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Quelles méthodologies et quels outils pour saisir et analyser les besoins et les services à la mobilité ?

déterminant de lien social et de développement, dans le cadre du renouvellement urbain

3.3 Quelles méthodologies et quels outils pour saisir et analyser les besoins et les services à la mobilité ?

Depuis le début de ce travail, la réponse à des questions essentielles est posée par les acteurs interrogés, comme, par exemple, la nécessité de clarifier et faire partager les questions clés autour desquelles va se construire un diagnostic (ou des diagnostics), la nécessité aussi d’une commande et d’un portage politique (qui politiquement porte la nécessité de ces diagnostics et de la recherche de réponses aux demandes ? ) … La nécessité d’une démarche analytique multidisciplinaire et à différentes portées territoriales est aussi avancée, comme seule garantie d’une cohérence dans la ou dans les réponses …

Mais se repose aussi la question de la spécificité des quartiers des politiques de la ville par rapport aux autres quartiers de la ville et de l’agglomération, face aux transports, aux infrastructures, à la communication, à la tarification … et à l’automobile. Quelle bonne desserte ? Mais aussi : qu’est-ce une bonne desserte dans ces quartiers ? Voire faut-il une « bonne desserte spécifique » ?

La notion de captivité par rapport aux transports motorisés est importante dans ces réflexions : captivité par rapport aux transports collectifs mais aussi à la voiture pour certaines activités …

Toute cette problématique repose sur la qualité des approches en amont sur lesquelles vont se fonder les actions, l’ensemble dépendant en somme du diagnostic.

En effet, tant le rapport du CNT que le Mémento pour la réalisation du volet déplacement dans le Contrat de ville, ou le programme « Transport et intégration urbaine », ou encore le programme « Mobilité pour tous », donnent tous une priorité au diagnostic.

Que ce soit le diagnostic de situation, l’état de lieux, le diagnostic comme élément d’une négociation, etc., tous sont essentiels.

Une apparente absence de diagnostic appréhendé par une absence forte de volet déplacements dans les Contrats de ville a fortement incité à une réflexion autour de la méthodologie et des indicateurs utilisés. Reste encore à savoir s’il s’agit d’un problème d’ordre méthodologique et de connaissance ou plus un problème de portage politique et social… Cette expertise penche en conclusion plus sur cette dernière hypothèse.

Quelles méthodologies et quels outils sont utilisés pour se saisir des besoins et des services à la mobilité qui sont loin d’être aussi homogènes que l’on imagine ? Comment diagnostiquer et analyser des situations aussi différentes entre quartiers de centres denses et quartiers dans le périurbain ? Entre quartiers aux compositions sociales et professionnelles différentes ?

Faut-il des « services » spécifiques à la mobilité ? Lesquels ? Pour quelle mobilité ? Pour qui ? Les réponses sont loin d’être simples car il y a encore difficulté à se saisir des objectifs clairs.

Du point de vue méthodologique, nombreux diagnostics (complets ou partiels) existent et une batterie très importante de variables ou des éléments de connaissance et des méthodes a été utilisée. Ces approches développent des méthodes spécifiques adaptées au sujet et à l’objet de l’étude.

Malgré ces apports, il n’existe pas une vision d’ensemble, dynamique et partagé– national et local - sur l’état des transports et des services à la mobilité dans les quartiers de la politique de la ville et dans le cadre des politiques d’agglomération. En effet, les premières approches étaient souvent partielles et très empreintes d’une vision d’inégalité de fait et permanente des services à la mobilité dans ces quartiers. Aujourd’hui, ces approches semblent être modulées et parfois questionnées, car les choses ne sont pas si tranchées.

Les nouvelles formes de connaissance doivent prendre en compte une multiplicité d’entrées qui sont loin d’être homogènes. En effet, la conception d’une méthodologie permettant de saisir les besoins, les évolutions des « services » à la mobilité (offre tous modes, communication, information, tarification etc.) et les réponses, doit prendre en considération la complexité du phénomène et des évolutions. Parmi ces complexités, on trouve en première ligne, l’hétérogénéité sociale, économique, urbanistique, etc. des « quartiers », et de ce fait l’hétérogénéité des situations et des besoins par rapport aux transports et aux déplacements.

A titre d’exemple, Ph. Estebe26 montrait déjà en 1993, et à partir des analyses INSEE, cette

« hétérogénéité » des dits quartiers :

• 20 % des quartiers avaient une présence dominante de retraités en maison individuelle (situés plutôt dans le Sud-Est, le Nord et le grand Ouest) et correspondent en général à l’habitat ouvrier traditionnel des régions d’industrie manufacturière ou aux habitats à la limite de l’auto-construction des secteurs péri-centraux de la conurbation méditerranéenne ;

• 20 % des quartiers, surtout localisés en Île-de-France et en Nord-Pas-de-Calais, se caractérisaient par une forte présence d’actifs et de familles mono-parentales en

26 Philippe Estebe. « Question urbaine : quelle est la question ? » in VEI Enjeux, n° 124, mars 2001

logement social. 70 % des ménages résident en HLM, avec une présence moindre d’étrangers et une sur-représentation des actifs, par rapports aux autres quartiers ;

• 20 % des quartiers se caractérisaient par la présence de familles nombreuses en logement social. Les actifs étaient plus nombreux que dans la moyenne des quartiers, les familles mono-parentales en même proportion, mais les familles de 3 enfants et plus sont très présentes. Par ailleurs les étrangers se situaient bien au-dessus de la moyenne des quartiers ; 80 % des ménages habitent en HLM et 15 % des logements sont surpeuplés, 60 % des actifs sont ouvriers. Ces quartiers étaient très régionalisés : Île-de-France et région Rhône-Alpes (24 des 39 quartiers et 49 % de la population).

