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Quelles Institutions pour une Croissance Économique Soutenue?

4. Stratégies empiriques

4.3 Méthodes d’estimation économétrique

Il apparaît que notre démarche empirique présente plusieurs avantages mais la fiabilité de nos résultats nécessite la résolution des problèmes d’endogénéité susceptibles d’exister dans nos modèles. En effet, s’il est possible que les institutions déterminent une croissance soutenue, il est aussi possible que les pays enregistrant des phases de croissance soutenue soient également les pays capables de se doter de « bonnes » institutions. Par ailleurs, du fait du « caractère subjectif » de la mesure de la qualité des institutions, nous ne pouvons pas exclure les risques d’erreurs de mesure des différents indices institutionnels, susceptibles d’entraîner des résultats biaisés. Enfin, des pays dotés de « bonnes » institutions peuvent aussi avoir d’autres facteurs favorables à la CES, l’omission de ces facteurs peut entraîner des erreurs d’endogénéité.

Ainsi, les trois sources classiques d’endogénéité peuvent exister dans nos données. Cependant, nous ne disposons pas de variables instrumentales variables dans le temps, et issues d’expériences naturelles pour les institutions. De plus, comme nous comparons les effets de trois types d’institutions, il nous faudrait au moins trois variables instrumentales issues d’expériences naturelles pour les institutions, ce qui est loin d’être évident.

Afin de résoudre le problème d’endogénéité, nous recourons à la technique de GMM

system de Blundell et Bond (1998). Cette technique d’estimation a l’avantage de permettre la

correction de l’endogénéité quelles que soient ses origines. De plus, la méthode GMM system permet de corriger l’endogénéité des variables explicatives d’intérêt mais aussi, des autres variables explicatives susceptibles d’être endogènes, pourvu que l’on utilise un nombre adéquat de variables retardées comme instruments. L’une des critiques formulées souvent à l’endroit de la méthode GMM system, est qu’elle permet au chercheur d’utiliser un grand nombre de variables instrumentales, de sorte qu’on pourrait être amené à douter de la fiabilité des résultats. Afin de palier cette limite, dans la plupart de nos estimations, nous prenons soin de n’utiliser que les deux premiers retards des variables explicatives comme variables instrumentales, ce qui nous permet d’utiliser un nombre adéquat d’instruments.

L’application de la méthode GMM system dans le cadre de ce travail présente cependant quelques difficultés. En effet, en utilisant la méthode GMM system avec nos données, cela signifie que nous utilisons un modèle de probabilité linéaire du fait du caractère

101 binaire de notre variable expliquée. Or, en utilisant les modèles de probabilité linéaire, il est possible que la valeur prédite de la variable expliquée soit inférieure à 0 ou supérieure à 1. C’est là l’une des grosses limites des modèles de probabilité linéaire car la valeur d’une probabilité est censée être comprise entre 0 et 1. D’où la nécessité de vérifier le nombre d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la variable expliquée n’est pas comprise entre 0 et 1. Si pour la majorité des observations, la valeur prédite de la variable expliquée varie entre 0 et 1, les résultats obtenus à partir des modèles de probabilité linéaire pourraient alors être considérés avec moins de réserve (Wooldridge 2000, chapitre 7).

Comme modèles de probabilité linéaire additionnels, nous utilisons les MCO avec des données en pooling et la méthode des effets fixes. Le modèle à effet fixe dans le cadre de ce travail, est un modèle de probabilité linéaire permettant de contrôler pour les effets fixes temporels et individuels, ce qui permet de réduire le problème d’endogénéité des variables. L’utilisation des MCO, et du modèle à effet fixe permet de tester la robustesse des résultats obtenus par la méthode GMM system du moins, pour ce qui est des signes des coefficients. De plus, en comparant les résultats du GMM system à ceux du modèle à effet fixe, nous pourrons identifier la source d’endogénéité dans nos données.

