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2.2.1 « Global forces » et « global imaginations »

3.4 Méthodes d'analyse

Dans le respect de la démarche progressive exposée en début de chapitre, l'analyse des données a été entamée simultanément à la collecte des données. Celle-ci a progressivement pris la forme d'une analyse thématique dont les principales étapes sont exposées ici. Après la compilation et la classification des notes prises durant l'observation participante et la transcription des entrevues en verbatim, une première lecture de l'ensemble des données a été réalisée. S'en est suivie une analyse thématique consistant en un repérage systématique des thèmes abordés dans les données (Paillé 1996). À titre d'exemple certains grands thèmes étaient : structure de l'organisation; sources de financement; description des activités de sensibilisation; référence à des groupes particuliers (femmes, jeunes, population rurale, population urbaine, etc.). Les thèmes principaux dégagés ont par la suite été mis en lien entre eux, avec le contexte, avec d'autres recherches extérieures et avec différents concepts théoriques, et ce, de manière recursive. D'une logique classificatoire (analyse thématique), l'analyse est ainsi passée à une logique plus interprétative (Paillé 1996). De nouveaux thèmes ont alors été dégagés tels que : éléments perçus par les acteurs comme « culturels », rapports conflictuels (État, bailleurs de fonds, autres ONG, etc.), hiérarchisation des savoirs sur la santé, etc.

Pour cette dernière étape, afin d'articuler les thèmes relevés aux concepts théoriques, d'établir des liens et d'en tirer des interprétations, la méthode utilisée a également été inspirée par l'analyse de discours55. Brown et Bell, se basant sur une analyse du discours

foucaldienne, conceptualisent le discours de la sorte : « we view discourse not only as a group of signs but as practices that play a major role in the constitution of social subjectivity» (2008: 1573). Cette forme d'analyse représente donc tant une approche théorique que méthodologique (Wilce 2004) puisque la notion de discours fait référence aux différents textes en soi (dans cette recherche : interactions entre les participants et les intervenants, entrevues, discours de sensibilisation produit par les ONG, par l'État, par l'OMS, etc.) ainsi qu'au processus complet de production de ces textes. Plus concrètement,

55 Les approches qualitatives ne sont pas uniformément catégorisées et distinguées et les variations sur leur

définitions sont considérables d'un auteur à l'autre. Dans cette mesure, tout en m'inspirant de la démarche d'analyse de discours, je ne l'applique pas dans son ensemble (pour une présentation détaillée de l'analyse de discours voir Bernard 2006).

dans la présente recherche, l'analyse du discours porte sur deux éléments, à savoir les discours sur l'objet de recherche, la sensibilisation à la santé mentale (contenu des ateliers, formes de ceux-ci, enjeux liés à la sensibilisation) et les discours des participants sur leurs intentions (explications des motivations qui poussent à favoriser une certaine approche de la sensibilisation, justifications de leurs perspectives et pratiques, etc.). Tel que le mentionne Adams : « Ethnographie pursuit should attend not only to the way our informants behave culturally, but also to the way they theorize about their behaviour and their social practices » (2000 : 242). Ces discours ont ensuite été envisagés tant selon leur contenu direct (ce qui est explicite) que leur contenu indirect (démarche interprétative pour lier le contenu au contexte) afin de prendre en compte tout le processus de production du discours. Cette démarche correspond bien à mon approche théorique interprétative et critique puisque l'analyse porte sur le sens que les individus donnent à leur pratique tout comme sur les contextes qui sculptent la réalité dans laquelle les individus évoluent (Merriam 1998). Une telle approche permet également d'examiner les imbrications entre le discours officiel des ONG et les discours individuels des intervenants à la lumière du contexte dans lequel ils sont produits.

Les procédés d'analyse thématique et discursive privilégiés diffèrent donc de l'analyse de contenu qui répertorie la fréquence d'apparition de termes ou d'idées selon des catégories préalablement établies. En effet, bien que mon analyse ait mis en évidence certains thèmes récurrents, le processus d'interprétation des données a aussi pris en considération des données d'exception ainsi que des données infirmant les tendances prédominantes pour suivre la démarche interprétative suggérée (Silverman 2003 : 348). Suivant cette voie, l'objectif est moins déjuger du degré de véracité des propos tenus par les « informateurs » que d'examiner leurs propres interprétations des phénomènes étudiés ici. Les approches retenues impliquent donc de considérer les rhétoriques que les personnes déploient pour se faire comprendre, justifier leurs actions, donner sens à leur propos: «this narrative approach claims that, by abandoning the attempt to treat respondents' account as potentially "true" pictures of "reality", we open up for analysis the culturally rich methods through which interviewers and interviewees, in concert, generate plausible accounts of the world » (Silverman 2003 : 343).

Ainsi, au lieu de favoriser une analyse qui dégage et fait ensuite état des thèmes les plus récurrents d'un corpus de données, l'objectif de l'analyse discursive est de situer les propos des personnes dans les contextes plus larges, de cerner d'où ils émergent et pourquoi ils se constituent de la sorte, tout en prenant en compte la construction qu'en fait le chercheur lui- même. C'est dans cet objectif qu'un usage rigoureux des concepts théoriques vient donner de la profondeur à ce type d'analyse. Les concepts de multi-dimensionnalité de la santé mentale, de savoir/pouvoir et d'appropriation visent tous trois à expliquer le contexte et les relations entre les structures, les acteurs et le savoir public sur la santé mentale produit.