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Vue sur le hall depuis l’entrée

Espaces collectifs

Comme je l’ai déjà indiqué, les espaces collectifs sont particulièrement appréciés, à la fois parce qu’ils sont bien défi nis et donc appropriés, mais aussi parce qu’ils sont bien articulés entre eux. Est ainsi apprécié le fait que la salle à manger soit indépendante, parce que «personne nous voit

en train de manger» (au contraire d’une autre

Marpa que certains connaissent, et où le public rentre directement dans la salle à manger). Cette idée de ne pas «voir en vrac» les espaces collec- tifs quand on rentre est ainsi appréciée par les résidents.

En ce sens, le vaste hall d’entrée est tout parti- culièrement bien perçu, et apparaît comme un élément consubstantiel de la vie de cette Marpa, alors même que le cahier des charges architectu- ral des Marpa tend plutôt à déconseiller de pré- voir une grande surface pour le hall d’entrée. A Tiff auges, au contraire, le hall est justement apprécié pour cette raison par le personnel et les résidents, parce qu’il est support de multiples usages. Cet espace dessert les pièces communes (le salon puis en enfi lade la salle à manger) et les deux couloirs de logements et c’est aussi là que se trouvent l’accueil ainsi que les panneaux d’affi chage et le courrier. Il constitue donc le cœur de la Marpa : les résidents s’y croisent et y croisent les visiteurs extérieurs (dont les pro- fessionnels médicaux), s’y retrouvent avant les repas, y participent aux activités qui y sont orga- nisées (par exemple des séances hebdomadaires de gymnastique douce, ou des événements plus ponctuels10).

On peut alors noter que ce hall joue en fait le rôle de la salle « multi-usage » mentionnée comme facultative dans le cahier des charges architectu- ral de 2008 (salle qui en soi n’est pas présente à Tiff auges). On peut alors douter de la pertinence de créer une telle salle multi-usage cloisonnée, 10 - C’est d’ailleurs là que l’échange collectif avec les rési- dents a eu lieu le 13 mai.

alors que l’appropriation du hall par ces activi- tés, même si elle est plus complexe, est beaucoup plus intéressante.

Le fait que le hall d’entrée soit apprécié ne va pour autant pas totalement à l’encontre de la position de la Fédération Nationale des Mar- pa: si cette dernière déconseille les grands halls d’entrée, c’est, comme l’explique avec raison Jean-Christophe Billou, pour éviter toute réfé- rence au hall hospitalier.

De fait, si le hall de Tiff auges « fonctionne », c’est justement parce qu’il échappe à cette réfé- rence «intitutionnelle», que ce soit en raison de ces qualités spatiales ou d’ambiances, ou encore (et c’est lié) en raison de l’appropriation qui en est faite. D’ailleurs, une résidente de Tiff auges dit, à propos du hall d’entrée d’une autre Marpa, ne pas l’aimer parce que « c’est froid, froid ». Pour terminer, il convient toutefois de signaler que, comme l’indique Laurence Billaud, pour certains résidents qui ont plus de mal à se dépla- cer, ce vaste hall peut paraître impressionnant, et peut être « long à traverser ».

Plus généralement, à travers les commentaires exprimés, on peut comprendre que si ces es- paces collectifs sont appréciés, c’est justement parce qu’ils sont collectifs, c’est-à-dire desti- nés à «tous» («on mange tous ensemble»). Au contraire, une proposition qui viserait, en partant d’une bonne intention (diminuer les distances), à créer deux espaces collectifs (par exemple un pour chaque aile) ne serait certainement ni per- tinente ni appréciée. Créer plusieurs espaces collectifs segmenterait en eff et les résidents, qui ne se côtoieraient plus aussi facilement : cela renverrait alors à l’image d’un établissement très institutionnel (aux maisons de retraite pour ne pas les citer), et irait à l’encontre de l’esprit de famille propres aux Marpa.

Couloirs

Les couloirs n’ont pas fait l’objet de remarques spécifi ques (si ce n’est que certains habitants aimeraient qu’un tableau indique à l’entrée l’emplacement de chaque logement). Chaque logement dispose d’un numéro ainsi que d’une affi che personnalisée mentionnant le nom de la personne ou du couple y habitant.

La question de la longueur des couloirs (réelle et perçue) peut notamment être soulevée. Pour la Marpa de Tiff auges, Mme AG, qui habite dans un des logements créés en 2011 (donc en bout de couloir), a dit ne pas ressentir de problème. En revanche, à propos d’un autre établissement pour personnes âgées, plusieurs résidents disent jsutement ne pas l’aimer, parce que « c’est plein

de couloirs ».

Le logement11

Le logement est apprécié par les résidents («

c’est une belle pièce de vie »), parce qu’il leur

permet de se l’approprier notamment en venant avec leurs meubles. Lors de visites, tous me sou- lignent ainsi le fait qu’ils puissent avoir mis tel ou tel meuble : l’un son bureau, l’autre son lit, la troisième un meuble dans la salle de bains, etc. Deux d’entre eux soulignent également le pla- card de l’entrée (alors même que pour des rai- sons d’économie d’espace, certains plans n’en prévoient plus).