Nous utilisons également un modèle probit avec nos données de panel. Dans ce cas, il est certain que les valeurs prédites de la variable expliquée varient entre 0 et 1. Cependant, la version du modèle probit avec des données de panel qui est pour le moment programmée sur STATA, présente la limite de ne s’appliquer qu’avec des modèles à effet aléatoire en faisant l’hypothèse forte de l’indépendance des effets spécifiques individuels par rapport aux variables explicatives31.

Nous utilisons donc quatre différentes méthodes d’estimation économétrique pour effectuer nos régressions, ce qui permet de tester la robustesse de nos résultats par rapport aux méthodes d’estimation. Cependant, de tous les résultats, ceux obtenus à partir de la méthode

GMM system nous semblent plus convaincants car avec cette technique, nous contrôlons pour

les effets fixes pays et temporels et nous corrigeons également pour l’endogénéité de nos

31 Nous utilisons aussi un modèle logit avec effets fixes. Dans ce cas nous n’avons pas besoin de supposer l’absence de corrélation entre les effets spécifiques pays et les variables explicatives. Les résultats obtenus sont dans l’ensemble semblables à ceux du modèle probit. Nous préférons présenter les résultats des estimations par le modèle probit avec effets aléatoires aux côtés des résultats de modèles de probabilité linéaire, puisqu’ils sont plus comparables. Car aussi bien dans les modèles probit que les modèles de probabilité linéaire, l’on suppose que les erreurs suivent une loi normale, alors que dans le modèle logit, les erreurs sont supposées suivre une loi logistique. Par ailleurs, l’utilisation du modèle logit avec effets fixes est fondée sur les probabilités conditionnelles en excluant des régressions des observations pour lesquelles la probabilité est toujours égale à 0 ou à 1 dans le but de résoudre le problème de paramètre incident. Ainsi, l’exclusion de certaines observations quoi que nécessaire, est discutable dans le modèle logit avec effets fixes.

102 différentes variables explicatives. Par ailleurs, il faut aussi noter que nous utilisons des données de panel non cylindré, ce qui signifie que pour certaines variables et certaines périodes, nous avons des observations manquantes.

5. Résultats des estimations économétriques

Le tableau II.2 montre que l’indice d’institutions politico-économiques affecte positivement et significativement la probabilité de CES. Ce résultat s’observe indépendamment de la méthode d’estimation utilisée comme on peut le remarquer dans les colonnes 1 à 4 du tableau II.2.

Une observation des résultats indique que l’effet de l’indice d’institutions

politico-économiques diminue lorsque nous ne corrigeons pas pour l’endogénéité de cette variable. En

effet, la valeur du coefficient de l’indice d’institutions politico-économiques passe de 0,07 en effet fixe, à 0,12 en GMM system ce qui révèle un problème d’endogénéité dû aux erreurs de mesure de la qualité des institutions. De même, à travers le tableau II.2, il apparaît que pour presque la totalité des observations, la valeur prédite de la probabilité de CES est comprise entre zéro et un. Dans ce cas alors, les résultats des modèles de probabilité linéaire en général et ceux de GMM system en particulier, peuvent être considérés avec moins de réserve. Les résultats du test de Sargan-Hansen en GMM system montrent que les variables retardées des différentes variables endogènes sont de bons instruments.

Quant au résultat des estimations en probit, il indique aussi un coefficient positif et significatif de l’indice d’institutions politico-économiques. De plus, il se révèle que la variance des effets aléatoires est très significative dans le modèle probit. Ceci suggère que le modèle probit à effet aléatoire est plus performant que le modèle probit sans la prise en compte des effets aléatoires.

En analysant l’effet spécifique de chaque type d’institution sur la probabilité de CES, il apparaît dans le tableau II.3 qu’indépendamment de la méthode d’estimation utilisée, chaque type d’institution affecte positivement et significativement la probabilité de CES. Ainsi, tel que nous le démontrons théoriquement, les données semblent confirmer que l’amélioration de la qualité de chaque type d’institution est nécessaire pour la soutenabilité de phases de croissance positive. Comme dans le cas de l’indice composite, les erreurs de mesure associées à chaque type d’institutions seraient à l’origine de l’endogénéité des différents indices institutionnels.

