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Magie et symbolisme

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 87-98)

1 re partie : Étude générale sur la magie et la pensée magique

I. Conceptions anthropologiques de la magie

5- Magie et symbolisme

La reconnaissance d’une forme de symbolisme dans la magie va conduire nombre d’anthropologues à se démarquer vis-à-vis de leurs prédécesseurs, en particulier de Frazer, car la question des rapports existant entre la magie, la science et la religion n’est plus vraiment pertinente dans cette optique qui n’attribue plus à la magie de visées uniquement cognitives.

Cette nouvelle approche conduira également les chercheurs à s’intéresser à des domaines connexes à ceux de la magie, moins étudiés précédemment, en particulier la notion de rituel.

Faire de la magie une pratique essentiellement symbolique élimine en outre la question de savoir pourquoi l’on croit en cette activité irrationnelle et inefficace.

a) C. Lévi-Strauss et l’efficacité symbolique de la magie

L’analyse de C. Lévi-Strauss est particulièrement riche car elle envisage la magie selon une approche à la fois sociologique et psychologique. Ainsi, observant que l’attitude du sorcier ou du chamane lors de la transe présente des similitudes avec des pathologies mentales 194, avant de revenir à la normale, Lévi-Strauss pense que l’officiant est un

193. Ibid., p. 47.

194. La question de savoir si le chamane est ou non objectivement un malade mental fait débat : par exemple d’après S. F. NADEL, « A Study of Shamanism in the Nuba Mountains », The Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, LXXVI, 1946, pp. 34-37 et C. LÉVI-STRAUSS,

« Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss » inM. MAUSS, Sociologie et anthropologie, pp. XVIII sq., XXI sq., le chamane est considéré comme une personne parfaitement normale dans sa communauté et a un comportement ordinaire lorsqu’il n’officie pas. En revanche, G. DEVEREUX, « Normal et anormal » (1956), trad. française, in G. DEVEREUX, Essais d’ethnopsychiatrie générale, 3e éd., Paris, 1977 [1=1970], pp. 15-31, qui donne un aperçu de la controverse dans cet article, soutient que le chamane est un psychotique en état de rémission (voir

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« abréacteur professionnel », en référence à la notion d’abréaction en psychanalyse, c’est-à-dire la phase de l’analyse lorsque le patient revit avec une intensité extrême l’événement qui est à l’origine de son trouble, avant d’en venir à bout. Le travail du sorcier consiste donc, d’après l’anthropologue, à produire chez le malade qui l’a consulté une abréaction symbolique 195. La cure chamanique créerait un équilibre entre une pensée normale en quête de sens mais impuissante à l’obtenir et une pensée pathologique fournissant un trop-plein d’interprétations et d’affects, sans point d’appui dans le réel, grâce à la rencontre entre, d’une part, le public, détenteur des principes culturels, et, d’autre part, le sorcier et le malade, produisant un foisonnement de sens individuels :

il faut que, par une collaboration entre la tradition collective et l’invention individuelle, s’élabore et se modifie continuellement une structure, c’est-à-dire un système d’oppositions et de corrélations qui intègre tous les éléments d’une situation totale où sorcier, malade et public, représentations et procédures trouvent chacun sa place. 196

Par conséquent, la cure crée un espace où sont mises en adéquation les représentations normées et limitées de la société et celles, anarchiques et pléthoriques, du malade, grâce à l’intermédiation du sorcier.

Cet effet est rendu possible par la relation existant entre la structuration de la psyché individuelle et l’organisation socioculturelle 197. Selon l’anthropologue, la société est composée de différents systèmes de symboles 198 dont l’ensemble constitue la culture, et qui expriment plus ou moins bien la réalité physique ou sociale. La vie sociale consiste à accepter de participer à certains de ces systèmes, donc à la vie sociale, ce qui est alors un gage de santé mentale, tandis que le refuser (selon les modalités imposées par cette vie sociale, précise Lévi-Strauss) induit des pathologies. Or, il existe des individus qui se placent entre ces systèmes locaux tout en appartenant au système total : de tels personnages, c’est-à-dire les malades, sont en mesure de réaliser ou figurer les transitions et les synthèses entre des systèmes autrement incompatibles, ce qui induit des comportements insensés par rapport à la normalité, mais assure aussi de la sorte la cohérence et la cohésion du système total, qui grâce à eux ne se désagrège pas en multiplicité de sous-systèmes 199. La structure sociale symbolique comblerait ses lacunes de cette façon car « le rapport entre conduites normales et

également infra, p. 212). Cette thèse est critiquée par B. HELL, op. cit., pp. 56-63. On pourra aussi consulter la synthèse de I. M. LEWIS, Ecstatic Religion: A Study of Shamanism and Spirit Possession, 3e éd., London - New York, 2003 [1=1971], pp. 160-165, selon qui la solution du problème consiste à admettre que le chamane a réussi à apprendre à contrôler l’affection psychique dont il souffrait initialement.

