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4. Revue de littérature sur la méthode des incidents critiques (MIC)

4.1. Rappel de la question de recherche & des trois hypothèses retenues

4.1.3. Méthode de recherche d’incidents critiques

Les deux encadrés ci-dessous synthétisent les concepts clés qui ressortent principalement des enquêtes des auteurs.

Bourion et Persson (2011) ont recueilli de nombreuses informations grâce à l’observatoire créé au sein de l’école Pôle Lorraine de Gestion. L’enquête a été réalisée dans une école de management avec les étudiants qui ont déjà fait un stage de plus de 6 mois et ceux ayant un emploi en alternance dans un milieu professionnel. Pour les auteurs le but de l’enquête a été de déceler des cas d’incidents et des difficultés, voire des situations typiques que les étudiants ont pu rencontrer lorsqu’ils arrivent sur le marché du travail. L’enquête a été conduite à partir d’un observatoire créé en 1995 au sein de l’école Pôle Lorraine de gestion (PLG). Pour réaliser l’enquête les auteurs ont utilisé les sciences du danger (Cindynique) afin d’analyser les comportements qui conduisent à produire ou à reproduire les erreurs au sein des organisations, c'est-à-dire dans leur poste de travail.

Les auteurs cherchaient à déceler via des récits d’expériences (retour d’expériences) des cas d’incidents ou des difficultés liées à la pratique. L’objectif était de comprendre comment ils ont pu résoudre et surmonter les incidents critiques qu’ils rencontrent lorsqu’ils arrivent sur le

La méthode de Bourion et Persson (2011) se focalise sur:

a- Les retours d’expériences, b- Les récits de vie professionnelle, c- La constitution de mémoire métier.

La méthode de Joly (2009) se focalise sur:

a- La pédagogie de l’incident,

b- Les cas exceptionnels et particuliers, c- La force de l’émotion.

marché du travail. Ils entendent par incident critique, nous le rappelons, tout événement pouvant survenir pour détériorer le but général d’une activité (p.305). Les informations collectées auprès de l’observatoire leur ont permis de constater qu’à partir de 539 récits d’expériences recueillis (sur les retours d’expériences), les auteurs ont identifié et analysé 204 situations d’erreurs qui ont émergé de ces récits d’expériences. C’est une démarche apprenante, selon les auteurs, destinée à « prévenir les erreurs comportementales des jeunes diplômés, p.307». De ce fait, dans le dispositif méthodologique, ils affirment que chaque acteur/jeune diplômé parle lui-même de son expérience professionnelle assortie d’éventuelles erreurs personnelles qu’ils ont commises lors de leurs pratiques professionnelles.

4.1.3.1.Observatoire de l’école Pôle Lorraine de Gestion (Bourion et Persson, 2011) Bourion et Persson (2011) ont posé comme problématique de recherche « comment procéder pour que les diplômés en management cessent de reproduire au moins la moitié des mêmes erreurs de débutants d’une promotion à l’autre lors de la première prise de poste ?». Leur enquête a mobilisé indirectement 2500 étudiants toute formation confondue (formation initiale et formation continue) dont un quart se retrouve chaque année sur le marché de l’emploi. Pour recueillir les informations et les données, l’étude utilise la méthodologie du « récit de vie » sur la base des retours d’expériences et du vécu professionnel. L’observatoire « procède par voie écrite et non orale » depuis 2001 à collecter une quantité importante d’informations et de données agrégées. 2128 récits ont été recueillis en 2007 dont chaque récit comporte en moyen 11 500 caractères. D’après Bourion et Persson (2011) aujourd’hui, les milieux universitaires font recours à ce type de méthode de plus en plus nombreuse. Par exemple pour collecter des informations et des données utilisées dans leur recherche, ils ont demandé aux étudiants « décrire134 » par voie écrite une « situation professionnelle » à laquelle ils ont été confrontés et dont ils pensent ou jugent importante selon leur propre perception.

Par la suite ils ont récolté 539 récits sur les jeunes diplômés qui n’ont pas de « vécu professionnel » autrement dit, sur des étudiants qui n’ont encore que six mois d’expériences pour un stage, un emploi antérieur ou pour un poste en alternance. Cependant, pour considérer un fait ou un évènement comme « incident critique », ils ont extrait des récits qu’ils ont sélectionnés à partir du mot-clé « erreur ». Bourion et Persson constatent que des contextes d’erreurs et des situations difficiles ont émergé. En tout 204 contextes et situations d’erreurs collectés. Ils ont estimé que si on fait le rapport du nombre de contexte d’erreurs et

134 La formule est la suivante « Décrivez une situation professionnelle à vos propres yeux, suivant vos propres normes » (p.307).

