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3.4 Propriétés énergétiques

3.4.2 Evaluation de la conductivité thermique des déchets

Nous cherchons ici à évaluer le tenseur de conductivité thermique effectif pour le dé- chet. Comme nous l’avons montré lors du développement du modèle mathématique de transport de chaleur, le tenseur de conductivité thermique effectif est composé d’une

contribution liée à la tortuosité du milieu et d’une contribution dispersive liée aux fluc- tuations des vitesses des phases mobiles autour de la valeur moyenne. Le tenseur de conductivité thermique est le paramètre clé si l’on veut décrire correctement les trans- ferts de chaleurs dans les ISD. En effet, hormis pendant les périodes de réinjection de lixiviats, les effet de transport de chaleur par convection sont négligeables face aux effets de conduction. La répartition de la chaleur au sein du massif est alors uniquement liée au tenseur de conductivité thermique du milieu.

Dispersion thermique. Dans l’équation 2.203, nous pouvons remarquer des termes

de dispersion thermique liés à la déviation des vitesses des phases mobiles. Néanmoins, la dispersion thermique pourra être considérée négligeable par rapport aux termes de conduction thermique pure. En effet, comme le présentent Quintard et al. (1997) dans leurs travaux sur les modèles de non-équilibre thermique local, pour des nombres de Péclet thermiques inférieurs à 10, les termes de dispersion thermique sont négligeables par rapport aux termes de conduction. Le nombre de Péclet thermique pour une phase mobile θ est défini par la relation suivante :

P ethθ = ρθCP θ Vθ l Λθ (3.58) Dans cette expression, l représente la dimension caractéristique des pores.

L’évaluation du nombre de Péclet thermique va nous permettre d’évaluer la nécessité de conserver ou non les termes de dispersion thermique dans le calcul de la conductivité thermique effective. Nous distinguons plusieurs cas de figure. Le premier cas est le cas pendant lequel il n’y a pas de réinjection de lixiviats sous pression. Dans ce cas, nous pouvons estimer que les vitesses des phases mobiles gaz et liquide sont principalement gérées par la force gravitaire et ces vitesses sont du même ordre de grandeur (

Vγ ≈ Vγ ≈ 1 10

−4 m/s). Si l’on considère dans ce cas que ρ

γ ≈ 1 kg/m3, CP γ ≈ 1000

J/kg/K, l ≈ 0, 01 m et Λγ ≈ 0, 03 J/s/m/K et que ρλ ≈ 1000 kg/m3, CP λ ≈ 3000

J/kg/K, et Λλ ≈ 0, 03 J/s/m/K, nous avons :

P ethγ ≈ 10−2 (3.59)

P ethλ ≈ 1 (3.60)

Dans le cas où l’on n’injecte pas de lixiviats, les nombres de Péclet thermiques sont donc tels que les termes de dispersion peuvent être négligés puisque, d’après Quintard et al. (1997), les termes de dispersion thermique n’ont d’impact sur les transferts thermiques que pour des nombres de Péclet thermiques supérieurs à 10.

L’autre cas de figure est le cas de l’injection de lixiviats. Lors des périodes de réin- jection, il n’est pas rare que les débits injectés, et par conséquent les vitesses mises en jeu, soient importants (entre 5 et 50 m3/h). Nous considérons par exemple une vitesse

d’injection de lixiviats de 10−1 m/s. Le nombre de Péclet thermique de la phase liquide étant le plus contraignant, nous ne calculons que celui-ci. On a :

P ethλ ≈ 100 (3.61)

Le nombre de Péclet thermique de la phase liquide est donc supérieur à 10 pendant les périodes d’injection. Il est donc théoriquement nécessaire de prendre en compte la dispersion thermique. Néanmoins, les périodes de réinjection utilisant de forts débits sont relativement courtes. De plus, et surtout, nous ne disposons d’aucune donnée quantitative pour évaluer les thermes de dispersion thermique. Par conséquent, les termes de dispersion thermique seront négligés dans une première approche.

Tenseur de conductivité thermique effectif. Le tenseur de conductivité thermique est relativement difficile à obtenir pour des matrices poreuses complexes comme les OM. Tout d’abord, nous considérons qu’il n’existe pas d’anisotropie des propriétés de conducti- vité thermique et le tenseur de conductivité thermique se réduit alors à un seul coefficient scalaire (cf. 3.62). En effet, même si, comme nous l’avons présenté avec la Figure 3.6, le milieu poreux formé par les OM stockées en ISD présente une anisotropie de ses propriétés physiques entre les directions verticales et horizontales, les contrastes des propriétés de conductivité thermique sont beaucoup moins marqués que les contrastes de perméabilité par exemple. C’est pourquoi nous considérons que le milieu est isotrope du point de vue de ses propriétés thermiques.

