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Chapitre 3 Devis méthodologique

3.5 Méthode d’analyse des données

Les données amassées en recherche qualitative sont bien souvent abondantes, ce qui représente un défi lorsqu’il est temps d’en faire l’analyse. L’analyse des données qualitatives ne s’arrête pas à la constitution des corpus, le chercheur doit mettre sa pensée en action, réfléchir à ses référents interprétatifs, nommer ce qu’il a pressenti en cours de collecte de données ou à la lecture de ses transcriptions tout en se laissant surprendre par ses observations ou par les propos partagés par les participants. Pour l’analyse des données de ce mémoire, nous avons combiné trois méthodes d’analyse : l’analyse de contenu; l’analyse thématique; l’analyse des enjeux de la communication.

3.5.1 Analyse de contenu

La méthode d’analyse privilégiée pour ce travail de recherche est l’analyse de contenu, « ensemble de techniques d’analyse des communications visant, par des procédures systématiques et objectives de description du contenu des énoncés, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant l’inférence de connaissances relatives aux conditions de production/réception (variables ou inférées) de ces énoncés » (Bardin, 1977, p.43). Elle est basée sur un système de codification, qui consiste à faire le classement d’éléments d’un message dans des catégories, pour en faire ressortir les caractéristiques spécifiques. Cette méthode a pour visée de comprendre les messages d’un émetteur vers un récepteur au-delà des significations premières. Les procédures d’analyses de contenu diffèrent selon les types de documents ou d’objectifs du chercheur. Son champ d’application est très vaste, pour tout dire, l’analyse de contenu pourrait décrire ou déchiffrer tout transport de signification entre un émetteur et un récepteur, qu’il soit contrôlé ou non (Bardin 1977). Outre leur contenu, ce type d’analyse prend en compte le contenant, elle analyse autant les « signifiés » que les « signifiants » (Bardin, 2007, p. 44). Analyser le contenu d’une communication, c’est partir à la recherche d’informations, classer ce qu’elle contient pour ensuite en dégager du sens.

Tout au long de la collecte de données, des notes et des réflexions ont été colligées. Cette opération permet la rétention d’informations à risque de sombrer dans l’oubli (Caplow, 1970). Avant de procéder à l’analyse des données recueillies pour ce mémoire, les entretiens et les ateliers de groupe ont fait l’objet d’une transcription intégrale. La transcription de l’entièreté des entretiens et des ateliers fut réalisée à l’été 2017 par deux auxiliaires embauchés spécifiquement pour cette tâche. Les transcriptions ont ensuite fait l’objet d’une révision par les deux chercheuses et les deux auxiliaires ayant participé à la collecte de données. Afin de procéder à une analyse plus fine des données, une attention particulière fut portée aux émotions (expressions, rires, etc.), aux intonations, aux hésitations et aux pauses tout au long de la transcription des données. Une synthèse de chaque entretien individuel a été réalisée à l’automne 2017, ces synthèses ont permis aux chercheurs du projet de se familiariser avec les données, en tentant d’en comprendre le sens et la logique (Ouellet, 1990).

L’analyse de contenu s’articule autour de trois phases chronologiques, la préanalyse, l’exploitation du matériel et le traitement des résultats obtenus et l’interprétation (Bardin, 2007). Bien qu’elle se découpe en trois étapes, l’analyse de contenu ne constitue pas un processus linéaire, elle implique au contraire un processus récursif, c’est-à-dire de faire des « allers-retours » entre les diverses étapes (Lionel, 2016).

La préanalyse est une étape préliminaire d’organisation et d’intuition permettant d’opérationnaliser les idées de départ, dans le but d’aboutir à un plan d’analyse. La préanalyse vise à organiser l’information, mais se compose d’activités non structurées qui demeurent ouvertes tout au long de l’analyse. Cette phase s’articule autour de trois missions : le choix des documents à soumettre à l’analyse, la formulation des objectifs et l’élaboration des indicateurs permettant d’appuyer les interprétations finales (Walin, 2007). Le choix des documents exige d’avoir un premier contact avec l’entièreté du matériel afin de déterminer ce qui se prête le mieux à l’objet étudié. Nous avons donc procédé à une première lecture de la totalité des transcriptions, ce qui nous a permis de sélectionner le matériel retenu pour ce mémoire, soit l’intégralité des transcriptions des entretiens et des ateliers du second groupe. Ce premier contact avec les données a fait place aux premières impressions permettant par le fait même de préciser les objectifs de ce mémoire. L’élaboration des indicateurs a pour but de découper le corpus en unités comparables, de faire un premier travail de catégorisation, en détachant des segments de son contenu original pour les regrouper par thèmes.

