• Aucun résultat trouvé

3. Julien, tyran et impie

3.2 Magie et divination

Ce qui a sans doute le plus été modifié dans la légende syriaque, c’est tout ce qui touche à la magie et à la divination. Dans la légende, le plus tardif des deux manuscrits présente l’intérêt considérable d’apporter un exemple de pacte avec le diable. Le personnage de Magnus le magicien semble dérivé du personnage historique de Maxime d’Éphèse442. Une pratique magique a retenu particulièrement notre attention puisqu’elle

occupe la totalité du second manuscrit. Il s’agit de celle où l’on prend un fœtus vivant dans le ventre de sa mère pour évoquer les fantômes des morts. Un passage semblable se trouve chez Ammien, qui rapporte avec indignation la confession d’un certain Numerius qui cherchait à savoir si Valens continuerait à régner. Et le cruel Valens, qui considérait

441 Nous n’avons pas étudié la signification de la barbe dans cet extrait et la nuance que cet élément pourrait apporter à notre analyse, mais il serait nécessaire de chercher dans des sources connexes pour savoir comment avait été interprété cette partie du portrait physique qui a occupé une importance primordiale dans la

description physique de Julien.

117

Numerius comme son ami, ne lui fit aucun mal bien qu’il eût avoué ces abominables pratiques :

Le tribun Numerius, un être extraordinairement malfaisant, convaincu en ces mêmes jours et ayant reconnu avoir fait ouvrir le ventre d’une femme vivante, en avoir arraché le fruit avant terme et osé, après avoir invoqué les mânes infernaux, consulter sur une permutation de l’empire, Valens, avec un regard de familiarité, ordonna de le laisser partir indemne, malgré les murmures de la curie toute entière, pour conserver intacts la vie, une fortune enviable et son grade militaire443.

Les sacrifices humains de ce genre à Rome correspondaient à des actes dont l’intention était jugée nuisible. Numerius est accusé de divination à partir d’entrailles d’enfant dans le but de connaître l’avenir et plus précisément, la destinée de l’empereur régnant. Cette divination privée portant sur l’empereur ou sur l’État était passible de peines sévères et ce cas était encore aggravé par le fait que les entrailles examinées provenaient d’un sacrifice humain444. Ce sacrifice apparaît comme une accusation suprême à brandir contre l’ennemi :

celui-ci ne respecte pas les règles implicites de la civilisation, à l’instar de certains barbares445. Il se peut que l’auteur du Roman ait trouvé l’idée d’attribuer à Julien l’emploi

d’un procédé semblable pour ses conjurations dans l’œuvre d’Ammien. Comme ce dernier était originaire d’Antioche, peut-être qu’il a eu accès à ses Res Gestae446.

Dans le récit syriaque, Julien fait venir son magicien qui lui dit que, s’il veut voir les démons s’assembler autour de lui pour lui révéler les choses cachées et lui enseigner les secrets, s’il veut qu’ils le fassent roi des rois et le placent au-dessus de tout et que les gens l’écoutent comme des serviteurs écoutent leurs maîtres, ce n’est pas le signe de la croix qui

443 Ammien, XXIX, 2, 17 : Accesserat hoc quoque eodem tempore ad Valentis ceteras laudes quod, cum in

aliis ita saeuiret infeste ut poenarum maturius vix ferret finiri cum morte dolores, Numerium tribunum, malitia quendam exsuperantem, isdem diebus conuictum confessumque quod, exsecto uiuae mulieris uentre atque intempestiuo partu extracto, infernis manibus excitis, de permutatione imperii consulere ausus est, familiaritatis contuitu, ordine omnu musante abire iussit inlaesum, salutem et inuidendas opes et militae statum integrum retenturum. (Traduction J. Fontaine)

444 Sur tout le sujet des sacrifices humains ainsi que leur réalisations dans les sphères privées et publiques, cf. M.-L. Haack, Les haruspices dans le monde romain, Paris-Bordeaux, 2003, p. 115-120.

445 À qui d’ailleurs, dans certains cas, les auteurs anciens attribuent l’origine de ces mythes. Cependant, dans le monde sémitique, le sacrifice d’enfant ne s’accompagnait pas de divination. Voir l’article de F. Van Haeperen, « Mises à mort rituelles et violences politiques à Rome sous la République et sous l’Empire », Res

Antiquae 2, 2005, p. 327-346.