Une autre manière d’aborder cette « hétérogénéité » était aussi avancée dans ce cadre.

Ainsi, lorsque l’INSEE prend en considération les emplois des habitants, cinq types de quartiers apparaissent :

35 % de la population totale des quartiers prioritaires en France en 1993 habitait dans des quartiers caractérisés par une forte présence d’emplois stables, un taux de chômage inférieur à la moyenne des quartiers (14 % en moyenne), et une proportion de chômeurs de longue durée inférieure à la moyenne. Les emplois étaient plus stables et moins précaires, les employés étaient plus nombreux que les ouvriers, les étrangers représentent environ 20 % de la population active. Ces quartiers se localisaient plutôt en Île-de-France et en Alsace.

Dans certains quartiers, dominent les ouvriers de type artisanal, les employés de petites entreprises, cohabitant avec des salariés de la fonction publique nationale et territoriale. La population active y est relativement plus jeune que la moyenne, mais elle est plus souvent au chômage (24 %) et occupe plus fréquemment des emplois précaires (15 %). Les étrangers y sont plus rares que dans la moyenne des quartiers. On les trouvait dans le grand Ouest (Aquitaine, Bretagne, Midi-Pyrénées et Poitou-Charente).

13 % de la population des quartiers de la politique de la ville se concentre dans les quartiers à forte proportion de jeunes de moins de 25 ans dans la population active, non diplômés (43 % des 15 ans et plus), part importante d’emplois précaires et un taux de chômage qui atteint 40 % de la population active. Concerne les régions Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

Les quartiers abritant des cadres et des salariés de l’État avec emplois stables et un chômage inférieur à la moyenne (10 % des quartiers, soit 43 quartiers). Localisés plutôt en Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

Enfin, des quartiers regroupant des indépendants, des employeurs et des retraités (5 % de la population des quartiers, soit 31 quartiers) sont situés plutôt en Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

Ces analyses montrent bien la difficulté à globaliser une réalité aussi diverse. Dans ce sens, Ph. Estebe observe que, bien que l’image de la banlieue domine derrière le mot

« quartiers », la plupart de ceux-ci se trouvent dans la commune-centre de l’agglomération (ex. Toulouse, Brest, Nantes, Marseille, Strasbourg…).

D’autres « géographies » peuvent être ajoutées comme celle des ZUP, mais aussi des habitats ouvriers classiques, des meublés et des logements précaires résiduels, des îlots de pauvreté dans des quartiers socialement mixtes, et même des cités qui n’ont pas

d’indicateurs spécifiques en lien avec la pauvreté. On peut aussi aborder une autre typologie des quartiers à savoir :

• Les quartiers emblématiques et historiques de la politique de la ville : anciennes ZUP, massives, denses, regroupant des familles nombreuses, d’employés et d’ouvriers, avec une proportion élevée d’actifs, de jeunes et d’étrangers et un taux de chômage et de précarité relativement faible par rapport à la moyenne générale des quartiers conventionnés. Ils sont plutôt en Île-de-France et en Rhône-Alpes, mais la plupart des métropoles régionales en possèdent au moins un.

• Les quartiers d’habitat social de l’Ouest, regroupant plutôt des employés, avec une présence relativement forte de la fonction publique, un taux de chômage et de précarité plus élevée que dans les autres « ZUP », mais moins massif et moins visible, avec moins d’étrangers d’origine.

• Les quartiers ouvriers de la grande industrie manufacturière, peuplés essentiellement d’une population française (souvent d’origine étrangère mais pas du Maghreb), vieillissante et en cours de dépeuplement.

• Les quartiers insalubres, vétustes et précaires de certains centres-villes, notamment dans le Midi (mais aussi dans le Nord), où cohabitent petits travailleurs indépendants et travailleurs intermittents, logés dans des meublés ; ou propriétaires ou locataires, vivant dans une précarité proche (ou en dessous) de la pauvreté.

Même si cette analyse date d’une dizaine d’années et qu’il serait intéressant de la réactualiser au regard des évolutions sociales, économiques, politiques, financières, etc., elle montre l’existence d’une diversité globale qui permet de rendre compte de l’ambiguïté qu’il y a à réduire le langage aux caractéristiques des quartiers les plus emblématiques.

Ceci est important du point de vue méthodologique dans le cadre de tout type de diagnostic et des réponses en termes d’offre et d’autres services à la mobilité. En effet, si l’on reste à une image uniformisée de la réalité, les réponses et les évaluations des politiques publiques peuvent s’avérer biaisées.

Reste quand même un travail important à faire, dans cet effort méthodologique de

« diagnostiquer » … répondre aux questions essentielles dans la production de la connaissance et des orientations : Y-a-t-il un problème méthodologique dans le portage du volet déplacements dans les Contrats de ville (et dans autres procédures aussi) ou y-a-t-il un problème de portage politique et social de la question des transports et déplacements ?

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