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Dans cette partie, nous présentons notre positionnement épistémologique, les étapes de notre démarche de recherche, ainsi que les critères d’évaluation de notre travail.

1. Positionnement épistémologique retenu

L’épistémologie se définit comme « l’étude critique de la connaissance, de ses fondements, de ses principes, de ses méthodes, de ses conclusions et des conditions d’admissibilité de ses propositions » (Legendre, 1993 : p. 549). Elle a pour objectif d’apporter des réponses à trois questions principales : « Qu’est-ce que la connaissance ? Comment est-elle élaborée ? Comment justifier le caractère valable d’une connaissance ? » (Gavard-Perret et al., 2012 : p.13).

La réflexion épistémologique permet généralement de distinguer trois grands paradigmes : les paradigmes positiviste, interprétativiste et constructiviste (Perret et Seville, 2003). Ils se distinguent sur plusieurs critères, le statut de la connaissance, la nature de la réalité (ontologie), la relation entre l’objet de la recherche et le chercheur lui-même, le projet de connaissances, et le processus de construction de connaissances (Giordano, 2003 ; Perret et Seville, 2003).

Les trois grands paradigmes se distinguent tous sur les critères énoncés précédemment, sauf en ce qui concerne le statut de la connaissance. Alors que le paradigme positiviste présuppose l’existence d’une réalité qui peut s’appréhender de manière objective et indépendante des interactions dans lesquelles l’individu entre en jeu, les paradigmes interprétativiste et constructiviste estiment que la réalité ne peut pas être directement atteinte (Perret et Seville, 2003).

D’autres sortes de paradigmes épistémologiques existent, tels que le réalisme critique, selon lequel le réel profond n’est pas observable, et le réalisme scientifique, selon lequel le réel, n’est pas forcement connaissable en soi (Gavard-Perret et al., 2012).

Nous nous inscrivons dans une posture épistémologique interprétativiste (Perret et Seville, 2003). Nous cherchons à comprendre le sens donné, et les représentations de l’objet de recherche par les acteurs que nous étudions. Cette posture induit une hypothèse d’interdépendance entre l’objet d’étude et le chercheur.

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Nous admettons donc la subjectivité de l’analyse, puisque notre objectif n’est pas d’avoir une connaissance objective de la réalité, mais d’en capter une vision liée à l’expérience personnelle et à la subjectivité du chercheur et des individus étudiés et interrogés, en tenant compte des intentions, des motivations, des attentes, des raisons, et des croyances des acteurs (Perret et Seville, 2003).

Dans le cadre de notre recherche, nous cherchons donc à comprendre le concept d’agilité, au travers des interprétations que les individus ont de leur situation et de la situation de leur organisation. Nous nous intéressons ainsi à la réalité telle que les acteurs l’interprètent, avec une démarche compréhensive.

2. Étapes de la recherche : une démarche de recherche qualitative abductive

L’abduction est un mode de raisonnement qui rapproche l’induction (passage du particulier au général) et la déduction (élaboration d’hypothèses testées de manière empirique). L’abduction se définit comme « a reasoning process invoked to explain a puzzling observation » (Aliseda, 2006). Autrement dit, c’est un processus de raisonnement grâce auquel une observation qui interpelle le chercheur sera expliquée.

C’est Charles Sanders Peirce qui est le premier à théoriser l’abduction. Il n’est pas parvenu à fixer une définition (certaines de ses définitions sont même contradictoires) ni un vocabulaire stable pour mentionner l’abduction (Dumez, 2012).

Malgré les difficultés à trouver un consensus entre les différentes définitions, trois étapes permettent de qualifier l’abduction.

Tout d’abord, l’abduction s’initie par un fait surprenant par rapport à la prédiction, alors que le chercheur s’attendait à quelque chose de différent (Dumez, 2012). La surprise liée au fait peut être de deux ordres : la nouveauté ou l’anomalie (Aliseda, 2006).

À partir de ce fait surprenant, le chercheur émet une nouvelle hypothèse, à partir d’une nouvelle théorie, qui permet de donner du sens à ce qui s’est produit (Dumez, 2012).

