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La méthode de l’ethnographie

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 178-181)

L A COLLECTE ET L ’ ANALYSE D ’ UN MATÉRIAU EMPIRIQUE QUALITATIF

5.1. Les méthodes de collecte des données du cas unique

5.1.2. La méthode de l’ethnographie

L’ethnographie a acquis depuis longtemps ses lettres de noblesse. De Malinowski et son étude « à l’autre bout du monde », aux ethnographies contemporaines et leurs objets moins exotiques (même si parfois surprenants), la méthode ethnographique s’est imposée dans les différents champs, pour trouver son chemin jusqu’aux Sciences de Gestion (e.g.

Garsten & Nyqvist, 2013b: 1). Les méthodes de l’ethnologue permettent d’éviter les aléas liés à l’étude du discours (Bourdieu & Mammeri, 2003), difficultés également connues et reconnues en Sciences de Gestion (Alvesson, 2003). L’ethnographie se trouve aussi bien employée en Marketing (e.g. Kozinets, 2002) qu’en contexte organisationnel au sens large (e.g. Neyland, 2008). Selon Neyland (2008: 1), l’ethnographie se définit comme :

« […] une méthodologie de recherche développée à l’origine dans le champ de l’anthropologie qui est désormais utilisée dans un éventail de travaux (dans, par exemple, l’anthropologie, la sociologie, la théorie du management, les études orga-nisationnelles et les études culturelles). Elle implique l’observation de, et la parti-cipation à des, groupes particuliers (tels que des groupes indigènes locaux, des consultants en management, des étudiants en médecine et ainsi de suite). Cette ob-servation et participation vise [sic] à affronter [en: engage with] des questions telles que la façon dont un groupe particulier fonctionne, ce que cela signifie d’être un membre d’un groupe particulier et comment des changements peuvent affecter ce groupe. […] »

Certains (Garsten & Nyqvist, 2013a, comme titre de leur ouvrage) théorisent

« l’anthropologie organisationnelle » ; ils tentent alors d’y expliquer comment « réaliser

l’ethnographie dans et parmi les organisations complexes ». Amit et Mitchell clarifient, dans la préface de cet ouvrage (Garsten & Nyqvist, 2013a: viii, emphase d’origine), la relation entre anthropologie et ethnographie :

« L’anthropologie est une discipline basée sur des travaux ethnographiques en pro-fondeur qui s’intéressent à des questions théoriques larges [en: deal with wider theoritical issues] dans le contexte de conditions locales et particulières – pour pa-raphraser un volume important paru dans cette série [d’ouvrages] : de grandes questions [en: large issues] explorées dans de petits endroits [en: small places].

[…] Nous débutons avec la question : « Que peut nous dire ce matériau ethnogra-phique sur les plus larges questions théoriques qui concernent les sciences so-ciales ? » plutôt que « Que peuvent-nous dire ces idées théoriques sur le contexte ethnographique ? » Formulé ainsi, un tel travail devient au sujet de grandes ques-tions, situées dans [en: set in] un lieu (relativement) petit, plutôt qu’une description détaillée d’un endroit local pour la description en elle-même. Comme l’avait une fois indiqué Clifford Geertz, « Les anthropologues n’étudient pas des villages ; ils étudient dans des villages ». Par lieu, nous n’entendons pas seulement les localisa-tions [en: locale] géographiques, mais aussi d’autres types de « lieux » […]. »

Une telle clarification indique aussi la logique de l’ethnographie, qui nous inté-resse dans un « cas unique » situé : l’étude en profondeur d’une situation non pour la dé-crire, mais pour générer des réponses à des questions plus larges.

La littérature mentionne d’autres intérêts de cette démarche qui permet de « voir et entendre directement ». Ce que l’on qualifie d’« observation directe » possède des carac-téristiques propres avantageuses pour certaines recherches (Manheim et al., 2006: 316) :

« […] Même lorsque nous réalisons des enquêtes [en: conduct surveys], nous nous appuyons sur la mémoire que les répondants ont de leurs expériences ou de leurs perceptions de ce qui les entoure [en: surroundings]–nous n’observons pas réelle-ment leurs actions ou le contexte dans lequel ces actions se produisent. Bien qu’il y ait beaucoup à apprendre à l’aide de ces méthodes de collecte de données, il y a des moments [en: times] où les chercheurs ont besoin de voir et d’entendre les évè-nements par eux-mêmes afin d’en obtenir une compréhension complète. »

Ces mêmes auteurs (2006: 316) notent en quoi « [d]e nouveaux phénomènes peu-vent être étudiés directement […] », et que « [p]our formuler des théories sur [des] opé-rations [nouvelles], il peut être nécessaire de les observer en personne [en : firsthand]. » La démarche trouve, enfin, toujours selon eux (2006: 317), son intérêt dans différents cas, tous en accord avec celui que nous abordons ici : lorsque la situation étudiée reste limitée dans son ampleur et dans son cadre ; dans les cas où l’accès à la situation est possible (contrairement à certains évènements élitistes, par exemple) ; quand la nature de la

re-cherche – la méthode de l’observation directe est chronophage et demande une forte im-plication personnelle – le permet.

Un dernier avantage de cette démarche, dans ma situation, réside dans son aspect

« sensoriel ». Cette méthode de recherche implique la mobilisation des sens pour capter et mémoriser l’empirie, ainsi que la reconnaissance de l’action, alors non neutre, de ces sens dans la production scientifique. Comme l’indique Pink (2015: xi) dans l’introduction de son ouvrage Doing Sensory Ethnography : « Les ethnographes, dans un ensemble consti-tué par différentes disciplines, rapportent et commentent de plus en plus la multi-sensorialité du processus ethnographique. […] »

L’ethnographie sensorielle (en: sensory ethnography), au moins telle que décrite par Pink (2015), repose sur l’idée d’un usage des différentes sources de données (sans en privilégier une). Surtout, il convient de « rendre compte » (en: account for) de l’usage des sens dans la production scientifique. Pour l’étude de l’objet artistique, un objet sensible par nature, l’emploi de l’ethnographie se justifie donc. Certains, lorsqu’ils appelaient à la considération esthétique du leadership (mais ceci s’applique à toutes les pratiques consi-dérées par les Sciences de Gestion), ont invité les chercheurs à retenir des méthodes qua-litatives adéquates (notamment l’ethnographie, l’observation participante et les entretiens qualitatifs) : « L’esthétique porte sur le savoir sensoriel et la signification ressentie, et s’intéresse aux sentiments et émotions et la richesse des qualités [en: qualities ; alors plutôt traits de caractère], donc les chercheurs devront s’engager avec les organisations avec des méthodes qui sont appropriées pour ce type de phénomènes. » (Hansen et al., 2007: 555)

En somme, l’intérêt de l’ethnographie pour ma recherche repose dans l’expérience la plus directe possible des éléments étudiés qu’elle peut offrir. Par ailleurs, puisqu’il s’agit dans cette thèse de mettre à l’épreuve la « pratique » pédagogique par l’art dans la Management Education, il s’agissait d’un choix a priori judicieux, face aux limites con-nues de l’analyse du discours prise seule (e.g. Alvesson, 2003). Les différentes conditions pratiques requises pour mobiliser une telle approche (e.g. limitation temporelle et pra-tique, accessibilité) étaient, par ailleurs, possibles à remplir.

Considérons désormais la façon dont j’ai convoqué cette méthode dans le contexte de l’étude : entre ethnographie de, et dans, mon environnement, entre étude globale et focalisée, entre observation et observation participante.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 178-181)