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Quelles Institutions pour une Croissance Économique Soutenue?

2. Caractéristiques des phases de croissance soutenue

2. Caractéristiques des phases de croissance soutenue

Nous considérons qu’un pays enregistre une croissance économique soutenue lorsque le taux de croissance du PIB par tête de ce pays est positif pendant cinq ans consécutifs19. Nous analysons les caractéristiques de CES à travers les évolutions régionales et temporelles des probabilités inconditionnelles de CES. Compte tenu de la disponibilité des données, le calcul de ces probabilités se fait sur toute la période d’analyse en supposant en moyenne que chaque cinq ans, 110 pays disposent d’observations nécessaires pour juger du caractère soutenu ou non de leurs phases de croissance positive. Avec neuf sous périodes de cinq ans, le nombre total de possibilités de CES s’élève à 990. Pour obtenir les probabilités inconditionnelles de CES sur la période 1960-2003, nous faisons le rapport entre le nombre de pays ayant effectivement connu une croissance soutenue et les 990 possibilités totales. Afin d’obtenir les probabilités quinquennales, nous faisons le rapport entre le nombre de pays ayant connu une croissance soutenue sur le nombre total de pays susceptibles de réaliser une croissance soutenue au cours d’un quinquennat donné.

A travers le tableau II.1, il apparaît que la soutenabilité de croissance économique au cours de la période 1960-2003 n’est pas un phénomène rare, car la probabilité pour un pays

19 Haussmann, Prichett et Rodrik (2004, 2005) considèrent qu’une croissance accélérée est soutenue lorsqu’elle dure pendant au moins huit ans consécutifs. Dans ce chapitre, nous considérons la période de cinq ans compte tenu de la fréquence à laquelle nos données sur les institutions sont renseignées.

82 représentatif de notre échantillon de réaliser une croissance soutenue au cours de cette période est de 0,36, soit approximativement deux quinquennats pendant 25 ans. Par contre la probabilité de soutenabilité d’une forte croissance économique n’est que de 0,21 au cours de la même période. Soutenir une forte croissance économique semble donc relativement plus difficile.

Pour l’ensemble de l’échantillon, la période précédant les chocs pétroliers -fin des années 1970, début des années 1980- est la plus favorable pour une CES. Pendant les chocs pétroliers la probabilité de CES dans un pays représentatif de notre échantillon est quasiment réduite de moitié, relativement à la période précédente. Aux lendemains des chocs pétroliers, le nombre de pays ayant connu une croissance soutenue a immédiatement augmenté pour enregistrer une nouvelle baisse au cours du premier quinquennat des années 1990. Au début des années 2000, la probabilité de CES atteint sa valeur de la période précédant les chocs pétroliers, ce qui n’est pas le cas de la soutenabilité d’une forte croissance économique.

Cette vue d’ensemble de l’évolution de probabilités de CES cache certaines disparités entre groupes de pays. En effet, même si la période précédant les chocs pétroliers est plus favorable pour des phases de croissance soutenue, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement, il apparaît généralement qu’un pays développé a plus de chance de connaître une croissance soutenue qu’un pays en développement.

L’évolution des probabilités de CES dans les pays développés et dans les pays en développement, révèle une différence du cycle de CES entre ces deux catégories d’économie. Cette différence s’observe surtout aux lendemains des chocs pétroliers. Dans les pays développés le quinquennat suivant les chocs pétroliers fut marqué par une augmentation du nombre de pays ayant connu une croissance soutenue, alors que le quinquennat 1990-94 était marqué par une diminution de ce nombre. Les pays développés se sont donc vite remis des chocs pétroliers mais de façon non durable probablement du fait des perturbations des marchés financiers et de changes connues par les pays européens au début des années 1990 ; et du fait aussi de la guerre du Golf. Au cours des deux derniers quinquennats, les pays développés retrouvent les valeurs de probabilité de CES d’avant les chocs pétroliers mais un petit fléchissement de la valeur de cette probabilité s’observe au cours du dernier quinquennat de notre analyse.

