• Aucun résultat trouvé

1.2. LISTERIA

1.2.6. Résistances aux contraintes environnementales et mécanismes

1.2.6.6. Communications bactériennes (QS-DS-ES)

Les processus conduisant à la formation de biofilms peuvent dépendre de systèmes de communication passant par des signaux chimiques. Le phénomène d’échange de molécules de communication, conduisant à des activités bactériennes concertées en vue de former des biofilms lorsque la densité microbienne atteint un certain seuil, est étudié dans un système appelé quorum sensing (QS). Ce système d’échange d’information d’origine bactérienne repose sur la synthèse et la diffusion de molécules simples ou de signaux électriques dans certains cas. Le QS serait un mécanisme de synchronisation de l'expression ou de la répression de gènes, au sein d'une population bactérienne, en fonction de la densité cellulaire. Des recherches ont fait ressortir que lorsque les molécules de communication se retrouvent à une concentration témoignant d’une densité cellulaire critique, elles induisent des mécanismes provoquant des activités coordonnées chez un grand nombre d’individus. En fonction de la densité cellulaire et des bénéfices apportés à la population, le QS peut induire la formation du biofilm ou l’activation de facteurs de virulence (Parsek & Greenberg, 2005). Le QS est influencé par plusieurs facteurs abiotiques de l’environnement, tels que les paramètres physico-chimiques suivants : le pH, la température et la fluidité, qui stabilisent ou inhibent la communication (Kirisits & Parsek, 2006).

Le diffusion sensing (DS), de son côté, représente une stratégie non coopérative faisant intervenir aussi des signaux moléculaires utilisés, cette fois-ci, principalement pour évaluer la dimension de l’espace et la concentration du milieu. Dans ce concept, les bactéries, parfois de façon individuelle et dans un objectif indépendant d’un groupe, utiliseraient les molécules pour évaluer l’espace environnant afin de mesurer si l’énergie nécessaire pour produire des métabolites (exo-enzymes ou autres) est rentable dans la situation environnementale dans laquelle elles se retrouvent.Cette théorie n’implique pas la contribution des autres bactéries et part du principe que la bactérie « évalue », à l'aide des molécules-signal, si la zone qui l'entoure assurera une concentration adéquate des substances qu’elle s’apprête à sécréter pour atteindre un effet souhaité. Dans le DS, l’objectif est de mesurer la concentration de substances à libérer pour effectuer une action efficace et bénéfique pour la cellule en dépensant le moins d’énergie. Le DS est indépendant de la densité cellulaire et n’implique aucune interaction sociale. La libération de molécules dans le but d’un QS ou d’un DS est un

32

processus non relié et peut varier de façon indépendante dans le milieu. (Hense et al., 2007). L’efficiency sensing (ES) combinerait l’existence du QS et du DS pour expliquer les communications bactériennes, l’expression des gènes pouvant être régulée à la fois par l’un ou l’autre des modèles pour enclencher une virulence, une adaptation, une adhérence, un transfert de gènes ou la production d’enzymes ou de bactériocines (Turovskiy et al., 2007). Lors de l'efficiency sensing, les bactéries recueillent à la fois des données sur la densité et la distribution cellulaires, ainsi que sur les limites de diffusion influant sur les substances qu’elles veulent libérer. Le QS et le DS sont des processus pouvant être étroitement liés et dépendants des conditions environnementales.