446 Cette hypothèse, avancée par J. Richer, mériterait d’être creusée afin de voir s’il y a des ressemblances lexicales ou des formulations de phrases proches.

118

fera cela pour lui. Julien incline donc la tête devant Satan et les armées de démons, et il les adore alors que Satan lui adresse la parole. Il ferait de Julien le roi de l’Orient et de l’Occident, et son royaume durerait cent ans447. Afin que cette prophétie se réalise, « ils

prirent avec eux Kuzu, la fille de Magnus, le magicien, qui était enceinte. Ils lui ôtèrent ses vêtements et l’accrochèrent dans la maison des idoles jusqu’à ce que son ventre s’ouvrît. Ils sortirent de son sein l’enfant vivant, âgé de neuf mois, et accomplirent avec lui toutes sortes de rites de divination et d’enchantement448. » Même si les sacrifices sont généralement

assez présents dans la littérature antique, les sacrifices d’enfants, quant à eux, sont plutôt rares et nous pouvons utiliser cet argument pour renforcer un peu l’hypothèse de J. Richer selon laquelle l’auteur aurait été influencé par Ammien lorsqu’il a inséré ce passage dans la légende. De plus, le côté démoniaque du prince est vraiment mis en valeur et sert à maintenir l’image noire de la légende qui se développait déjà depuis 363. Grégoire avait établi l’assise de cette image, mais avec le Roman, nous avons là une vraie légende, entièrement formée, où des épisodes tels que celui-ci sont déjà ancrés dans les esprits. Outre la diabolisation de la figure de Julien, sa mort, que nous considérons comme le point de départ de la légende, occupe une place importante dans la narration.

La trame narrative du roman se construit en trois parties et dans chacune d’elles, Julien est toujours mis au second plan. Après la mort de Constantin, dans la première partie, Julien a décidé de se rendre à Rome avec une grande armée dans le but de s’emparer du trône et d’être reconnu comme despote du royaume romain tout entier. De plus, il y persécutait les chrétiens, mais il s’est retrouvé face à face avec saint Eusèbe, évêque de Rome, âgé de 97 ans qui, comme nous l’avons dit, le fit échouer dans plusieurs tentatives de persécutions. Le Tyran voulait que l’évêque abandonne le christianisme et qu’il devienne un adorateur des anciens dieux. Il fut le premier martyr à avoir témoigné de la persécution subie sous le règne l’Apostat449. À l’annonce de la venue de Julien, Eusèbe a

447 Il s’agit d’une paraphrase tirée du résumé de J. Richer dans son article pour résumer quelques pages du Roman.

448 Iulianos der Abtruennige, p. 247: .ܐܢܜܒ ܕܟ ܐܫܪܚ ܣܘܢܔܡܕ ܗܬܝܠܜ ܘܙܘܟܠ ܢܘܗܡܥ ܒܣܢܘ .ܒܘܒܙܠܥܒܕ ܐܪܟܬܦ ܬܝܒܠ ܗܘܚܠܫܐܘ ܗܝܬܚܢ ܗܘܠܐܬܘ ܬܝܒ ܐܪܟܬܦ . ܢܡܘ ܗܝܡܚܪ ܐܡܕܥ ܗܐܪܫܠ . ܗܘܐܪܨ . ܘܩܦܐܘ ܢܡ ܗܣܪܟ ܕܟ ܐܝܚ . ܠܐܘܥ ܪܒ ܐܥܫܬ ܢܝܚܪܝ . ܘܫܚܢܘ ܘܪܟܙܘ ܘܩܣܐܘ ܗܒ ܆ܐܡܨܩ

