• Aucun résultat trouvé

Confirmation de l’agilité présentée comme importante pour faire face à un environnement turbulent

Le contenu des documents analysés évoque l’importance de l’agilité pour pouvoir s’adapter et survivre dans un contexte turbulent.

Certains des livres blancs parlent directement d’organisation agile, tandis que d’autres évoquent les trois dimensions de l’agilité telles que nous les avons identifiées à partir de la revue de la littérature : le changement et la flexibilité, fondés sur une gestion des connaissances, et la rapidité d’évolution.

1. Importance d’une organisation agile pour s’adapter au contexte actuel

Afin de faire face aux changements de leur environnement, les entreprises doivent s’adapter au gré des évolutions de leur environnement, comme l’exemple cité par IBM :

« The business has evolved and adapted to changing technologies and standards over the past two decades, with a central focus on customer experience » (Document 1).

- 152 -

Cette adaptation s’opère au-delà de la simple acquisition d’outils et de solutions technologiques, mais au travers d’un changement plus profond :

« But the tools alone are insufficient. Organizational adaptation is also needed to overcome fear and catalyze change. » (Document 22),

Douze documents évoquent la notion d’agilité (citée 33 fois au total), c’est-à-dire, selon eux, la capacité à changer rapidement, tout en conservant une certaine stabilité :

« And so what we talk about when we talk about organizational agility is not just the ability to move very fast, it’s the ability to move very fast while at the same time keeping a very stable business system so that you are consistently delivering what your consumers want, when they want it, and at the quality, cost, and time that they demand it. Those two things taken together are really what we mean by organizational agility. » (Document 23). Néanmoins, même si tous les documents ne citent pas littéralement le terme agilité, nous retrouvons les trois dimensions identifiées à partir de la littérature.

2. Première dimension de l’agilité : le changement et l’évolution des actifs de l’organisation

a. La flexibilité et le changement

L’adaptation des entreprises repose sur une certaine flexibilité, essentielle pour évoluer face aux changements :

« Such efforts help maintain flexibility. That’s essential, since the information itself – along with the technology for managing and analyzing it – will continue to grow and change, yielding new opportunities » (Document 5).

Les livres blancs évoquent également l’état d’esprit des collaborateurs, qui encouragent la flexibilité, et mettent en place des innovations et des changements, sans avoir peur de l’échec.

Chapitre 7. Résultats de l’analyse des documents

- 153 -

Ces individus ont pour particularité d’être très réactifs et de se concentrer sur l’essentiel pour délivrer leurs projets :

« That calls for dedicated budgets and resources, as well as CEO-level decision making powers. At one company undergoing a digital transformation, for example, project leaders were known as “dragon slayers” and had a remit from the CEO to act fast without advance approval. They took the flak for bad choices but knew the one mistake that wouldn’t be forgiven was avoiding tough decisions in the first place. » (Document 25).

b. La reconfiguration des actifs

Le changement s’opère à travers l’acquisition et la coordination des actifs :

« They actually seem to build capabilities within themselves, particularly the strategic ones that are going to differentiate them and their strategy from those of their competitors. » (Document 23),

ainsi que la reconfiguration d’actifs déjà présents :

« And then to take some very bold calls on exactly how to reallocate resources and how to do it quickly. » (Document 23).

Cette reconfiguration des actifs doit s’opérer de manière continue :

« Being digital involves establishing a cyclical dynamic in which processes and capabilities are constantly evolving in response to inputs from the customer. » (Document 25).

Cette notion de réorganisation et de reconfiguration des actifs fait évidemment écho aux travaux sur les capacités dynamiques (Eisenhardt et Martin, 2000 ; Teece, 2007 ; Teece, Pisano, et Shuen, 1997) nécessaires à la conservation d’un avantage concurrentiel dans un environnement changeant.

Les actifs qui sont amenés à être revus et reconfigurés sont : les modèles d’analyse, les structures organisationnelles et processus, les rôles et métiers, et le savoir-faire humain (voir annexe 4 pour les verbatim associés).

