évolution et d’établir une classification plus solide et fiable. Une matrice de similitude, réalisée à l’Université Laval, établissant des ressemblances entre 32 listériaphages, a été établie. Des regroupements basés sur des similarités protéomiques ont été générés et ils sont fortement comparables à ceux établis à l’intérieur d’un arbre phylogénétique réalisé en 2014 aux États-Unis (Denes et al., 2014). Selon la matrice, les phages de Listéria peuvent être classés dans cinq grands groupes positionnés dans des zones quadrangulaires dont la variabilité de l’intensité de couleur est directement liée au nombre de protéines partagées entre chacun des phages (Fig. 1.23). Plus l’intensité de la couleur, bleue dans le cas présent, est importante, plus les phages partagent des protéines similaires. Des alignements de séquences reliées évolutivement sont générés avec le programme BLASTp, qui effectue des recherches de régions homologues traduites ensuite en matrice de similitude (NCBI, 2016). Le logiciel CogSoft génère des groupes de gènes orthologues (COGs: Cluster of orthologous genes) et les regroupements produits permettent de déterminer la présence et l’absence de gènes codant pour des protéines spécifiques dans chaque génome. Une matrice binaire, dont la valeur 0 marque l’absence de la protéine analysée et 1 sa présence, est alors générée. Le coefficient de Jaccard, qui est quant à lui une mesure de similarité, a été déterminé: plus la valeur est près de zéro, plus la couleur de la matrice est foncée, plus les phages partagent des caractéristiques communes, plus ils sont similaires et plus ils sont donc génétiquement apparentés. Par exemple, la matrice de similitude positionne côte à côte les phages A511 et P100 dans un spectre appartenant à la famille des Myoviridae (Fig. 1.23).

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Les génomes des listériaphages caractérisés jusqu’à maintenant sont d’une taille variant de 30 à 140 kb (Klumpp & Loessner, 2013) et les capsides qui les contiennent sont dépourvues d'enveloppe lipidique. Tous les génomes des listériaphages sont en organisation modulaire. Les différents modules encodent : pour des protéines de structure; pour des protéines dont les fonctions sont reliées à la recombinaison, à la réplication et à la réparation de l’ADN; pour une cassette lytique contenant les gènes de la holine et de l’endolysine; et dans le cas des phages tempérés, pour une région de contrôle d’un système lysogénique impliquant des intégrases (Klumpp, & Loessner, 2013). Une étude portant sur l’analyse des gènes orthologues, sur le séquençage de génomes et sur la morphologie d’un groupe de listériaphages a démontré que ces virus peuvent être regroupés aussi en cinq groupes ayant

Figure 1.23. Matrice de similitude basée sur des rapprochements protéiniques de 32 listériaphages (Logiciel: CogSoft). Coll.: S. Labrie, Ph.D.; (U. L., 2017)

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des similitudes génétiques apparentes (Fig. 1.24). L’arbre phylogénétique, produit par l’analyse de l’absence et de la présence de gènes orthologues, a subi une régénération en boucle au millième 1000 (1000 bootstrap replicates), permettant de donner un score de similarité et de ressemblance entre les acides aminés. L’équipe de recherche constituée de chercheurs canadiens, américains et thaïlandais a démontré que le regroupement numéro I est constitué de listériaphages de la famille des Myoviridae et caractérisés par un génome de

grande taille (~135 kb), par un pourcentage G+C d’environ 36 % et par un système exclusivement lytique. Au centre de leur génome se trouve un module d’encapsidation de l’ADN de 30 kb de longueur. L’assemblage de leurs capsomères est de forme icosaédrique et est fixé à un collier (cou) de 10 nm de longueur. La queue, recouverte d’une gaine hélicoïdale, est d’une dimension moyenne de 206 nm par 18 nm de diamètre. Au bout de cette tige caudale se trouve une plaque basale hexagonale sur laquelle sont annexés des spicules de 10 nm de longueur et des fibres caudales qui servent de dispositifs d’arrimage (Fig. 1.25). En contraction, la queue se comprime à 90 nm x 25 nm et le phage présente alors une double plaque basale. Les groupements II, III et IV, de morphotype B1, contiennent des listériaphages appartenant à la famille des Siphoviridae, caractérisés par des génomes de plus

Figure 1.24. Arbre phylogénétique basé sur les gènes orthologues (listériaphages en rouge). (Adaptée de Denes et al., 2014)

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petite taille, de l’ordre de 36 à 43 kb. Deux importants représentants du groupe II, les listériaphages P35 et P40, sont des phages lytiques, tandis que les phages du groupe III, du genre PSA, sont des virus tempérés qui encodent pour une intégrase les amenant vers un cycle lysogénique. Les phages A118, A500 et A006 sont des représentants du groupement IV, caractérisés par une très longue tige caudale, qui peut contenir six spicules, et par leur système de lysogénie impliquant la présence d’une intégrase qui rend possible l’intégration de leur génome à celui de leur hôte à travers des sites spécifiques de recombinaison. Le groupe V contient également des phages de la famille des Siphoviridae, caractérisés toutefois par une capside très allongée, morphotype B3 (annexe 8), n’arborant aucun collier et contenant un génome d’environ 66 kb et un pourcentage G+C d’environ 33 % (Denes et al., 2014). Cette morphologie particulière et plutôt rare se retrouve également chez des phages d’Entérococcus, dont le phage VD13. Les phages du groupe P70 encodent pour des fonctions lytiques. L’organigramme de la figure 1.26 met en relation les différents regroupements et certaines caractéristiques concernant d’importants listériaphages. Ces phages infectent une très grande variété de souches de Listeria appartenant à différentes espèces et à divers sérovars. Les sérovars 1/2 et 4 de L. monocytogenes sont reconnus très sensibles aux phages; a contrario, les bactéries appartenant au sérovar 3 leur sont plutôt réfractaires (Klumpp & Loessner, 2013).