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Chapitre 4 : Analyse des données et discussion

I. Transparence ou opacité : des stratégies transversales

1.2. S’appuyer sur les éléments du texte

1.2.2. L’inférence de liaison : le rôle du contexte

Le contexte a joué un rôle fondamental dans la compréhension de certains mots ou passages paraissant opaques au premier abord. En saisissant les liens entre les différentes parties du texte ou entre les mots entourant les termes inconnus, les sujets ont en effet été capables d’inférer correctement leur sens et de déceler certains faux amis.

Les exemples du décryptage de l’opacité ont été très nombreux, bien qu’ils semblent dépendre de la position du mot (en début d’énoncé plutôt qu’à la fin), de sa fonction ou du contexte dans lequel il apparaît :

Ma le iniziative contro il razzismo e il fascismo non si fermano qui

(Texte 1)

[kwi] ? Ben j’aurais envie de dire que c’est peut-être un pronom relatif comme en français parce que ça ressemble clairement à ‘qui’ en français, mais ça me paraît bizarre que ce soit à la fin. Donc [elle relit la phrase], ‘pas’ ? Peut-être que ça va avec [nɔn], peut-être que c’est [nɔnkwi], ‘ne pas’ ? Peut-être.

(Julie, Texte 1)

Le mot isolé [kwi] non, je pourrais pas le traduire tout seul. Peut-être que dans la phrase ça veut dire ‘n’est pas suffisamment ferme’, sinon non, le mot seul non. (Mathieu, Texte 1) Non ci sarà uguaglianza, da nessuna parte, nessuna società, se il sistema scolastico non è parte attiva.

Qui si formano le

idee dei ragazzi (Texte 2)

[kisifɔʁmanoleide], c’est le lieu où se forment les idées des jeunes ! (Agnès, Texte 2)

‘se forme’, [siformano] je pense que c’est ‘se forme’ l’idée de [ragadzi] je sais pas. Qui forme l’idée de la [ʁagadzi] par exemple. Peut-être que [kwi] c’est ‘où’, je sais pas, ‘où se forme l’idée de [ʁagadzi]… Non peut-être pas. En tout cas c’est sûr que [kwi] c’est un petit mot genre subordonné, ou relatif, quelque chose comme ça. Donc soit c’est ‘que’ ou soit c’est ‘où’. (Julie, Texte 2)

Nous observons ici que l’adverbe de lieu ou pronom relatif ‘qui’ [kwi] (= ici/là, où) a été plus facilement compris lorsqu’il exerçait une fonction de pronom en reliant deux phrases. En revanche, employé en fin de phrase avec une fonction d’adverbe, il semblait avoir moins de poids puisqu’il servait simplement à renfoncer l’énoncé : entre « les initiatives […] ne s’arrêtent pas » ou « les initiatives […] ne s’arrêtent pas là » le sens ne change pas. De plus, il faut noter que – bien que certains l’aient prononcé [ki], même après l’écoute – grâce au contexte les participants ont réussi à capter qu’il s’agissait d’un faux ami et à exclure qu’il soit l’équivalent du français ‘qui’.

Ensuite, il est intéressant de voir que les sujets se sont servis de la compréhension de certains mots transparents ainsi que de la notion de schéma pour effectuer des inférences concernant des mots plus opaques :

Benvenuti in Islanda, l'isola della parità tra sessi

Bienvenue en Islande, l’île de la parité, euh… Ah sûrement ‘sexes’, l’île de la parité des sexes. Vu que c’est en ‘i’ et donc c’est la forme du pluriel, oui ça doit être ça.

(Mathieu, Texte 2)

Uomo Donna

Voilà ce que j’ai compris après une deuxième écoute. Mais je peux toujours pas te dire de quoi ça parle, je sais toujours pas. […] qu’il y a la parité entre les hommes et les femmes. Enfin il y a un truc autour de ça je pense, mais rien rien de plus […] Ben oui j’ai entendu la [paʁitad] oui, donc j’imagine que c’est entre hommes et femmes […] Non je les ai pas distingués. Mais j’ai entendu deux ou trois fois [paʁitad] donc j’ai associé ça dans ma tête à la parité, voilà. Et comme à un moment j’ai entendu ‘salarial’ et [domestiko] je me dis que c’est peut-être en lien avec le salaire et les tâches domestiques à la maison, peut-être pour s’occuper des enfants, d’ailleurs, [bɑ̃bino], ‘congé parental’… Après le lien avec l’école, la discrimination et tout ça là, j’ai pas fait. Peut-être qu’il y en a mais moi je l’ai pas fait en tout cas, ça c’est sûr.

