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Chapitre 4 : Analyse des données et discussion

II. Ecrit ou oral : stratégies et compréhension

2.1. Aborder un texte écrit : quelles stratégies de lecture ?

Nous avons constaté des différences au niveau des stratégies de lecture employées par les sujets, celles-ci variant non seulement d’un participant à l’autre, mais dépendant aussi de l’ordre d’apparition du texte écrit.

2.1.1. L’appui sur le paratexte : le titre, la source et le questionnaire

Lorsque les participants ont commencé par l’écrit (Texte 1), n’ayant aucun autre élément sur lequel s’appuyer la plupart d’entre eux ont eu recours à une lecture globale avant de passer à une lecture détaillée. Agnès, Julie et Stéphane ont débuté par le titre, et ces deux derniers ont également préféré lire les questions, conscients de l’aide qu’elles pouvaient apporter, d’autant plus qu’elles étaient en français. En effet, si le titre est fait pour donner une idée du sujet que le texte va aborder, les questions contiennent souvent quelques petits éléments susceptibles de guider la compréhension :

Je vais d’abord lire les questions parce que ça m’aide à comprendre, je pense que ça va me guider.

[Après avoir essayé d’y répondre, il passe au titre] : Donc je vais lire le texte.

(Stéphane, Texte 1)

Alors, je vais déjà commencer par lire le titre […] Donc là je pense que ça parle d’une ‘marche’ sur une place contre le fascisme et le racisme, en Italie évidemment.

[Ensuite elle lit les questions] : Okay, donc avec les questions – qui sont en français – je comprends

que [matseRata] c’est pas une marche mais une ville, ou un lieu en tout cas, donc ça m’éclaire pas mal.

(Julie, Texte 1)

A travers son discours, Stéphane semble ainsi faire preuve d’une stratégie métacognitive, en se demandant de quels éléments il peut avoir besoin pour mieux comprendre un texte écrit et dans quel ordre il va les aborder. Il s’agit de réflexions que nous faisons inconsciemment dans notre tête lorsque nous sommes face à un texte dans notre langue première. Elles ont pu être extériorisées ici seulement grâce à l’emploi de la technique de la pensée à voix haute. De plus, le deuxième exemple montre qu’à partir de deux éléments du paratexte on peut déjà capter des informations utiles pour la compréhension du document. En sachant que ‘Macerata’ est une ville, on exclut rapidement toute inférence erronée de ce terme.

Quand l’écrit est apparu en dernier, ces éléments du paratexte ont été moins déterminants pour la compréhension, sauf dans un cas. Le questionnaire a en effet eu un rôle primordial dans l’interprétation du dernier paragraphe du Texte 2, du moins chez Julie et Agnès :

Okay donc après la lecture de la quatrième question, il dit que ‘le comportement paradoxal’, donc ça veut dire que malgré tous les efforts qu’ils font pour l’égalité hommes femmes, il y a quelque chose qui ne va pas. Donc je pense que, au contraire, le pays a un numéro de violences faites aux femmes assez élevé. […] C’est vraiment la question qui me fait comprendre ça : ‘paradoxal’ et

‘mentionné à la fin’. Et puis comme ils parlent d’évolution et que c’est encore en train d’évoluer, que la lutte pour les droits… Ouais.

(Julie, Texte 2)

Ben oui donc c’est la violence faite aux femmes, les femmes battues donc oui la violence contre les femmes. Ça veut dire qu’il y a bien des droits d’égalité dans différents domaines, mais une fois dans la maison, ben malheureusement, mais là c’est partout pareil, il y a encore du respect qui doit être mis en place […].

(Agnès, Texte 2)

Le terme ‘paradoxal’ sous-entendant l’application de deux comportements contraires chez un même sujet, il contribue clairement à la compréhension. Dans l’élaboration du questionnaire, nous avons voulu introduire ce biais afin d’observer de quelle façon les sujets s’en serviraient. Il paraît évident ici qu’il a été essentiel pour confirmer (Agnès, Texte 2) ou infirmer et revoir ses hypothèses (Julie, Texte 2).

Enfin, en ce qui concerne la source, mentionnée juste après le titre, elle a permis de comprendre très rapidement de quel type de texte il s’agissait, d’autant plus que tous les sujets connaissaient Euronews :

[…] ben quand je regarde le lien http il y a marqué Euronews. Euronews c’est une chaîne de télé, donc forcément c’est lié à une retranscription d’une chaîne de télé. Donc c’est un document d’information (Stéphane, Texte 2).

2.1.2. Les marques typographiques : ponctuation et majuscules

En ce qui concerne des aspects plus subtils du paratexte, nous avons pu constater que la ponctuation et d’autres marques typographiques telles que les majuscules ont parfois aidé – elles aussi – à saisir la logique du texte. Par exemple, les tirés et les guillemets ont probablement permis de repérer plus facilement les cas de discours rapporté :

“Quello […] atto

terroristico – dice un giovane manifestante

– A noi […] né

provenienza”

Ça c’est ce que dit un manifestant, donc ce sont des paroles rapportées, c’est un discours rapporté.

(Mathieu, Texte 1)

– conclude l’inviato

di Euronews, Michele Carlino –

Donc ça c’est l’invité d’Euronews, [miʃɛlkaRlino] qui conclut […]. (Julie, Texte 1)

En outre, les majuscules semblent avoir eu un certain poids dans la compréhension. Par exemple, elles ont permis d’identifier facilement les noms propres. Bien qu’Agnès ait pensé au début que Luca Traini était « un lieu ou le nom d’un groupe de forces publiques » (Agnès, Texte 1), tous les sujets ont identifié Luca Traini, Pamela Mastropietro, Michele Carlino comme des

noms de personnes. Dans un seul cas cette constatation n’a pas été évidente, à savoir lorsque la majuscule du prénom Hanna pouvait être confondue avec celle de début de phrase :

Ah d’accord. Parce que moi j’avais vu le ‘h’ qui est en majuscule, comme c’est en début de phrase c’est normal qu’il y ait une majuscule, mais c’est peut-être un nom propre. Donc ça voudrait dire donc ‘Hanna’ c’est une personne qui aurait été la première à pro-, à proposer […] (Mathieu, Texte 2)

De plus, les majuscules ont permis à Stéphane de supposer que ‘AD Aevarsson’ pouvait être le nom d’un dirigeant :

Donc le truc après, j’hésiterais entre le nom de quelqu’un. Donc ça [AD] c’est soit des initiales, soit un statut et ça [Aevarsson] c’est un nom. Ça ressemble plus à de l’islandais qu’à de l’italien ! (Stéphane, Texte 2)

Nous pouvons alors affirmer qu’une bonne partie des éléments typiques de l’écrit ont été mis en avant pour faciliter la tâche de déchiffrage du sens – plus ou moins détaillé – du texte, des mots ou de certains passages.