D’ailleurs, cette entrée, avec ce placard et de la place pour un petit meuble, et qui donne accès à la salle de bain et à la pièce de vie (la limite est marquée par une arche) n’est absolument pas négligeable : elle contribue à créer un seuil à la pièce de vie, à marquer une transition entre le couloir et la pièce de vie, et ce faisant participe au sentiment d’habiter un logement, et non une 11 - Je parle ici du logement de 31 m². Pour ceux de 21 m², il s’agit soit de logements temporaires, soit de logements pour des personnes plus dépendantes.

simple chambre. Là encore, cet espace, parfois supprimé dans les plans de logements pour per- sonnes âgées, s’avère essentiel.

La cuisine est aussi appréciée parce qu’elle est isolée, ce qui permet de l’utiliser sans pour au- tant se trouver au milieu de sa pièce de vie («tu

peux t’aff airer dans ton petit coin, les autres

[personnes présentes dans la pièce] voient pas», Mme CG).

J’ai également soulevé la question de savoir s’il était préférable de disposer d’une ou deux pièces: il est alors apparu que contrairement à ce qu’au- rait plutôt tendance à encourager la Fédération Nationale des Marpa, les habitants de la Marpa de Tiff auges préfèrent plutôt une seule pièce. En eff et, selon eux, créer deux pièces voudrait dire : - Soit avoir deux pièces plus petites : « ça

ferait un petit nid de poule », « quand les en- fants viennent, il faudrait ouvrir la porte [pour

se répartir dans les deux pièces], donc ça sert à

rien»).

- Soit augmenter la surface du logement. Mr AG indique ainsi qu’il connait quelqu’un qui a ça, et qu’il «ne trouve pas que c’est mieux». Les résidents soulignent aussi que cela suppose d’augmenter les tarifs (« tu dois payer», «il en

faut pour toutes les bourses», etc.).

De même, l’idée de disposer d’une pièce plus grande n’est pas souhaitée : « la pièce telle

qu’elle est me va » (Mme CG), « il est pas néces- saire d’avoir une grande pièce, les anciens, tu te lèves, tu cherches à t’appuyer », « on est bien, on a des appuis partout ». Mme CG souligne aussi

qu’agrandir le logement signifi e à nouveau aug- menter les tarifs (« on en revient toujours à la

même question », Mme CG).

Par-contre, certains reconnaissent que pour un couple, « c’est un peu juste ».

La place du lit, et la question de l’adéquation du logement avec «ses» personnes âgées

Suite au commentaire fait par une résidente lors de ma première visite (sur le fait qu’elle avait été au départ un peu contrariée par l’idée que le lit soit visible depuis l’entrée, même si elle concé- dait s’y être fait depuis), j’ai aussi posé la ques- tion de savoir si la place du lit au milieu de la pièce ne les gênait pas (en ce sens, cela rejoignait l’idée d’avoir deux pièces distinctes).

Il ressort alors clairement des propos des per- sonnes présentes à l’échange collectif que cette présence du lit dans la pièce de vie ne les gêne pas : « il y a rien de gênant à avoir un lit au mi-

lieu si il est fait » (Mme CG). Mieux encore, Mme

AG dit que «le lit ça sert, on peut s’asseoir des-

sus» (lorsqu’elle reçoit la visite de ses enfants, ils

peuvent être une dizaine dans la pièce)

Plus fondamentalement, Mr JG dit : «nous, on

a été habitué comme ça. Autrefois, il y avait même des lits dans la cuisine, on a vécu ça, on a connu ça». Le fait que le lit dans la pièce de vie

ne soit pas « gênant » s’explique donc aussi par la propre histoire de ces personnes.

En milieu urbain, ou pour des personnes d’ori- gine sociale diff érente, la perception ne serait dès lors pas la même, ce que Laurence Billaud relève elle aussi après la fi n de l’échange. Dans cette perspective, une Marpa qui serait construite au- jourd’hui (qui plus est en milieu urbain), devrait donc eff ectivement s’envisager plutôt avec deux pièces séparées, puisque l’attente des personnes âgées évolue en lien avec les propres situations d’habitat auxquelles elles ont été habituées. On rejoint alors ce constat récurrent dans ce mé- moire : l’habitat des personnes âgées doit savoir évoluer et s’adapter à des personnes âgées qui ne sont jamais les mêmes, qui ont vécu diff érem- ment.

D’ailleurs, si les résidents des Marpa ne le for-

mulent pas aussi clairement, leurs propos té- moignent néanmoins «en creux» du décalage qui peut exister entre leurs attentes et celles que peuvent avoir d’autres personnes âgées ou des générations plus jeunes :

- A propos des résidences de haut-standing : «on a pas été élevé comme ça, on a le confort

ici», «on demande pas le luxe».

- A propos de l’idée d’une pièce unique : «y a

des gens qui aimeraient pas, moi ça me dérange pas».

- A propos des jeunes qui vivent et habitent diff érement : « ils vivent plus de la même ma-

nière» , «j’ai des amis qui avaient construit une maison secondaire, et puis qui l’ont vendue à une de leurs fi lles, qui s’est empressée de démo- lir toutes les cloisons, pour faire, vous savez… ces cuisines à l’américaine… ».

En ce sens, la Marpa doit pouvoir s’adapter à de nouveaux modes de vie : Laurence Billaud évoque par exemple l’idée de futures personnes âgées souhaitant disposer d’Internet, ce qui in- duira d’établir une connexion, ou d’avoir un meuble pour l’ordinateur (« c’est le moderne qui

vient », Mme CG).

Ces entretiens ont également été l’occa- sion de réfl exions plus générales, qu’elles aient été spontanées ou qu’elles résultent de questions un peu plus spécifi ques.

Marpa urbaines,