(Agnès, Texte 2)

Dans le premier cas, le mot ‘sessi’ [sɛssi] (= sexes) est apparu à la fin de la tâche. Après avoir écouté, lu et vu le reportage, Mathieu a été capable d’en déchiffrer le sens, probablement en faisant le lien non seulement avec le mot ‘parità’ [parita’] (= parité), mais aussi avec tout ce qu’il avait compris jusque-là. Ayant été le seul à comprendre ce terme, nous en déduisons alors que parfois les indices apportés par le contexte peuvent ne pas être perçus par tous les sujets et que les relations entre les éléments du texte ne se font pas de la même manière pour tout le monde.

Quant au deuxième exemple, nous pouvons voir que dès que – pendant l’écoute – Agnès a entendu et compris que l’on parlait de parité, elle a directement établi un réseau lexical autour de ce concept, en l’associant à l’idée d’égalité entre hommes et femmes et en anticipant ainsi la perception de ces deux termes. Pour ce faire, elle s’est également appuyée sur les éléments apparus par la suite – ‘salarial’, ‘[domestiko]’, [bɑ̃bino], ‘congé parental’ – qui n’ont fait que confirmer son inférence.

En outre, nous avons constaté la mise en place de réflexions et raisonnements faits afin d’établir des liens logiques entre les différentes parties du texte :

Oltre a lottare per la parità dei diritti, questo paese deve fare i conti con numerosi casi di violenze sulle donne

Et la dernière phrase… Il y a de nombreux cas de violence, d’après la dernière phrase. Donc j’avais bien entendu violence, okay. Donc qu’est-ce que ça veut dire ? Des cas de violence… Si on est dans des études de genre et la question de la parité, donc des nombreux cas de violence, donc violence conjugal, violence hommes femmes et l’idée c’est d’éduquer les jeunes, d’après le document complet, ce serait d’éduquer les jeunes afin

d’éradiquer ou de supprimer la violence hommes femmes. Quelque chose comme ça.

(Mathieu, Texte 2)

En répondant à la question 3 :

Quel évènement a eu lieu à Macerata ?

Donc [lykatʁeni] était italien, mais [pamelamastʁopjetʁo] à mon avis était italienne ! Alors, il a peut-être pas tué… C’est peut-être [pamela] qui a tué finalement, qui a tué six immigrés ! Je m’interroge, maintenant. Parce qu’elle était italienne et c’est pas racisme ni fasciste de tuer un italienne, parce que lui il doit être italien aussi vu que [lykatʁeni] ça me semble assez italien comme nom. Je m’interroge maintenant, si c’est pas [pamela] qui est la meurtrière. [skatenato] bon qu’est-ce que ça veut dire [skatenato] ? Pourtant [dalʒestoditʁeni] c’est bien le geste de [tʁeni]. (Agnès, Texte 1)

Bien que les informations n’aient pas été toujours complètement saisies, il est intéressant d’observer que les sujets ressentaient le besoin de trouver des relations entre les différents éléments du document dans le but de bien l’interpréter plutôt que d’abandonner ou que de tenter une traduction mot-à-mot illogique.

Enfin, il nous semble important de souligner que le contexte a joué un rôle essentiel dans la compréhension – ou du moins dans le repérage – de certains connecteurs logiques, ceux-ci étant normalement difficiles à comprendre (cf. Ch. 2, 2.2.3.).

Dopo [dopo]

(= après)

Je sais pas, [dopo] non. Je pense que c’est une préposition ou un petit mot comme ‘avec’, ‘sans’, ‘contre’, ‘pour’, ‘à’ quelque chose, mais il me fait penser à rien donc non, j’ai aucune idée.

(Julie, Texte 1)

Ben je dirais que ça serait ‘suivre’ ou ‘en réponse’. Fin dans la phrase c’est ça, ce serait lié…

(Stéphane, Texte 1)

Sempre [sɛmpre]

(= toujours)

[sjɛmpRe] en espagnol. Après, c’est peut-être un petit mot, un connecteur logique j’ai l’impression.

(Julie, Texte 1)

Il s’agit encore une fois de stratégies cognitives, qui semblent alors être essentielles pour la compréhension d’un grand nombre d’éléments du texte.