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1.2 Modèle conceptuel

1.2.1 La matrice déchet

La matrice solide formée par les OM est complexe. En effet, elle présente une forte hétérogénéité de composition, de dimension ainsi que de propriétés physiques. Ce sont ces hétérogénéités qui accentuent la complexité des phénomènes qui régissent la vie des ISD bioréacteurs. Ainsi, malgré de nombreux travaux en laboratoire de qualité, l’hétéro- généité de la matrice solide ne permet souvent pas le transfert d’information de l’échelle du laboratoire vers l’échelle du site. Comme le signalent Benson et al. (2007), du fait de la complexité de la matrice solide, les résultats obtenus en laboratoire sont souvent éloignés des informations empiriques obtenues sur site réel. Une description détaillée de l’ensemble des phénomènes mis en jeu dans les ISD doit donc intégrer l’effet de ces hétéro- généités si l’on veut pouvoir effectuer le transfert des informations aux différentes échelles d’expérimentation.

1.2.1.1 Composition

Les déchets ménagers forment un substrat complexe, dont la composition comporte une variabilité géographique, temporelle, sociale et économique importante. On imagine aisément par exemple que suivant la région de collecte (rurale ou citadine) ou la saison, la proportion de déchets alimentaires ou de plastique dans les OM puisse varier du simple au double. Or, l’action des bactéries sur un substrat organique est largement conditionnée par la nature de ce dernier. La composition du déchet est donc un facteur important qu’il est nécessaire de prendre en compte si l’on veut modéliser correctement la dégradation des déchets. En effet, la gestion moderne des ISD est intimement liée à la composition des déchets puisque celle-ci contrôle les quantités de biogaz et de lixiviats émises. A partir de cette constatation un certain nombre de méthodologies pour caractériser la composition des déchets ont été mises en place (McCauley-Bell et al., 1997). En France, la méthodologie utilisée pour caractériser le déchet est la méthode MODECOM (Méthode DE Caractérisation des Ordures Ménagères) développée par l’ADEME (Ademe, 1997). Cette méthode permet de caractériser le déchet par sa composition, donnant ainsi, par exemple, une information sur le gisement de matière fermentescible. La Figure 1.4 présente la composition simplifiée des déchets ménagers en France en 2002.

Fig. 1.4 – Composition type des déchets ménagers en France en 2002 (source ADEME) Du fait de la complexité et de la diversité des éléments constituants les déchets ména- gers, il est impossible de prendre en compte l’ensemble des éléments chimiques constitutifs des déchets. Il est donc nécessaire de classer les éléments composants les déchets suivant leurs caractéristiques communes. Une première approche consiste à modéliser les diffé- rentes fractions du déchet comme un constituant hydrocarboné dont la formule prendrait la forme CaHbOcNd. Des tests de laboratoire permettent ensuite de déterminer les valeurs

mises en jeu lors des diverses étapes de biodégradation. Par exemple, Liwarska-Bizukojc and Ledakowicz (2003) réalisent des expériences de biodégradation aérobie de la fraction putrescible d’échantillons de déchets ménagers à différentes températures. La formulation moyenne obtenue pour cette fraction du déchet est C5H8,5O4N0,2. Il est possible également

d’adopter ce type d’approche pour déterminer une formulation compacte des autres frac- tions du déchet et ainsi de leur associer des bilans stoechiométriques de réaction dans les cas aérobie et anaérobie. Néanmoins, cette approche est compliquée à mettre en oeuvre compte tenu de la variabilité compositionnelle de chaque fraction de déchet en fonction de la saison, de la région, etc...

Une deuxième approche, plus communément utilisée dans les études de biodégrada- tion, consiste à établir une classification basée sur les cinétiques de dégradation de chaque classe de déchet (Manna et al., 1999). Beaucoup d’études expérimentales menées en la- boratoire pour caractériser les cinétiques de biodégradation ne considèrent qu’une seule fraction de déchet biodégradable composée de déchets alimentaires (Wang et al., 1997; Liwarska-Bizukojc et al., 2002; Oldenburg et al., 2002). Néanmoins, la plupart des études de modélisation se basent sur trois classes de matériaux : rapidement biodégradable, len- tement biodégradable et inerte. Chacune est caractérisée par une constante d’hydrolyse différente, qui caractérise la difficulté pour les microorganismes à solubiliser les éléments qui la composent (Findikakis and Leckie, 1979; Arigala et al., 1995; El-Fadel et al., 1996; Hashemi et al., 2002).

