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1.2 Modèle conceptuel

1.2.2 Biofilms

La modélisation des processus physico-bio-chimiques intervenant dans les ISD bioréac- teurs nécessite d’abord de comprendre et de modéliser correctement les chaines réaction- nelles mais également de décrire finement la localisation des réactions de biodégradation. Comme nous l’avons mentionné précédemment, la dégradation des déchets est l’œuvre de microorganismes. De ce fait, nous pouvons imaginer plusieurs possibilités en ce qui concerne le mode d’action de ces microorganismes : dégradation par des microorganismes isolés à la surface du substrat, dégradation en phase liquide par des bactéries ou amas de bactéries isolés, ou bien colonisation de la surface du substrat puis formation d’un biofilm actif pour la dégradation du substrat. Le concept de biofilm est associé à la formation de couches de bactéries adsorbées sur une surface solide (Bryers, 2000). Le biofilm désigne en réalité une accumulation de bactéries à la surface d’un substrat solide. Celui-ci est la plupart du temps non uniforme en temps et en espace. Il est composé d’un mélange d’eau, de matériaux cellulaires et de matériaux extra cellulaires d’origines microbiennes (Christensen and Characklis, 1990).

En réalité, la structure même de la matrice poreuse formée par le déchet laisse supposer que la biodégradation des OM se fasse par un système de biofilm (Aguilar-Juarez, 2000). De nombreuses expériences de biodégradation en milieu poreux confirment la présence de biofilms. Par exemple, Vayenas et al. (2002) ont visualisé le développement d’un biofilm dans un micromodèle en verre simulant un milieu poreux soumis à un flux de polluant organique liquide. Le résultat de leur étude indique de fortes concentrations de bactéries à proximité des parois solides, confirmant ainsi la présence de biofilm. Dans la même

optique, Kim and Fogler (2000) étudient la croissance de biofilms dans un milieu poreux modèle dans des conditions de faible apport en nutriments. Les résultats de ces expériences permettent de mettre en évidence qu’un film de bactéries se forme très rapidement lorsque l’apport nutritionnel initial est suffisant (cf. Figure 1.6). De plus, une fois formé, le biofilm, même en conditions de pénurie en nutriments, est capable de se maintenir quelques temps.

Fig. 1.6 – Visualisation du développement d’un biofilm en milieu poreux modèle d’après Kim and Fogler (2000)

D’autres expériences de laboratoire dans des conditions proches de celles observées sur site, ou des expériences sur des ISD en cours d’exploitation, ont confirmé la présence de ces films bactériens. Kim and Barry (2002) ont mené une campagne de mesures sur les systèmes d’extraction de gaz implantés dans des ISD en exploitation. Ces expériences avaient pour but d’étudier les structures microbiennes présentes dans les décharges. Pour ce faire, ils se sont basés sur le fait que, dans la plupart des systèmes d’extraction, on récupère des " agrégats " de bactéries sur les filtres des systèmes d’extraction. Ceci nous conforte donc dans l’idée que les bactéries colonisent le milieu poreux en formant prin- cipalement un biofilm adsorbé sur la matrice solide. D’autres études se sont intéressées de près au développement de ces biofilms dans les ISD, car la prolifération de films de microorganismes peut être à l’origine de la détérioration de l’efficacité des systèmes de drainage ou de réinjection (Rowe et al., 2000; Bouchez et al., 2003; Cooke et al., 2005b,a). Rowe et al. (2000) observent le développement d’un biofilm dans une colonne de milieu poreux modèle (empilement de billes de verre) soumise à un flux de lixiviats récoltés sur un ISD en exploitation. Des relevés de pression le long de la colonne permettent d’observer

les modifications des propriétés hydrodynamiques du milieu poreux liées au développe- ment de biofilm. Les résultats obtenus lors de cette étude donnent des indications sur les conditions (charge en matière organique, débit de liquide) dans lesquelles le biofilm se développe le plus efficacement.

Rittmann (1993) ou Bouwer et al. (2000) justifient de telles observations relativement simplement puisque, dans un milieu poreux, la surface solide spécifique est si importante que cela suggère une adsorption aisée des bactéries. D’autre part les vitesses interstitielles mises en jeu sont relativement faibles et ne permettent pas dans la plupart des cas l’arra- chement des biofilms. Cependant, la condition nécessaire au développement des biofilms est la présence d’une humidité assez importante. En effet, comme les biofilms sont majo- ritairement composés d’eau et de bactéries, on comprend aisément qu’un seuil minimum d’humidité est nécessaire pour que les bactéries puissent coloniser les surfaces solides et ainsi former un biofilm. Les mécanismes de formation de ces biofilms en milieu poreux res- tent complexes et fortement influencés par les conditions physico-chimiques locales (Bou- wer et al., 2000; Rowe et al., 2000). Ils peuvent être décrits par plusieurs étapes. Tout d’abord, quelques bactéries s’adsorbent à la surface du solide. Ensuite, elles consomment les nutriments présents dans le milieu environnant et colonisent le substrat solide par prolifération (cf. Figure 1.7). Au cours de cette phase de croissance, elles produisent des sous-produits comme le CO2 ou le CH4. Enfin, lorsque les conditions deviennent défavo-

rables (manque de nutriments ou d’humidité), la prolifération cesse. Dans le cas ou les conditions défavorables perdurent, le biofilm peut disparaître totalement.

Fig. 1.7 – Etapes schématiques de croissance d’un biofilm : 1. Dépot et adsorption sur le substrat, 2. et 3. croissance, 4. et 5. croissance, colonisation et maturation (d’après Dr David G. Davies, Binghampton University)

L’influence de ces biofilms sur les propriétés hydrodynamiques du milieu poreux peut être importante, comme le montre les expériences de Kim and Fogler (2000) ou Rowe et al. (2000). Ceci s’explique simplement par le fait que la croissance d’un film bactérien adsorbé à la surface du substrat solide diminue la taille des pores (Bouwer et al., 2000). Néanmoins,

dans le cas des ISD, nous ne considérerons pas de modifications de la structure dynamique du biofilm et nous ne considérerons donc pas d’influence du biofilm sur la dynamique des écoulements de fluides. Dans notre étude, nous allons considérer l’approche de Taylor and Jaffe (1990) pour décrire le biofilm. En effet, nous allons considérer que les conditions sont réunies pour que le biofilm puisse être assimilé à une phase continue et non à des conglomérats discontinus. Rittmann (1993) estime que cette hypothèse est justifiée pour les applications ou les teneurs en substrat biodégradable sont importantes. Ceci semble être le cas dans les ISD. En effet, la fraction fermentescible représente quasiment 1/3 de la composition des déchets assurant ainsi la disponibilité en substrat biodégradable.