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1.2. LISTERIA

1.2.6. Résistances aux contraintes environnementales et mécanismes

1.2.6.5. Adhésion aux surfaces formation de biofilms

Dans l'environnement des usines de transformation alimentaire, il existe une multitude de matériaux pouvant abriter des organismes bactériens. Certains types de matière sont peu favorables à la colonisation bactérienne. C'est le cas de l'acier inoxydable (SS), qui est généralement utilisé pour les surfaces qui sont en contact direct avec les aliments. On reconnaît à ce matériel une inertie chimique en plus d’une facilité de nettoyage et de désinfection notamment en raison du nombre réduit d’interstices en comparaison avec d’autres types de surfaces. Les égratignures et les fissures sont en effet d'excellents refuges pour les microorganismes et le nettoyage de ces encavures est souvent très difficile. Les matériaux de plastique, en particulier le polypropylène (PP), quoique plus ductiles, sont aussi fréquemment utilisés en industrie alimentaire. Ils servent surtout pour les surfaces venant en contact avec les outils tranchants. Ces matières plastiques ont une bonne inertie face aux produits chimiques, une absence de corrosion et une excellente imperméabilité. Le

Figure 1.6. Inactivation d’un CRISPR-Cas par un anti-CRISPR phagique. (Tirée de Pawluk et al., 2016)

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caoutchouc est aussi un matériau souvent retrouvé, principalement pour les joints d'étanchéité. La cinétique de fixation des bactéries à ces trois types de surfaces dépend à la fois des caractéristiques physiques de ces supports et de leurs propriétés chimiques, dont la charge électrique, le degré d'hydrophobicité et le niveau d'énergie libre. Ces facteurs ont une influence déterminante sur le taux d'adhésion (Briandet et al., 1999). En industrie alimentaire, les employés manipulant des produits contaminés par Listeria peuvent transporter les germes via le contact de leurs mains sur les objets solides. Des études démontrent que L. moncytogenes peut survivre plus d'une heure sur la surface des doigts humains. Le nettoyage des doigts à l'aide de savon n'est pas suffisant pour éliminer tous les germes bactériens. Par contre, l'utilisation d'une solution de chlorhexidine gluconate dans le méthanol serait très efficace pour déloger les Listeria présents sur les doigts (Snelling et al., 1991).

Il est reconnu que la croissance des bactéries sur les interfaces air-liquide, air-solide et aux jonctions liquide-solide peut provoquer l'apparition de biofilms bactériens et ce phénomène a été identifié avec de nombreuses bactéries, dont L. monocytogenes. Cette bactérie, en adhérant aux surfaces, sécrète des polysaccharides extracellulaires induisant la formation de biofilms (Jeong & Frank, 1994; Takahashi et al., 2010). Ce phénomène peut entraîner la production de toxines bactériennes en fortes concentrations. Les bactéries, en sécrétant des polymères, donnent aux biofilms une texture visqueuse fortement adhérente qui atténue l'activité d’un désinfectant. À l’échelle microscopique, les biofilms bactériens forment une matrice dont l’architecture assure une stabilité à la colonie par la rétention d’une grande variété d’enzymes qui facilitent la dégradation et l’assimilation des ressources nutritives. L’agglomération, formée de multicouches, procure de nombreux avantages aux cellules regroupées et immobilisées en augmentant notamment leurs capacités métaboliques. Contrairement à un mode de vie planctonique, où elles sont davantage exposées à des situations de vulnérabilité, la vie bactérienne dans une structure de biofilms est plus fréquente dans la nature (Flemming et al., 2016). En effet, les bactéries proliférant dans des milieux naturels sont presque toutes fixées à un support solide (Gauthier & Isoard, 1989). L’intérieur d’un biofilm représente pour les bactéries une forteresse où ont lieu diverses réactions, telles que des mutations génétiques, des phénomènes de chélation, de la dégradation enzymatique

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accélérée et des processus de dilution, qui conduisent à l’augmentation de la tolérance des bactéries envers les produits antimicrobiens. En plus de bénéficier d’un protectorat contre les agressions extérieures, les cellules réunies profitent d’une plus grande hydratation, d’une moindre exposition au stress, d’une économie d’énergie ainsi que d’un système de communication chimique plus rapide grâce à leur proximité. La forte concentration bactérienne, la croissance principalement sessile et la sécrétion d’exo-polymères conduisent à la formation d’un biofilm stable, qui diminue grandement l’efficacité des produits de nettoyage et de désinfection (Flemming et al., 2016).