‐nfin, la dernière étape représente la validation ou le test de l’hypothèse qui a été émise, dans le but de tirer des conclusions et mettre en place des règles ou des lois (Charreire-Petit et Durieux, 2003).

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La démarche abductive de notre recherche justifie que notre démarche de recherche soit de nature qualitative (Charreire-Petit et Durieux, 2003 ; Dumez, 2012).

Notre recherche étant essentiellement à visée compréhensive et exploratoire (Charreire-Petit et Durieux, 2003), il nous paraît plus intéressant de procéder à une recherche exclusivement qualitative, car la différence fondamentale entre les méthodes qualitatives et les méthodes quantitatives réside dans « la richesse et la complexité des données qualitatives par rapport aux données quantitatives » (Gavard-Perret et al., 2012 : p.277).

Enfin, compte tenu de notre objet de recherche, il est préférable d’utiliser des méthodes qualitatives pour son étude. En effet, elles sont plus intéressantes que les méthodes quantitatives dans le cas de phénomènes complexes, tels que, par exemple, l’apprentissage (Gavard-Perret et al., 2012 : p. 108).

Notre travail de thèse s’inscrit dans le mode de raisonnement abductif. Tout au long de notre recherche, nous avons constamment procédé à des phases d’induction et de test, par itérations. Nous avons réalisé une démarche d’allers-retours réguliers et fréquents entre les observations du terrain et les connaissances théoriques, en remettant en question et en testant les propositions formulées à l’issue de la phase inductive (Charreire-Petit et Durieux, 2003).

Il nous paraît important de mentionner que notre approche abductive est différente de la théorie enracinée. En effet, alors que la théorie enracinée (grounded theory) utilise une méthode inductive dans le but de générer une théorie à partir des données (Corley, 2015), notre approche abductive se complète par une phase de test qui suit la phase inductive. La première étape de notre approche méthodologique est donc commune à celle de la théorie enracinée, mais elle se complète par une seconde étape.

Notons également que, à l’inverse de Glaser et Strauss (1967) selon lesquels la littérature doit être ignorée, les évolutions de la théorie enracinée tendent à pousser le chercheur vers la lecture de la littérature lors de toutes les étapes de sa recherche, pour l’aider à identifier les éléments importants qui émergent de ses données (Strauss et Corbin, 1998).

Notre travail doctoral s’articule en trois études qui peuvent être représentées par des boucles abductives.

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Au départ, nous avons mené une recherche inductive à travers notre première étude, qui nous a permis de mieux définir notre objet de recherche, et d’appréhender l’agilité à travers les innovations managériales diffusées par des prescripteurs.

À l’issue des résultats de cette première étude, de nouvelles questions de recherche ont émergé, plus spécifiques, afin de répondre à des intuitions qui ont émané de la première étude.

De la même manière, les résultats de notre deuxième étude ont fait émerger de nouveaux questionnements qui ont donné lieu à de nouvelles questions de recherche. Une troisième et dernière étude nous a, de nouveau, permis de tester nos intuitions et de répondre aux dernières questions de recherche.

Notre travail est passé par de nombreuses phases d’essais/erreurs, que ce soit dans les concepts théoriques mobilisés, ou encore dans la manière d’appréhender notre objet de recherche. Nous avons envisagé plusieurs cadres théoriques que nous avons décidé de ne pas retenir, tels que l’orientation marché (Kohli et Jaworski, 1990 ; Narver et Slater, 1990), et le sensemaking (Weick, 1979), avant que notre objet de recherche ne soit totalement défini.

La définition de l’objet de recherche telle qu’elle se formule actuellement est apparue relativement tard, au cours de la deuxième étude. Cette étude nous a également permis de choisir la littérature sur l’agilité et celle sur les ressources, capacités et compétences, qui nous semblaient correspondre le mieux aux résultats émergents. À partir des résultats de la deuxième étude, de nouvelles questions de recherche sont apparues, faisant émerger par la même occasion la littérature sur l’apprentissage.

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