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TITRE III Problématique, questions de recherche et méthodes

Chapitre 2 Méthodologie générale des trois études

1. Vers un choix méthodologique

Il n’existe pas de forme de recherche qui ne prenne pas appui sur du matériel quelconque : «toute recherche porte non seulement sur un problème, mais nécessite une forme d’inscription qu’il s’agit d’examiner, de condenser, de traiter avant d’interpréter» (Van Der Maren, 1996, p. 2). Toute recherche suppose donc de prendre une option méthodologique en fonction bien sûr de l’inscription théorique sous-tendant la problématique. Dans une recherche ayant une perspective à la fois transpositive et comparatiste comme la nôtre, la clarification de ce choix est nécessaire.

1.1. Une approche essentiellement qualitative

L’approche qualitative est liée à la complexité, à la nature des phénomènes observés et aux traces que nous pouvons recueillir. En effet, la démarche qualitative a pour objectif d’appréhender des phénomènes difficilement quantifiables (Van Der Maren, 1996). Elle vise avant tout la compréhension et la profondeur des phénomènes étudiés. Selon le dictionnaire des méthodes qualitatives en sciences humaines et sociales, la recherche qualitative valorise un type de recherche empirique conçue dans une optique compréhensive qui aborde son objet d’étude de manière ouverte et dont le recueil des données s’appuie sur plusieurs techniques ou méthodes. Elles donnent lieu à interprétation et débouchent le plus souvent sur un récit et/ou une théorie (Mucchielli, 1996).

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Pour Van Der Maren (1996) cette orientation de recherche tente de se rapprocher au plus près du des représentations et de l’intentionnalité des acteurs humains engagés dans des échanges symboliques comme ils le sont en éducation. Nous pensons que solliciter l’approche qualitative dans l’étude de l’implémentation de nouveaux programmes d’étude est judicieux.

Il s’agit alors d’opérer des choix méthodologiques en adéquation non seulement avec l’objet de l’étude, les questions de recherche, les moyens de collecte de données mais aussi avec les méthodes d’analyse et de traitement de ces données. La recherche que nous menons est d’inscription didactique. Elle est à la fois inscrite dans une perspective transpositive et comparatiste. Elle se donne pour but d’étudier les significations attribuées par les acteurs à la réforme à laquelle ils participent, et se centre aussi sur leurs interactions avec les élèves lorsqu’ils sont conjointement engagés dans un processus de construction de référence. C’est pourquoi l’enquête par interview et l’observation in situ, en tant que méthodes et techniques qualitatives constituent nos principaux moyens d’investigation. Elles nous permettront de mieux appréhender l’implémentation des NPE au Bénin, à partir de la compréhension des points de vue des acteurs, mais aussi de la description et de la compréhension (Bru, 2004 ; Bru, Altet et Blanchard-Laville, 2004 ; Leutenegger, 2009) des processus de construction des nouveaux savoirs en EPS et en SVT en situation réelle avec des classes de 5èmebéninoises.

1.2. L’intention de la recherche

Toute recherche scientifique est sous-tendue par une intention qui détermine les grandes orientations à lui donner. Dans le champ des sciences de l’éducation, l’intention «doit être entendue comme ‘une tension vers’ qui introduit un rapport vers un objet externe» (Mucchielli, 1996, p.105). Selon l’auteur, il y a intention lorsqu’il y a orientation et persévérance. Dans le cadre de notre étude, deux grandes intentions déterminent notre recherche :la description et la compréhension des phénomènes didactiques qui se produisent en situation d’enseignement et d’apprentissage des NPE.

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1.2.1. La description

Selon Van Der Maren (1996), la recherche descriptive est le premier niveau de recherche empirique à visée théorique. En ce qui concerne nos travaux, il s’agit de caractériser les contenus d’enseignement en EPS et en SVT et de chercher à comprendre les actions menées par les acteurs impliqués la réforme selon l’approche par compétences. Nous avons pointé que la théorie de l’action conjointe en didactique, en tant que théorie descriptive se prête bien à ce projet de description des pratiques. Nous utiliserons les deux catégories de descripteurs pour analyser comment évoluent les savoirs au cours de la construction de référence entre enseignant et élèves en basket-ball et à propos des relations interspécifiques en SVT.

