• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 : Présentation de l’étude

II. Méthodologie de recherche

2.1.1. Questionnaires et enregistrements

Avant de commencer l’étude il a été demandé aux participants de signer un formulaire (cf. Annexe 1) qui consentait l’enregistrement des séances ainsi que le traitement des données tout en promettant l’anonymisation et la possibilité de quitter l’étude à tout moment. D’où notre volonté de ne pas les présenter avec leurs vrais noms. Dans un second temps, nous l’avons vu, ils ont été amenés à remplir un questionnaire de données personnelles permettant à l’enquêteur de mieux définir leur profil. Cette étape était fondamentale pour s’assurer que l’italien n’ait nullement été étudié auparavant et que les écarts entre les parcours des sujets ne soient pas trop importants.

Après avoir écouté et lu chacun des textes, ils devaient répondre – dans leur langue source – à un bref questionnaire (cf. Annexe 3 ; Annexe 4) testant la compréhension globale du texte. Celui-ci se composait de quatre questions pointant les informations principales à retenir. Afin de ne pas créer un biais au niveau des stratégies déployées spontanément par les sujets, nous avons décidé de leur laisser le choix de le lire au moment leur paraissant le plus opportun. Que ce soit dans un exercice de compréhension en langue maternelle ou étrangère, souvent les questionnaires guident l’apprenant dans l’interprétation du texte en lui apportant quelques éléments de réponse. Nous verrons donc dans notre travail comment nos participants s’en servent.

Après la fin des séances, chacun des participants a également répondu à un questionnaire (cf. Annexe 5) réflexif sur le travail effectué. Il était divisé en trois parties. Les deux premières portaient d’un côté sur l’influence que le parcours personnel peut avoir sur le travail de compréhension, d’un autre côté sur l’importance du français comme langue de départ ainsi que sur les liens entre l’oral et l’écrit. La troisième, quant à elle, était orientée sur l’approche-même d’intercompréhension, ses intérêts et ses implications en tant que méthode pour l’apprentissage des langues. Ce questionnaire vient donc aider l’enquêteur à analyser les données et à valider ou infirmer ses hypothèses, mais lui permet également de montrer la vision et les retours que les sujets peuvent avoir sur une expérience de ce type. Comment l’approche intercompréhensive est-elle perçue par les personnes qui l’expérimentent ? Intégrer leur point de vue nous semble en effet essentiel pour l’avenir de cette approche puisque ce n’est que suite à des retours qu’elle pourra être améliorée et adaptée pour entrer dans les programmes scolaires.

2.1.2. Observation participante

L’observation participante est une approche née en ethnologie et, d’une manière générale, elle « implique de la part du chercheur une immersion totale dans son terrain, pour tenter d’en saisir toutes les subtilités » ce qui lui permet de « comprendre certains mécanismes difficilement décryptables pour quiconque demeure en situation d’extériorité ». Cependant, le risque d’une telle approche est de biaiser les données « en manqu[ant] de recul et perd[ant] [ainsi] en objectivité » (Soulé, 2007 : 128). Par conséquent, dans notre travail nous avons adopté cette méthode, mais pas dans son intégralité, en restant le plus neutre et distant possible. Nous avons en effet fait preuve d’une observation active en intervenant pour guider et resituer les participants là où ils étaient perdus, pour les ramener sur des mots qu’ils avaient laissés de côté, pour faire en sorte qu’ils explicitent des stratégies de compréhension non évoquées, ou encore pour les encourager à pousser leurs réflexions et hypothèses plus loin. Jamais nous ne leur avons apporté aucun élément de réponse. La raison pour laquelle nous avons décidé d’intervenir était de nous assurer que tous les éléments de chacun des textes soient analysés et d’éviter que les sujets délaissent les mots opaques ou les phrases complexes sans avoir pris le temps d’y réfléchir. Le recours à cette méthode a été fondamental surtout avec Agnès, qui ne croyait pas beaucoup en elle-même et qui a failli arrêter la séance à plusieurs reprises par impatience et désespoir. Grâce à notre intervention, elle a réussi à trouver la force ne pas abandonner et de tout faire pour aller au bout de ses réflexions.

Nous considérons donc que l’observation participante peut être un réel bénéfice pour ce type d’étude, sans représenter forcément un biais.

2.2. Type d’approche et méthode de recueil de données

Nous estimons que le choix de la méthode pour le recueil des données est déterminant pour le bon déroulement de la recherche ainsi que pour un traitement efficace de ces données. Notre étude portant sur quatre sujets – et étant donc qualitative – nous avons pu nous servir du Think Aloud Protocol (cf. Ch. 3, 2.2.2.), qui demande un grand travail de transcription.