Λef f =    Λef f 0 0 0 Λef f 0 0 0 Λef f    (3.62)

Contrairement à d’autres propriétés, il est relativement compliqué d’évaluer la conduc- tivité thermique des OM au sein des ISD puisque la répartition des phases est fortement variable et que la composition du matériau solide l’est aussi. Comme le présente Aran (2001), il existe diverses méthodes permettant de calculer la conductivité thermique des déchets. Les plus répandues sont les méthodes "série" et "parallèle". La première consiste à évaluer la conductivité équivalente en considérant que le déchet est composé d’une suc- cession de couches de solide, de liquide, de gaz et de biofilm et que le flux de chaleur est perpendiculaire à l’empilement ainsi créé. La seconde consiste à considérer que le déchet

est formé du même empilement, mais que le flux de chaleur est cette fois ci parallèle à l’empilement (Yoshida et al., 1997). Ces modèles fournissent des bornes supérieures et inférieures à la conductivité réelle du système (Wiener, 1912). Cependant, la conductivité réelle peut être significativement éloignée de ces bornes, et la seule méthode efficace pour déterminer la conductivité thermique des déchets ménagers est de la mesurer directement via la mise en place d’un dispositif expérimental.

Dans sa thèse, Aran (2001) présente des résultats de mesure de conductivité thermique de deux types de déchets (déchet jeune et déchet âgé) en fonction de la teneur en eau pon- dérale du déchet. La méthode utilisée pour mesurer la conductivité thermique du déchet est la méthode de la sonde à choc thermique. Les résultats obtenus permettent de porter deux conclusions distinctes. La première est que, quel que soit l’"âge" du déchet, la conduc- tivité thermique augmente avec la teneur en eau. Ceci est logique puisque l’eau possède un fort pouvoir conducteur de chaleur par rapport aux autres constituants. La deuxième conclusion est que les déchets âgés sont moins conducteurs que les déchets jeunes. Ceci paraît étonnant puisque, d’après Miller and Clesceri (2003), les éléments qui composent les fractions rapidement et lentement biodégradables du déchet sont également ceux qui possèdent les conductivités thermiques les plus faibles. La disparition de ces éléments de- vrait donc conduire à l’augmentation de la conductivité thermique. Une réorganisation avec le temps du déchet peut conduire à une augmentation de la tortuosité thermique, mais des expériences complémentaires sont nécessaires pour confirmer ou invalider cette tendance. Ces mesures nous permettent néanmoins d’obtenir un ordre de grandeur de la conductivité thermique. Celle-ci varie globalement de 0.1 à 1 W.m−1.K−1. Aran (2001) compare ces résultats expérimentaux à la moyenne arithmétique des approches théoriques "série" et "parallèle" et conclut que les résultats obtenus sont finalement assez cohérents. Dans notre modèle, compte tenu de la faible quantité de mesures de conductivité thermique en fonction de la composition du déchet disponibles dans la littérature, nous utiliserons un modèle de type moyenne arithmétique des conductivités thermiques séries et parallèles (Yoshida et al., 1997). Appelons Λser la conductivité thermique équivalente

en série et Λpar la conductivité thermique équivalente en parallèle, nous avons :

Λser = (1 −  − β) Λσ+ βΛβ+ SΛλ+  (1 − S) Λγ (3.63) Λpar = 1 1−−β Λσ + β Λβ + S Λλ + (1−S) Λγ (3.64)

La conductivité effective Λef f s’exprime alors de la manière suivante :

Λef f =

Λser+ Λpar

L’utilisation de cette formule nécessite de connaître la conductivité thermique de cha- cune des phases que nous considérons. C’est l’évaluation de la conductivité thermique de chacune de ces phases que nous présentons par la suite.

Conductivité thermique de la phase gaz. La phase gaz est elle-même un mélange

de constituants. L’évaluation des propriétés de transport de chaleur pour les mélanges gazeux est relativement bien décrite dans la littérature et se base sur la théorie cinétique des gaz (Reid et al., 1987). Pour calculer la viscosité du mélange gazeux, nous utilisons l’approche proposée initialement par Wassiljewa (1904) reprise ensuite par de nombreux auteurs comme Mason and Saxena (1958). La formule utilisée pour calculer la conductivité thermique de la phase gaz en fonction de la conductivité thermique des gaz purs est présentée par la relation 3.66.