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le nombre total de récits c'est-à-dire (204/539), un taux moyen d’erreurs de 38% ressort. Les données textuelles (corpus de données) utilisées, après avoir extrait les récits comportant des erreurs comprennent 99200 caractères. Ce corpus de données est construit sous forme de «verbatims» qui a donné 450 UCE (unité de contexte élémentaire).

4.1.3.2.Rencontre entre personnes expérimentées (ex. managers d’entreprise) et personnes n’ayant pas de vécus professionnels (ex. étudiants jeunes diplômés Joly, 2009)

Dans le cas d’une démarche réunissant des personnes ayant de l’expérience (ex. managers d’entreprise) et celles qui n’en ont pas (ex. étudiants jeunes diplômés), Joly (2009) affirme que le chercheur ou l’animateur peut réaliser l’expérience dans une salle, dans un amphithéâtre ou tout simplement pendant les pauses café ou les pauses déjeuners. Ensuite une fois que le groupe est formé d’individus ayant vécu l’incident en question, l’animateur explique sa démarche et procède à écrire sur un texte court les incidents rencontrés par chacun, ensuite les incidents sont distribués aux participants pour la réflexion. Cette réflexion peut être centrée sur les méthodes de résolution de problèmes ou d’incidents mais également sur les causes qui ont conduit à l’incident, voire les situations après l’incident. Pour Joly (2009) la recherche d’incidents et l’écriture de l’incident chez ceux qui l’ont vécu sont très importantes pour réussir la démarche. Il affirme qu’au début de sa démarche, c’est la recherche de cas particuliers « accrocheurs » qui lui a conduit à découvrir la méthode des incidents critiques. Les cas exceptionnels peuvent être identifiés comme incident, selon l’auteur, lors de simple discussion, au tour d’un cocktail, en fin de journée, pendant les pauses fumeurs, par exemple.

De ce fait, Joly (2009) est certain que la prise en compte de l’émoi lors de la recherche d’incident, permet d’actionner des informations potentielles qui ont une valeur supérieure à celles où il n’y a pas d’émotion. Ainsi la méthode permet de faire un « appareillage théorique » sur les heuristiques que les participants développent et sur ceux qu’ils considèrent comme leur vécu ou expérience. La mise à contribution des capacités cognitives et analytiques des participants est essentielle, selon lui, cela conduit à mieux comprendre le processus cognitif. La réussite de la démarche dépend de la qualité de rédaction et d’écriture des incidents par l’animateur ou le chercheur qui conduit la démarche. C’est à ce niveau que le rôle de l’animateur est déterminant selon lui pour que les participants de la démarche vivent à fond leur expérience et leur vécu, positivement.

Pour l’auteur, une des caractéristiques qui permet de mieux réussir la démarche, est celle d’être court (p.177). Cela permet aux interrogés ou aux participants d’assimiler rapidement la démarche. Dans son enquête, Joly recherchait trois caractéristiques (trois impératifs) dont il considère importantes pour réussir la démarche :

La recherche de l’émoi (ou de l’émotion) chez les personnes concernées et interrogées, cela permet de mieux toucher une caractéristique essentielle, l’émotion. D’après lui il faut laisser la spontanéité de l’interrogé (personne ayant connu et vécu l’incident) parlée et c’est même un impératif pour bien réussir la démarche, le deuxième impératif est :

la recherche de la vraisemblance, celle-ci prend une place importante dans la démarche, selon l’auteur car cela conduit à faire ressortir les réactions inattendues chez les participants et leur incrédulité. Cependant, cette incrédulité doit être considérée par l’animateur comme un « comportement de défense » premièrement, et deuxièmement comme révélateur de leur inexpérience, face à la démarche. Tout cela dépend de la personnalité de l’individu en question, enfin le troisième impératif consiste à prendre en compte :

 l’ontologie (ou le retour à l’ontologie d’après l’auteur), il faut considérer que l’incident critique est un composant du comportement de l’être et il ne peut être détaché de l’être (donc une composante ontologique).