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Les préjugés entre Québécois natifs et Québécois immigrants : comment une dynamique groupale interculturelle permet-elle l'évolution du préjugé

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Academic year: 2021

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Les préjugés entre Québécois natifs et Québécois

immigrants : Comment une dynamique groupale

interculturelle permet-elle l’évolution du préjugé

Mémoire

Marie-Elisa Fortin

Maîtrise en service social - avec mémoire

Maître en service social (M. Serv. soc.)

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Les préjugés entre Québécois natifs et Québécois

immigrants

Comment une dynamique groupale interculturelle permet-elle

l’évolution du préjugé

Mémoire

Marie-Elisa Fortin

Sous la direction de :

Stéphanie Arsenault, directrice de recherche

Lucille Guilbert, codirectrice de recherche

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Résumé

De nombreux immigrants, aux origines, coutumes, religions et aux langues différentes sont accueillis chaque année dans la région de Québec, entrainant une diversification croissance de la population. L'émergence des préjugés et des stéréotypes à leur égard devient un sujet de plus en plus préoccupant et peut être vecteur de répercussions concrètes sur leur réalité. Bien que la seconde partie du XXe siècle fut marqué par le développement de nombreuses politiques ayant pour but de faciliter l’intégration des nouveaux arrivants ainsi que la sensibilisation et l’ouverture de la société d’accueil, les interactions quotidiennes et les expressions publiques discriminatoires relatant des gestes et des propos haineux sont encore bien présente dans ce Québec du XXIe siècle. Bien que la mise en place d’espace de médiation culturelle en contexte interculturelle puisse faire émerger une plus grande sensibilité culturelle, peu de recherches se sont penchées sur les effets des interactions sur les perceptions mutuelles de natifs et d’immigrants. Considérant ces différents constats, l’objectif de cette étude est d’explorer comment les préjugés évoluent au sein d’une expérience groupale interculturelle. Par conséquent, cette recherche s’interroge sur la manière dont les dynamiques interactionnelles au sein du groupe peuvent transformer positivement les perceptions des uns envers les autres. S’inscrivant dans la perspective de l’interactionnisme symbolique et sur la théorie des représentations sociales, cette recherche de type qualitative repose sur l’utilisation du MICAM, un modèle axé sur l’accompagnement mutuel, la coopération et la médiation interculturelle, offrant un espace d’échange interactif de partage et de réflexion. La collecte de données s’est faite auprès de cinq Québécois natifs et cinq Québécois immigrants, participant à sept ateliers de groupe (MICAM) et à deux entretiens qualitatifs semi-dirigés (prégroupe et post-groupe). Les résultats recueillis démontrent que cette méthode offre un contact soutenu entre les individus, et que l’écoute, les témoignages, la transmission d’informations et l’autoréflexion contribuent à une plus grande reconnaissance mutuelle et au développement d’attitude positive des personnes natives envers les immigrants mis en interaction dans le groupe. Ces conclusions démontrent la pertinence d’offrir des espaces de médiation culturelle en contexte interculturel en vue d’améliorer les interactions entre les nouveaux arrivants et les membres issus de la société d’accueil.

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Abstract

Numerous immigrants of different origins, customs, religions and languages are welcomed every year in the Quebec City area, resulting in a growing diversification of the population. The emergence of prejudices and stereotypes towards them is becoming an increasingly worrisome subject and can have concrete repercussions on their reality. Although the second half of the 20th century was marked by the development of numerous policies aimed at facilitating the integration of newcomers and the sensitization and openness of the host society, daily interactions and discriminatory public expressions relating to hateful gestures and words are still very present in this 21st century Quebec. Although the establishment of cultural mediation spaces in intercultural contexts can lead to greater cultural sensitivity, little research has been done on the effects of interactions on the mutual perceptions of natives and immigrants. Considering these different findings, the objective of this study is to explore how prejudices evolve within an intercultural group experience. Therefore, this research questions how the interactional dynamics within the group can positively transform perceptions of each other. From the perspective of symbolic interactionism and social representation theory, this qualitative research is based on the use of MICAM, a model based on mutual accompaniment, cooperation and intercultural mediation, offering a space for interactive exchange, sharing and reflection. Data was collected from five native Quebecers and five immigrant Quebecers, participating in seven group workshops (MICAM) and two semi-directed qualitative interviews (pre- and post-group). The results collected show that this method offers sustained contact between individuals, and that listening, testimonials, transmission of information and self-reflection contribute to greater mutual recognition and the development of positive attitudes among the native-born towards immigrants who interact in the group. These findings demonstrate the relevance of offering spaces for cultural mediation in intercultural contexts in order to improve interactions between newcomers and members of the host society.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... vi

