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TITRE II : De l’analyse des réformes curriculaires à l’observation des pratiques

Chapitre 1 L’approche par les compétences : analyses critiques, et remaniements

Dans les chapitres précédents nous avons caractérisé le contexte socio-historique d’implémentation des nouveaux programmes d’études au Bénin. Comme nous l’avons souligné l’implémentation de la logique curriculaire de l’APC ne s’est pas faite de façon aisée. Elle a été caractérisée par une démarche impositive visant à enrôler les états dans une refonte de leur système éducatif. Plusieurs pays surtout africains au sud du Sahara qui l’ont adoptée se retrouvent aujourd’hui face à d’énormes difficultés comme le montre un ensemble de rapports8 nationaux et internationaux déjà évoqués dans les chapitres précédents. Il s’agit dans les trois chapitres qui suivent de revenir sur les présupposés de ces « réformes » à partir d’une revue de questions de façon à expliquer le choix d’une inscription théorique de cette recherche en didactique. Pour ce faire nous revenons à un ensemble de critiques montrant les ambiguïtés et problèmes posés par l’usage du terme de compétence dans le pilotage des réformes contemporaines.

Au tournant des années 80, la notion de compétence s’impose comme une indispensable innovation dans les milieux de travail et de la formation, dont rend compte l’importante littérature qui est consacrée à cette notion dans les différents champs sciences humaines (Stroobants, 2000). Malgré le flou et l’ambiguïté de ce terme et les incertitudes lexicales (Dolz et Ollagnier, 2000) cette notion diffuse rapidement dans le domaine de l’éducation scolaire, suscitant un ensemble de critiques et de nombreuses controverses que l’on peut ramasser selon trois orientations :

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Rapport, 2007, 2008 de l’OCDE, BIE, La Banque Mondiale, et l’AFD, sur les réformes curriculaires dans les pays Africains, les rapports nationaux)

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- Un premier registre de controverses souligne le caractère idéologique de l’usage de la notion de compétence qui, sous couvert d’une fausse scientificité, devient le fer de lance, depuis une trentaine d’années, de réformes néolibérales en cours dans les systèmes éducatifs. Les arguments critiques avancés soulignent que ces réformes sont marquées par la recherche d’un affaiblissement du lien entre diplôme et rémunération, d’une meilleure « employabilité », d’un « new managment » des systèmes éducatifs. Ils sont principalement développées par des auteurs venus des champs de l’économie et de la politique de l’éducation ou encore par des sociologues critiques (Hirtt, 2009 ; Stroobants, 2000, Laval, Vergne, Clément, Dreux, 2011 ; Le Goff, 1999 ; Ropé et Tanguy, 1004).

- Le second registre de controverses, relève de la mise en question des fondements scientifiques de la notion de compétences. Il en interroge la pertinence dans le champ curriculaire au regard des théories épistémologiques sous-jacentes en matière d’apprentissage ou des ambitions transversales qu’elle promeut (Audigier, Crahay, Dolz, 2006 ; Boutin et Julien, 2000, Bos et Amade-Escot, 2004 ; Crahay, 2006, Dolz et Ollagnier, 2000 ; Rey, 1996).

- Un dernier registre de controverses, plus praxéologiques, interroge l’efficacité des réformes conduites sous couvert des compétences en discutant les questions de leur mise en œuvre eu égard aux promesses annoncées. Les contradictions entre pilotage des réformes curriculaires par les compétences et curriculum effectivement enseigné est ainsi posé (Audigier, Crahay, Dolz, 2006 ; Johsua, 2000 ; Lenoir, 2006).

Nous n’avons pas la prétention de mener une revue de question exhaustive de toutes ces critiques. Tout d’abord parce que la littérature relative aux compétences dans le monde de l’éducation et la formation est extrêmement importante. Puis, comme le soulignent Dolz et Ollagnier (2000) parce que les définitions et les significations du terme changent selon les champs convoqués (psychologie, didactique professionnelle, formation d’adultes, psychologie, etc…). Dans les sections qui suivent nous nous intéressons aux critiques qui relèvent des deux registres théoriques et praxéologiques cités ci-dessus, et plus particulièrement sur celles qui portent sur l’usage du terme de compétences dans les réformes curriculaires se réclamant de l’APC.

