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Chapitre 2 : Agent tératogène

2. Malformations congénitales

Plus de 7 000 types d’altérations du développement sont connus chez l’Homme (Weinhold 2009). Pour autant, les malformations congénitales n’en sont pas la cause majoritaire.

2.1. Aléas spontanés et induits de la grossesse

En dehors de toute action d’un agent tératogène, il existe une incidence naturelle mais significative d’effets délétères sur la grossesse dont voici les proportions approximatives dans la population mondiale :

- 50% à 60% des grossesses ne se développent pas en une grossesse cliniquement détectable (avant l’apparition des premiers symptômes) à cause d’un défaut d’implantation ou d’aberrations chromosomiques ;

- 10 à 20% des grossesses identifiées finissent en avortement spontané, principalement pendant le premier trimestre de la grossesse ;

- après la vingtième semaine de grossesse, 1% à 4% de toutes les grossesses se terminent par une fausse couche ;

- environ 2% des nouveau-nés présentent une malformation majeure auxquels s’ajoute 1% d’enfants avec une malformation majeure détectable pendant les cinq premières années de vie (Stadler 2011) ;

- 10 à 20% des nouveau-nés présentent une malformation mineure ((US) 2000). Par ailleurs, il subsiste de grandes incertitudes quant à l’incidence et à la mortalité imputables aux troubles congénitaux, en particulier dans les pays qui ne disposent pas d’un système suffisant d’enregistrement des décès. Ces taux fluctuent en fonction du niveau économique de chaque pays : plus le niveau économique du pays est élevé, plus le taux de

mortalité infantile baisse et plus cette mortalité est due à une malformation congénitale (Figure 20). Dans la zone européenne, 25 % des décès néonataux sont attribués aux malformations congénitales pour 6% de mortalité infantile alors que 3% le sont au Maroc où la mortalité infantile est de 54% (OMS 2010).

Figure 20 : Relation entre le taux de mortalité infantile et le pourcentage d’enfants morts à cause d’une malformation congénitale par pays

Source : Christianson et al. 2006

Selon les chiffres de l’OMS, en 2004, 7% des décès néonataux mondiaux aurait été dû à des malformations congénitales (OMS 2010).

2.2. Identification des malformations

Les malformations congénitales sont traditionnellement divisées en deux catégories : les « majeures » et les « mineures ». Il n’existe pas de définitions ou de listes permettant la distinction stricte entre ces deux catégories, cela relève du jugement d’experts en fonction des données historiques du laboratoire. Comme l’illustre les données historiques sur rongeurs d’un laboratoire représentées dans la Figure 21, le taux de malformations congénitales d’une certaine catégorie de malformation (ici les vertèbres) peut varier en fonction des années. Par exemple, les vertèbres fusionnées de rongeurs ont représenté en moyenne près de 0,8% des embryons malformés l’année 2 pour devenir quasi nulle l’année 6. Ces valeurs sont prises en compte pour déterminer si la substance testée entraine réellement une augmentation du phénomène. Néanmoins, il est communément admis que les malformations majeures ont un effet néfaste pour la santé et la vie sociale de l’individu alors que les mineures auront un impact limité (Mylchreest & Harris 2013; Stadler 2011).

Figure 21 : Évolution des données historiques des malformations congénitales observées chez des rongeurs d’un laboratoire

Source : Mylchreest & Harris 2013

Lorsqu’une malformation congénitale se manifeste seule, cela peut indiquer qu’il s’agit d’un évènement isolé et la malformation congénitale peut être suspectée d’avoir comme origine une mutation génétique. Si la malformation est associée à d’autres, cela peut indiquer qu’il s’agit de l’effet d’un agent tératogène, qui lui a généralement plusieurs modes d’action comme présenté dans le chapitre précédent (Barton 2013).

Figure 22 : Fréquence des malformations congénitales majeures en relation avec le nombre de malformations congénitales mineures chez l’Homme

Source : Jones et al. 2013

La présence de malformations mineures externes (donc visibles) comme une sténose de l’oreille externe peut aussi indiquer la présence de malformations majeures internes comme une agénésie rénale (cas du Syndrome branchio-oto-rénal) (Figure 22). À partir de 3 malformations mineures, il est très probable qu’il existe également des

malformations majeures. Si elles ne sont pas visibles, il faut approfondir le diagnostic en recherchant des malformations internes.

2.3. Classification et enregistrement des malformations

L’OMS a établi une classification internationale des malformations congénitales, des déformations et des anomalies chromosomiques : « International Statistical Classification of Diseases and Related Health Problems 10th Revision (ICD-10) Chapter XVII: Congenital malformations, deformations and chromosomal abnormalities ». Cette classification ne fait pas la distinction entre les malformations majeures et mineures. Elle regroupe les malformations par organe cible (Tableau 6 et Annexe I) :

Tableau 6 : Classification internationale des malformations congénitales et des anomalies chromosomiques (ICD-10)

Source : OMS

Nomenclature Organe cible Exemple de malformation

Q00-Q07 système nerveux encéphalocèle (hernie du cerveau hors de la boîte crânienne)

Q10-Q18 yeux, oreille, face, cou Microphtalmie, microtie

Q20-Q28 système circulatoire Tétralogie de Fallot (communication interventriculaire + sténose de la voie d'éjection du ventricule droit)

Q30-Q34 système respiratoire nez fissuré

Q35-Q45 système digestif fente labiale, fente palatine Q50-Q56 organes génitaux utérus bicorne, hypospadia Q60-Q64 système urinaire agénésie rénale

Q65-Q79 système musculosquelettique polydactylie

Q80-Q89 autres alopécie congénitale

Q90-Q99 chromosome trisomie

Cette classification internationale permet une harmonisation de l’identification des malformations et l’établissement de statistiques pour détecter leur occurrence chez l’Homme.