119

convoqué ses fidèles et leur a dit qu’ils ne devaient pas se montrer faibles et que leur foi devait avoir le dessus sur leur sentiment de peur. L’entrée de Julien à Rome se fit « dans le mois d’Adar de l’année 673, selon le calendrier des Grecs, le 25 de ce même mois, cinq mois après la mort de Constantin »(i.e. le 25 mars 362) 450. Julien le Pervers (ܐܬܢܥ)451 a

essayé à plusieurs reprises de mettre fin à la vie d’Eusèbe. Lorsque ce dernier est monté sur le bûcher, la flamme s’est emparée des prêtres qui étaient chargés du sacrifice. Ils furent entièrement brûlés, la flamme s’est élevée vers le ciel, lequel parut lui-même s’embraser et un grondement sourd se fit entendre452. S’ensuivit une discussion entre Eusèbe et Julien au

cours de laquelle ce dernier accusait l’évêque d’être fou et que sa croyance en ce Dieu unique est impure, alors qu’Eusèbe accusait Julien d’être tombé trop loin de Dieu et dans son inconscience, d’avoir omis de traiter des questions importantes de l’État, comme la guerre contre les Perses. Par la suite, Julien a ordonné à un de ses bourreaux d’attacher Eusèbe sur l’autel, mais au moment où il s’approchait, l’« Ange du Seigneur » frappa le bourreau, qui tomba et mourut. Cette fois, tous prirent peur, même Julien, et il ordonna que l’évêque fût mis aux fers et renvoyé en prison. Par la suite, le Tyran prit plusieurs mesures afin que le christianisme perdît de sa puissance. Sur les ordres de l’Apostat, Eusèbe subit quarante tortures différentes, mais elles demeurèrent toutes sans effet. Une nuit, le Christ visita Eusèbe, guérit toutes ses blessures et le conduisit devant celui qui avait demandé sa mort. Ce dernier était hésitant et ne savait que faire, mais il décida finalement d’accorder son pardon à tous les prisonniers de la Ville et, parmi eux, à Eusèbe. Il y a une empreinte hagiographique claire dans cette partie puisqu’Eusèbe est décrit comme un saint homme et plus encore, comme le saint de Dieu453.

La partie centrale de l’œuvre est présentée comme une lettre écrite par Abdel, le chef d’un couvent, à Apolloris, qui ne serait pas un personnage fictif, mais qui peut être

450J. G. E. Hoffman, Julianos der Abtruennige : ܬܠܬܘܢܢܥܒܫܘ ܐܐܡ ܬܫ ܬܢܫܕ ܪܕܐ ܚܪܝܐܒ .ܐܡܘܗܪܠ ܗܢܝܠܘܝܕ ܗܬܠܥܡ ܐܢܝܢܡܒ ܘܝܕ ̈ ܐܝܢ ܐܫܡܚܒ ܢܢܪܣܥܘ ܗܒ ܐܚܪܝܒ . ܕܟ ܘܠܡ ܗܬܘܡܠ .ܐܫܡܚܐܚ݀ܪܝܣܝܬܝܬܣܩܕ

451 R. J. H. Gottheil, A Selection from the Syriac Julian Romance, p. 83.

452J. G. E. Hoffman, Julianos der Abtruennige, p. 51 : .ܝ̣ܝܗܘܡܕܩ ܢܡ ܐܬܝܒܗܠܫ ܬܩܪܥ .ܐܬܠ݀ܥ ܠܥ ܗܠܓܪ ܬܟܪܕ ܕܟܘ ܬܦܣܘ ܢܘܗܒ ܪܡܘܟܒ ̈ ܐ ܝܣܡ ̈ ܐܒ . ܢܝܘܗܕ ܘܘܗ ݀ܐܢܝܢܡܒ ܬܠܬ ̣ ܢܝ ܢܝ݀ܪܬܩ . ܬܒܚܘ ܫܘܓܒ ̈ ܢܘܗܝܡ ̣ ܘܕܩܝܘ . ܘܟܪܚܬܐܘ ̣ ܐܡܕܥ ܠܐܕ ܪܚܬܫܐ ܢܘܗܢܡ ܐܢܟܪܫ .

453 Le thème de l’hagiographie n’a pas été étudié dans la légende, même s’il a parfois été évoqué. Nous pensons notamment à M. van Esbroeck qui définissait le Roman comme un texte hagiographique. Nous ne pensons pas que ce texte soit hagiographique, mais le personnage d’Eusèbe, certainement. Au sujet de Julien, il pourrait s’agir d’une anti-hagiographie : cette piste serait à creuser.

