• Aucun résultat trouvé

Les capacités dynamiques : la reconfiguration des actifs pour s’adapter aux changements

Cette section introduit la notion de capacités dynamiques, développée pour pallier la nature considérée comme trop statique des ressources et des capacités face à des environnements qui évoluent.

Après avoir défini les capacités dynamiques et évoqué les différences entre capacités dynamiques et adaptatives, nous évoquons les processus de fonctionnement des capacités dynamiques, ainsi que les travaux sur leur origine et leur développement.

1. Définition des capacités dynamiques

Les capacités dynamiques sont des processus qui permettent d’intégrer, construire et reconfigurer les ressources internes et externes, tangibles et intangibles, pour s'adapter, et/ou contribuer aux changements du marché (Eisenhardt et Martin, 2000 ; Helfat et Peteraf, 2009 ; Teece, 2007 ; Teece, Pisano, et Shuen, 1997). Cette notion de capacité dynamique a été développée dans le but d’expliquer l’avantage de certaines entreprises en environnement turbulent (O Reilly et Tushman, 2004).

Plus particulièrement, les capacités dynamiques marketing sont importantes lorsqu’un écart se creuse entre les capacités de l’entreprise et la complexité du marché (Day, 2011 ; Wilden et Gudergan, 2014). Elles permettent en effet à l’entreprise de mettre en place un processus d’apprentissage du marché et d’utiliser le savoir généré pour développer et reconfigurer ses actifs pour répondre aux changements (Morgan, 2012).

Les capacités dynamiques ne sont pas une solution ad hoc à un problème, mais sont profondément ancrées à un ensemble de compétences et connaissances utilisées par un processus continu (Teece, Pisano, et Shuen, 1997 ; Winter, 2003). Elles permettent de détecter les changements environnementaux, et d’y répondre en transformant les ressources disponibles. Cette dynamique apprenante permet à l’entreprise de s’adapter continuellement à l’environnement (Day, 2011).

Chapitre 2. Les ressources, capacités, capacités dynamiques et compétences

- 65 -

Les capacités dynamiques sont fortement liées à l’agilité des organisations, car elles confèrent aux entreprises la flexibilité de ses actifs nécessaire pour s’adapter à un environnement turbulent, associé à une forte concurrence (Teece, Peteraf, et Leih, 2016).

Les capacités dynamiques ont plusieurs propriétés. Elles sont créées plutôt qu'achetées (Makadok, 2011), sont dépendantes au chemin ou « path dependent », c’est-à-dire qu’elles dépendent des décisions et des expériences passées (Zollo et Winter, 2002), intégrées à l'entreprise (Eisenhardt et Martin, 2000), et leur utilisation ne relève pas de la chance mais d’une action intentionnelle et délibérée (Zahra, Sapienza, et Davidsson, 2006).

Les capacités dynamiques permettent donc d’expliquer comment et pourquoi certaines entreprises développent un avantage par rapport à la concurrence sur des marchés turbulents et difficiles à prédire (Teece, 2007 ; Teece, Pisano, et Shuen, 1997). Dans cet environnement, elles reposeront essentiellement sur de nouvelles connaissances, seront simples, et permettront d’agir vite pour s’adapter rapidement à l’environnement.

Toutefois, Eisenhardt et Martin (2000) nuancent l’effet des capacités dynamiques sur la durée de l’avantage concurrentiel. Selon eux, les capacités dynamiques n’offrent pas un avantage concurrentiel durable. Les capacités dynamiques sont peut-être idiosyncratiques dans leurs détails, mais possèdent certaines caractéristiques communes si on les compare d’une entreprise à l’autre, ce qui les rend imitables et substituables. Ces capacités dynamiques confèrent un avantage non durable, notamment lorsque le marché est turbulent (Eisenhardt et Martin, 2000). Ainsi, les capacités dynamiques auront une durée de vie plus courte, et plutôt que de se concentrer sur l’obtention d’un avantage concurrentiel durable, les entreprises devront se concentrer sur un avantage concurrentiel temporaire et constamment reconquis.

Ainsi, l’avantage concurrentiel reposera moins sur les acquis en termes de capacités et de ressources que sur la capacité à les adapter de façon intelligente et cohérente (Eisenhardt et Martin, 2000).