- 154 -

c. Tension entre stabilité et changement

La recherche a mis en évidence l’importance de conserver un socle stable au sein des actifs de l’organisation, car une entière fluidité de ces actifs est un risque de rupture totale avec l’identité de l’organisation, menant au chaos (Weick, Sutcliffe, et Obstfeld, 2005). Ainsi les organisations doivent trouver le bon équilibre entre exploitation des actifs déjà acquis et exploration de nouveaux actifs (March, 1991).

Cet équilibre permet aux organisations de s’adapter aux évolutions de l’environnement, tout en conservant leur activité initiale et continuer à satisfaire les besoins actuels des clients et des consommateurs, tout en anticipant leurs besoins futurs :

« Many people look at pure-play disruptors and start-ups with great envy because [these companies] seem to be able to move very, very fast. But the other part of agility is stability of the core process, so that you actually have a foundation on which you can build repeatable, high-quality experiences for your customer or your consumer » (Document 23).

3. Deuxième dimension de l’agilité : une connaissance des clients, des consommateurs et de l’environnement

L’évolution des actifs de l’entreprise implique une identification des changements de son environnement (vigilance) afin de savoir comment s’adapter et réorganiser ses ressources, capacités et compétences (action) :

« That is surprisingly hard to achieve. It requires the executive team to spend a lot of time really understanding how the world is shifting around them, and then to take some very bold calls on exactly how to reallocate resources and how to do it quickly. » (Document 23).

Ainsi les livres blancs mettent l’accent sur l’importance de connaître son environnement, mais également ses clients et ses consommateurs, dans le but d’améliorer la relation avec eux, mais également de partager cette connaissance au sein de l’organisation :

« “You can’t have a relationship with an individual, if you don’t know or remember much about that person,” states Rogers. “In the absence of knowledge, a customer is a mere

Chapitre 7. Résultats de l’analyse des documents

- 155 -

contact rather than a valued client.” Customer knowledge comes from the active process of learning, involving: paying attention to what is important to the customer; retaining, organizing and updating that information; and making it accessible across the enterprise to allow the customer experience to be improved. » (Document 8).

4. Troisième dimension de l’agilité : la rapidité et la réactivité de l’adaptation

‐nfin, la troisième dimension de l’agilité que nous avons retrouvée dans le contenu des livres blancs, est la nécessité d’une exécution rapide des changements :

« Leading a digital initiative involves short-circuiting lengthy corporate processes and moving things quickly. » (Document 25).

Il ne s’agit plus de mettre en place de gros projets à long terme, et dont l’organisation n’aura de retour qu’au bout de nombreuses années, au risque d’avoir des retours négatifs sans avoir eu la possibilité de procéder à des ajustements intermédiaires :

« The traditional large-scale projects to migrate all current processes to a digital world often take an extremely long time to deliver impact, and sometimes don’t work at all. » (Document 11).

Le développement des projets se fait plutôt de manière itérative et incrémentale, permettant d’améliorer de façon continue les outils et les pratiques :

« Looking internally first allows organizations to leverage their existing data, software and skills, and to deliver near-term business value and gain important experience as they then consider extending existing capabilities to address more complex sources and types of data. » (Document 2).

Il ne s’agit alors pas d’atteindre une perfection dès le départ, mais de mettre en place une démarche d’amélioration continue :

« Reduced time-to-value. Value creation can be achieved early in an organization’s progress to analytics sophistication. Contrary to common assumptions, it doesn’t require the presence of perfect data or a full-scale transformation to be complete » (Document 15).

- 156 -

5. Discussion et contributions de la deuxième section

a. Discussion et contributions relatives à la littérature sur l’agilité

Cette section contribue à la littérature sur le concept d’agilité.

Premièrement, les résultats présentés confirment empiriquement la pertinence de l’agilité en environnement turbulent. En effet, nos résultats confirment la turbulence des marchés, avec des standards, des technologies et des données qui évoluent très rapidement. Ce résultat est cohérent avec les arguments avancés par Day (2011) et par Leeflang et al. (2014) qui évoquent un marché de plus en plus complexe, turbulent, auquel les entreprises doivent s’adapter et développer de nouvelles compétences pour survivre.