Les échanges d’information moléculaires qui régissent les communications sont liés à des signaux appelés « auto-inducteurs ». Il existe de nombreuses molécules de communication cellulaire appartenant au système du QS. Bien que, souvent, les molécules utilisées pour communiquer dépendent de l’espèce bactérienne, il est toutefois possible de classer ces systèmes de communication en trois grandes catégories. Le système de communication de type 1 utilise les N-acyle homosérine lactones (NAHL), identifiés auto-inducteurs 1 (AI- 1). Ce premier système de diffusion d’information moléculaire est souvent relié aux signaux chimiques émis et captés par des bactéries à Gram négatif. Le deuxième système d’échange de type 2, observé à la fois chez les bactéries à Gram + et à Gram -, utilise des molécules dérivées des furanones, identifiées auto-inducteurs 2 (AI-2), sous le contrôle du gène LuxS. Il est admis que ces molécules sont dites universelles et induisent des communications inter- espèces (Garmyn et al., 2009). Les AI-2 ne seraient pas des signaux de communication utilisés par les bactéries du genre Listeria, aucun récepteur de ces molécules n’a encore été identifié chez ce genre (Garmyn et al., 2009). Le troisième système (type 3), utilisé par les bactéries à Gram +, implique une communication via des peptides linéaires ou cycliques dont les voies de synthèse sont aussi dépendantes du gène LuxS. Les auto-inducteurs sont souvent perçus par des récepteurs protéiques intracellulaires ou membranaires (Keller & Surette, 2006). Deux gènes reliés aux systèmes de communication ont fait l’objet de plusieurs études chez différentes espèces bactériennes : comX (Competence X) et agr (Accessory gene regulator).

33

Des analyses réalisées sur L. monocytogenes démontrent que le gène comX est absent du génome, mais que quatre gènes du système agr sont présents (Garmyn et al., 2009, Rieu et al., 2007). L’implication de ces quatre gènes identifiés agrBDCA a été étudiée afin de situer leur influence dans la virulence de L. monocytogenes. La délétion de agrA et agrD entraîne une déficience dans les capacités d’adhérence de la bactérie sur le verre, le polypropylène et l’acier inoxydable. Le segment AgrD serait un gène précurseur de peptides auto- inducteurs (AIP) et les voies de biosynthèse de ces molécules restent à être davantage détaillées (Garmyn et al., 2009). Le système de communication Agr procure des bénéfices aux populations de L. monocytogenes et les signaux émis déclenchent des réponses chez les cellules réceptrices. Toutefois, il est difficile de savoir si ce système représente un trait social de la population (Vivant et al., 2014). Le rôle du système de communication Agr, dans le mécanisme de virulence de L. monocytogenes, via de petits peptides, a aussi été étudié à l’aide d’une souche mutante (ΔagrD). Les résultats ont démontré une diminution des capacités d’invasion des bactéries dans des cellules épithéliales intestinales suite à la délétion du gène agrD. La mutation au niveau du gène D (ΔagrD) provoque un affaiblissement de l’internalisation (InA) et démontre l’importance du système Agr dans l’intensité de la virulence (Riedel et al., 2009).

Chez les bactéries du genre Listeria, le système AgrA serait impliqué dans un réseau complexe de régulation chargé de la coordination de l’expression des gènes pour une adaptation optimale de la bactérie aux conditions environnementales (Garmyn et al., 2009). Les variations des facteurs environnementaux provoquent des changements dans l’expression des gènes, permettant ainsi aux bactéries de s’adapter et de survivre en conditions extrêmes (Gandhi & Chikindas, 2007). Le système Agr fait partie d’une organisation de communication, mais l’hétérogénéité de son expression durant la formation d’un biofilm ne correspond pas à la définition du QS, le phénomène d’échange se rapprocherait davantage à la théorie du diffusion sensing. Des questions demeurent quant au fait que les signaux produits par les bactéries impliqueraient peut-être un besoin d’évaluer la concentration dynamique du milieu plutôt que la nécessité d’une réponse concertée (Turovskiy et al., 2007). Puisque de nombreux facteurs influencent l’évolution adaptative, les deux théories (QS et DS) servent d’assises pour l’explication d’un système de

34

communication visant la survie de la population. Les avantages reliés aux interactions moléculaires sont donc bénéfiques à la fois pour la bactérie seule et pour la colonie. Tout bien considéré, les échanges d’informations et les signaux favorisent, selon plusieurs études, l’adaptation aux conditions environnementales chez un grand nombre de bactéries.