120

associé au chambellan du roi Jovien, qui lui avait confié la question de la désertion des chrétiens survenue dans les royaumes454. Elle parle de Julien et de sa visite à Rome455. Dans

la légende, les actes des Martyrs rapportent que plus de quarante chrétiens, simplement à cause de leur croyance, ont péri suite aux persécutions de l’Apostat. Plusieurs récits de

Passions sont situés à Rome alors que Julien y était. Il y a la Passio Gallicani, la Passio Pimentii et la Passio Bibianae456. La Ville était toujours la capitale de l’Empire et à cause

de la tradition des siècles précédents, avait encore une grande valeur symbolique et idéologique. Elle était cependant propice à ce genre de récits parce que dans l’Antiquité tardive, elle n’était plus une ville très importante du côté politique et elle était rarement visitée par les empereurs. Le même phénomène se produisait avec le sénat romain, dont l’influence politique était constamment en déclin, mais qui jouissait toujours d’une grande estime auprès des citoyens et des hommes du pouvoir457. Dans l’imaginaire collectif à

l’époque, la Ville représentait encore tout l’Empire. Cela se voit dans certains passages du Roman. La décision du sénat de ne pas appuyer Julien dans ses actions se fondait sur le fait que, si Rome acceptait, l’Empire tout entier allait faire de même : « Notre ville est la tête de toute la puissance de notre royaume. Si le reniement commence avec nous, nous serons la cause de la destruction de toutes les régions qui sont sous nos ordres et la responsabilité de leur infidélité et de leurs péchés tombera sur nous458. » L’empereur a tout essayé pour que

son pouvoir et ses croyances soient reconnus dans la Ville parce que, si la demande de restaurer les cultes ancestraux à Rome était acceptée par le sénat, Julien n’aurait aucune difficulté à réintroduire le polythéisme dans le reste de l’Empire. Rome occupe une place importante dans la deuxième partie du récit et le personnage principal est Jovien, gouverneur de Julien et alors secrètement chrétien. C’était un homme instruit et équilibré

454 J. G. E. Hoffmann, Julianos der Abtruennige, p. 59 ; H. Gollancz, Julian the Apostate, p. 66 : « La lettre qu’Abdel, chef du couvent, a écrite à Apolloris, ministre confidentiel (chamberlan) du roi Jovien, à qui avait été confiée l’affaire de la défection qui avait eu lieu dans les royaumes »

ܘܣ ܢܡܝ ̣ܗܬܐ ܗܠܕ .ܐܟܠ ̇ܡ ܣܘܢܝܢܒܘܝܕ ܗܢܡܝܗܡ ܣܝܪܘܠܦܠܐ .ܐܪܕܫܝܪ ܠܝܐܕܒܥ ܒܬܟܕ ܐܒܬܟ ܬ ̈ܘܟܠܡ ܬܝܒ ܐܘ ̣ܗܕ ܐܢܩܣܘܦܕ ܐܢܪܥ

455 Dans les faits, Julien n’est jamais allé à Rome. Ses contacts avec la Ville et son sénat semblent même avoir été plutôt limités. Ils se résument à une lettre écrite au sénat et une loi qui ordonnait de diminuer le nombre d’avocats dans les cours de justice.

456 H. J. W. Drijvers, « Julian the Apostate and the City of Rome », p. 9.

457 Pour une vision plus approfondie des pouvoir de Rome versus Constantinople, cf. J. Curran, Pagan City

and Christian Capital. Rome in the Fourth Century, Oxford, Oxford University Press, 2000.

458J. G. E. Hoffman, Julianos der Abtruennige, p. 31 : ܢܢܡ ܢܐܘ ̇ܢܬܘܟܠܡܕ ܗܠܘܟ ܐܢܕܚܘܐ ܫܝܪ ̇ܗܝܬܝܐ ܪܝܓ ܢܬܢܝܕܡܕ ܢܘܗܬܘܪܘܦܟܕ ܐܬܥܒܬ ܢܪܬܒ ܐܝ ̇ܬܐܘ .ܢܢܜܠܘܫ ܬܥܚܬܕ ܢܘܗܠܟ ܐܬܘܪ̈ܬܠܐ ܢܢܚ ܢܝܘܗ ܐܬܠܩܘܬܕ ܐܬܠܥ . ̣ܐܬܘܪܘܦܟ .ܐܝܪܫܡ ܢܐ ̇ܢ̇ܘܗܬܝܜܚܕܘ