195. C. LÉVI-STRAUSS, « Le Sorcier et sa magie » in C. LÉVI-STRAUSS, Anthropologie structurale, rééd., Paris, 1974, p. 207.

196. Ibid., p. 208.

197. Une telle conception n’est pas sans rappeler l’approche de G. H. MEAD, Mind, Self and Society: From the Standpoint of a Social Behaviorist, 6th impression, Chicago, 1947 [1=1934], part III, en particulier pp. 140-144 et surtout pp. 186-192.

198. C. Lévi-Strauss cite « le langage, les règles matrimoniales, les rapports économiques, l’art, la science, la religion » (« Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss », p. XIX).

199. Ibid., pp. XIX-XXI.

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conduites spéciales est complémentaire » 200. Le chamane (ainsi que le possédé) ferait partie de ces individus vivant à la croisée des systèmes. Et par son comportement alternant entre des phases normales et pathologiques, mais considéré comme normal dans sa société, et symbolisant la complémentarité que recherche la société entre la normalité et l’anormalité, le personnage du sorcier garantirait la santé mentale de ses concitoyens, en canalisant les troubles psychiques pour qu’ils soient circonscrits à une sphère réduite 201.

Pour comprendre comment opère le sorcier lors d’une cure, évoquons un célèbre exemple mentionné par Lévi-Strauss. À partir de l’analyse d’une incantation chantée lors d’un accouchement difficile, chez les Cuna (Panama), l’anthropologue montre que le magicien pénètre symboliquement dans le corps de la parturiente, l’explore au cours d’un trajet à travers des lieux mythiques, plus ou moins liés à l’anatomie réelle, afin de rétablir l’harmonie existant entre les « âmes » des différents organes 202. La malade est donc guérie par « une manipulation psychologique de l’organe malade » au moyen du chant 203. Le magicien obtiendrait la guérison grâce au mythe qui offre à la patiente une expression verbale d’un état qui lui est incompréhensible car étranger à son système de représentations : le mythe crée donc un ensemble symbolique cohérent avec les croyances de la malade et de sa communauté, et de la sorte, elle parvient à comprendre la situation et guérir 204. L’anthropologue parle alors d’« efficacité symbolique » de la magie permettant au mythe fourni par le sorcier de trouver parallèlement une réalisation concrète effectuée par la malade 205.

Plus récemment, à la suite de C. Lévi-Strauss, R. R. Desjarlais parlait du récit mythique du chamane comme d’une « mimesis magique » qui déstructure et restructure la réalité grâce à l’utilisation de métaphores et de symboles fondés sur choses familières pour le malade : les images produites sont vivantes aux yeux de celui-ci, qui est mis par l’action du chamane dans un état de « liminalité » (liminality), c’est-à-dire un état ambigu, une sorte d’entre-deux psychologique 206 où la psyché est placée devant diverses possibilités pour se restructurer et

200. Ibid., p.XXI.

201. Voir S. F. NADEL, « A Study of Shamanism in the Nuba Mountains », p. 36, et C. LÉVI-STRAUSS,

« Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss », pp. XXI sq., qui s’appuie sur cette étude, pour souligner la remise en question de la notion de maladie mentale.

202. C. LÉVI-STRAUSS, « L’Efficacité symbolique » in C. LÉVI-STRAUSS, Anthropologie structurale, pp. 216-218.

203. Ibid., p. 219.

204. Ibid., p. 226.

205. Ibid., p. 230.

206. Cette notion, s’appliquant à un champ plus large que la psychologie, a été élaborée par V. W. Turner, en référence à l’analyse des rites de passage proposée par A. VAN GENNEP, Les Rites de passage, rééd., Paris, 1981 [1=1909], p. 14. Voir notamment V. W. TURNER, « Betwixt and Between: The Liminal Period in Rites de Passage » in V. W. TURNER, The Forest of Symbols: Aspects of Ndembu Ritual, Ithaca - New York, 1967, pp. 93-111 et The Ritual Process: Structure and Anti-Structure, rééd., New York, 1995 [1=1969], pp. 94 sq.