L’exploitation du matériel est l’étape permettant de procéder aux opérations de codage, en fonction des consignes formulées à la phase de préanalyse (Bardin, 2007; Walin, 2007). Pour développer les principaux thèmes à l’étude, des synthèses d’entrevues ont été réalisées. Cette technique s’inspire de l’analyse par synthèse progressive (Gallant et Martin, 2018). Cette méthode a permis de monter une grille d’analyse pour le projet de recherche et aider, par le fait même, à la clarification de l’objet de ce mémoire permettant ensuite de mieux cibler le choix de la méthode d’analyse. La grille d’analyse et le codage se sont faits en fonction de la méthode d’analyse thématique.

La phase de traitement, d’interprétation et d’inférence consiste à traiter de manière significative les données brutes. Des tableaux de résultats, contribuant à mettre en relief les informations apportées par l’analyse, peuvent être établis grâce à des opérations statistiques simples ou plus complexes (Bardin, 2007). C’est à partir de ces résultats, que le chercheur peut proposer des inférences et ainsi avancer des interprétations faisant lien avec les objectifs de la recherche. L’interprétation consiste à « prendre appui sur les éléments mis au jour par la catégorisation pour fonder une lecture à la fois originale et objective du corpus étudié » (Robert et Bouillaguet, 1997, p. 31). L’inférence est pour sa part un type d’interprétation où s’accomplit une opération

logique. « Inférer (ou faire des inférences) c’est dépasser les données pour atteindre quelque chose au-delà, en rapport avec les données » (Mucchielli, 2006, p.29). La démarche du chercheur est donc doublée, il doit comprendre le sens de la communication, mais également tourner son regard vers une autre signification perçue à travers le premier message (Bardin, 2007). Afin de procéder à ce type d’interprétation contrôlée, nous avons fait l’usage de deux questions tirées de l’ouvrage L’analyse de contenu de Laurence Bardin (2007) « qu’est-ce qui a conduit à tel énoncé? », référant aux représentations de l’individu et « quelle suite va probablement engendrer tel énoncé » (p.46), référant aux apprentissages et aux outils développés par l’individu au cours de l’expérience groupale.

Pour l’analyse des données, deux supports ont été utilisés: le support papier; et le support logiciel. Nous avons tout d’abord fait un premier repérage sur papier, ensuite nous avons catégorisé à partir du logiciel Nvivo, logiciel de recherche qualitative, conçu pour permettre l’organisation, l’analyse et la recherche de contenu. Les données ont pu être codées, analysées et interprétées à partir de ce logiciel, qui facilite leur gestion et leur organisation. Le logiciel nous a permis d’isoler les thèmes soulevés par chacun des participants, offrant un meilleur travail de documentation. Afin de mieux comprendre les dynamiques de changement, nous avons utilisé à nouveau le support papier, sur lequel des annotations figuraient autour des éléments de dynamique qui avaient été relevés.

3.5.2 Analyse thématique

La détermination des catégories de ce mémoire se base sur l’analyse thématique, dont l’opération centrale est la thématisation, c’est-à-dire « la transposition d’un corpus donné en un certain nombre de thèmes représentatifs du contenu analysé, et ce, en rapport avec l’orientation de recherche (problématique) » (Paillé et Mucchielli, 2012, p.232). L’analyse thématique a deux fonctions principales, le repérage et la documentation. Le repérage a pour but de faire ressortir des données les thèmes se référant aux objectifs de la recherche, tandis que la documentation vise à vérifier si les thèmes se répètent d’un matériau à l’autre, se recoupent, se contredisent, se rejoignent. Un thème est une dénomination représentant un ensemble de mots qui met en évidence les éléments abordés dans un extrait. L’analyse thématique permet de procéder à la réduction des données, par l’usage de dénominations. Les thèmes ont pour rôle de répondre aux questions et aux objectifs de la recherche. Trouver un thème demande de faire de l’inférence. Cette inférence peut être faible, moyenne ou forte. Plus l’inférence est faible, plus le rapport entre l’indice et le thème est étroit. Dans ce mémoire, les thèmes ont un niveau d’inférence de faible à moyen, puisque le niveau d’interprétation varie selon les extraits rapportés. Pour ce mémoire, nous avons choisi une démarche de thématisation en continu, à savoir que les thèmes ont été construits progressivement tout au long de notre lecture des transcriptions, regroupés et parfois fusionnés et finalement hiérarchisés en thermes centraux (Paillé et Mucchielli, 2012).