On s’aperçoit que les bactéries contenues dans les biofilms possèdent des propriétés différentes de celles vivant librement. Une augmentation de la ténacité à survivre, entre autres en raison d’une meilleure protection envers les agents toxiques et les conditions défavorables, est un avantage pour les bactéries et ce phénomène a été constaté chez L. monocytogenes (Frank & Kooffi, 1990). Étant donné que L. monocytogenes peut former des biofilms autant sur des surfaces biotiques qu’abiotiques, sa présence dans le secteur agroalimentaire est donc reconnue comme un problème notoire (Da Silva & De Martinis, 2013). L'adhérence de ce pathogène à une surface est considérée comme la première étape d’une colonisation. La fixation qui occasionne, dans plusieurs cas, des problèmes lors de l’assainissement industriel débute par une adhésion qui précède un ancrage stable et difficilement réversible. L’attachement réversible implique des forces, dites faibles (types van der Waals et électrostatiques), qui dépendent de la distance entre les bactéries et le support (Marshall, 1992; Strevett & Chen, 2003; Takahashi et al., 2010). À cette étape, les attractions cellulaires sont facilement affaiblies par les forces hydrodynamiques d’un liquide moussant, par exemple, mais, progressivement, des forces plus importantes se créent, telles que des liaisons hydrogènes et covalentes. Les liaisons irréversibles sont des interactions de très courtes distances qui impliquent des niveaux d’énergie élevés et dès lors, les cellules, pour être délogées, doivent être soumises à des chocs physiques ou chimiques plus intenses capables de rompre les liaisons en jeu (Brandger et al., Goulter et al., 2009). D'autres facteurs induisant l'adhésion bactérienne ou s’y opposant peuvent être impliqués dans la formation de biofilms, notamment, la présence de minéraux mono ou bivalents ainsi que l’acidité et la température du milieu (Gauthier & Isoard, 1989).

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Les matières hydrophobes n’établissant aucune liaison hydrogène avec l’eau (téflon, polypropylène et caoutchouc) assurent, en général, une fixation bactérienne plus importante que les composés ioniques, tels que les matériaux hydrophiles, chargés positivement (platine) ou encore ceux chargés négativement (verre et plastique) (Gauthier & Isoard, 1989). Le caractère hydrophobe ou hydrophile du germe lui-même peut influencer l’adhésion à divers types de surfaces (Rosenberg, 1984). Des travaux relatent, par exemple, que Staphylococcus aureus et certains entéropathogènes (E. coli) s'adsorbent aux surfaces grâce à leur caractère hydrophobe (Jonsson & Wadström, 1983; Zhao & Sen, 2012). L'adhérence de L. monocytogenes à l'acier inoxydable, au verre, au polypropylène et au caoutchouc a été observée dès les années 90 (Mafu et al., 1990). Selon les études, les Listeria adhéreraient aux surfaces dans un temps de 20 minutes et indépendamment de la température (4 C ou 21 C). Par ailleurs des travaux sur l’étude des propriétés bactériennes de L. monocytogenes démontrent que cette bactérie possède un caractère hydrophile (Briandet et al., 1999; Mafu et al., 1991). Toutefois, en présence d’acide lactique, L. monocytogenes deviendrait plus hydrophobe, augmentant son potentiel de fixation à l’acier inoxydable (Brandger et al., 2007). En théorie, le polypropylène et le caoutchouc, en plus d’être des surfaces irrégulières et relativement poreuses, offriraient de meilleures caractéristiques physicochimiques pour l'adhérence des microorganismes que le verre et l'acier inoxydable. Les énergies libres d'interface du polypropylène et du caoutchouc sont inférieures à celles du verre et de l'acier inoxydable. De plus, L. monocytogenes offre plus de résistance aux agents assainisseurs lorsqu'elle contamine des surfaces de polypropylène et de caoutchouc que dans le cas des surfaces de verre et d'acier inoxydable (Mafu et al., 1991; Roy et al., 1993). Cependant, L. monocytogenes adhère tout aussi facilement aux surfaces à faible ou grande énergie libre (Mafu et al., 1991). Au final, plusieurs facteurs peuvent influencer l’adhésion des bactéries aux surfaces, et la vision d’un système de communication à travers des sociétés bactériennes vient enrichir la compréhension des processus reliés à la formation de biofilm.

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