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est guidée dans sa transformation par le chamane. En quelque sorte, le malade devient lui-même une image qui est transformable 207.

L’efficacité symbolique serait fondée, d’après Lévi-Strauss, sur une sorte d’induction créant une réorganisation structurale d’un processus organique en faisant abréagir la malade évoquée dans l’exemple précédent par un mythe dont la structure, déjà présente au niveau de son inconscient, serait précisément celle qu’on voudrait reproduire au niveau du corps.

L’anthropologue émet alors l’hypothèse d’une « propriété inductrice » appartenant à des structures homologues se constituant au niveau du corps, de l’inconscient et de la pensée, et pouvant interagir grâce à cette propriété 208.

Dans la tradition des anthropologues français, Lévi-Strauss reconnaît à la magie une origine sociale. Il s’agirait même d’une conséquence nécessaire émanant de tout ordre social : le rôle du magicien proviendrait directement de sa position au sein de sa communauté, intermédiaire entre les différents systèmes symboliques constituant la société. La magie possède une réelle efficacité car il existe une connexion entre les structures mentales et les structures sociales symboliques, si bien que l’on peut faire appel aux secondes pour agir sur les premières par le biais du symbolisme. Ce n’est donc plus une théorie fondée sur une sorte de disposition psychologique qui sous-tend la magie mais toute la culture d’une société donnée. La croyance n’est plus nécessaire pour amener un individu à recourir à la magie malgré son inefficacité mais c’est elle qui est manipulée pour obtenir l’effet recherché et qui garantit son efficacité.

En liant la sociologie et la psychologie, Lévi-Strauss évite de devoir faire intervenir une théorie psychologique qui justifierait l’adhésion à la magie et qui le ramènerait peu ou prou à une forme d’intellectualisme. Néanmoins, même un parallélisme des structures sociales et psychologiques ne suffit pas à justifier l’efficacité d’une action symbolique et parler d’« une manipulation psychologique de l’organe malade » relève aussi du symbolisme mais ne nous apprend pas comment cet organe a pu être soulagé. En effet, s’il se produit bien une recontextualisation des symptômes afin qu’ils soient culturellement admissibles et donc compréhensibles et peut-être moins douloureux grâce à cela, rien ne permet d’affirmer que le symbolisme soit à l’origine de cet effet ou suffise à le produire. En outre, prétendre que l’adhésion à un système culturel, donc la croyance, soit un élément d’efficacité n’a rien d’évident puisque nous avons déjà vu chez Evans-Pritchard 209, en particulier, qu’il existe un réel scepticisme quant à la validité des techniques des guérisseurs et Lévi-Strauss lui-même

207. R. R. DESJARLAIS, « Healing Through Images: The Magical Flight and Healing Geography of Nepali Shamans », Ethos, 17, 1989, pp. 299-303.

208. C. LÉVI-STRAUSS, « L’Efficacité symbolique », p. 231. Voir aussi la synthèse de J. DOW, « Universal Aspects of Symbolic Healing: A Theoretical Synthesis », American Anthropologist, N. S. 88, 1986, pp. 56-69.

209. Supra, p. 71.

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évoque ailleurs les profonds doutes d’un chamane à propos de son art, qui pourtant parvient à guérir de nombreux malades 210. Et surtout, dans le cadre du rituel d’accouchement notamment, le contenu des paroles du chamane sont incompréhensibles pour sa patiente, ce qui interdit de fait la possibilité d’une réelle abréaction de type psychanalytique 211. Une fois de plus, nous devons conclure que faire intervenir la notion de croyance dans la magie contribue à brouiller la compréhension du phénomène.

D’autre part, malgré une analyse très fine de la notion de maladie mentale insistant à juste titre sur l’impact de la culture et de la société dans sa symptomatologie, Lévi-Strauss ne nous explique pas selon quel processus le chamane parvient à guérir celui qui n’a pas, comme lui, la faculté de retrouver un comportement normal après en avoir eu un pathologique : il est certain en revanche qu’il ne suffira pas au malade de simplement prendre modèle sur le sorcier pour parvenir à l’imiter. De plus, si le malade mental est une personne évoluant dans les interstices de plusieurs systèmes symboliques mutuellement incompatibles, l’approche symboliste est inopérante pour expliquer sa guérison puisque, par essence, une telle personne n’est pas en mesure d’adhérer au symbolisme qui lui serait présenté au cours de la cure ou bien celle-ci devrait prendre la forme d’un enseignement s’étendant sur une période de temps plus longue qu’un simple rituel. L’analyse socio-psychologique menée par Lévi-Strauss vient par conséquent sérieusement affaiblir sa propre thèse de l’efficacité symbolique de la magie.