121

qui, grâce à ses connaissances, était devenu l’un des conseillers du Tyran. Il se conduisait ouvertement comme adorateur du culte traditionnel auprès de l’Empereur et son but premier était d’agir sur l’esprit de Julien pour le détourner de ses attaques contre l’Église et les prêtres459. Le prince avait entrepris plusieurs mesures, rapportées dans le Roman, dont la

reconstruction des temples des anciens dieux, tous frais payés par les trésors des églises. Les vêtements d’église ainsi que les ornements et les décorations devaient être donnés aux temples et les chrétiens étaient maltraités partout dans l’Empire :

Le peuple de Dieu était partout attaché, persécuté, battu, volé, pillé foulé aux pieds et insulté. La méthode des persécuteurs n’était pas la même dans toutes les régions ; pour que, selon la coutume, des conditions limitées ne soient pas imposées aux juges par les rois, nous étions jugés parmi les persécuteurs. Il y avait des endroits où, sans l’ordre du juge, ils accomplissaient ce qu’ils voulaient sur nous sans compassion. Ils ont fait endurer aux serviteurs de Dieu de nombreuses souffrances et douleurs ; avec des coups terribles, ils ont mutilé leurs membres et à cause de ce traitement, ils ont péri. Ainsi, dans d’autres régions, ils ont attaché des cordes à leurs pieds et, comme des carcasses de bêtes, ils étaient traînés dans les rues, pour mettre fin à leur combat. D’autres, comme des chiens, étaient battus sans l’accord des rois et sans la permission des juges. Leurs oppresseurs n’avaient pas peur parce qu’il n’y avait personne pour exiger la revenche de leur mort460.

Avec le clergé désormais sous le contrôle de l’État, les religieuses étaient obligées de se marier, Julien voulait que les évêques deviennent des généraux et des colonels. L’Église était insultée, opprimée, méprisée de toutes parts par ces actions et en plus, l’empereur promulgua un édit ordonnant la destruction des églises et mettant tous les chrétiens hors-la- loi. Après cette mesure, Jovien désespéra, s’isola et fit monter une prière vers le ciel en demandant à Dieu de l’inspirer461. Le Destin pressait Julien d’aller faire la guerre en Orient.

Il eut recours à la magie, à la divination, aux enchantements pour savoir s’il allait vaincre : « Parfois il (sc. Julien) entrait dans des tombes et avec des incantations [par l’intermédiaire

459 Il serait intéressant de faire un parallèle entre le comportement de Jovien envers Julien et celui de Julien envers Constance. Il nous semble que les deux situations sont très semblables.