De plus, ces résultats permettent de confirmer également que le contexte dans lequel les entreprises évoluent aujourd’hui correspond au contexte anticipé par Nagel et al. (1991), dans lequel l’agilité est nécessaire aux entreprises pour regagner leur avantage concurrentiel. En effet, on retrouve dans notre analyse un marché très fragmenté, marqué par une forte concurrence et par l’apparition de nouvelles technologies qui accélèrent la connexion et l’échange de données et d’informations au sein et entre les entreprises.

Deuxièmement, les résultats de cette section contribuent aux réflexions sur le niveau d’analyse de l’agilité. ‐n effet, il existe deux courants différents concernant la manière d’appréhender l’agilité. Alors que certains chercheurs appliquent le concept à une partie spécifique de l’organisation en multipliant les notions telles que la force de travail agile (Van Oyen, Gel, et Hopp, 2001) ou encore la production agile (Yusuf, Sarhadi, et Gunasekaran, 1999), d’autres estiment que l’agilité doit être étudiée comme un phénomène qui concerne l’ensemble de l’organisation, puisqu’il nécessite la reconfiguration des actifs au niveau global (Conboy, 2009 ; Fourné, Jansen, et Mom, 2014 ; Weber et Tarba, 2014). Nos résultats confirment empiriquement qu’il faut considérer l’agilité dans son ensemble. C’est l’ensemble de l’organisation qui doit s’adapter à son environnement grâce à l’agilité, et non un département spécifique.

Une autre contribution des résultats présentés dans cette section représente la confirmation empirique des trois dimensions de l’agilité. En effet, une revue de la littérature nous a permis d’identifier ces trois dimensions, récurrentes au fil des recherches sur le concept, mais une majorité de ces recherches sont conceptuelles, sans données empiriques. Nous confirmons donc

Chapitre 7. Résultats de l’analyse des documents

- 157 -

empiriquement chacune des trois dimensions identifiées dans la littérature : la dimension adaptative de l’agilité (Gunasekaran, 1998), la dimension temporelle (McGaughey, 1999), et la gestion et le transfert d’informations sur le marché, les clients et les consommateurs (Yusuf, Sarhadi, et Gunasekaran, 1999).

Plus particulièrement, concernant la dimension temporelle, nos résultats sont en contradiction avec l’idée avancée par Conboy (2009) selon laquelle il faut relativiser la vitesse d’exécution avec la nature du changement, dans le sens où un léger changement rapide a moins d’impact qu’une évolution stratégique qui arrive plus lentement. Ainsi pour Conboy (2009) c’est surtout la qualité et la nature des changements qui sont opérés qui est importante. En effet, nos résultats indiquent qu’il n’est pas nécessaire d’atteindre une perfection dans la qualité d’exécution, mais plutôt mettre en place une démarche d’amélioration continue, une fois l’exécution mise en place, ce qui permet d’atteindre une plus grande rapidité d’exécution. Contrairement à Conboy (2009), nos résultats montrent qu’il est préférable de mettre en place des petits projets d’évolution sur le court terme, plus rapides, qui permettent aux entreprises de les améliorer à partir des résultats de leurs actions, plutôt que d’entreprendre un gros projet qui a plus d’impact sur le long terme. Ces projets sur le court terme n’empêchent toutefois pas l’organisation d’avoir une vision stratégique sur le long terme.

