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Chapitre 2 : Méthodologie

2.3 Les méthodes et traitements des données

Dans le cadre d’une étude où une grande quantité de sources historiques nominatives sont utilisées, il est évident qu’un traitement exhaustif des données doit être effectué. De même, les techniques utilisées sont parfois assez spécifiques et uniques à ce type d’étude et doivent être bien expliquées pour la bonne compréhension de l’analyse qui s’en suivra.

2.3.1 Le traitement descriptif des données

Même si le sujet du traitement descriptif des données a été effleuré tout au long du présent chapitre, quelques détails restent à préciser. Comme ces sources sont très vastes et que l’ensemble des données nominatives des recensements de 1852 à 1911 de la ville de Québec est mis à notre disposition pour effectuer la recherche, un travail de classement et de création d’indices et de données dérivées a dû être effectué. D’abord, rappelons que la première étape du travail consiste à «nettoyer» et à uniformiser les bases de données des divers recensements. Il fallait d’abord évaluer la fiabilité des données disponibles et leur continuité d’un recensement à l’autre. Si une variable jugée utile n’était pas présente dans tous les recensements, des tentatives de création (ou dérivation) de valeurs ont été effectués lorsqu’elle était absente. Ainsi, en collaboration avec d’autres chercheurs, certaines variables absentes (ou non portées sur support informatique) dans certains recensements et présentes dans d’autres ont été complétées ou dérivées, telles que l’origine ethnique10 et la fréquentation scolaire11.

Nous avons par ailleurs complété le classement EGP relatif à l’emploi pour 1891 et 1911 et créé un indice sur l’occupation principale des individus de moins de 30 ans (à l’école, au travail ou sans occupation). Après un tel classement et de multiples vérifications et validations de données, l’étape suivante consiste à traiter les quatre recensements sélectionnés (1852, 1871, 1891, 1911) afin de créer des tableaux sociodémographiques synthèses portant principalement sur les femmes de la ville de Québec. Ces portraits transversaux, témoignant de la situation des célibataires, des femmes mariées, et des veuves, de leur situation familiale et économique et de leur scolarité, permettent d’atteindre le

10 Un remerciement spécial va à Madame Isabelle Beauregard-Gosselin pour m’avoir transmis le résultat de son travail de

dérivation de l’origine ethnique en 1852 et 1891.

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premier objectif de la recherche qui est d’établir l’évolution structurelle des caractéristiques sociales et économiques des femmes en période industrielle. Ainsi, en étudiant les variables contenues dans les recensements telles que la présence des femmes sur le marché du travail, le poids relatif des femmes célibataires, la taille du ménage et la fécondité selon l’appartenance ethno-religieuse, une étude évolutive pourra être effectuée et des constats de première ligne pourront être faits, permettant de mieux cerner l’évolution de la situation et des trajectoires étudiées.

En guise de conclusion de l’étude transversale des recensements, deux comportements, soit le célibat prolongé et le travail, ont été isolés afin de mieux comprendre quels aspects ou caractéristiques pouvaient entraîner ces comportements. Cette analyse, faite par le biais de rapports de cotes, permet donc de mieux interpréter les facteurs les plus importants à l’origine de deux phénomènes qui prendront de l’ampleur au cours du demi-siècle étudié. En somme, le rapport de cotes permet d’estimer l’impact causal d’un facteur. Dans le premier rapport, soit celui analysant les chances d’être une femme travailleuse en 1852, 1871, 1891 et 1911, l’âge, l’état matrimonial, l’ethnie et la taille du ménage sont les caractéristiques utilisées pour tenter d’expliquer les facteurs engendrant le travail. Même chose pour le deuxième volet de l’étude, où la taille du ménage, l’ethnie et l’occupation principale des femmes de 40 à 64 ans sont employés pour observer quels sont les caractéristiques engendrant le célibat définitif.

2.3.2 Le jumelage et la création de cohortes

Comme mentionné ci-haut, la documentation utilisée présente certaines limites. Le jumelage de plusieurs corpus d’informations apparaît ainsi comme un bon moyen pour combler certaines de ces lacunes. En plus de maximiser le potentiel scientifique des données, le jumelage engendre également de nouvelles informations, donnant une nouvelle dimension à l’étude des individus et permettant des analyses plus poussées (Marcoux, St-Hilaire et Fleury, 2003).