103 Tableau II.2 : Effets combiné et simultané des institutions sur la probabilité de croissance économique soutenue

MCO Effet Fixe GMM System Probit (EA) MCO Effet Fixe GMM System Probit (EA) (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) Indice 0.046 0.074 0.120 0.160 (7.64)*** (5.10)*** (3.75)*** (5.77)*** Reg 0.017 0.112 0.104 0.127 (0.85) (3.72)*** (1.70)* (1.55) Prop 0.046 0.054 0.041 0.164 (3.50)*** (2.92)*** (1.62) (3.32)*** Dem 0.137 0.158 0.020 0.223 (1.81)* (1.21) (0.10) (0.84) Constante -0.168 -0.165 -0.742 -1.498 -0.048 -0.323 -0.090 -1.381 (2.47)** (0.93) (1.84)* (4.15)*** (0.51) (1.80)* (0.28) (3.08)*** Nombre d’Observations 692 692 692 692 692 692 692 692 Nombre de pays 118 118 118 118 - 118 118 118 Pourcentage d’observations1/ 100% 100% 98% - 100% 91% 97% - Test de Sargan-Hansen 2/ - - 0.238 - - - 0.368 - AR (1) 2/ - - 0.000 - - - 0.000 - AR (2) 2/ - - 0.643 - - - 0.733 - Log de vraisemblance - - - -388.116 - - - -388.017 χ² du test de variance 3/ - - - 22.91*** - - - 21.43***

Note : ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement aux seuils de 1%, 5%, et 10%. Les chiffres entre parenthèses sont des t de student robustes à l’hétéroscédasticité. Toutes les estimations à l’exception de celles en MCO, contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés. 1/ Il s’agit du pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la probabilité de croissance soutenue est comprise entre 0 et 1.

2/ Désigne les valeurs de P-value associées aux différents tests et indiquent particulièrement que les instruments utilisés en GMM system sont bons. Dans la plupart

des spécifications, nous utilisons les deux premiers retards des variables explicatives comme variables instrumentales pour les estimations en GMM system. Le test de Sargan-Hansen est un test de qualité des instruments comparable au test de Sargan à la différence que le premier test corrige pour l’hétéroscedasticité des résidus.

3/ Il s’agit du χ² du test de signification des effets aléatoires dans le modèle probit avec effets aléatoires. Ce test indique que le modèle probit avec effets aléatoires est préférable au modèle probit sans effets aléatoires lorsque le χ² est significatif.

104 Tableau II.3 : Effets spécifiques des institutions sur la probabilité de croissance économique soutenue

MCO Effet Fixe GMM system Probit avec effet aléatoire

(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12) Reg 0.070 0.103 0.142 0.262 (4.61)*** (3.85)*** (1.73)* (3.76)*** Prop 0.065 0.072 0.044 0.223 (7.84)*** (4.23)*** (1.73)* (6.14)*** Dem 0.355 0.104 0.439 0.962 (7.42)*** (0.88) (2.35)** (4.99)*** Constante -0.035 0.006 0.177 -0.124 0.175 0.388 -0.132 0.365 0.246 -1.626 -0.916 -0.616 (0.42) (0.14) (6.90)*** (0.80) (1.67)* (5.75)*** (0.30) (2.22)** (2.46)** (3.93)*** (3.55)*** (3.62)*** Nombre d’observations 772 751 847 772 751 847 772 751 847 772 751 847 Nombre de pays - - - 121 121 118 121 121 118 121 121 118 Pourcentage d’observations 1/ 100% 100% 100% 99% 99% 100% 96% 100% 100% - - - Test de Hansen-Sargan 2/ - - - - - - 0.216 0.131 0.377 - - - AR (1)2/ - - - - - - 0.000 0.000 0.000 - - -- AR (2)2/ - - - - - - 0.805 0.555 0.929 - - - Log de vraisemblance - - - - - - - - - -444.731 -425.010 -481.514 χ² du test de variance - - - - - - - - - 42.00*** 21.19*** 33.92***

Note : ***, **, * désignent des coefficients significatifs respectivement au seuil de 1%, 5%, et 10%. Les chiffres entre parenthèses sont des t de student robustes à l’hétéroscédasticité. Toutes les estimations à l’exception de celles en MCO, contiennent des muettes temporelles dont les coefficients ne sont pas reportés. 1/ Il s’agit du pourcentage d’observations pour lesquelles la valeur prédite de la probabilité de croissance soutenue est comprise entre 0 et 1.

