• Aucun résultat trouvé

Les entreprises doivent maîtriser des environnements de plus en plus complexes et turbulents, nécessitant plus de flexibilité et exigeant une redéfinition de l’organisation dans son ensemble, ainsi qu’un travail sur ses compétences et son savoir (Day, 2011). Les organisations doivent donc devenir des organisations apprenantes (Senge, 1990) pour faire face à l’augmentation de la complexité des environnements.

1. Généralités et définitions

L’apprentissage organisationnel est un processus qui consiste à transformer des informations en connaissance, et des connaissances en action (Argyris et Schön, 1978 ; Fiol et Lyles, 1985 ; Huber, 1991). L’apprentissage organisationnel peut être considéré comme le moyen principal pour renouveler la stratégie d’une organisation (Crossan, Lane, et White, 1999) à partir d’informations assimilées lors de l’apprentissage et transformées en connaissance.

Il existe un continuum entre les notions de donnée, information, connaissance et intelligence (Glazer, 1991). Au commencement de ce continuum sont les données. Elles représentent un ensemble de faits ou d’observations, non organisés ni reliés entre eux par des éléments de contexte. Autrement dit, les données sont la matière brute qu’il faudra travailler et façonner en vue d’une éventuelle utilisation.

L’organisation et la mise en contexte des données génèrent des informations. Ainsi l’information représente des données auxquelles on a donné un sens, et qui ont été reliées entre elles par une situation spécifique.

Au troisième niveau se trouve la connaissance. Alors que l’information et les données peuvent être traitées avec des ordinateurs munis de systèmes d’information, la connaissance est forcément liée à l’individu et à son activité. ‐n effet, la connaissance se compose d’informations interprétées à partir de l’expérience passée de l’individu, ses compétences et son savoir-faire (Simon, 1991).

- 80 -

En finalité du continuum se trouve l’intelligence. Certains chercheurs appréhendent les organisations comme des systèmes de décision intelligents (Glynn, 1996 ; March, 1999). Ainsi, par analogie avec la définition de Piaget (1936) d’intelligence humaine appréhendée comme « un processus dynamique d’adaptation à l’environnement », March (1999) définit l’intelligence organisationnelle comme la capacité de l’organisation à adapter ses procédures pour réussir à atteindre ses objectifs, face aux contraintes imposées par son environnement.

Concrètement, une entreprise ne sera pas « intelligente » si elle collecte des données sur les attentes de ses clients actuels et potentiels, mais qu’elle n’en tire pas les conséquences pour agir. ‐n effet, l’acquisition des connaissances seule ne crée pas de valeur pour l’organisation, mais c’est la mise en application de cette connaissance qui en crée.

Ainsi, l’apprentissage organisationnel, qui consiste à transformer l’information en connaissance et la connaissance en action, permet de développer de la connaissance, dans le but de prendre des décisions adaptées à la connaissance assimilée.

Chapitre 3. L’apprentissage organisationnel en marketing

- 81 -

Alors que certains auteurs considèrent l’apprentissage comme étant exclusivement une caractéristique individuelle, d’autres le perçoivent comme un phénomène collectif (Koenig, 2006), dont le processus représente plus que la simple somme des apprentissages individuels (Vince, 2001), et qui dépend de nombreux paramètres tels que des variables sociales, politiques et structurelles (Shrivastava, 1983). L’apprentissage organisationnel ne concerne cependant pas forcément l’organisation dans son ensemble, mais peut concerner certains individus ou groupes d’individus de l’organisation.

Koenig (2006) a identifié deux activités non exclusives qui permettent d’activer l’apprentissage organisationnel :

 La première concerne la circulation des idées et des pratiques qui permettent de développer de nouvelles compétences

 La seconde, au travers de relations entre compétences présentes dans l’organisation, qui permettent de coordonner des compétences complémentaires entre elles afin de développer une nouvelle compétence organisationnelle.

Ainsi l’apprentissage organisationnel est un processus social, et dépendant de la relation entre les personnes ou les entités impliquées (Škerlavaj, Song, et Lee, 2010).

2. Le processus d’apprentissage organisationnel en sciences de gestion

Huber (1991) considère que le processus d’apprentissage organisationnel est composé de quatre processus : l’acquisition des informations, la diffusion des informations, son interprétation et son stockage dans la mémoire organisationnelle.

L’acquisition des informations permet d’obtenir des informations en interne ou en externe.

L’obtention des informations peut se faire au travers de trois processus distincts. Dans un premier temps elle peut se faire par expérience directe, qu’elle soit tournée vers l’interne ou vers l’externe (en analysant l’environnement, par exemple). Elle peut également se faire par expérience indirecte, comme par exemple au travers de discussions informelles avec les consommateurs (Kohli et Jaworski, 1990). ‐nfin, l’organisation peut acquérir des informations au travers de sa propre mémoire.

- 82 -

Le transfert des informations est nécessaire pour que l’information soit acquise plus largement dans l’organisation et intégrée aux informations déjà détenues par les différentes entités, pour générer un nouveau savoir.

L’interprétation des informations est le processus par lequel un sens est donné à

l’information, au travers d’interprétations partagées (Daft et Weick, 1984). Ce processus permet l’obtention d’une compréhension globale des informations au sein de l’organisation, afin de faciliter son utilisation en accord avec la stratégie de l’entreprise.