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1. Retour critique sur l’usage du terme de compétence dans les réformes

curriculaires contemporaines

L’APC introduit dans les programmes d’études une nouvelle notion, celle de la « compétence ». Maintes études ont tenté de circonscrire cette notion. Ce terme comme nous l’avons évoqué, plusieurs auteurs ont abordé la question de sa clarification conceptuelle (Dolz et Ollagnier, 1999 ; Perrenoud, 1997, 2006, 2008, Boutin et Julien, 2000 ; Maury et Caillot, 2003 ; Jonnaert, 2000 ; Jonnaert et M’Batika, 2004 ; Hirtt, 2009 ; Ropé, 1994) non sans montrer la polysémie du terme. Plusieurs travaux dont ceux de Delory (1991) et de Ropé et Tanguy (1994) avaient déjà souligné cette question. Les différents champs disciplinaires qui utilisent le terme de compétence (le champ de la didactique, de la pédagogie et du curriculum ; celui de la psychologie cognitive et psychologie du travail, et celui de l’ergonomie et de la didactique professionnelle) ont tenté de déplacer ce problème pour rendre le terme opérationnel dans le domaine qui est le leur.

Selon Dolz et Ollagnier (1999), le terme compétence s’inscrit au hit -parade des appellations pédagogiques qui en science de l’éducation condensait incertitudes lexicales et controverses en raison de la difficulté à identifier clairement les phénomènes que le terme tente d’objectiver. Pour ces deux auteurs, dans une acception très générale, la notion de compétence désigne «la capacité à produire une conduite dans un domaine donné». Dans le cadre de la linguistique générative de Chomsky, elle est opposée au concept de performance (Dolz et ollagnier, 1999, p. 8). Bosman et al la définissent comme « une réponse originale et efficace face à une situation ou une catégorie de situations, nécessitant la mobilisation, l’intégration d’un ensemble de savoirs, savoir-faire, savoir-être » (Hirtt, 2009). La notion de compétence relève de plusieurs champs (linguistique, psychologie, économie, psychologie du travail, sciences de l’éducation). Les travaux de Jonnaert (2002) sur l’étude comparative des définitions étudiées dans chacun de ces champs disciplinaires pointent que trois éléments récurrents sont cités :

- Une compétence reposerait sur la mobilisation et la coordination par une personne en situation, d’une diversité de ressources : ressources propres et spécifiques ;

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- Une compétence ne serait atteinte que dans le cas d’un traitement achevé de la situation. (Jonnaert, 2002, p.31).

Cette définition reste très générale, d’autant plus que, comme le soulignent Dolz et Ollagnier un « concept issu d’un cadre théorique donné change de signification lors qu’il est intégré dans un autre appareil conceptuel» (1999, p.18).C’est pourquoi, nous nous intéresserons dans les chapitres qui suivent, aux critiques portant moins sur le terme de compétences que sur l’usage qui en est fait dans l’approche curriculaire.

1.1. Des fondements épistémologiques ambigus

L’APC, se réclame du constructivisme et du socioconstructivisme. Nous ne revenons pas sur ces théories introduites dans le chapitre 2 du titre précédent. Nous examinons les controverses qui s’expriment à propos des liens qui dans l’APC rapportent ou relient « compétence » aux thèmes socioconstructivistes.

1.1.1. APC, Compétence et socioconstructivisme : un lien questionnable

Boutin et Julien (2000) dans leur ouvrage sur l’obsession de la compétence parlent de confusion quand la notion de compétence est arrimée à celle du socioconstructivisme. Selon ces auteurs, les tenants de l’APC présentent la compétence en se référant comme théorie mais leur vision reste selon eux, béhavioriste. La preuve est ce découpage des compétences en capacités proposé dans les prescriptions programmatiques et les démarches d’enseignement et d’apprentissage préconisées. Ces auteurs considèrent que décliner la compétence en capacités est en contradiction avec la notion même de « construction de connaissance » prônée par les promoteurs de l’APC. Dans une perspective constructiviste, l’apprentissage est considéré comme un processus dont la visée relève de l’individu lui- même, alors, ce dernier ne saurait être soumis à des propositions externes sous formes de compétences à développer ou d’objectifs à atteindre. Hirtt (2009) pour sa part montre que les tenants de l’APC en se référant aux travaux de Piaget, Bruner et de Vygotski pour justifier l’assise constructiviste de l’approche, oxillent, dans le même temps, faire remarquer les différences existantes entre les théories de ces auteurs (Hirtt, 2009).