Liste des figures ... vii

Liste des abréviations, sigles, acronymes ... viii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Chapitre 1 - Problématique ... 3

1.1 Mise en contexte historique et politique de l’immigration au Canada ... 3

1.1.1 L’immigration au début de la colonie ... 3

1.1.2 L’immigration au XIXe siècle ... 4

1.1.3 L’immigration durant la première moitié du XXe siècle ... 5

1.1.4 L’immigration durant la seconde moitié du XXe siècle ... 7

1.1.5 L’immigration québécoise au XXIe siècle ... 9

1.2 Les débats autour de la neutralité religieuse ... 10

1.2.1 Commission Bouchard Taylor ... 11

1.2.2 Charte des valeurs ... 11

1.2.3 Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État ... 12

1.2.4 Loi sur la neutralité de l’État ... 13

1.3 Revue de la littérature ... 13

1.3.1 La démarche documentaire ... 14

1.3.2 Variables contribuant à la construction des perceptions négatives ... 14

1.3.3 Les répercussions des perceptions négatives ... 18

1.3.4 Facteurs contribuant à la construction des perceptions positives ... 21

1.4 Limites des études présentées ... 23

1.5 Pertinence sociale et scientifique ... 24

1.6 Objectifs de la recherche ... 25

Chapitre 2 - Cadre théorique et conceptuel ... 26

2.1 Cadre théorique ... 26

2.1.1 L’interactionnisme symbolique ... 26

2.1.2 Représentations sociales ... 31

2.2 Cadre conceptuel ... 36

2.2.1 Culture ... 36

2.2.2 L’interculturel ... 38

2.2.3 Les mécanismes d’exclusion ... 41

2.2.4 Le préjugé ... 43

Chapitre 3 - Devis méthodologique ... 46

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3.1.1 Objectifs du projet global sur les malentendus culturels ... 46

3.1.2 Rappel des objectifs de recherche du mémoire de maitrise ... 46

3.2 L’approche et le type de recherche privilégiés ... 47

3.2.1 Approche et type de recherche privilégiée ... 47

3.3 Population et échantillonnage ... 48

3.3.1 Population à l’étude ... 48

3.3.2 Échantillonnage ... 49

3.4 Mode de collecte de données ... 50

3.4.1 Le recrutement ... 50

3.4.2 Instruments de collecte de données ... 51

3.4.3 Déroulement de la collecte de données ... 53

3.5 Méthode d’analyse des données ... 55

3.5.1

Analyse de contenu ... 55

3.5.2

Analyse thématique ... 57

3.5.3

Analyse des enjeux de la communication ... 58

3.6 Difficultés rencontrées lors de l’élaboration du projet ... 59

3.7 Aspects éthiques ... 60

Chapitre 4 - Analyse des résultats ... 63

4.1 Présentation des participants ... 63

4.1.1 Présentation globale des participants ... 63

4.1.2 Présentation individuelle des participants ... 64

4.2 Présentation des résultats ... 66

4.2.1 Catégorie 1 : identification des préjugés exprimés avant, pendant et après l’expérience groupale interculturelle ... 67

4.2.2 Catégorie 2: Identification des dynamiques de changement ... 97

Chapitre 5 – Discussion ... 111

5.1 Objectifs de la recherche et résumé des principaux constats ... 111

5.2 Discussion des résultats ... 112

5.2.1 Éléments pouvant contribuer à la construction des préjugés identifiés ... 112