Dans les pays en développement, la sortie de crises pétrolières n’a pas été immédiate et c’est à partir du quinquennat 1990-94 que la reprise s’est amorcée. La sortie de crises pétrolières a été progressive avec une nette amélioration de la situation au cours du dernier

83 Tableau II.1 : Caractéristiques des phases de croissance économique soutenue de 1960 à 2003

Probabilités inconditionnelles de croissance économique soutenue 1/

Périodes Pays 2/ Total pays 3/ Probabilité périodique 4/ Probabilité PD 5/ Probabilité PVD 6/ Probabilité ASS 7/ Probabilité ALC 8/ Probabilité ASP 9/ Probabilité MO 10/ Probabilité EEC 11/ 1961-64 44 94 0.47 0.75 0.37 0.22 0.40 0.60 0.29 .. 1965-69 44 97 0.45 0.88 0.31 0.21 0.36 0.53 0.00 1.00 1970-74 43 100 0.43 0.67 0.34 0.24 0.40 0.53 0.00 1.00 1975-79 24 104 0.23 0.18 0.25 0.08 0.20 0.47 0.44 1.00 1980-84 26 112 0.23 0.35 0.19 0.11 0.00 0.60 0.19 0.50 1985-89 38 114 0.33 0.69 0.20 0.14 0.20 0.40 0.09 0.33 1990-94 26 120 0.22 0.17 0.24 0.07 0.28 0.60 0.20 0.00 1995-99 53 121 0.44 0.72 0.32 0.38 0.20 0.40 0.27 0.40 2000-03 58 121 0.48 0.69 0.39 0.41 0.16 0.47 0.45 1.00 Total 356

Probabilités inconditionnelles d’une forte croissance économique soutenue 12/

Périodes Pays Total pays Probabilité périodique Probabilité PD Probabilité PVD Probabilité ASS Probabilité ALC Probabilité ASP Probabilité MO Probabilité EEC 1961-64 29 94 0.31 0.58 0.21 0.13 0.20 0.33 0.29 .. 1965-69 29 97 0.30 0.56 0.21 0.13 0.16 0.47 0.00 1.00 1970-74 27 100 0.27 0.41 0.22 0.16 0.32 0.20 0.00 1.00 1975-79 17 104 0.16 0.18 0.16 0.04 0.04 0.40 0.33 1.00 1980-84 13 112 0.12 0.06 0.14 0.11 0.00 0.47 0.00 0.50 1985-89 22 114 0.19 0.41 0.11 0.07 0.04 0.33 0.00 0.33 1990-94 14 120 0.12 0.06 0.14 0.03 0.08 0.53 0.10 0.00 1995-99 25 121 0.21 0.31 0.16 0.14 0.12 0.40 0.09 0.00 2000-03 29 121 0.24 0.28 0.22 0.28 0.00 0.33 0.09 1.00 Total 205

Note : 1/ Par croissance économique soutenue, nous entendons une croissance positive du PIB par tête pendant cinq ans consécutifs. En principe, notre échantillon devrait comprendre 123 pays dont 85 pays en développement et 38 pays développés. Mais tous les pays ne disposent pas à toutes les périodes d’un nombre suffisant d’observations pour juger du caractère soutenu ou non de leurs phases de croissance économique.

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3/ Désigne le nombre total de pays pour lesquels nous disposons d’un nombre suffisant d’observations nous permettant de nous prononcer sur le caractère soutenu ou non de leurs taux de croissance économique positive au cours d’un quinquennat donné.

4 / La probabilité périodique d’une croissance soutenue est obtenue par le rapport du nombre de pays ayant connu une croissance soutenue, sur le nombre total de pays pour lesquels nous disposons d’observations suffisantes pour juger du caractère soutenu de leurs taux de croissance au cours d’un quinquennat donné.

5/ Désigne la probabilité pour un pays développé (selon la classification de la Banque Mondiale) de connaître une croissance soutenue au cours d’une période donnée. Cette probabilité se calcule de la même manière comme dans le cas général mentionné ci-dessus.

6/ Il s’agit de la probabilité pour un pays en développement (nous considérons aussi les ex-pays communistes d’Europe de l’Est comme des pays en développement) de réaliser une croissance soutenue.