Λγ = k=5 X k=1 ΛγkΩγk/Mk j=5 P j=1 Ωγj/MjAki (3.66) avec Aki =  1 +ηγk ηγj 1/2 Mk Mi −1/42 h 81 + Mk Mi i1/2 (3.67)

Nous remarquons que cette expression nous permet d’obtenir la conductivité thermique d’un mélange gazeux en fonction de la viscosité ηγk et des conductivités thermiques Λγk

des gaz purs qui composent le mélange. La méthode permettant d’évaluer la viscosité des gaz purs a été présentée précédemment. Il nous reste donc à présenter la méthode par laquelle nous évaluons la conductivité thermique des gaz purs.

Conductivité thermique des gaz purs. La corrélation que nous utilisons pour cal- culer la conductivité thermique des gaz purs en fonction de la température est celle qui est utilisée par le logiciel Component Plus® et qui est basée sur la méthode de Ely and Hanley (1983). Cette corrélation s’exprime de la façon suivante :

Λγi =

ATB 1 + CT +TD2

pour i = N2, CO2, CH4, O2, H2O (3.68)

Les coefficients A, B, C et D sont spécifiques au gaz pur considéré. Les valeurs de ces coefficients sont données dans le Tableau 3.17.

Conductivité thermique de la phase liquide. Nous considérons que la phase li-

Tab. 3.17 – Coefficients utilisés pour évaluer la conductivité thermique des gaz purs grâce à l’équation 3.68 Gaz considéré A B C D N2 3,31 10−4 0,772 16,3 373,7 O2 4,45 10−4 0,745 56,7 0 CO2 3,69 -0,384 964 1,86 106 CH4 6325 0,43 7,7 108 -3,872 1010 H2O 2,16 10−3 0,768 3940 -445340

thermique de la phase liquide est assimilable à celle de l’eau liquide. Pour calculer la conductivité thermique de la phase liquide, nous utilisons la formule introduite dans le logiciel Component Plus® et qui permet de calculer la conductivité thermique de l’eau liquide en fonction de la température (cf. 3.69).

Λλ = A + BT + CT2+ DT3+ ET4 (3.69)

L’estimation des coefficients A, B, C, D et E nécessaires à l’évaluation de la conduc- tivité thermique de la phase liquide est présentée dans le Tableau 3.18.

Tab. 3.18 – Coefficients utilisés pour évaluer la conductivité thermique de l’eau liquide grâce à l’équation 3.69

Liquide considéré A B C D E

H2O -0,432 5,72 10−3 -8,07 10−6 1,86 10−9 0

Conductivité thermique de la phase biofilm. Comme nous l’avons vu précédem-

ment, la phase biofilm est elle aussi majoritairement composée d’eau. Par conséquent, nous considérons que le comportement de la phase biofilm vis-à-vis du transport de cha- leur est assimilable à celui de l’eau liquide. La conductivité thermique de la phase biofilm sera donc la même que celle de l’eau liquide.

Conductivité thermique de la phase solide. Pour évaluer la conductivité thermique de la phase solide, Miller and Clesceri (2003) signalent, qu’en première approche, compte tenu du fait qu’aucune information locale sur l’arrangement des particules n’est disponible, il est légitime de considérer que la conductivité thermique de la phase solide est la moyenne de la conductivité thermique de chaque constituant pondérée par la fraction massique de chacun des constituants de la phase solide (cf. équation 3.70).

Λσ =

X

i∈σ

Il nous faut alors évaluer la conductivité thermique des différents éléments du déchet, soit la partie déshydratée de la fraction fermentescible, la fraction papier/carton, la frac- tion très lentement biodégradable ainsi que la fraction inerte et l’eau constitutive. Le Tableau 3.19 présente les gammes de valeurs que peut prendre la conductivité thermique de chacune des fractions de déchet.

Tab. 3.19 – Conductivité thermique des différents composants de la fraction solide

Fractions du déchet Conductivité thermique

(J/s/m/K)

Fraction rapidement biodégra-

dable (fermentescible)

0,05 Fraction lentement biodégradable (Papier/carton)

0,14 Fraction très lentement biodégra- dable

0,15-0,3

Eau constitutive cf. équation 3.69

Fraction inerte (plastique, verre, métaux, etc...)

0,77 (plastiques) - 192 (alumi- nium)

Les valeurs présentées dans le Tableau 3.19 sont tirées de Miller and Clesceri (2003). En conclusion, la compréhension détaillée du fonctionnement thermique des déchets ménagers nécessite de réaliser des campagne de mesures plus systématiques de façon à collecter des données en quantité nécessaire à l’évaluation correcte des coefficients qui gèrent le transport de chaleur au sein des ISD.