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L’autre aspect également très important de la question, est la place du savoir dans l’APC en lien avec le constructivisme. Pour les tenants de la réforme, les savoirs sont des ressources au service du développement des compétences (Jonnaert, 2002). Ils constituent des « connaissances déclaratives » (Lasnier, 2000) et deviennent donc des outils qualifiés d’accessoires selon la critique de Hirtt dont on peut occasionnellement avoir besoin dans la réalisation d’une tâche (Hirtt, 2009). Ce qui amène Tilman a affirmé «le savoir n’est pas au service de la compétence (…) ce sont les compétences, c’est-à-dire l’usage et la manipulation du savoir qui sont au service de l’appropriation de celui-ci» (Cité par Hirtt, 2009).

Cette analyse pose le problème de la place de référence dans l’APC qui privilégie le développement de la compétence en lieu et place de l’apprentissage des savoirs comme le revendique un certain nombre de promoteurs (Lasnier, 2000 ; Roegiers, 2010). La construction de référence dans l’APC relève-t-elle des savoirs ou de la compétence ? Si tant est que l’APC privilégie le développement des compétences au détriment des savoirs, sur quoi la construction se fait lors des phénomènes d’enseignement et d’apprentissage ?

1.1.2. APC et déni des savoirs : un raccourci à interroger

L’un des défis proposé par l’APC est de redonner du sens aux apprentissages, de les rendre significatifs (Roegiers, 2000). Abondant dans la même problématique au sujet de l’apprentissage Rey, Defrance, Carette et Kahn (2003) constatent qu’un « un savoir authentique se présente comme un ensemble de compétences. Dans les limites de cet usage, savoir et compétence sont deux mots qu’on pourrait utiliser l’un pour l’autre» (p.22). Parler de savoir c’est faire référence à l’objet social avec ses contenus (publications, livres, et pensées collectives).Par contre, parler de savoir comme d’une «compétence» c’est mettre en exergue la possibilité de l’apprenant à rendre fonctionnel ce savoir. La notion de compétence ainsi définie renvoie à l’opérationnalisation du savoir. Elle est acquise, appartient au sujet et devient une qualité intrinsèque de ce sujet, une connaissance. Ainsi, pour ces auteurs développer des compétences, c’est provoquer une modification de l’organisation cognitive du sujet. L’analyse de cette démonstration pose un problème crucial : celui de l’assimilation des savoirs aux compétences. Si les savoirs sont des ressources au service du développement de la compétence (Jonnaert, 2002, Perrenoud, 1999 ; Roegier, 2000), il est problématique qu’ils soient dans le même temps et pour certains auteurs

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assimilés aux compétences. Ses relations avec la compétence ne sauraient être un rapport d’assimilation.

Selon Le Boterf (1994) la compétence relève de la mobilisation ou de l’activation de plusieurs savoirs dans une situation ou un contexte donné. Il n’y a pas dans cette définition de la compétence assimilation d’une notion par l’autre, mais plutôt un statut de complémentarité. La compétence pour se développer doit pouvoir mobiliser des savoirs. Pour d’autres auteurs critiques, la véritable question relativement « à l’une des principales dérives de l’approche par compétences, est la relégation des savoirs au rayon des garnitures intellectuelles » (Crahay, 2006, p. 105).

La discussion des rapports entre savoirs et compétences n'est pas récente, elle apparaît en France comme le montrent Ropé et Tanguy (1994) au début des années 90 avec la charte des programmes qui convoque la notion de compétence par opposition à celles des connaissances et de savoirs. Il s'agit alors, selon ces sociologues de l'éducation, de repenser les programmes scolaires mais aussi l’évaluation, qui devra porter sur des tâches complexes et non sur des savoirs factuels. En montrant que la notion de compétence, importée du monde de l’entreprise, tend à progressivement se substituer à celle de savoir dans la sphère éducative, ces auteures ouvrent un débat sur l’usage (souvent idéologique) de cette notion qui continue toujours d’être alimenté (Crahay, 2006 ; Dolz et Ollagnier, 2000 ; Le Boterf, 1994 ; Masciota et Medzo, 2009, Perrenoud, 1997, etc..).