- 66 -

2. Le fonctionnement des capacités dynamiques a. Les processus composant les capacités dynamiques

Les capacités dynamiques sont des processus qui permettent de maintenir la compétitivité des organisations face aux évolutions de leur marché (Teece, 2007), en intégrant, construisant, et reconfigurant leurs ressources et capacités.

Le fonctionnement des capacités dynamiques a été étudié de manière théorique depuis les années 2000. Eisenhardt et Martin (2000) identifient plusieurs types de processus spécifiques qui sont des capacités dynamiques. C’est le cas des processus d’intégration de ressources et capacités issues de différentes entités de l’organisation, qui permettent de réaliser une tâche précise. De plus, d’autres processus considérés comme des capacités dynamiques permettent de reconfigurer les ressources et capacités au travers du transfert et de la recombinaison des

actifs. Enfin, les chercheurs identifient les processus d’acquisition et de cession de ressources et capacités, au travers d’alliances par exemple.

D’autres recherches se sont intéressées aux processus principaux qui composent les capacités dynamiques et qui permettent la reconfiguration ou encore l’intégration de ressources et capacités. C’est le cas notamment de Helfat et al. (2007), dont le modèle repose sur deux processus principaux : le processus de recherche et de sélection, où les ressources et capacités nécessaires sont identifiées, acquises et gérées, et le processus de configuration et de déploiement, où les actifs complémentaires sont coordonnés.

Teece (2007) propose également trois différentes étapes de fonctionnement des capacités dynamiques, qui reposent sur des micro-fondations.

La première étape consiste à identifier les opportunités de l’environnement (« sensing »), à partir des informations collectées. Pour ce faire, les organisations doivent continuellement analyser et explorer leur environnement, dans le but de comprendre les demandes actuelles et potentielles des consommateurs, au travers de l’interprétation de signaux du marché.

Vient ensuite l’étape du choix des opportunités auxquelles répondre (« seizing »). En effet, il s’agit d’identifier des opportunités, et de sélectionner celles à saisir parmi celles identifiées, en prenant en considération les investissements nécessaires, les risques encourus, et les gains espérés.

Chapitre 2. Les ressources, capacités, capacités dynamiques et compétences

- 67 -

La troisième étape est celle de la reconfiguration et de la gestion des menaces (« reconfiguring »). Elle consiste à recombiner et reconfigurer les ressources, capacités et structures organisationnelles, et éventuellement faire évoluer les modèles d’affaires, pour poursuivre son évolution et éviter les risques de dépendance aux savoirs passés (« path dependency »).

Le management joue un rôle important à chaque étape du processus, pour donner de l’impulsion à la dynamique nécessaire aux changements induits par les capacités dynamiques. En effet, les capacités de traitement des informations, ainsi que l’interprétation des informations permettent au management de prendre des décisions concernant la réallocation des actifs de l’organisation (Leiblein, 2011 ; Teece, 2007).

b. Les micro-fondations des capacités dynamiques

Dans son article de 2007, Teece s’est intéressé aux micro-fondations des capacités dynamiques, c’est-à-dire aux ressources, capacités, structures, règles et disciplines qui favorisent les activités de « sensing », « seizing » et « reconfiguring », propres aux capacités dynamiques.

Chacune de ces trois activités (« sensing », « seizing » et « reconfiguring ») nécessite des facilitateurs différents.

L’activité de « sensing », c’est-à-dire la capacité à analyser l’environnement pour identifier ses évolutions et opportunités, dépend de capacités humaines à identifier les opportunités et imaginer les développements, ainsi que des connaissances que détient l’entreprise. Cette activité implique donc d’avoir des informations, de les interpréter, et de faire preuve de créativité pour imaginer des solutions. Teece (2007) a identifié quatre micro-fondations qui facilitent l’activité de « sensing » qui sont : (1) les processus de recherche et développement, et de mise en place de nouvelles technologies, (2) les processus pour identifier les changements des besoins actuels et latents des consommateurs et des clients, (3) les processus qui permettent de collaborer avec les parties prenantes extérieures, et (4) les processus qui permettent de capter les développements en sciences et technologie.

‐n ce qui concerne l’activité de « seizing », Teece (2007) propose quatre micro-fondations : (1) La première représente le choix de la manière dont l’entreprise va créer de la valeur pour les clients et pour elle-même, à partir d’hypothèses sur les besoins des clients. (2) La deuxième micro-fondation représente la sélection du protocole de prise de décision, (3) la troisième le

- 68 -

développement de l’implication et de la fidélité des employés, et enfin (4) la quatrième micro- fondation représente la gestion des actifs nécessaires au développement des solutions.