Enfin, les études de laboratoire menées par Aguilar-Juarez (2000) mettent en évidence quatre classes de déchets. Ceci revient simplement à introduire une classe de déchet inter- médiaire que l’on qualifie de moyennement biodégradable. Cette classification nous permet de trouver un compromis entre la nécessité de conserver une certaine complexité dans la description du déchet pour obtenir une bonne précision et les contraintes imposées par les temps de calcul qui limitent le nombre de constituants que l’on peut modéliser. Le Tableau 1.2 résume la classification que nous avons retenue pour caractériser simplement la composition des ordures ménagères.

Cette classification permet de rassembler les éléments constitutifs des OM de struc- tures chimiques comparables et de comportements vis-à-vis de l’activité biologique de biodégradation similaires.

1.2.1.2 Taille caractéristique

Une autre difficulté lorsque l’on tente de comprendre globalement les mécanismes qui régissent le comportement des ISD réside dans la disparité de taille des éléments qui constituent les OM. En effet, sans traitement mécanique préalable à l’enfouissement, les OM présentent une hétérogénéité de dimension importante puisqu’elles peuvent aussi

Tab. 1.2 – Différentes classes de déchets

Fraction du déchet solide Eléments constitutifs

Déchets alimentaires

Rapidement biodégradable Déchets verts (feuilles, végétaux)

Boues

Moyennement biodégradable Papiers, cartons

Textiles

Lentement biodégradable Déchets ligneux

Bois

Matière minérale (gravats)

Inerte Métaux

Plastiques

bien contenir des déchets alimentaires, des éléments de mobilier usagés, etc... A titre d’exemple, les résultats d’un MODECOM réalisé sur un site de traitement opéré par Onyx en Normandie (cf. Figure 1.5) présentent la répartition des tailles de particules de déchets solides. Nous constatons que le déchet est loin d’être composé d’éléments solides de

Fig. 1.5 – Répartition granulométrique du déchet provenant d’un site opéré par Onyx en Normandie (d’après un MODECOM réalisé en mars 2005)

tailles homogènes. Même si la répartition entre les 4 catégories de taille granulométrique est arbitraire, nous constatons que chaque catégorie de taille représente une fraction non négligeable de la masse totale de déchet triée. Sans opération de broyage préalable à l’enfouissement, il est donc très difficile de définir une taille caractéristique des éléments solides composant les déchets.

Ces observations sont confirmées par Miller and Clesceri (2003) qui évaluent la dispa- rité de taille, de densité, de forme et de surface spécifique de différents matériaux compo- sant le déchet. Pour Miller and Clesceri (2003), même si une classification des déchets par catégories de taille permet de mieux caractériser les OM dans l’optique de modéliser leur comportement, cette classification reste difficile à définir puisqu’un même matériau peut

posséder plusieurs extensions spatiales dont les tailles caractéristiques sont très différentes (par exemple les feuilles de papier). C’est pourquoi, la répartition granulométrique des éléments constitutifs des OM est rarement utilisée pour caractériser le déchet, puisque celle-ci comporte une variabilité importante. La densité des déchets semble être une unité de mesure plus adaptée pour caractériser les OM.

Malheureusement, même si une classification granulométrique des OM est impossible en pratique, il est aisé de concevoir que la taille des éléments enfouis en ISD peut avoir une importance sur les écoulements de fluide au sein du massif, sur la répartition de l’humi- dité, ainsi que sur la disponibilité du substrat organique pour l’activité biologique. C’est pourquoi, beaucoup d’industriels du domaine s’intéressent de près à la "préparation de la charge". Ceci consiste simplement à préparer le déchet (tri, broyage, etc...) afin d’obtenir un substrat solide favorable au développement d’une activité de biodégradation, c’est à dire un substrat dont les caractéristiques physiques sont les plus homogènes possible.