2/ Désigne les valeurs de P-value associées aux différents tests et indiquent particulièrement que les instruments utilisés en GMM system sont bons. Dans la plupart

des spécifications, nous utilisons les deux premiers retards des variables explicatives comme variables instrumentales pour les estimations en GMM system. Le test de Sargan-Hansen est un test de qualité des instruments comparable au test de Sargan à la différence que le premier test corrige pour l’hétéroscedasticité des résidus.

3/ Il s’agit du χ² du test de signification des effets aléatoires dans le modèle probit avec effets aléatoires. Ce test indique que le modèle probit avec effets aléatoires est préférable au modèle probit sans effets aléatoires lorsque le χ² est significatif.

105 Chacune des trois institutions que nous considérons, exerce un effet positif et significatif sur la probabilité de CES. Quelles sont alors les institutions dont l’effet sur la CES résiste à celui des autres, autrement dit quelles sont les institutions les « plus importantes » pour une croissance économique soutenue ?

Afin de répondre à cette question, nous nous référons aux résultats du tableau II.2. Dans ce cas, il apparaît qu’en GMM system, seules les institutions de régulation continuent d’exercer un effet positif et significatif sur la CES, après avoir pris en compte l’effet simultané des trois institutions. Ainsi, les institutions de régulation remplissent les deux critères que nous avons définis précédemment pour l’identification des institutions les « plus importantes » pour la CES. En effet, les institutions de régulation ont un effet séparé positif et significatif sur la probabilité de CES, et cet effet demeure positif et significatif malgré la prise en compte des effets des autres institutions. Nous pouvons alors déduire que les institutions de régulation sont les plus importantes pour la soutenabilité de la croissance économique.

Un tel résultat peut s’expliquer par le fait qu’une régulation efficace des activités économiques est susceptible de favoriser l’entrée sur le marché des investisseurs privés plus dynamiques et plus innovateurs. Il s’agit par exemple, de jeunes investisseurs qui n’auraient pas les moyens nécessaires pour faire face aux coûts élevés de création de nouvelles entreprises lorsque la régulation des activités économiques est trop forte. L’entrée sur le marché des investisseurs plus innovateurs va contribuer à la CES en affectant positivement le niveau de la PGF, par l’amélioration du niveau global de productivité grâce aux innovations qu’apporteraient ces investisseurs à l’économie. Dans le même sens, en utilisant les données de Doing Business, plusieurs auteurs montrent que de faibles coûts d’entrée sur le marché encouragent l’entreprenariat et stimulent la productivité des entreprises [Alesina et al. (2005) ; Perotti et Volpin (2004) ; Klapper, Laeven et Rajan (2006) ; Fisman et Sarria-Allende (2004) ; Antunes et Cavalcanti (2007) ; Barseghyan (2008) ; Klapper, Lewin et Quesada Delgado (2009)].

Les résultats des tableaux II.2 et II.3 indiquent que l’indice d’institutions

politico-économiques affecte positivement et significativement la probabilité de CES. De même, les

résultats de ces tableaux montrent que de bonnes institutions de régulation, de protection des droits de propriété et des institutions démocratiques sont toutes nécessaires pour une CES. Cependant, les institutions de régulation se révèlent plus importantes pour une CES. Les institutions n’étant pas tangibles ou des facteurs physiques, elles ne peuvent engendrer une CES qu’à travers des mécanismes qu’il convient d’explorer et de comprendre.

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