Nous avons ainsi construit l’arbre thématique, qui regroupe les thèmes représentatifs des propos abordés à l’intérieur du corpus. De nombreux changements se sont faits en cours d’analyse, certains thèmes sont apparus, d’autres ont disparu et certains se sont fusionnés.

3.5.3 Analyse des enjeux de la communication

L’analyse des enjeux de la communication permet d’explorer les dynamiques interactionnelles présentent dans les ateliers de groupe réalisés dans le cadre de ce mémoire. Pour Mucchielli (1995), « toute communication cherche à atteindre, à des degrés divers, l’information d’autrui, le positionnement individuel, la mobilisation de l’autre, la qualification de la relation avec cet autre et à spécifier les normes de référence de la situation d’échange » (p.89). Afin d’analyser la communication entre les personnes, il est primordial de la penser comme un échange social entre acteurs qui se trouvent dans une situation où ils partagent une même représentation. Confrontés à un certain nombre de problèmes immédiats, les acteurs tentent de les résoudre durant l’échange. Les problèmes sont une dimension fondamentale de l’échange et les acteurs doivent les confronter. Un ensemble d’enjeux tels que les enjeux informatif, de positionnement, de mobilisation, relationnel, et normatif constituent la structure phénoménologique de la communication. L’enjeu informatif constitue le premier enjeu de la communication. Tout échange comporte de l’information, puisque communiquer c’est aussi informer. Cette information va au-delà de la transmission, elle est un processus plus complexe de l’échange de renseignements. L’enjeu de positionnement se rattache à l’identité de l’individu, puisque la communication est l’expression de l’identité par l’affirmation de son être, de son positionnement par rapport à l’autre. La communication est un processus complexe dont la question centrale est de savoir à qui l’on parle, mettant au second plan l’information et le message. L’enjeu de mobilisation se caractérise par la tentative « d’influence » sur l’autre. La communication est destinée à produire des effets, puisqu’elle est porteuse d’enjeux et permet la construction d’une réalité. : « l’un des invariants fondamentaux de l’échange interhumain est le risque d’être influencé par autrui » (Berger-Fortier, 1988, cité dans Mucchielli, 1995, p.85). Lorsque l’individu communique ses pensées, c’est pour obtenir une réaction, il désire partager la ferveur de la passion ou du sentiment communiqué et c’est en ce sens que la communication sera accompagnée de mimiques et d’intonations de la voix qui lui permettront de renforcer l’expression de son émotion. L’enjeu relationnel comporte les premiers phénomènes qui ont lieu lors de l’échange entre deux parties, ceux de la sympathie-antipathie, pouvant être lié au processus de séduction. Sans la présence de communication, la relation humaine serait une notion irréelle par l’absence de son ancrage à la réalité, ainsi, « la communication apparait comme le fondement existentiel de la relation humaine » (Mucchielli, 1995, p. 87). L’enjeu normatif fait référence à l’ensemble de normes qui soutiennent l’échange. Il n’existe aucune communication sans un système minimal de règles partagées.

La communication intègre des paroles, des conduites, des attitudes et tout ce qui se réfère au paralangage. Elle est construite d’un ensemble complexe d’enjeux et cherche à atteindre, à divers degrés, l’information provenant des autres participants, leur positionnement individuel, leur mobilisation, les normes et la manière dont ils qualifient la relation. Ces enjeux jouent un rôle dans l’identification des préjugés, mais également dans l’identification des dynamiques impliquant un changement dans la perception et c’est pourquoi l’analyse des enjeux de la communication est utilisée dans le traitement des données de ce travail de recherche.