• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Évaluation de la tératogénicité

5. Besoins de l’industrie cosmétique

Comme cela a été évoqué précédemment, l’industrie cosmétique comme toute industrie chimique est soumise au règlement REACH et doit procéder à l’évaluation toxicologique de ses actifs pour la protection de l’Homme et des organismes aquatiques. Cependant elle a également l’interdiction d’avoir recours à l’expérimentation animale pour réaliser cette évaluation. Ceci exclut l’utilisation des vertébrés à l’exception des stades embryonnaires précoces. Pour se conformer à la réglementation, l’industrie cosmétique ne peut pas avoir recours aux tests in vivo requis par le règlement REACH. Elle doit utiliser des méthodes alternatives à l’expérimentation animale pour réaliser l’évaluation de la reprotoxicité de ses nouveaux actifs.

Dans ce contexte, l’industrie cosmétique a besoin de développer un test permettant : - L’intégration de la toxicocinétique des actifs : (Absorption Distribution

Métabolisation Extraction). Par exemple, si l’actif n’est pas disponible pour l’organisme, il ne sera pas absorbé et par conséquent n’aura pas d’effet sur l’organisme. Par ailleurs, comme l’a démontré le cas de la Thalidomide, les capacités métaboliques de l’organisme peuvent avoir un rôle déterminant dans la toxicité et doivent être prises en compte. L’utilisation d’un organisme entier permet d’intégrer la toxicocinétique.

- Une exposition sur l’ensemble des étapes du développement embryonnaire. En effet, nous avons vu qu’un agent tératogène peut agir à n’importe quel stade. Il est

donc important de couvrir l’ensemble des fenêtres de sensibilité d’exposition et ainsi identifier le spectre le plus large possible de malformations.

- L’extrapolation à la toxicologie humaine. Pour cela, le recours à un organisme vertébré semble le plus pertinent.

- De respecter la réglementation cosmétique et ne pas utiliser des animaux définis par la directive européenne 2010/63/UE.

- D’être très spécifique et reproductible afin de ne pas éliminer une substance de manière erronée. Dans ces conditions, le test doit être suffisamment sensible pour éliminer les agents tératogènes les plus puissants.

- D’avoir un débit supérieur aux tests traditionnels de reprotoxicité sur rongeurs et si possible être également moins coûteux.

- D’être facilement transférable dans n’importe quel laboratoire.

Remarque 1 : L’utilisation d’une espèce ayant déjà fait ses preuves en évaluation environnementale permettrait de faciliter son intégration dans une stratégie globale d’évaluation de la reprotoxicité. Les stades embryonnaires précoces de poisson et d’amphibien semblent remplir un maximum de ces conditions.

Remarque 2 : Les effets transgénérationnels comme ceux du DES ne pourront pas être évalués dans ce test idéal. Pour cela, il faudrait avoir recours à des organismes adultes pouvant se reproduire. Or ceux-ci sont couverts par la directive 2010/63/UE et leur utilisation est interdite à l’industrie cosmétique.

Les tests in vitro validés par l’EURL-ECVAM ne répondent pas à l’ensemble de ces critères. Les tests FETAX et ZET sont ceux répondant au plus grand nombre de critères de l’industrie cosmétique. L’objectif poursuivi de cette thèse est de les adapter aux exigences réglementaires et de les optimiser afin d’obtenir une spécificité de 100 % tout en restant suffisamment sensibles pour détecter les agents tératogènes.

Pour protéger l’Homme et les organismes aquatiques, le règlement européen REACH oblige les industries chimiques à évaluer la reprotoxicité pour les substances mises sur le marché à partir de 10 tonnes / an. L’évaluateur toxicologue doit faire le bilan de l’ensemble des données disponibles. Pour cela, différentes sources d’informations sont à sa disposition (données épidémiologiques, outils in silico, tests in vitro). Si les données

disponibles sont insuffisantes pour réaliser l’évaluation selon le « poids de l’évidence », il est alors nécessaire de réaliser des tests complémentaires d’évaluation de la toxicité du développement. Pour cela, les tests des lignes directrices de l’OCDE, recommandés par le règlement REACH, utilisent tous des rongeurs. Les stades de développement analysés et le nombre de générations de rongeurs concerné par le test dépendent du tonnage commercialisé de la substance testée. Pour l’évaluation environnementale des effets à long terme sur les organismes aquatiques, le règlement REACH exige à partir de 100 tonnes par an l’évaluation de l’écotoxicité chronique sur l’invertébré Daphnia magna et si nécessaire également sur une espèce de poisson.

L’industrie cosmétique en tant qu’utilisatrice et productrice de substances chimiques est soumise au règlement REACH. Elle est parallèlement soumise au règlement sur les produits cosmétiques interdisant l’utilisation des substances reprotoxiques ainsi que le recours à l’expérimentation animale. Par conséquent, l’industrie cosmétique doit avoir recours à des méthodes alternatives à l’expérimentation animale pour procéder à l’évaluation de la reprotoxicité de ses produits.

L’EURL-ECVAM a validé 3 tests alternatifs à l’expérimentation animale pour l’évaluation de la tératogénicité : les tests MicroMass (MM), Whole Embryo Culture (WEC) et l’Embryonic Stem cell Test (EST). Des 3 tests, le test EST est celui s’approchant le plus du test idéal pour l’industrie cosmétique. En effet, il est assez prédictif et sensible sans avoir recours à l’euthanasie d’animaux. Cependant sa spécificité est insuffisante pour que cette version du test EST soit envisagée dans la réalisation du criblage par exclusion des ingrédients cosmétiques.

Au sein de l’Union Européenne, les embryons de poissons et d’amphibiens ne répondent pas à la définition de l’animal de laboratoire de la directive 2010/63/UE. Des tests sur embryons de poisson, comme le Zebrafish Embryo Teratogenicity test (ZET), sont en cours d’harmonisation et d’optimisation. Ces tests sur poissons pourraient convenir aux besoins de l’industrie cosmétique à condition de ne pas les exposer au-delà des stades embryonnaires et d’obtenir une spécificité de 100 % (identification correcte de toutes les substances non tératogènes) avec une sensibilité satisfaisante pour identifier les agents tératogènes les plus puissants. Par ailleurs, ces tests sur poissons sont repris dans plusieurs programmes de recherche internationaux dont le but est le développement de tests ou de stratégie d’évaluation de la reprotoxicité en ayant recours à des méthodes alternatives à l’expérimentation animale (ReProTect, ChemScreen et ToxCast).

Deuxième partie : Résultats

L’objectif de mes travaux de thèse est de développer un test répondant au maximum aux contraintes et aux besoins de l’industrie cosmétique pour le développement d’une méthode alternative à l’expérimentation animale pour l’évaluation de la tératogénicité de ses ingrédients. Pour cela, une liste de 34 substances de référence a été établie et trois organismes ont été sélectionnés. Les tests utilisant ces organismes ont été évalués sur la liste de substances de référence pour déterminer l’organisme le plus robuste et le test le plus sensible pour l’identification des agents tératogènes dans nos conditions. Ce dernier est ensuite réévalué sur une liste enrichie en substances de référence n’ayant pas d’effets tératogènes connus pour préciser la spécificité du test.

Chapitre 1 : Démarche de sélection des substances et des