2.2.1. Approche qualitative

Pour un travail comme le nôtre il n’était pas simple d’adopter une approche quantitative. Le grand nombre de variables liées à l’individu desquelles peut dépendre la compréhension rendent difficiles les généralisations et demandent de trouver des sujets avec un parcours et un profil très semblables, ce qui n’est pas évident. De plus, faire du quantitatif exige un très gros

travail pour une seule personne, ce qui fait que souvent les chercheurs mènent plusieurs études de cas chacun de son côté avec son propre public – tout en appliquant la même méthodologie – pour ensuite pouvoir tirer des conclusions générales. On comprend alors que l’étude quantitative ne peut se faire que suite à une série d’études qualitatives. Rappelons donc ce que l’on entend par recherche qualitative :

Par différence avec l’analyse quantitative, l’analyse qualitative se définit comme : « l’analyse qui détermine la nature des éléments composant un corps sans tenir

compte de leurs proportions ». On est face à un corps, comme l’air. On cherche à

identifier les éléments qui le composent. L’analyse qualitative montre qu’il s’agit d’oxygène, d’azote, de quelques gaz rares, de vapeur d’eau et de dioxyde de carbone. L’analyse quantitative montrera ensuite qu’il y a en fait 78% d’azote pour 21% d’oxygène. Dans cette opposition, il y a l’idée que l’analyse qualitative précède l’analyse quantitative, et qu’elle la domine en importance : la tâche difficile et noble consiste à identifier les éléments dont un corps est composé et, une fois cette tâche réalisée, l’analyse quantitative apparaît plus simple (Dumez, 2011 : 47-48).64

Comme nous pouvons le voir, ces deux approches ne s’opposent pas : elles exigent et recherchent des éléments différents, mais elles se complètent. Par conséquent, nous avons décidé de mener une recherche d’ordre qualitatif à travers laquelle nous voulons, d’un côté, contribuer à ce qui a déjà été fait sur les types de stratégies employées en intercompréhension et, d’un autre côté, apporter des réflexions nouvelles en abordant ce thème d’un point de vue un peu différent. Ainsi, nous espérons qu’à notre étude s’en poursuivront d’autres du même type, de sorte qu’un jour on puisse formuler quelques généralisations, notamment à propos du rôle et des implications du facteur de l’âge.

2.2.2. Transposition à l’oral et Think Aloud Protocol

Outre le questionnaire que nous avons mentionné, la preuve de la compréhension de chacun des documents se faisait par sa transposition plus ou moins littérale dans la langue source des participants. Par transposition nous entendons l’adaptation et le transfert du contenu d’un texte dans une forme différente (Dictionnaire TLFi65

), dans notre cas le français.

De plus, pour que nous puissions déceler quels mécanismes les sujets déployaient pour interpréter et saisir le sens de ce qu’ils voyaient à l’écrit ou qu’ils percevaient à l’oral, nous leur avons demandé d’exprimer oralement ce qu’ils arrivaient à comprendre et pourquoi. Il s’agissait d’expliciter tout raisonnement et stratégie mis en place pour déchiffrer le texte, de manière à la

64 Modification du format (gras).

fois globale et détaillée. Pour ce faire, nous avons donc eu recours à la méthode Thinking Aloud Protocol, « la pensée à voix haute ». Il s’agit d’une démarche qui consiste à demander aux sujets d’extérioriser leurs pensées à voix haute pendant qu’ils réalisent une certaine tâche, ce qui, en principe, ne gêne pas l’élaboration de réflexions puisque le sujet résout les problèmes automatiquement en même temps qu’il parle (Van Someren, et al., 1994 : 26). Par conséquent, nous avons encouragé les participants à mettre en voix toute réaction spontanée susceptible d’émerger durant l’écoute, la lecture ou le visionnage des documents, d’où l’importance d’enregistrer les séances dans leur intégralité. Toutefois, le sujet ne verbalise pas toujours toutes ses pensées, cette méthode peut donc ne pas être toujours suffisante (ibid.). C’est pourquoi l’enquêteur devait être présent lors des séances pour revenir sur certains passages non expliqués, ce qui ne fait qu’ajouter foi à notre choix de passer par l’observation participante.

Après avoir posé les bases méthodologiques – public, type de support, déroulement des séances, méthode de recueil des données – pour la mise en œuvre de notre expérience, nous allons maintenant nous focaliser sur les résultats obtenus.