5.2

Éléments de transformation de la perception ... 119

5.3

Les apports possibles de la recherche ... 124

5.4

Limites de la présente étude ... 125

Conclusion ... 128

Bibliographie ... 130

Annexe I - Annonce de recrutement ... 140

Annexe II - Formulaire de consentement ... 141

Annexe III - Grille d’entrevue individuelle : prégroupe ... 144

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Liste des tableaux

Tableau 1: Profil sociodémographique ... 66

Tableau 2: Identification des préjugés ... 68

Tableau 3: Identification des dynamiques de changement ... 98

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Liste des figures

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Liste des abréviations, sigles, acronymes

AII Atelier interculturel de l’imaginaire

CDPDJ La commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse CÉRUL Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval

CNCDH Commission nationale consultative des droits de l’homme

CRSH Conseil de recherche en sciences humaines du Canada

CRSNG Le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada

ÉDIQ Équipe de recherche en partenariat sur la diversité culturelle et l’immigration de la région de Québec

INRS Institut national de recherche scientifique

IRSC Instituts de recherche en santé du Canada

MICAM Modèle interculturel coopératif d’accompagnement mutuel

UHCR Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés

UQAM Université du Québec à Montréal

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Remerciements

La rédaction de ce mémoire ne peut se conclure sans prendre le temps de remercier toutes les personnes qui ont contribué, de manière consciente ou inconsciente, à sa réalisation.

Je désire tout d’abord remercier tous les participants qui se sont prêtés au projet sur les malentendus culturels, autant ceux du Groupe 1 que ceux du Groupe 2, qu’ils aient ou non participé jusqu’à la toute fin du projet. En plus d’offrir, pour la plupart, de nombreuses heures de leur temps, ils nous ont partagé leurs histoires, leurs expériences de vie et leurs opinions avec une grande générosité. Sans leur participation, ce mémoire n’aurait pu exister, c’est pourquoi je leur offre toute ma reconnaissance. Je remercie également les quatre chercheuses de ce projet de recherche, Stéphanie Arsenault, Nicole Gallant, Lucille Guilbert et Aline Lechaume qui m’ont offert l’opportunité de rejoindre leur projet en plus de me permettre de développer plus en profondeur mes connaissances sur le processus de recherche.

Un énorme merci à ma directrice de recherche, Stéphanie Arsenault, ainsi qu’à ma codirectrice de recherche, Lucille Guilbert, sans qui ce mémoire n’aurait pu aboutir. Votre soutien, vos conseils, vos commentaires et surtout votre patience m’ont été d’une aide des plus précieuse.

Je remercie tout spécialement mon Belge chéri à qui j’ai demandé à de (très) nombreuses reprises de relire mon travail afin d’y apporter les corrections nécessaires, sans toi ce projet n’aurait jamais pu aboutir. Merci d’être toujours là, de croire en moi et de m’encourager dans mes folies. Je suis également infiniment reconnaissante envers ma maman et mon papa de m’avoir supporté (dans le sens le plus étymologiquement correct du terme, à savoir de soutenir une lourde charge, tel un Atlas retenant la voûte céleste sur ses épaules), tout au long de ce projet qui s’annonçait titanesque depuis le tout début. Mille mercis à la famille en or que vous êtes, sans vous je n’aurais jamais pu y arriver. Merci à mes deux chers enfants, Léticia et Rafael, d’avoir été aussi indulgents envers leur maman et pour qui je fus obligée de surdévelopper des mécanismes de concentration afin d’arriver à poursuivre l’écriture de ce mémoire durant la pandémie. Preuve que la rédaction d’un mémoire peut nous apprendre toute sorte de nouveaux talents.

Un merci à toutes les collègues étudiantes et étudiants de l’ÉDIQ, et tout particulièrement à Johanna, Laurie, Maria, Justine, Allyne, Claudia et Marie-Ève, qui m’ont aidé à garder le cap durant ces quatre longues années. Je vous suis reconnaissante que vous ayez pris le temps de partager avec moi vos conseils avisés et d’avoir supporté mes lamentations quand la tâche me semblait insurmontable. Mais surtout et avant tout, je suis plus qu’heureuse d’avoir eu la chance de développer avec vous de très belles amitiés.

