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1.7. Bactériophages

1.7.6. Cycles : lytique et lysogénique

Lors du processus d’injection de l’ADN phagique dans le cytoplasme bactérien, deux cycles sont possibles, celui qualifié de voie lytique, associé à un phage virulent (parasite actif), ou celui du système lysogénique, associé à un phage tempéré (parasite latent) (Fig. 1.28). Le mode d’infection des phages se divise donc en deux programmations qui sont reliées au cycle adopté par le virus lui-même. Dans le cycle lytique, les gènes qualifiés de précoces reprogramment d’abord la machinerie bactérienne en prenant le contrôle des activités métaboliques de la cellule et en les détournant pour induire la réplication de l’ADN phagique. Les gènes phagiques intermédiaires vont prendre la relève et coder pour la réplication de l’ADN viral. Les gènes tardifs vont ensuite effectuer la synthèse des différents modules

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phagiques (tels que la capside, la queue et autres protéines structurales), induire l’encapsidation de l’ADN, ainsi que la production des holines et des endolysines. L’étape de l’encapsidation s’effectue à l’aide d’une terminase qui coupe l’ADN en vue de l’introduire dans la procapside. Deux procédures d’encapsidation peuvent s’observer, l’une relevant d’un processus appelé « pac », qui se termine lorsque l’espace dans la procapside est saturé. La fragmentation de l’ADN par la terminase a lieu à un endroit indéterminé formant des chaînes (concatémères) de longueurs variables engendrant des extrémités redondantes. A contrario, les phages dont l’encapsidation commence et se termine par une coupure dans la séquence « cos » produisent des segments déterminés. Dans ce type d’empaquetage, le lieu du clivage a lieu sur un site précis reconnu par la terminase, engendrant des génomes aux extrémités cohésives, donc précises et invariables. Suite à l’encapsidation du matériel génétique, la maturation du phage se poursuit par le processus d’assemblage de chacune des parties des virions et les enzymes produites débutent leur action hydrolytique (Fig. 1.29).

Le montage des différentes pièces phagiques, l’affaiblissement de la membrane et de la paroi par les holines et les endolysines rendent imminente la lyse de la cellule. L’opération de démantèlement prend alors forme, les holines se lient à la membrane bactérienne et provoquent, comme mentionné précédemment, une dépolymérisation qui est responsable de la perforation membranaire. Les liens osidiques fragilisés et les brèches formées affectent grandement la structure membranaire et facilitent, par le fait même, la dispersion des

Figure 1.29. Cycle lytique (formation et libération des phages). (Adaptée de Chen, 2008)

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endolysines dont le rôle est de dénaturer le peptidoglycane par hydrolyse. La réplication intracellulaire des phages, combinée à l’action des enzymes lytiques, provoque inévitablement l’éclatement de la cellule et le dispersement des particules phagiques dans le milieu extracellulaire. La lyse bactérienne a lieu, en moyenne, plus d’une vingtaine de minutes après l'infection. Dans des conditions optimales, l’amplification virale est relativement courte et le processus s'effectue sur plusieurs bactéries en même temps, entraînant une importante libération simultanée de virions. La propagation virale est très souvent bien plus productive que la multiplication bactérienne et la population microbienne est rapidement dépassée et ravagée par ces attaques (Pirisi, 2000). Les nouveaux virions demeurent disponibles pour infecter les bactéries avoisinantes, enclenchant à répétition le cycle lytique. C’est ce processus qui est profitable et exploitable dans les domaines de la phagothérapie, de la phagoprophylaxie alimentaire et du phagoassainissement. La quantité de particules virales relâchées (burst size), en plus d’être directement reliée au type de phage et à la machinerie bactérienne impliquée, est souvent variable selon les conditions de croissance de la bactérie, les éléments nutritifs disponibles dans le milieu et selon plusieurs facteurs environnementaux, dont le pH et la température (Wittebole et al., 2014). Dans la voie lytique le phage détourne directement les activités métaboliques de la cellule pour sa propre réplication. Il est ainsi considéré comme un parasite actif qui se multiplie jusqu'à l'épuisement des ressources bactériennes présentes dans son environnement immédiat. Le cycle lysogénique, quant à lui, dérive d’une infection causée par un phage tempéré apte à intégrer son ADN dans le chromosome bactérien et pouvant alors demeurer en état de latence dans le génome de l’hôte. Le système de programmation des phages tempérés détient les fonctions génétiques requises pour l’incorporation de leur génome à celui de la bactérie. Ce phénomène peut conduire à un mécanisme de transfert horizontal de gènes de virulence ou de résistance dans le système bactérien. Le phage est alors reconnu comme le vecteur de l’acquisition de facteurs évolutifs par transduction (Wittebole et al., 2014). À travers ce cycle phagique, la bactérie survit et se reproduit normalement en transmettant l'ADN phagique à chaque cellule fille au fil des générations. Puisque les phages tempérés peuvent conférer de nouvelles propriétés fonctionnelles aux bactéries, ils ne sont pas de bons candidats dans la formulation de solutions antimicrobiennes (Ravat et al., 2015). En revanche, ils sont des

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outils précieux en biologie moléculaire pour modifier les génomes bactériens. Les intégrases responsables de leur intégration sont de types recombinase-sérine ou recombinase-tyrosine. Les bactéries qualifiées de lysogènes possèdent dans leur génome le virus in vivo, que l’on nomme alors prophage et le microorganisme peut être qualifié de porteur sain. Le virus se propage passivement durant la multiplication bactérienne et se libère de la cellule uniquement si les conditions physico-chimiques le permettent. Lors de la division cellulaire, la bactérie transmet le caractère létal potentiel à sa descendance. Dans certains cas, la présence d'un virus latent dans le chromosome bactérien protège la cellule contre l'attaque de certains phages en empêchant l’infection par d’autres virus apparentés.

Toutefois, l’équilibre du complexe prophage/bactérie étant instable, il peut être perturbé par divers facteurs externes tels que des variations de pH, des chocs thermiques, des expositions aux rayons UV, ou encore des expositions aux antibiotiques, dont la mitomycine C (Loessner et al., 1991a). Ces états de stress peuvent engendrer le phénomène d’induction qui conduit à l’excision du matériel génétique, libérant alors le prophage. Cette libération permet au phage d’entamer un cycle lytique par mobilisation des fonctions métaboliques de la bactérie. Cette reprogrammation enclenche un mécanisme de virulence qui mène à l’autoréplication du phage, à la lyse de la bactérie et à la libération de virions. À ce stade, les virus à caractère tempéré peuvent plus facilement être détectés dans le sol, l'eau, les plantes et dans tous les endroits pouvant favoriser la croissance des bactéries.