Enfin, les résultats de cette section contribuent à la littérature sur l’agilité en montrant que l’agilité est une capacité dynamique. L’agilité consiste à identifier les opportunités du marché et y répondre, grâce à la fluidité des actifs de l’organisation, ce qui correspond aux trois étapes des capacités dynamiques : « sensing », « seizing » et « reconfiguring ». Les résultats de l’analyse confirment cette idée notamment au travers de la notion de réorganisation et de reconfiguration des actifs continue et itérative, qui fait écho aux travaux sur les capacités dynamiques (Eisenhardt et Martin, 2000 ; Teece, Pisano, et Shuen, 1997 ; Teece, 2007), nécessaires à la conservation d’un avantage concurrentiel dans un environnement dynamique, par l’adaptation de ses ressources, capacités et compétences aux nouvelles règles de l’environnement.

b. Discussion et contributions relatives à la littérature sur les capacités dynamiques

Les résultats de la section 2 permettent de confirmer empiriquement l’importance des capacités dynamiques en environnement turbulent. Selon Eisenhardt et Martin (2000), les capacités dynamiques permettent de reconquérir de manière continue son avantage concurrentiel en

- 158 -

environnement turbulent, en adaptant ses actifs aux changements. La littérature en marketing évoque l’importance des capacités dynamiques dans ce contexte, plus spécifiquement lorsqu’un écart se creuse entre les capacités de l’entreprise et la complexité du marché (Day, 2011 ; Wilden et Gudergan, 2014), en mettant en place un processus d’apprentissage du marché et en utilisant le savoir généré pour développer et reconfigurer ses actifs pour répondre aux changements (Morgan, 2012). Nos résultats permettent de le confirmer empiriquement.

De plus, alors que la majorité des articles concernant les capacités dynamiques sont uniquement théoriques (Day, 2011 ; Eisenhardt et Martin, 2000 ; Teece, 2007) ou les étudient avec une approche quantitative (Morgan, Vorhies, et Katsikeas, 2012), notre travail étudie l’agilité avec une approche qualitative. Cette approche est appropriée pour étudier les capacités dynamiques parce qu’elles sont difficiles à mesurer et à opérationnaliser, car elles sont ancrées dans les processus de l’organisation (Cavusgil, Seggie, et Talay, 2007 ; Easterby-Smith, Lyles, et Peteraf, 2009).

Enfin, même si la littérature sur les capacités dynamiques évoque un environnement turbulent et qui change très rapidement, elle évoque peu la dimension temporelle des capacités dynamiques. En effet, alors qu’Eisenhardt et Martin (2000) évoquent le fait qu’en environnement turbulent les processus doivent être simples, itératifs et expérientiels, afin de s’adapter aux changements, la littérature sur les capacités dynamiques évoque peu la dimension temporelle des capacités dynamiques. A titre d’illustration, Wilden et Gudergan (2014) intègrent les activités de « sensing », « seizing », et « reconfiguring » dans leur mesure des capacités dynamiques, sans évoquer la dimension temporelle. Cette dimension nous paraît pourtant très importante, au vu de la turbulence des marchés et de l’importance qu’ont les organisations à s’adapter pour reconquérir leur avantage concurrentiel de manière permanente. Nos résultats permettent de remettre en avant cette dimension, souvent oubliée lors de l’étude des capacités dynamiques.

*

L’analyse des données documentaires nous permet de mettre en évidence l’importance de l’agilité selon les prescripteurs, pour que les organisations fassent face à un environnement turbulent. Alors que certains livres blancs évoquent le terme d’agilité, nous retrouvons les éléments évoqués dans la littérature sur l’agilité dans la majorité des documents que nous avons analysés.

Chapitre 7. Résultats de l’analyse des documents

- 159 -

Cette section apporte plusieurs contributions. Tout d’abord, elle permet de confirmer l’importance des capacités dynamiques en environnement turbulent, et particulièrement de l’agilité (qui est une capacité dynamique). Elle met en avant la dimension temporelle, trop peu prise en compte dans la littérature sur les capacités dynamiques, et pourtant primordiale au vu du contexte dans lequel elles sont étudiées. Elle nous positionne également sur le fait qu’il faille étudier l’agilité de l’organisation plutôt que l’agilité d’une partie de l’organisation. Cette contribution est en phase avec nos résultats. Elle montre l’importance de la collaboration cross-fonctionnelle, ce qui fait écho avec la littérature sur l’orientation marché, et celle sur l’évolution et l’influence de la fonction marketing (Verhoef et Leeflang, 2009).

Section 3. Les facteurs présentés comme des facilitateurs de l’agilité par les