Le dernier colloque de l’association pour les recherches comparatistes, proposait de mettre en discussion ces deux notions de « savoirs » et de « compétences » en questionnant « l’agrément général selon laquelle les institutions de transmissions des savoirs devraient être remplacées par des organisations permettant la formation des compétences » (ARCD, 2013). D’une manière générale la notion de savoir en didactiques des disciplines relève d’une définition différente de celle retenue par les tenants de l’approche par compétences qui, en faisant du savoir une propriété interne au sujet, le considère finalement comme un terme équivalent à celui de connaissance. Pour les didacticiens, le savoir est public, formalisé, publié, plus ou moins légitimé (sous formes de savoirs savants, de savoirs scientifiques, de savoirs techniques ou de savoirs d'expert) dont la société souhaite leur acquisition par les jeunes générations. L’approche didactique souligne le caractère social,

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culturel et historique des savoirs, qui sont cristallisés dans les œuvres humaines et qui font l’objet d’une transposition, ce qui amène à dire que le savoir est codifié dans les programmes (Jonnaert et Van Der Borght, 1999).

On voit bien que l’approche par compétence, en ne voulant se situer qu’au niveau méta- disciplinaire pour valoriser l’idée de transfert possible, dénie la valeur formatrice des savoirs. Ce que d’une certaine manière Crahay (2006), psychologue et attaché à l’idée de construction des connaissances, critique lorsqu’il plaide très clairement en faveur d’une restauration du disciplinaire. Voir aussi dans une perspective semblable la critique de Rey (1996) sur le problématique statut transversal des compétences.

1.1.3. APC et constructivisme radical: une conception de l’apprentissage discutée

L’APC développe une conception de l’apprentissage où l’apprenant est placé au centre du processus de construction de savoirs. Elle prône ainsi une démarche qui fait de l’enseignant un simple guide, un accompagnateur. L’enjeu est de faire apprendre plutôt que d’enseigner (Jonnaert, 2002). Cette conception soulève quand même un certain nombre de questionnements.

Selon Lasnier (2000), l’APC, dans sa conception de l’apprentissage doit s’occuper à la fois de la démarche de construction des apprentissages que du produit de ces derniers qui est le résultat attendu. Ainsi, au cours de l’apprentissage, l’élève« construit le savoir » en travaillant toutes les capacités. La maitrise des capacités dans leur ordre itératif conduit au développement de la compétence qui se manifeste par le produit. L’analyse de cette conception pose au moins trois problèmes : celui du temps d’apprentissage, de la pertinence des capacités constitutives de la compétence et celui de son évaluation.

Toute conception relative à l’apprentissage s’opérationnalise dans des modalités de travail supposées être en adéquation avec les théories mises en avant. Dans la plupart des programmes conçus selon l’APC, deux grosses modalités sont préconisées : la résolution de problème et développement de projet (Rey, Carette, Defrance et Kahn, 2003 ; Lasnier, 2000). Les démarches d’enseignement apprentissage proposées par la plupart de ces

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programmes s’inspirent plus de la démarche de résolution de problèmes selon une approche constructiviste radicale relativisant l’épistémè de savoirs objectifs sur le monde.

La conception constructivisme radicale considère, en effet, à la suite de Von Glasersfeld (2004) que le savoir est activement construit par le sujet, et qu’il n’est qu’une mise en ordre d’une réalité expérientielle (Jonnaert et Masciotra, 2004).

1 .2. Des questions praxéologiques en suspens.

1.2.1. APC et rôle de l’enseignant : la question de guidage des apprentissages

Une compétence se développe en situation. La situation doit-elle même appartenir à une famille de situations préalablement identifiée et définie, soit par les rédacteurs de manuel ou à défaut par l’enseignant (Jonnaert, 2002 ; Roegiers, 2000 ; Rey, Carette, Defrance, Kahn, 2003 ; Jonnaert, Barrette, Boufrahi, Masciotra, 2004 ; Jonnaert, Boufrahi, Masciotra et Yaya, 2006)). C’est donc des situations construites. Les discours officiels préconisent que l’élève soit placé au centre de l’apprentissage et l’enseignant n’aurait qu’un rôle de facilitateur et de guide. Dans les relations élève-maitre, l’accent est mis sur l’élève, l’enseignant jouant le rôle d’accompagnateur. Un certain nombre de critiques, qui s’appuient sur les travaux de l’interactionnisme social, s’élèvent contre cette position qui, au final, risque de désinstrumentaliser le professeur, celui-ci n’ayant plus à endosser le rôle de guidage ou d’étayage dont les travaux de Bruner (1983) et de Vygostki (1934/1997) ont démontré toute l’importance dans le développement des sujets.