Enfin, les micro-fondations de l’activité « reconfiguring » sont (1) la décentralisation des activités, afin de gagner en flexibilité dans la prise de décision, (2) la gestion de la co- spécialisation des actifs, afin de les recombiner de manière adéquate, (3) la gestion des connaissances, son transfert et la combinaison des informations, et (4) la gouvernance de l’entreprise, permettant d’éviter ce que Teece (2007) appelle des malfaisances stratégiques, c’est-à-dire la gestion des blocages organisationnels.

3. L’apprentissage : un processus pour développer les capacités et les capacités dynamiques

Le travail de Penrose (1959) sert de point de départ à l’apprentissage organisationnel et à son implication dans le développement des capacités et capacités dynamiques. En effet, ses travaux décrivent comment l’apprentissage permet le développement des organisations par la recombinaison de leurs ressources.

Certains chercheurs se sont par la suite intéressés au développement des capacités et des capacités dynamiques (Ethiraj et al., 2005). Zollo et Winter (2002), proposent un modèle qui repose sur trois mécanismes d’apprentissage, dont la coévolution induit le développement des capacités et des capacités dynamiques.

Le premier mécanisme représente l’apprentissage par accumulation d’expérience. Ainsi, au travers de leurs pratiques de tous les jours et des résultats observés, les organisations les améliorent de façon incrémentale par accumulation tacite d’expérience. Cet apprentissage, qui s’apparente au « learning by doing » (Epple, Argote, et Devadas, 1991), permet de développer ses compétences en suivant une courbe d’apprentissage. Ce mécanisme est cohérent avec Eisenhardt et Martin (2000) qui considèrent que la variation et la sélection sont deux éléments essentiels à l’évolution des capacités dynamiques.

Les deux mécanismes suivants sont le fruit de processus cognitifs plus délibérés. Le deuxième mécanisme est l’articulation des connaissances, autrement dit, c’est le partage et la confrontation des connaissances et expériences individuelles, par comparaison de points de vue. Cette articulation, qui demande un effort cognitif important, permet d’améliorer la

Chapitre 2. Les ressources, capacités, capacités dynamiques et compétences

- 69 -

compréhension des mécanismes causaux, et l’ajustement des pratiques organisationnelles en conséquence.

Enfin, le troisième mécanisme est la codification des connaissances. Il représente la formalisation de l’interprétation des informations au travers de la création d’outils et de documents. Ce dernier mécanisme demande un effort cognitif plus important que les deux mécanismes précédents, puisqu’il oblige à clarifier les idées et à leur donner du sens pour les codifier par la suite.

Ainsi, le développement des capacités et des capacités dynamiques s’opère selon l’évolution conjointe de ces trois mécanismes. Il permet une amélioration des processus grâce à des efforts continus pour apprendre à partir d’expérience, mais également au travers du partage et de la formalisation des idées au sein de l’organisation.

*

Les capacités dynamiques d’une entreprise sont définies comme son aptitude à intégrer, créer et reconfigurer des actifs (ressources ou capacités), en interne ou en externe, pour faire face à un environnement qui évolue rapidement. Les capacités dynamiques sont une réponse aux critiques concernant le caractère statique de la théorie basée sur les ressources, et abordent le sujet de l’avantage concurrentiel dans des marchés qui changent rapidement.

Des chercheurs se sont intéressés à mettre en évidence les étapes de fonctionnement des capacités dynamiques. Teece (2007) propose trois différentes étapes qui reposent chacune sur des micro-fondations, c’est-à-dire des éléments facilitateurs à chacune des étapes.

Les capacités dynamiques se placent au niveau le plus élevé d’une hiérarchie des capacités par degré de sophistication. En effet, elles agissent sur les ressources et les capacités en les modifiant, les intégrant, ou en les reconfigurant. La création de capacités plus sophistiquées, et pouvant aboutir au développement de capacités dynamiques s’obtient grâce à l’articulation de trois mécanismes d’apprentissage : l’accumulation d’expérience, l’articulation des connaissances et la codification de ces connaissances.

- 70 -

Section 3. La complémentarité des actifs et les notions de compétence et de