7/ 8/ 9/ 10/ 11/ Désignent respectivement la probabilité pour un pays d’Afrique au Sud du Sahara, d’Amérique Latine et des Caraïbes, d’Asie et du Pacifique, du Moyen Orient et d’Afrique du Nord et de l’Europe Centrale et de l’Est d’enregistrer une croissance soutenue au cours d’une période donnée. La valeur de 1 pour l’Europe de l’Est ne devrait pas surprendre car généralement les données disponibles pour cette région sont celles de la Lettonie, qui en général enregistre des taux de croissance positifs. C’est au cours des derniers quinquennats que les données sont plus disponibles pour les pays de l’Europe de l’Est.

12/ Par forte croissance économique soutenue, nous entendons une croissance annuelle du PIB par tête d’au moins 2% observée pendant cinq ans consécutifs. Une telle définition s’inspire de Hausmann, Prichett et Rodrik (2004, 2005) qui soutiennent que le taux de 2% est celui auquel devrait croître annuellement une économie afin de converger vers les pays industrialisés.

85 quinquennat pendant lequel la probabilité de CES atteint sa valeur de la période précédant les chocs pétroliers. Il apparaît donc une différence d’évolution des phases de CES entre pays développés et pays en développement. Cette différence s’observe surtout aux lendemains des chocs pétroliers. Cependant, au sein même du groupe des pays en développement, il existe aussi des différences d’évolution des phases de CES.

Les pays d’Asie et du Pacifique, comparativement aux autres pays en développement sont atypiques en matière de CES. Car en général, la probabilité de CES pour un pays de cette région est supérieure à celle du pays représentatif de notre échantillon.

L’évolution de la probabilité de CES des pays d’Afrique du nord et du Moyen Orient indique que, pour ce groupe de pays en développement, la période la plus favorable pour une CES est celle du premier choc pétrolier. De plus, dans cette région la remise du second choc pétrolier s’est faite avec retard et de façon progressive. On observe une nette amélioration de la probabilité de CES au dernier quinquennat, grâce surtout à l’augmentation du nombre de pays d’Afrique du nord ayant enregistré des taux de croissance positifs.

En Afrique au sud du Sahara, la période la plus favorable pour une CES est celle des deux derniers quinquennats. Ceci pourrait traduire, la manifestation des effets de réformes économiques ajustement structurel, dévaluation du franc CFA et de réformes politiques -début de démocratisation des régimes politiques- introduites dans les années 1980 et 1990 en Afrique subsaharienne. L’évolution de CES aux lendemains des chocs pétroliers en Afrique subsaharienne est semblable à celui des pays développés, traduisant ainsi dans une certaine mesure, la forte relation entre les économies africaines et celles des pays développés. En effet, la reprise de l’activité économique en Afrique subsaharienne s’est manifestée dès le premier quinquennat après le second choc pétrolier pour s’estomper cinq ans plus tard, comme dans le cas des économies développées.

Dans la région d’Amérique Latine et des Caraïbes, la période favorable pour une CES est celle qui précède les chocs pétroliers. La région fut surtout marquée par le second choc pétrolier au cours duquel aucun pays de cette région n’a connu une croissance soutenue. En Amérique Latine et dans les Caraïbes, la reprise de l’activité économique après les chocs pétroliers a été immédiate et s’est traduite par la hausse de la valeur de probabilité de CES pendant la première décennie après le second choc pétrolier. Cet élan de reprise d’activités économiques dans cette région s’est estompé à partir du quinquennat 1995-99 à la suite de séries de crises financières enregistrées par les économies latino américaines. L’interruption de la reprise des activités, s’est faite surtout sentir en termes de soutenabilité d’une forte

86 croissance économique, puisqu’au cours du dernier quinquennat aucun pays de cette région n’enregistre une forte croissance économique soutenue.

Dans les pays d’Europe centrale et de l’Est, après les chocs pétroliers, le dernier quinquennat fut la période la plus favorable pour des phases de croissance soutenue. Ce qui pourrait traduire dans une certaine mesure, le début de manifestation des effets positifs des réformes introduites au début des années 1990 dans ces pays.

Il apparaît sur la période 1960-2003 que les pays développés ont plus de chance que les pays en développement de réaliser des phases de croissance soutenue. Ce constat se révèle à travers les statistiques du tableau II.1 et renforce l’intérêt pour l’analyse de l’effet des institutions sur des phases de croissance soutenue, car la qualité des institutions dans les pays développés est plus élevée comparativement à celle des pays en développement.