1.2.2. La compréhension

Notre recherche vise également à comprendre les déterminants à l’origine des interactions didactiques. L’hypothèse de co-construction des savoirs implique de considérer les différents acteurs et leur rapport avec une formation épistémologique qui, au sens de Chevallard (1989) détermine leurs actions. Cette préoccupation de vouloir comprendre, en référence à un univers culturel déterminé, les déterminants qui influencent les pratiques d’enseignement et d’apprentissage à partir des relations qui existent entre l’institution, le domaine de réalité (les pratiques sociales de référence) et les savoirs qui sous-tendent la formation épistémologique légitimée pour être enseignée (ici les NPE-EPS et les NPE-SVT) s’inscrit en outre dans une perspective d’analyse anthropologique (Chevallard, 1992).

Il s’agit d’interroger le didactique ordinaire c’est -à - dire ce qui se passe réellement en classe au cours des séquences d’EPS et de SVT. C’est alors l’analyse des interactions didactiques qui se produisent dans le système didactique autour des contenus définis dans les programmes d’études de ces deux disciplines qui constituent l’objet essentiel de notre étude.

Dans de pareilles recherches, la prise en compte de la quasi-totalité de ces interactions à une échelle large parait difficile voire impossible. De la même façon, il est difficile de les mener dans le cadre d’échantillons importants. C’est pourquoi les recherches observationnelles en didactique portent sur des études de cas en s’appuyant sur des données qualitatives. Dans notre cas elle s’appuie comme évoqué dans le chapitre précédent, sur l’observation de six

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enseignants (trois en EPS et trois en SVT) dont deux sont conseillers pédagogiques. Après l’analyse cas par cas des pratiques d’enseignement, une étude comparative sera réalisée pour mettre en évidence les aspects génériques et spécifiques qui caractérisent les pratiques observées tant au sein d’une même discipline que dans la mise en comparaison des deux.

2. Le dispositif de recherche : un ensemble articulé de trois études.

Comme déjà indiqué seront abordées successivement : l’analyse de contenu des nouveaux programmes d’études en EPS et en SVT ; l’étude des discours tenus par les acteurs impliqués dans l’implémentation des programmes d’études ; et l’étude des pratiques de six d’entre- deux. Dans les sections ci-après nous indiquons à grands traits les orientations méthodologiques retenues qui seront détaillées dans les premiers chapitres des trois parties (Titres) des résultats en deuxième partie de thèse.

2.1. L’analyse de contenus des nouveaux programmes d’études d’EPS et de SVT.

Selon De Ketèle et Roegiers (1991), l’analyse de contenus relève d’une «étude documentaire qui prend plusieurs formes. Elle dépend surtout de la nature des documents à analyser, de la quantité des documents à analyser, de l’objet et du but de l’investigation» (p.30). Dans le cadre de notre recherche, il s’agit des documents officiels (les textes relatifs aux programmes d’études) ayant un caractère prescriptif et dont les orientations éducatives définissent les modalités de leur utilisation. Les NPE-EPS et les NPE-SVT, élaborés par des acteurs de la noosphère béninoise, s’inscrivent dans ce registre de documents prescriptifs qui feront objet d’analyse. Les documents d’accompagnements (les guides de l’enseignant et les manuels lorsqu’ils existent comme en SVT) feront aussi l’objet de l’analyse de contenus même si les préconisations qu’ils développent n’ont pas le même statut prescriptifs que les premiers.

En référence à une étude sur les programmes d’études français d’EPS dans un ouvrage sur les réformes curriculaire (Jonnaert et M’Batika, 2004), Amade-Escot et Bos ont analysé quatre textes d’EPS visant à s’inscrire dans une approche par les compétences. Pour ce faire,

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ils ont utilisé des catégories d’analyse que nous reprenons. Nous détaillerons les méthodes utilisées en deuxième partie, Titre I, Chapitre 1.

2.2. L’étude des discours tenus sur l’implémentation des programmes par les acteurs de la réforme.

Dans le but de recueillir des informations sur la manière dont les NPE-EPS et les NPE- SVT ont été mis en place, et pour accéder aux opinions, conceptions et considérations des différents acteurs impliqués dans cette implémentation, nous avons jugé nécessaire de nous entretenir avec les inspecteurs, les conseillers pédagogiques et certain nombre d’enseignants d’EPS et des SVT.

