• Aucun résultat trouvé

Lecoy de la Marche, Anecdotes historiques, légendes et apologues tirés du recueil inédit d'Etienne de Bourbon,

Lecoy de la Marche, Anecdotes historiques, légendes et apologues tirés du recueil inédit d'Etienne de Bourbon, dominicain du XIIIe siècle, Paris, 1876.

66 On lit aux p. 89-90 de l’éd. cit. d’A. Lecoy de la Marche (Seconde partie, titre cinq: « De diversis effectibus crucis et passionis Christi... Quod fugat demones »: § 98 et 99): « Item audivi ab alio fratre quod nuper accidit in dyocesi Carnotensi, eo tempore, quo crucesignato rege Ludovico pio Francorum, predicante Odone, venerabili Tusculanensi episcopo, apostolice sedis legato, crucesignati sunt Francie barones, circa festum beati Dyonisii. Dum quidam miles transiret per silvam cum tribus scutiferis, audivit horribiles planctus demonum dicencium: "Ve nobis, quia omnia nostra amittimus, et jam pro magna parte amisimus quos diu possideramus, scilicet istos et illos principes". Et nominabant eos. Et audiens dictus miles, et nomina baronum et militum recognoscens quos nominabant, territus descendit de equo, et monitus est ab altero scutifero quod crucesignaretur cum eis qui secum erant, et quod hoc Deo promitterent ibi. Quod cum fecissent, et eciam crucem herbarum de foliis accepissent in signum voti, demones confusi fugerunt et illos illesos reliquerunt. Qui, cum venissent versus Parisius, comperiunt illos fuisse crucesignatos de quibus demones plangebant, et in ipsa hora ».

67 Sur le genre de l’exemplum, la bibliographie est désormais considérable, depuis l’ouvrage qui a fait date de C. Brémond, J. Le Goff, J.-C. Schmitt, L’ « exemplum » , Turnhout, 19962; je me contente d’y ajouter l’instrument de travail le plus récent dans ce secteur, Les Exempla médiévaux (J. Berlioz et M. A. Polo de Beaulieu dir.), Carcassonne, 1992; et l’ouvrage très stimulant de C. Delcorno, Exemplum e letteratura tra Medioevo e Rinascimento, Bologne, 1989

68 J. Riley-Smith, What were the Crusades ?, Basingstoke et Londres, 19922, p. 38-42; P. J. Cole, The Preaching... op. cit., p. 80-97 en particulier; C. Maier, Preaching... op. cit. , surtout les chapitres 4 (p. 96 s.) et 5 (p. 111 s.).

69 Cf. C. Erdmann, The Origin of the Idea of Crusade, Princeton, 1977 (trad. anglaise par M. W. Baldwin et W. Goffart de Die Entstehung des Kreuzzugsgedankens, Stuttgart, 1935); M. Villey, La croisade: essai sur la formation d’une théorie jurudique, Paris, 1942; J. A. Brundage, Medieval Canon Law and the Crusader, Madison, 1969; M. Purcell, Papal Crusading Policy. The Chief Instruments of Papal Crusading Policy and Crusade to the Holy Land from the final loss of Jerusalem to the fall of Acren 1244-1291, Leiden, 1975, surtout p. 35-132.

(SERMONES n° 4, 5, 6, 9, 12, 14, 15, 16) sont rangés dans des séquences De casibus des

manuscrits

70

.

De ces modalités d’insertion des sermons dans les collections manuscrites découlent les

difficultés à les dater. Le sermon est parfois pourvu d’une rubrique qui, sans en fournir

exactement la date, est assez circonstanciée pour faire songer à un événement précis; dans ce cas,

à défaut de pouvoir toujours proposer une date certaine, une fourchette chronologique est très

plausible (SERMONES n° 4, 5, 6, 15, 16). Seconde possibilité: on connait grâce à la rubrication

sous une fête de saint la date, mais non l’année du sermon; parfois, les citations bibliques et les

allusions contenues dans les textes, éclairées les unes par les autres, sont suffisamment

transparentes pour inciter à proposer une date, même si toute certitude est exclue (SERMONES

n° 7, 9, 11, 12, 13, 14). Troisième possibilité: les indices ne sont pas suffisants pour proposer une

date fiable, et dans ce cas la proposition de datation, quel que soit l’intérêt du texte, est discutable

et laisse la porte ouverte, pour la fête d’un saint, à plusieurs années (SERMONES n° 2, 3, 8, 10).