Enfin, le stockage dans la mémoire organisationnelle permet de conserver les informations acquises pour une éventuelle utilisation future. La mémoire organisationnelle influence le processus d’apprentissage en orientant l’organisation vers le type d’informations traitées par cette dernière.

Il existe d’autres types de processus d’apprentissage organisationnel proposés dans la littérature. En s’intéressant au renouvellement stratégique des organisations, Crossan, Lane et White (1999) proposent un modèle composé de quatre sous-processus (les 4 I) qui lient les trois niveaux (individuel, groupe et organisationnel) entre eux : (1) l’intuition, qui est le sentiment préconscient qu’il se passe quelque chose, (2) l’interprétation, qui est l’explication avec des

mots et/ou des actions de l’idée, (3) l’intégration, qui consiste au partage de l’interprétation et

qui implique un ajustement mutuel des actions pour les coordonner au sein de l’organisation, et

(4) l’institutionnalisation, qui représente la mise en place de mécanismes organisationnels qui

deviennent des routines.

Chaque sous-processus s’opère à des niveaux spécifiques, permettant le transfert d’un niveau à l’autre. Selon Crossan, Lane et White (1999), l’organisation n’interprète pas, mais ce sous- processus s’opère au niveau individuel, et au travers d’échanges. Ainsi, au niveau individuel ce sont les sous-processus d’intuition et d’interprétation qui sont générées, au niveau groupe, ce sont les sous-processus d’interprétation et d’intégration, et au niveau organisationnel, ce sont les sous-processus d’intégration et d’institutionnalisation.

En marketing, plus spécifiquement, Lukas, Hult et Ferrell (1996) ont développé un modèle d’apprentissage organisationnel composé de trois sous-processus : l’adaptation, c’est-à-dire

l’apprentissage par adaptation aux conditions environnementales qui évoluent, le partage

Chapitre 3. L’apprentissage organisationnel en marketing

- 83 -

base de connaissances en institutionnalisant l’expérience. Ces trois sous-processus représentent chacun une conceptualisation de l’apprentissage organisationnel et, ensemble, représentent le spectre des sous-processus de l’apprentissage organisationnel en marketing (Lukas, Hult, et Ferrell, 1996).

3. Les modèles d’apprentissage organisationnel en sciences de gestion

Les modèles d’apprentissage organisationnels sont généralement fondés sur trois principes différents qui sont l’interprétation des organisations (Weick, 1979), les boucles d’apprentissage (Argyris et Schön, 1978), et la spirale d’apprentissage (Nonaka et Takeuchi, 1995).

Certains travaux (Daft et Weick, 1984 ; Weick, 1979) considèrent les organisations comme des systèmes d’interprétations, qui donnent du sens aux informations qui leur parviennent. Daft et Weick (1984) proposent un modèle composé de quatre modes d’interprétation avec des degrés différents de passivité/activité concernant la recherche d’informations et l’apprentissage des organisations. Le mode le plus avancé est l’enaction, qui représente une attitude active de la part de l’organisation, et qui agit sur son environnement.

Le modèle d’Argyris et Schön (1978) repose sur deux niveaux d’apprentissage ou boucles. Le premier niveau, l’apprentissage à simple boucle, est un apprentissage adaptatif qui affecte de façon court-termiste les pratiques existantes, sans pour autant modifier les valeurs directrices. L’apprentissage en double boucle remet en question les théories d’usage à l’issue de leur confrontation avec l’environnement réel et modifie en profondeur les modes de pensée de l’organisation. Ce modèle est cohérent avec les recherches de Peter Senge (1990) pour qui les modes de pensées sont des « disciplines », et dont l’apprentissage génératif est analogue à l’apprentissage en double boucle.

Le modèle de Nonaka et Takeuchi (1995) d’apprentissage organisationnel est représenté comme une spirale comprenant des allers-retours répétitifs entre connaissance tacite et connaissance explicite. Cette spirale représente un cycle composé de quatre phases qui favorisent le passage d’un état de connaissance à un autre, et pendant lesquelles les systèmes d’information contribuent au traitement des informations (Gauzente et Volle, 2012). Les quatre phases sont : (1) la socialisation et le partage de connaissances tacites pendant laquelle la connaissance est partagée de manière tacite entre les personnes réalisant les mêmes activités ;

- 84 -

travers de concepts, qui sont par la suite justifiés, mis à l’épreuve puis validés ; (3) la phase de combinaison de connaissances explicites où la connaissance est mise à jour, retravaillée, et utilisée sous une forme différente ; et (4) la phase d’intériorisation, lors de laquelle la connaissance explicite est intégrée et diffusée dans les routines organisationnelles et redevient partiellement tacite.

*

L’apprentissage est donc un processus social, qui consiste à transformer des informations en connaissance, et des connaissances en action. Ainsi les étapes de ce processus dépendent de la relation intra-organisationnelle, que ce soit pendant les phases d’acquisition des informations, de sa diffusion, de son interprétation ou de son stockage en mémoire organisationnelle. L’apprentissage étant un processus social, il dépend de la relation intra-organisationnelle et du transfert d’informations, qui est donc une étape cruciale de l’apprentissage organisationnel.