Étudier les points de vue des acteurs sur l’implémentation des programmes nous amène à analyser le discours sur l’implémentation voire sur l’application des NPE. En référence au cadre théorique et à la problématique de cette recherche, nous souhaitons rencontrer les acteurs pour qu’ils expriment leurs avis sur la manière dont cette réforme s’est déroulée et les significations qu’ils y attribuent. Dans cette perspective, étudier les points de vue des enseignants sur l’implémentation des NPE, c’est analyser les énoncés que produisent les acteurs sur la mise en œuvre des programmes voire sur leur pratique enseignante. Cette seconde étude a pris la forme d’une enquête par voie d’entretiens semi-directifs avec 32 sujets (5 inspecteurs, 11 conseillers pédagogiques et 16 enseignants) relevant des deux disciplines. Le traitement des données d’entretien a été mené par le biais d’un logiciel d’analyse lexicographique de corpus (ALCESTE). Nous présentons les détails des méthodes et techniques utilisées en chapitre 1 du titre II de la partie résultats.

2.3. Analyse des mises en œuvre des nouveaux programmes d’études en EPS et SVT : études de cas

De nombreux travaux (Altet, 2001 ; Altet, Blanchard-Laville et Bru, 2012 ; Bru, 2004 ; Bru Altet et Blanchard-Laville, 2004) sur les pratiques enseignantes comme objet de recherche ont montré la nécessité de bien distinguer ce qui relève de connaissances produites à partir de pratiques déclarées (comme dans la seconde étude ci-dessus) et celles produites à partir de l’étude des pratiques effectives ou plutôt des pratiques observées. En s’appuyant sur large revue de littérature ayant évalué l’impact des pratiques enseignantes sur

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l’apprentissage et ses résultats Bru (2004) fait constater l’écart existant entre la connaissance des pratiques telle qu’elle résulte d’une enquête par questionnaire (ou par entretien) et telle qu’elle résulte d’une observation (p.283). L’auteur nous invite à réfléchir à la validité des connaissances produites et à diversifier les modes d’approches des pratiques enseignantes, comme le développe, depuis le début des années 2000, le réseau sur « l’Observation des Pratiques Enseignantes » (Altet, Blanchard-Laville et Bru, 2012).

Fort de ces éléments nous avons considéré que l’étude de l’implémentation des NPE au Bénin, ne pouvait être menée sans l’inscrire que dans une perspective d’observation des pratiques. La question en débat réside dans comment accéder à la pratique effective ? Selon Bru (2004) quel que soit la qualité de la méthodologie utilisée par un chercheur, son accès aux pratiques est tributaire de cette méthodologie. Il conclut alors que les pratiques observées ne sont jamais que des « pratiques constatées » sous certaines conditions d’observation. Parler alors de la pratique effective ne peut être qu’un raccourci dans la mesure où ce terme risque de conforter l’illusion d’une connaissance directe et totale des pratiques (Bru, 2004, p.283). L’étude des pratiques effectives des enseignants a fait l’objet d’un intérêt croissant ces dernières années selon la revue de question de Larose, Grenon et Bédard, (2009). Ces auteurs suggèrent (avec d’autres) la complexité des méthodologies, dont la plupart se fondent alors sur le recueil des données in situ (par vidéographie) associé à des entretiens et parfois des enquêtes.

Au regard de ces considérations méthodologiques, les pratiques observées seront la toile de fond nous permettant de constater les conditions et les contraintes didactiques qui accompagnent l’implémentation des NPE. Dans le cadre de cette recherche de thèse, nous nous continuerons l’enquête en observant la mise en œuvre « constatée » des programmes d’études en EPS et en SVT dans les classes de 5ème. Sur le plan méthodologique nous nous inscrirons la perspective de l’observation du didactique ordinaire (Leutenegger, 2003, 2009) en référence à l’un des concepts clés de notre inscription théorique : l’approche ascendante de la transposition didactique. Pour explorer la pertinence de cette méthode d’observation (notamment des outils de transcription et de condensation des données) nous avons réalisé deux études exploratoires (l’une en EPS et l’autre en SVT) afin, entre autres, d’apprécier la densité du travail de recherche à engager et d’anticiper sur la planification des différentes

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étapes de leur traitement. Les détails des méthodes et techniques utilisées à l’issue de ces deux études exploratoires, seront comme pour les précédentes études plus amplement présentés au niveau du chapitre 1 du Titre III des résultats, que la deuxième partie de ce manuscrit aborde maintenant.

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DEUXIÈME PARTIE : RÉSULTATS SUR L’IMPLÉMENTATION

DES NPE-EPS ET DES NPE-SVT.

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TITRE I : CONTEXTE CURRICULAIRE : les orientations des NPE