460 Les exemples de persécutions se multiplient dans le récit. J. G. E. Hoffmann, Julianos der Abtruennige, p. 70-71 : ܠܟܒ ܢܝܦܘܪܕ ܗܣܟܛ ܐܘܗ ܕܚ ܢܝܕ ܘܠ .ܪܥܨܡܘ ܫܝܕܘ .ܙܝܙܒܘ ̣ܦܝܛܚܘ .ܝܚܡܡܘ ̣ܦܝܕܪܘ ܐ ̣ܘܗ ܪܝܣܐ ܆ܪܬܐ ܠܟܒ ܐܗܠܐܕ ܗܡܥ ܕ ܐܢܕܩܘܦ ܠܐܕܕ . ̣ܐܪܬܐ ܪܝܓ ܬܝܐ .ܐܦܘܕܪ̈ ܬܝܒ ܢܝܘܗ ܢܝܢܝܕܬܡ . ̣ܐܟܠ ̈ܡ ܢܡ ܐܢ̈ܝܕܠ ܢܝܡܝܣܕ ܐܡ ̈ܚܬܡ ܐܣ̈ܟܛܕ ܐܕܝ ̇ܥܒ ܘܠܕ .ܢܝܪ̈ܬܐ ܐܢ ̇ܝܕ ܪܫܡ ܐܬ̈ܝܫܩ ܐܬܘܚ ̈ܡܒܘ .ܐܗܠܐܕ ܝܗܘܕܒ̈ܥ ܢܝܠܒܣܡ ܐܢܨܠ ̈ܘܐܘ ܐ ̈ܫܚ ܀ .ܐܡܚܪ̈ ܠܐܕܘ ܢܘܗܬܓܪ ܢܒ ܘܘܗ ܢܝܪܡܓ ܘܘܗ ܢܝ ܘܘܗ ܢܝܡܪ ܠܐܒ ̈ܚ . ̣ܐܢܪ̈ܚ ܐܬܘܪ̈ܬܐܒ ܦܐ ܒܘܬ ܐܢܗ ܟܝܐܕ ̇ܢܘܗܝ̈ܝܚܕ ܐܡܠܘܫ ܘܘܗ ܢܝܠܩܫ ܢܘܗܬܘ ̈ܚܡܒ ܢܝܗܒܘ ̇ܢܘܗܝ ̈ܡܕܗ ܟܝܐ ܒܘܬ ܐܢܪ̈ܚܐܘ .ܗܟܣ ܢܘܗܢܘܓܐ ܐ ̣ܘܗ ܠܩܫ ܐܢܟܗܘ .ܘܘܗ ܢܝܪܪܓܬܡ ܐܬܘ̈ܝܚܕ ܐܕܠ ̈ܫ ܟܝܐ .ܐܩ ̈ܘܫ ܬܝܒܘ . ̣ܢܘܗܝܠܓܪ̈ܒ ܠ ̈ܡܕ ܐܢܕܩܘܦ ܠܐܕ ̇ܢܘܗܠ ܘܘܗ ܢܝܦܠܨܡ ܐܕ ̈ܛܘܚܒ . ̣ܐܒܠ̈ܟܠܕ ܠܕܒ . ̣ܢܘܗ̈ܝܨܘܠܠܐ ܐܛܢܩ ܐ ̣ܘܗ ܬܝܠܘ .ܐܢ̈ܝܕܕ ܐܬܘܢܣܦܡ ܠܐܕܘ ܐܟ ܬܝ ̣ܢܘܬܘܡܠ ܐܥܘܒܬ ܐ ̣ܘܗ

461 Jovien rappela toutefois à Julien que pour les chrétiens, la plus belle fin et le plus grand désir qu’ils avaient était de mourir pour leur Dieu. Il était alors préférable que Julien fermât les Églises dans le but de les transformer en temples par la suite. Il promulgua alors un nouvel édit qui allait dans ce sens.

122

des cadavres] parlait aux démons. Parfois il arrachait le cœur des petits enfants et s’en servait pour ses enchantements : la divination ou la magie. Quelques fois il faisait arracher des enfants du ventre de femmes enceintes et, avec eux, il accomplissait d’épouvantables mystères462. » L’auteur précise qu’il n’est pas nécessaire de faire l’inventaire de toutes les

abominations que le Tyran a commises, mais il veut plutôt montrer comment l’empereur a lui-même causé sa perte et celle de son Empire. Le peuple ne voulait pas suivre un homme aussi abject. Comme il s’arrangeait pour que les augures lui soient favorables, Julien décida que le moment de faire la guerre contre les Perses était venu : il choisit Jovien comme second et l’envoya en avant avec une grande armée pour franchir le Tigre. Suit la description des actions et de la progression de Jovien et de Julien en territoire ennemi.

À un certain moment, aveuglé par la colère parce que plusieurs de ses soldats s’étaient révoltés et avaient décidé de protéger la ville d’Édesse, Julien ordonna à Jovien d’aller détruire cette ville. Ce dernier, écrasé par le chagrin, adressa une fois de plus une prière à Dieu. Il faut noter le parallèle avec ce que nous avons rapporté de la légende de saint Mercure au chapitre précédent. En effet, dans ce cas, Jovien voit en songe « un des bienheureux Quarante qui, sur la glace, souffrirent le martyre au temps de l’empereur Maximin : son nom était Marqur (Mercure)463 » et la suite de l’histoire témoigne de la

réalisation de la prophétie. L’envoyé tenait à la main un arc et trois flèches, et souriait à Jovien. Ils conversèrent au sujet de la détresse du chrétien et saint Mercure dit qu’il ne devait plus s’inquiéter :

Il (sc. Dieu) m’a envoyé pour vous expliquer la vraie signification de cette affaire. Dans douze semaines, il y aura une pause dans l’avilissement de votre peuple, afin que les parfaits puissent être mis à l’épreuve et que les dettes des méchants soient payées. En outre, cette vengeance sera exercée par les peuples d’Assyrie qui déterminent leur victoire d’après les étoiles de la Constellation464.