1.2.2. L’APC et ses manifestations : le problème de l’évaluation

L’autre aspect de la question praxéologique concerne les manifestations de la compétence, du moins les indices sur lesquelles on peut se baser pour déclarer qu’un élève est devenu compétent. Certains auteurs considèrent que la compétence est virtuelle, voire potentielle (Perrenoud, 1999 ; Roegiers, 2000) et qu’en évaluation on procède d’une inférence. C’est pourquoi certains promoteurs de l’APC déclarent que la performance est la manifestation de la compétence (Roegiers, 2000). Ce type d’assertion nourrit une autre polémique entre compétence et performance et pose la question de l’évaluation de la compétence.

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On le voit donc l’utilisation de la notion de compétence par les tenants de l’APC n’est pas sans poser de problèmes théoriques et pratiques. Les controverses évoquées ci-dessus se trouvent confortées par l’idée que les arguments avancés ne sont pas réellement basés sur les résultats des travaux de recherche scientifique (Boutin et Julien, 2000 ; Crahay, 2006 ; Hirtt, 2009). Il ressort de la littérature que le concept de compétence comme logique d’organisation des programmes d’études renvoie à des disparités d’ordre épistémologiques théoriques et pratiques (Audigier et Tutiaux, 2008 ; Boutin et Julien, 2000 ; Crahay, Dolz et Audigier, 2006 ; Dolz et Ollagnier, 2000 ; Johsua, 2000 ; Perrenoud, 1997). Ces discussions ont amené les promoteurs de la réforme curriculaire à remanier certains de leurs arguments comme nous le développons ci-après.

2. Les remaniements conceptuels de l’APC

2.1. Vers une reconceptualisation de la notion de compétence

Les critiques portées sur l’utilisation de la notion de compétence ont obligé les tenants de l’APC à réviser leurs arguments. Ces derniers en proposent aujourd’hui une définition s’inscrivant dans une perspective située compatible avec leur position épistémologique socioconstructiviste. Dans cette perspective, Jonnaert et al. (2005) montrent qu’un ensemble de ressources variées est mobilisé dans l’action pour actualiser la compétence. Nous sommes là en présence alors de la notion de cognition située développée par Lave (1988, 1991) cité par Jonnaert et al, 2005. Dans cette conception les ressources externes et internes sont structurantes et servent de liens entre la personne et son action en situation. La situation devenant donc incontournable quand on parle de compétence. Cette perspective proclame la primauté de la situation mais aussi la considère comme source et critère de la compétence (Jonnaert, 2002). Selon ces travaux, une personne est déclarée compétente lorsqu’elle aurait traité efficacement la situation qui lui est proposée. La situation devient alors le principal critère d’évaluation de la compétence, ce qui amène Jonnaert (2002) à considérer que les compétences ne peuvent se définir qu’en fonction de situations. Elles sont donc tout autant situées que ne sont les connaissances, dans un contexte social et physique. Nous assistons alors à la valorisation de la situation dans la

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définition de la compétence. La situation devient ainsi le détermine l’apprentissage. Mais la question qui devient alors cruciale pour les enseignants c’est la nature de de la conception des situations d’apprentissage. On voit que ce point n’est pas sans poser des problèmes d’ordre didactique. Cette reconceptualisation de la compétence constitue une avancée, mais elle laisse toujours en débat la vive question du statut des savoirs et des références à l’enseignement dans l’APC.

Abordant la question de l’apprentissage dans les programmes par compétences, Audigier et Tituaux (2008) invitent les enseignants à éviter un enfermement pédagogique caractérisé par l’utilisation d’un seul modèle, et optent plutôt pour une diversification de pratiques, adaptées aux intentions de formation avec la prise en compte des compétences à développer associée aux savoirs qu’elles requièrent, et des situations dont elles constituent la source. Ces didacticiens proposent de mettre l’accent sur l’utilisation à la fois des ressources personnelles des élèves et de celles existantes dans l’environnement social et