L’activité concrète de prédication, si importante fût-elle, n’était pas la seule que devait

prendre en charge un légat. La croisade est devenue au XIII

e

siècle une lourde entreprise

logistique, de plus en plus fermement encadrée par le droit canon, dont le représentant du pape ne

doit négliger aucun aspect pour assurer les meilleures conditions de réussite possibles à

l’entreprise

71

. La documentation, en particulier pontificale, permet de vérifier qu’Eudes de

Châteauroux a assumé l’ensemble de ces fonctions. Comme elles ont été assez bien traitées par

les historiens, pour ce siècle en général comme pour le cas particulier de la croisade ici évoquée,

je me contenterai de résumer, préférant insister sur les aspects les plus originaux de la

70 On n’en trouve aucun dans le série De tempore, ce qui est assez logique, car des deux séries traditionnelles (Temporal et Sanctoral), ce sont les fêtes des saints ou celles instituées en rapport avec de grands événements de l’histoire de l’Eglise (exemple typique: la fête de l’invention de la croix, le 3 mai, rubrique sous laquelle figurent les SERMONES n° 2 et 10) qui se prêtent le mieux à une prédication de croisade. Les sermons De casibus constituent dans les manuscrits une sous-série du Sanctoral; ils correspondent à des prises de parole que n’impose a priori pas le calendrier religieux, mais qu’ont suscitées les événements, les « occasions », voir mes réflexions sur la signification de cette sous-série à la fin de ce chapitre.

71 C’est le principal mérite de C. Maier, Preaching... op. cit., que d’avoir montré le sens large, devant tenir compte notamment des composantes canoniques et logistiques du negocium crucis, que revêt l’expression « prédication » de croisade dans la littérature pontificale du XIIIe siècle.

documentation dont je dispose, c’est à dire les sermons eux-mêmes

72

, mais aussi les sources

narratives. Leurs témoignages convergent pour démontrer des dispositions d’esprit extrêmement

semblables du roi et du légat, une collaboration de tous les instants, même dans les phases

difficiles voire conflictuelles, et incitent à présenter leur aventure commune thématiquement, tout

en préservant, autant que la datation des sermons le permet, la trame chronologique de cette

longue cohabitation

73

.

Le climat de la croisade est éclairé d’emblée par deux sermons:les SERMONES n° 2 et 3

pourraient se rattacher au tout début de la légation. Ils figurent il est vrai parmi ceux qu’il est très

difficile de dater, aussi est-ce sous réserve que je les analyse à cet endroit; ils agissent de toute

façon comme indicateurs du contenu spirituel que le légat entendait donner à l’expédition, et

trouvent de ce point de vue des échos dans d’autres textes.

La rubrique du SERMO n° 2, « de cruce et de inuitatione ad crucem», suggère le début de

l’expédition: c’est un sermon de recrutement; il est aussi, par contraste avec les autres sermons,

assez bref et développe des arguments très simples en faveur de la prise de croix: je suis enclin à

croire que cette brièveté et cette simplicité conviennent de préférence à un auditoire largement

composé de laïcs, tel celui convoqué par le roi au parlement de la mi-octobre 1245, d’après les

chroniqueurs. Les mêmes mentionnent différents sermons donnés pendant plusieurs jours lors de

72 Puisque, comme on l’a vu, les traces d’une prédication réelle de la croisade avant Eudes de Châteauroux sont somme toute fort ténues; à lui seul, il a conservé sur ce thème bien plus de sermons que tous les autres prédicateurs réunis, sous réserve de découvertes toujours possibles dans les manuscrits, où les sermons du XIIIe siècle dorment encore par milliers.