b) L’expressivité de la magie

Un autre courant de l’interprétation symboliste de la magie, représenté principalement par des anthropologues anglo-saxons, n’envisage plus le rôle de la société dans l’apparition de cette pratique et se concentre surtout sur les implications psychologiques dues à la nature symbolique de celle-ci, qui affectent les participants aux rituels magiques. Dans cette optique, un peu comme chez Frazer, ce n’est plus la société qui façonne la magie mais la magie qui intervient sur la vie sociale.

Selon J. H. M. Beattie, l’efficacité réelle de la magie a peu d’importance pour les peuples qui la pratiquent car le rituel, à l’instar des arts, a essentiellement une valeur expressive, plus que la science, telle qu’on l’entend à notre époque et dans notre civilisation occidentale 212. Le rituel dit autant qu’il fait. Symboliquement, il exprime un désir, un espoir.

210. C. LÉVI-STRAUSS, « Le Sorcier et sa magie », pp. 200-205. Voir infra, p. 136.

211. Voir P. SANCHEZ, op. cit., p. 453.

212. J. H. M. BEATTIE, « Ritual and Social Change », Man, N. S. I, 1966, p. 60.

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C’est pourquoi, dans le même esprit, H. Webster précise qu’il importe peu que le rite soit oral ou manuel car il s’agit, par la parole ou par l’action, de préciser le but de l’opération magique de façon symbolique 213. Les lois de la magie sympathique, en définitive, ne traduisent pas une croyance dans la liaison causale du même avec le même, mais elles procurent un moyen d’expression des plus adéquats : évoquer même par le même. Bien que Frazer ait correctement décrit les principes de fonctionnement de la magie, il s’est trompé en pensant que la magie était une approche erronée de la causalité. Elle ne consiste pas à appliquer des connaissances empiriques à propos des propriétés de substances naturelles. C’est une activité symbolique et non scientifique, qui utilise des éléments en fonction de leur contenu symbolique et non parce qu’ils ont une efficacité matérielle 214. D’ailleurs, les sorciers étudiés par l’anthropologue sont eux-mêmes conscients de ne pas mettre en œuvre un savoir scientifique 215.

En suivant ces analyses, on comprend mieux comment il est possible de continuer à croire en la magie alors même qu’elle est inefficace, ou bien sans essayer de la mettre à l’épreuve de la réalité. En effet, il n’y a aucune raison de chercher à la tester empiriquement car la causalité inhérente à la magie est considérée comme étant d’un autre ordre que la causalité empirique des techniques utiles à l’activité humaine : le rituel magique est une fin en soi. La croyance en l’efficacité réelle de la magie dérive précisément de son caractère expressif qui conduit à croire au pouvoir des mots et de la parole, notamment lorsque le souhait exprimé verbalement devient réalité. D’ailleurs, la croyance au pouvoir de la parole n’est pas propre aux sociétés primitives mais se retrouve aussi dans les sociétés modernes 216.

c) La magie comme acte performatif : S. J. Tambiah et R. A. Rappaport

La nature expressive de la magie sera soulignée par S. J. Tambiah et d’autres, qui enrichiront cette approche par l’étude du caractère performatif de la pratique magique. Se plaçant dans le sillage de Malinowski, S. J. Tambiah reconnaît que le langage joue un rôle clef dans le rituel magique et qu’il est utilisé d’une façon qui ne correspond pas à sa fonction habituelle de communication entre des individus 217. Les mots ont en effet un pouvoir

213. H. WEBSTER, op. cit., p. 96.

214. J. H. M. BEATTIE, Other Cultures: Aims, Methods and Achievements in Social Anthropology, reprint, London - Henley, 1980 [1=1964], pp. 206 sq.

215. J. H. M. BEATTIE, art. cit., p. 68.

216. J. H. M. BEATTIE, op. cit., pp. 203 sq., 215.

217. S. J. TAMBIAH, « The Magical Power of Words », Man, N. S. III, 1968, p. 179.

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créateur 218 et reçoivent leur efficacité mystique du fait qu’ils nous donnent la représentation la plus réaliste du concept de force active, puisqu’ils sont en nous et hors de nous à la fois, agissent sur notre comportement et celui des autres, et relient les hommes entre eux et avec le monde 219.