Les registres internationaux de malformations comme l’Organisation internationale de Surveillance et de Recherche concernant les Anomalies congénitales (ICBDSR) et la Surveillance Européenne des Malformations Congénitales (EUROCAT) utilise l’ICD-10.

En 2013, l’ICBDSR a fait le bilan des malformations congénitales répertoriées de 1980 à 2011 dans 31 pays à travers le monde (MISSING:Annual Report 2013 2016). Les malformations cardiaques sont les malformations congénitales les plus fréquentes suivies des sténoses du système urinaire et des hydrocéphalies.

Les registres français de l’EUROCAT indiquent eux aussi que les malformations les plus répandues sont celles du système cardiovasculaire. Le détail des différentes malformations observées en France sont présentées en Annexe II. Contrairement aux données de l’ICBDSR, les malformations suivantes sont celles des membres, du système urinaire, les atteintes génétiques et du système nerveux (Figure 23) (EUROCAT 2015). Le plus grand nombre d’atteintes génétiques observées en Europe pourrait être expliqué par les grossesses de plus en plus tardives et au recours à la procréation médicalement assistée, là aussi chez des femmes de plus en plus âgées.

Figure 23 : Nombre de malformations congénitales de 5 registres français (Paris, Strasbourg, Ile de la Réunion, les Antilles et Auvergne) de 1980 à 2012

Source: EUROCAT Website Database:

http://www.eurocat-network.eu/ACCESSPREVALENCEDATA/PrevalenceTables (data uploaded 06/01/2015)

Les malformations congénitales peuvent avoir des répartitions différentes en fonction du genre (Figure 24) par exemple la dislocation congénitale de la hanche apparait très majoritairement chez les filles.

Figure 24 : Incidence de malformations congénitales uniques relative au genre

Ces dernières années, de nombreuses publications relayées dans les médias alertent sur l’augmentation de malformations. L’exposition à des agents tératogènes entrainerait des malformations de l’appareil reproducteur entrainant l’infertilité de l’Homme (hypospadias, malformation de l’utérus, etc…). Cependant, la prévalence des malformations en France est restée relativement stable sur les 20 dernières années (Figure 25).

Figure 25 : Évolution du nombre et de la prévalence de malformations congénitales de 5 registres français de 1993 à 2012

Source: EUROCAT Website Database:

http://www.eurocat-network.eu/ACCESSPREVALENCEDATA/PrevalenceTables (data uploaded 06/01/2015)

2.4. Fréquence des malformations chez l’Homme

Il est communément admis qu’environ 3 % des nouveau-nés humains présentent une malformation congénitale majeure nécessitant une attention médicale (les données varient entre 2 à 5% en fonction des sources d’informations). Approximativement un tiers de ces malformations congénitales mettent la vie de ces enfants en péril (Shepard 2010; NRC US 2000). Les malformations congénitales mineures et les malformations fonctionnelles (problèmes neurologiques, comportementaux) peuvent n’être détectés que pendant l’enfance voire à l’âge adulte. Généralement, le pourcentage de malformations ne les intègre pas car leur identification est éloignée de la naissance et parfois difficile à évaluer. Cependant, leur prise en compte dans un pourcentage global de malformations

congénitales augmenterait de manière conséquente le pourcentage de malformations majeures (NRC US 2000).

Ces 3% de malformations congénitales majeures seraient associées à environ :

- 25% à des hérédités multifactorielles (exposition d’individus génétiquement prédisposés à des agents tératogènes) ;

- 5 % à des aberrations chromosomiques ;

- 3 à 10% à des agents tératogènes (Shepard 2010; NRC US 2000). Les 60 autres % ont une origine encore inconnue (NRC US 2000).

Là aussi, ces estimations varient en fonction des sources d’informations mais restent dans le même ordre de grandeur.

Les malformations congénitales ne sont pas les seuls aléas de la grossesse : plus d’une grossesse sur deux aboutit à un avortement spontané (non cliniquement décelé) à cause d’un défaut d’implantation ou d’aberrations chromosomiques, ou à une fausse-couche. Parmi les enfants nés vivants, environ 3 % présentent une malformation majeure portant atteinte à sa santé ou à sa vie sociale. Les malformations peuvent être détectées dans les 5 premières années de vie de l’enfant. Entre 10 à 20 % des enfants nés vivants présentent des malformations mineures. Plus le niveau économique du pays est élevé, plus les malformations sont à l’origine de la mortalité infantile.

Les malformations congénitales font l’objet d’une classification internationale en fonction de l’organe touché. Elles peuvent être répertoriées dans des registres nationaux et internationaux. Ces enregistrements permettent de connaître la fréquence des différents types de malformation. Par exemple, dans le monde, les malformations cardiaques sont les plus répandues suivies des sténoses du système urinaire, puis celles liées aux maladies génétiques, suivies des malformations du système nerveux. Néanmoins, les enregistrements du nombre de malformations ne semblent pas avoir augmenté au cours des dernières années.

Parmi les 3% de malformations congénitales majeures, 25% seraient dus aux hérédités multifactorielles, 5% aux aberrations chromosomiques et 3 à 10% à des agents tératogènes. Le reste des malformations ont une origine pour l’instant inconnue.