Pour réellement être en mesure de vérifier la diversification des destinées féminines dans le passage à une économie industrielle et rejoindre un des objectifs spécifiques de ce mémoire, soit de cibler des groupes plus sujets aux changements, des parcours de vie ont été reconstitués et étudiés, grâce à la création de cohortes de femmes de Québec. Pourquoi créer une cohorte? Principalement

parce qu’en étudiant des cohortes, on peut «repérer les facteurs démographiques, sociaux ou conjoncturels expliquant les itinéraires d’un ensemble d’individus situés au même point dans l’histoire […]» (Lemieux et Mercier, 1989 : 22). Étant tous nés à la même époque et vivant donc tous dans le même contexte urbain et social, on peut, par l’étude des cohortes, analyser les changements sociaux fondamentaux (Ibid.). Ainsi, pour l’étude, deux cohortes ont été utilisées, toutes deux ayant préalablement été constituées en lien avec le projet Population et histoire sociale de la ville de

Québec12. Les deux cohortes, débutant en 1852 et 1871, sont composées au départ de jeunes filles de

5 ans et de garçons de 10 ans. De là, en se servant de la technique de jumelage de données du recensement et du registre de l’état civil de la ville de Québec, les fichiers obtenus nous permettent de «suivre» le parcours de plusieurs femmes ayant résidé à Québec à un moment ou un autre au cours de la période industrielle. Afin de réaliser de tels parcours de vie et tracer les trajectoires individuelles des individus, les membres de la cohorte ont tous été repérés et «suivis» d’un recensement à l’autre, en utilisant les informations personnelles disponibles telles que le nom et prénom de l’individu et des membres de sa famille, l’âge de tous les membres de la famille, le métier du père de famille, le nom du conjoint(e), le lieu de résidence, etc. Toutes les informations qui pouvaient être employées l’ont été afin de confirmer et valider que la personne retrouvée est toujours la même et qu’il n’y a pas de risque d’homonymie. En cas d’homonymie ou de confusion, le candidat n’était pas retenu. Par contre, ces individus rejetés pour une année donnée ont tout de même été recherchés dans le recensement suivant. Parfois, certains absents ont été retrouvés dans le recensement suivant, ce qui crée des situations particulières, comme par exemple, lorsque dans la cohorte de 1852 on arrive au fait qu’en 1881, plus aucun garçon d’ethnie «autre» n’est retrouvé, mais dix en plus tard, il s’en trouve toujours un vivant à Québec. Ou encore, dans la seconde cohorte, lorsqu’on compte en 1901 neuf Anglo- protestantes toujours présentes et qu’en 1911, elles sont rendues 11. Au-travers de tout cela, mes recherches se sont basées sur le travail déjà accompli, en exploitant les données compilées et en venant compléter certaines informations sur une fraction de la population de la cohorte de 1871.

Ces biographies individuelles donneront une image plus juste de la situation globale des femmes et permettront de mieux comprendre l’évolution entre les portraits transversaux, allant ainsi rejoindre l’objectif principal qui est d’analyser la diversification des trajectoires féminines à Québec. Il

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s’agit d’un procédé en démographie et géographie historique pour le moins unique et très intéressant dans l’étude d’une population dans le temps.

2.3.3 Le géoréférencement et la cartographie

Comme le mentionne le PHSVQ, le travail de saisie de données est en cours depuis au moins dix ans. Au fil de ces saisies, un travail de géocodage de l’information a été effectué, permettant la localisation des ménages et des établissements industriels (Marcoux, St-Hilaire et Fleury, 2003). Ainsi, grâce au géoréférencement, chaque individu issu des données du recensement peut être relié à son lieu de résidence, nous permettant de connaître son environnement, son milieu de vie et possiblement sa maison et inversement, le géoréférencement permet aussi de caractériser chaque lieu avec la population qui l’habite et ce, à toutes les échelles pertinentes (Olivier, 2003).

Un système d’information géographique très riche est ainsi disponible pour les recensements de 1871 et de 1901 grâce aux travaux du PHSVQ. Comme mentionné antérieurement, l’étude qui suit reprendra les travaux de cartographie effectués par Lanouette sur la spatialité des emplois dans la ville de Québec entre 1871 et 1901. Les données sur les femmes des deux cohortes seront arrimées à celles de Lanouette pour présenter la spatialité des travailleuses de la ville à la même époque. Enfin, une brève représentation cartographique inédite sera présentée, afin de bien situer les travailleuses de la ville.

Ainsi, l’étude qui suit tentera, à l’aide de ces méthodes, d’être la plus complète possible quant à l’analyse des trajectoires féminines en milieu industriel. Les tableaux transversaux, tout comme les études longitudinale et spatiale des femmes seront au cœur de l’analyse et mettront de la lumière sur ce volet de la ville de Québec encore trop peu étudié.

Chapitre 3 : Québec en quatre temps : les tableaux