S. J. Tambiah relève, en outre, que le langage produit des métaphores et des métonymies, fondées sur les principes de similarité et contiguïté, permettant des transferts sémantiques 220 : la magie sympathique trouverait ainsi son fondement dans ces possibilités offertes par le langage, lequel, associé aux actions rituelles, conférerait à l’activité magique un sens symbolique 221. Plus généralement, le rituel peut être envisagé comme un système de communication symbolique construit par une culture 222.

Selon l’anthropologue, le rituel, et donc la magie, appartient aux « actes performatifs » (performative acts) 223 qui consistent à transférer de façon impérative et persuasive une propriété à un objet ou une personne au moyen d’une analogie. Il précise que, si l’on cherche à vérifier empiriquement ses effets, on manque le côté tangible, créatif et persuasif de l’opération. La magie se distingue donc de la science, qui fonctionne également au moyen de raisonnements analogiques : dans le cas de celle-ci, ce que l’on connaît déjà dans le phénomène à expliquer est utilisé comme modèle pour saisir ce qui est encore mal connu, en élaborant une prédiction dont on observera le résultat afin de tester la validité de ce modèle 224. En d’autres termes, l’analogie magique assigne une caractéristique auparavant inexistante à un être ou une chose par similarité avec d’autres êtres ou choses, alors que l’analogie scientifique contient une dimension heuristique et propose de déduire une donnée inconnue mais préexistante, à partir de données connues : ce qui explique pourquoi le

218. Ibid., pp. 182 sq.

219. Ibid., p. 184.

220. Ibid., pp. 189 sq.

221. Ibid., pp. 195-198. Voir R. E. LEACH, op. cit., p. 31, qui propose une analyse semblable.

222. S. J. TAMBIAH, « A Performative Approach to Ritual » in S. J. TAMBIAH, Culture, Thought, and Social Action: An Anthropological Perspective, Cambridge (MA) - London, 1985, p. 128.

223. Voir aussi R. FINNEGAN, « How to Do Things with Words: Performative Utterances among the Limba of Sierra Leone », Man, N. S. IV, 1969, pp. 537-552, B. RAY, « “Performative Utterances” in African Rituals », History of Religions, 13, 1973/74, pp. 16-35 et E. M. AHERN, « The Problem of Efficacy: Strong and Weak Illocutionary Acts », Man, N. S. XIV, 1979, pp. 1-17. Sur les limites de cette approche, voir D. S. GARDNER,

« Performativity in Ritual: The Mianmin Case », Man, N. S. XVIII, 1983, pp. 346-360. La notion d’actes performatifs s’inspire des travaux de linguistique menés par J. L. Austin, qui ont porté sur des énoncés équivalant à l’accomplissement d’une action lorsqu’ils sont prononcés (par exemple la formule consistant à attribuer un nom à un navire, des mots d’excuse ou de bienvenue, ou encore un ordre donné à quelqu’un). Voir notamment J. L. AUSTIN, How to Do Things with Words, 2e éd., Cambridge (MA), 1975 [1=1962], en particulier pp. 98-132, « Performative-Constative » in J. R. SEARLE (ed.), The Philosophy of Language, reprint, London, 1974 [1=1971], pp. 13-22, J. R. SEARLE, Speech Acts. An Essay in the Philosophy of Language, 29th printing, Cambridge - New York, 2007 [1=1969], principalement pp. 22-46, 54-71, 175-198, « How Performatives Work » in J. R. SEARLE, Consciousness and Language, Cambridge - New York - Melbourne - Madrid - Cape Town, 2002 [1=1989], pp. 156-179, ainsi que les précisions apportées par Z. VENDLER, « Les Performatifs en perspective », Langages, 5, 1970, pp. 73-90.

224.S. J. TAMBIAH, « Form and Meaning of Magical Acts » in S. J. TAMBIAH, Culture…, pp. 60 sq., 72.

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magicien doit guider le rituel vers le résultat souhaité par des incantations et des formules, ce qui n’est évidemment pas le cas du scientifique expérimentant sa théorie 225.

R. A. Rappaport complète l’approche de S. J. Tambiah en soulignant qu’un acte ne devient performatif et ne peut produire l’effet souhaité que si un certain formalisme est

R. A. Rappaport complète l’approche de S. J. Tambiah en soulignant qu’un acte ne devient performatif et ne peut produire l’effet souhaité que si un certain formalisme est

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