[…] Le temps du Méchant est compté depuis longtemps, sa mesure est pleine ; la coupe de ses iniquités déborde. […] Et après ces semaines, avec l’une des

462J. G. E. Hoffman, Julianos der Abtruennige, p. 93 : ܐܫܪ̈ ̇ܚܕ ܐܬܘܢܕܒܥܡܒ ܢܘܗܒܘ . ̣ܐܘܗ ܠܐܥ ܐܝܕܝܚܝ ܐܪ̈ܒܩܠ ܢܒܙܒܕ .ܐ ̣ܘܗ ܠܠܡܡ ܐ̈ܕܐܫ ܡܥ ܢܒܙܒܘ ܒܘܬ ܐܒܠ ܪܒܫܕ ̈ ܐ ܕܟ ܢܚܚ ܨ ̇ ܐܪ ܡܘ ̇ ܩܦ ܘܗ ̣ ܐ . ܢܘܗܒܘ ܚܢܡ ̇ ܫ ܘܗ ̣ ܐ ܡܨܩܘ ܡܘ ̇ ܪܟܙ . ܢܒܙܒܘ ܦܐ ܢܜܒܠ ̈ ܐܬ ܬܪܦܡ ܘܗ ̣ ܐ ܡܘ ̇ ܩܦ ܘܥ ̈ ܝܗܝܠ ̣ ܢ . ܢܘܗܒܘ ܫܡܫܡ ܘܗ ̣ ܐ ܪ̈ ܐܙܐ ܣܡ ̈ ܐܒܝ ܗܬܘܦܢܜܕ .

463 J. G. E. Hoffmann, Julianos der Abtruennige, p. 142 : ܝܗܘ̈ܢܒܙܒ .ܐܕܝܠܓܒ ܘܕܗܣܐܕ ܐܢ̈ܒܘܛ ܢܝܥܒܪ̈ܐ ܢܝܠܗ ܢܡ ܕܚ .ܪܘܩܪܡ ̣ܗܡܫܕ .ܠܐ ̇ܘܥ ܣܘܢܝܡܝܣܟܡܕ

464 Selon J. Richer, « Les Romans syriaques », p. 254, « cette expression bizarre semble vouloir dire que Julien devait mourir vers le solstice d’été (il mourut le 26 juin) le soleil se trouvant dans la constellation du Cancer. (Le Lion, ancienne constellation du solstice, gouverne la Perse) ».

123

flèches que je tiens, j’ai ordre de sacrifier ce Porc immonde, qui, par son abominable paganisme a pensé obscurcir les sacrements de nos offices. […] Pour que vous croyiez aux paroles que je vous ai adressées dans ce rêve, vous recevrez à l’aube le message écrit du Méchant, vous annonçant qu’il a révoqué sa sentence au sujet d’Édesse […]465.

À son réveil, Jovien reçut effectivement la lettre de Julien lui disant qu’il tirerait vengeance des coupables à la fin de la guerre. Comme l’a noté V. Calzolari dans son article précédemment cité, « De sainte Thècle à Anahit », il y a un rapprochement à faire entre le récit de la mort de Julien, dont nous avons abondamment parlé, et le récit de la mort de Valens, puisque les ressemblances sont frappantes : « Dans les deux textes, un homme est spectateur d’une vision prodigieuse et voit une réunion de saints. Dans les deux textes, les saints se plaignent du traitement infligé par l’empereur romain à l’Église et, dans les deux textes, deux figures quittent le groupe pour aller tuer l’empereur466. » Julien restait en

territoire perse et il était assoiffé de victoire alors ses attaques contre le christianisme se faisaient de plus en plus insistantes. Par contre, de nombreux incidents survinrent et amenèrent Julien et son entourage à avoir peur et à peut-être remettre en cause leur expédition. Par exemple, lorsqu’il voulut saluer le dieu Sin (le dieu de la lune), il s’inclina et sa couronne tomba de sa tête ; il monta sur son cheval pour marcher contre Édesse à

Documents relatifs