73 A mon sens, la meilleur étude de l’état d’esprit du roi dans la conception et l’organisation de sa première croisade est celle de W. C. Jordan, Louis IX and The Challenge... op. cit. ; il est notable toutefois que l’auteur attribue un certain nombre des thèmes ici dégagés, notamment la réforme de l’Eglise et celle de l’Etat, ainsi que la purification de la société, surtout à la période postérieure à la croisade, comme conséquences dérivant du déroulement de l’expédition et, disons-le, de son échec; or ils sont à l’œuvre je crois dès sa préparation, et l’échec n’a fait qu’aviver la nécessité de leur approfondissement; d’ailleurs, le début de la réforme de l’Etat avec les grandes enquêtes des frères mendiants date bien d’avant la croisade et correspond à sa phase préparatoire, voir le chapitre 3 de W. C. Jordan. J. Le Goff, Saint Louis... op. cit., fournit un arrière-plan général de la spiritualité de Louis, et de ses conceptions en matière d’exercice chrétien de l’officium royal, désormais fondamental. Ces deux ouvrages mentionnent bien sûr Eudes de Châteauroux, mais faute d’en connaître les sermons, manquent évidemment son influence sur le roi que je juge, en essayant de ne pas la surestimer, non négligeable, avant comme pendant la croisade.

ce parlement; à la lecture des textes, je n’en vois pas d’autres qui pourraient se rapporter à cette

assemblée

74

. La citation biblique qui sert de thème au sermon fournit parfois un élément de

datation, puisque les fêtes du calendrier liturgique étaient pourvues de péricopes, l’une tirée de

l’Evangile et l’autre de l’Epître du jour, qui ont fréquemment constitué, dès l’origine de la

prédication, tout ou partie du thème sur lequel le prédicateur prenait la parole

75

. Ici, le thème tiré

de L’Ecclésiastique 38, 5: « N’est-ce pas une baguette de bois qui rendit l’eau douce ? » , ne

correspond à aucune lecture repérable du mois d’octobre, qui aurait incité l’orateur à le choisir;

mais on sait que les prédicateurs, si attachés fussent-ils au lien étroit entre la spiritualité du temps

liturgique où ils s’expriment et le contenu de leur sermon, usaient précisément pour cela d’une

grande liberté dans le choix de leurs thèmes bibliques, qu’ils pouvaient prendre dans les lectures

ou les prières de l’office du jour, ou dans tout autre endroit de la Bible, si cela leur paraissait

mieux adapté aux circonstances et à l’auditoire

76

. Le thème biblique du SERMO n° 2 est

l’illustration parfaite de cet usage, puisqu’il s’agit d’un unicum ; ce fait renforce la présomption

qu’Eudes de Châteauroux a pu donner ce sermon au parlement de la mi-octobre, en tenant

particulièrement compte de deux points: l’objet de sa prise de parole, inciter grands laïcs et

ecclésiastiques à partir en croisade; la nature de l’auditoire présent, obligeant à réfléchir aux

meilleurs moyens de convaincre.

La rubrique, « sermo de cruce et de inuitatione ad crucem », prouve qu’il s’assigne

clairement ces deux objectifs: le thème principal de méditation offert aux auditeurs est la croix;

74 A. Paravicini-Bagliani, Cardinali... op. cit., p. 203 et note 8, donne une liste exhaustive de mentions, dans les chroniques, de prises de parole d’Eudes de Châteauroux où il exhorte à prendre la croix; la plupart ne sont pas datées, donc difficilement utilisables pour tenter d’y appliquer les sermons subsistants; en outre, la plupart de ces chroniqueurs travaillent de seconde main et n’ont pas été témoins des événements qu’ils rapportent; enfin et surtout, comme c’est le cas presque toujours lorsque les chroniques mentionnent des sermons, elles ne disent rien de leur contenu; ces mentions ont au moins une valeur: leur nombre et leur diversité, y compris géographique, confirment le retentissement de la parole du légat.

75 Voir la présentation générale du rôle et de l’évolution des lectures liturgiques dans E. Palazzo, Histoire des livres liturgiques. Le moyen âge des origines au XIIIe siècle, Paris, 1993, p. 103 s. Les liens entre prédication et liturgie et leur évolution entre le XIIe et le XIIIe siècle sont étudiés par N. Bériou, L’avènement... op. cit., p. 15 s.; voir surtout son analyse du contenu spirituel des sermons du XIIIe siècle en rapport avec le temps liturgique, p. 386 s.

76 Voir l’exemple de saint Bonaventure dans ses sermons, analysé par son éditeur J. G. Bougerol, La nouvelle édition... art. cit., surtout p. 64.

c’est de cette méditation que l’orateur espère voir sortir la décision de se croiser, comme

Documents relatifs