• Aucun résultat trouvé

1.3. Listériose : portrait de la situation mondiale, épidémiologie et recensement

1.3.1. Listeria dans les aliments

1.3.1.2. Les produits carnés

La croissance des Listeria dans les produits carnés dépend de plusieurs facteurs, dont le pH, le type de tissu et la flore microbienne initialement présente (Glass & Doyle, 1989). Plusieurs cas de listériose impliquant l'ingestion de jambon, de poulet, de porc et de saucisses contaminés ont été rapportés aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et dans de nombreux autres pays. Par leur Aw élevée, ces aliments sont d'excellents milieux pour le

développement de L. monocytogenes. La pathogénicité de L. monocytogenes pour les animaux domestiques ou sauvages est bien connue, puisque les listérioses animales ont été les premiers cas rapportés d'infection. D’ailleurs, les animaux d’élevage sont les plus fréquemment touchés en raison de leur contact direct avec le sol et les plantes, et ils

44

représentent en plus d'excellents foyers de propagation de par leur proximité. Du fait que L. monocytogenes est résistante à la congélation, aux concentrations élevées de sel, aux nitrites et aux acides, et qu’elle peut également se développer à de basses températures et dans des milieux peu oxygénés tels que les paquets de viande emballée sous vide, les produits carnés représentent un vecteur important de transmission de la listériose. Par ailleurs, les bovins, les porcins, les caprins, les volailles et les ovins peuvent tous représenter, dès leur entrée dans une usine en vue de l’abattage, une source de contamination. Ces animaux peuvent être des porteurs sains de Listeria et ils sont souvent mis en cause lors de la contamination du personnel, du matériel et des surfaces de travail.

Les contaminations animales peuvent être soit agoniques (dissémination des germes lors de l'abattage), soit post mortem (contamination durant la préparation des carcasses). Souvent, une contamination superficielle des carcasses est responsable de la propagation microbienne dans les ateliers de découpe ou les chambres d’entreposage. Même si, en général, la contamination est présente en surface de la viande, dans certains cas l'intérieur des muscles peut être infecté (Johnson et al., 1990). Les sérotypes 1/2a, 1/2b et 4b sont les plus souvent détectés dans ce type de produit et les plus propices à transmettre la listériose chez les humains. Ils sont toutefois les plus sensibles aux infections phagiques (Klumpp & Loessner, 2013; Ward et al., 2004). Les produits transformés de la viande, auxquels on ajoute des agents antimicrobiens comme le lactate de potassium ou de sodium, deviennent des matrices moins propices à la prolifération de L. monocytogenes (ILSI, 2005). De plus en plus populaires, les antimicrobiens de nature biologique, qui entraînent une baisse du pH, sont désormais approuvés et appliqués dans divers produits. En effet, des bactéries lactiques produisant des acides lactique ou propionique sont utilisées fréquemment dans les produits carnés. L’utilisation de bactériocines fait aussi partie de la bio-artillerie antimicrobienne (Berry et al., 1991; Tahiri et al., 2004; Veskovic-Moracanin & Martinovic, 2006), et l’application de bactériophages est maintenant de plus en plus autorisée. Des inhibiteurs naturels, tels que de la poudre de céleri (source de nitrite) et du vinaigre (acide acétique), peuvent aussi être ajoutés aux produits transformés. Malgré toutes les précautions, les produits de la viande sont souvent liés à des éclosions de listériose.

45

Selon une compilation des aliments ayant causé des cas de listériose sur une période de 30 ans, les produits carnés sont de loin, avec plus de 50 % des cas, les produits les plus à risque de transmettre la maladie en raison de différents facteurs incluant la grande consommation mondiale de ces denrées (Fig. 1.10). Les produits de la viande transformée de la catégorie prêts-à-manger sont en effet très populaires et largement consommés dans les pays industrialisés. Bien que des niveaux de contamination se situant entre 104 et 105 UFC/g aient

déjà été rapportés dans les produits carnés, les concentrations généralement détectées sont de l'ordre de 100 à 103 UFC/g. Une étude australienne réalisée sur 175 échantillons de viandes

emballées sous vide, obtenus d'un marché d'alimentation, a démontré que plus de 93 produits étaient contaminés par Listeria et plus de 1000 UFC/g de L. monocytogenes ont été détectées dans sept des échantillons (Grau & Vanderlinde, 1992). Le comportement de L. monocytogenes, lors de la fabrication de saucisses de type Frankfurters emballées sous vide, a été étudié et les résultats ont démontré que les étapes de transformation, comprenant une fermentation, entraînent une diminution de la population bactérienne par un facteur de deux log. Suite à une contamination in vitro, le compte initial est passé de 106 à 104 UFC/ml

en fin de fabrication (Bunčić et al.,1991). Cette constatation démontre toutefois que les étapes de transformation ne permettent pas d'exterminer L. monocytogenes dans le produit, à moins d’une contamination initiale très faible. Le poulet peut également être un excellent substrat pour les Listeria. Les sérovars bactériens impliqués dans la contamination de ce type

Figure 1.10. Pourcentage des produits alimentaires incriminés dans des cas de listériose invasive de 1980 à 2010 (Amérique, Europe, Australie et Nouvelle-Zélande). (Données sources, Santé Canada, 2011)

46

d'aliment sont les mêmes que pour les autres types de viandes. Une analyse comparative a démontré que Pseudomonas fluorescens est inhibée plus efficacement que L. monocytogenes dans le poulet entreposé sous atmosphère modifiée (Marshall et al., 1991). En 2002, aux États-Unis, plus de 45 personnes ont été infectées par L. monocytogenes après la consommation de dinde tranchée (charcuterie) et 10 décès ont été confirmés (CDC, 2002). Comme mentionné précédemment, au Canada, en 2008, une problématique similaire a eu lieu après que 56 personnes ayant consommé de la viande de charcuterie ont été contaminées par le germe et que de ce groupe, 21 personnes sont décédées. Le rapport officiel de l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a confirmé que les produits en cause étaient des produits de viandes prêts-à-manger traités dans les installations de Maple Leaf en Ontario et que, de toutes les provinces, l'Ontario a été la plus touchée, avec 41 des cas de maladie et 16 décès (Ministère Santé Ont., 2008). Cette éclosion a suscité un immense intérêt médiatique et représente encore aujourd'hui un cas de santé publique d'envergure auquel on se réfère. En juillet 2010, Santé Canada diffusait un rappel d’aliments incluant de la dinde transformée et autres produits carnés (saucisse, bœuf et jambon) contenant ou pouvant contenir L. monocytogenes et ayant été distribués dans plusieurs provinces canadiennes (Gouv. Can., 2010). Plus récemment, au Danemark, en 2014, 38 personnes ont été contaminées par L. monocytogenes suite à la consommation de produits de charcuterie contaminés. De ce nombre, 15 personnes sont décédées (Food Safety News, 2014). Des études révèlent que plusieurs souches isolées, à même les produits carnés, sont résistantes à certains antibiotiques (Yücel et al., 2005).