(11)

Je souhaite également remercier Lucienne Martins Borges de m’avoir non seulement reçu dans son Brésil natal pour un séjour d’étude, mais de m’avoir également soutenu en fin de rédaction me permettant ainsi d’arriver à l’aboutissement de ce long travail. Je la remercie également pour la séance de « voyance » sur mon futur, ce qui m’a ouvert les yeux sur mon désir profond de poursuivre en recherche tout en actionnant par le fait même la vitesse supérieure pour l'achèvement de ce mémoire.

Je remercie également mes amis et mes collègues T.S. qui m’ont soutenus tout au long de ce long parcours et un merci particulier à Maïté, cette merveilleuse amie qui m’a offert son soutien dans toutes les sphères de ma vie durant les trois dernières années.

Je fais un clin d’œil à mon collègue Robby qui me taquinait en disant que mes études étaient synonymes de « belle vie » et de « vacances ». Je tiens à souligner cependant qu’il m’a soutenue et encouragée durant tout mon parcours, faute de quoi j’aurais peut-être pu conclure à un malentendu culturel considérant que les qualificatifs qu’il employait ne figurait pas dans mes premiers choix pour décrire mon cheminement. Enfin, à mon voisin Antoine, qui se faisait un malin plaisir de me demander à chaque fois qu’il me croisait et ce, plusieurs fois par semaine hiver comme été, « pis ton mémoire est-il fini? », je vais enfin pouvoir lui répondre « oui! », avec un sourire aussi large que les cernes autour de mes yeux.

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Introduction

Dans ce Québec porteur d’identités formées au fil des siècles par les multiples peuples s’y étant établis, de nombreuses personnes issues de la diversité culturelle sont confrontées quotidiennement aux idées préconçues véhiculées à leur égard. L’augmentation de l’immigration et de sa diversification confronte la société québécoise à de nouvelles réalités culturelles, linguistiques, religieuses et politiques (Giasson et al., 2010). Le sentiment de menace identitaire des Québécois envers les populations immigrantes est souvent accentué par les débats sociétaux entourant la question de la gestion de la diversité culturelle (Bouchard et Taylor, 2008). L’émergence des préjugés et des stéréotypes à leur égard devient de plus en plus préoccupante, et peut s’avérer le vecteur de répercussions concrètes sur la réalité de ces personnes (Bourhis et Gagnon, 2006). Les discriminations dont sont l’objet les personnes issues de la diversité, découlent bien souvent des mécanismes d’exclusion visant la neutralisation et la dévalorisation de la diversité, et nuisent à leur pleine intégration à la société. Ces difficultés rencontrées, incluant celles vécues lorsqu’elles tentent de développer des liens significatifs avec les natifs de la société d’accueil, ont pour conséquences la formation de perceptions négatives envers ceux-ci. Cette dichotomie entre les personnes natives et celles représentant la diversité, démontre la pertinence d’œuvrer sur la mise en place d’espace de médiation culturelle en contexte interculturel. La médiation culturelle favorise la communication et la compréhension entre des personnes issues de cultures différentes, et peut contribuer à réduire les malentendus entre ces mêmes acteurs (Cohen-Emerique, 1997). Créatrice de l’atelier interculturel de l’imaginaire (AII) et du Modèle interculturel coopératif d’accompagnement mutuel (MICAM), Lucille Guilbert a réalisé, à partir du milieu des années 1990, des recherches portant sur ce type d’activités de médiation auprès de divers acteurs sociaux. Ces types de pratiques de médiation culturelle et interculturelle que sont l’AII et le MICAM, sont fondés sur l’écoute, l’empathie et la reconnaissance mutuelle, facteurs pouvant influencer de manière positive les attitudes des individus mis en interaction. Le MICAM est un modèle de médiation culturelle permettant l’usage de formes expressives de la culture tout en mobilisant les ressources de communication, de partage, de créativité et de solidarité qui existe au sein de chaque individu. Ce modèle implique qu’une place centrale soit accordée aux participants, à leurs points de vue, à leurs expériences et à leurs interactions (Guilbert et al., 2013).

L’existence des perceptions négatives entre natifs et immigrants mis en parallèle avec les impacts positifs des activités de médiation culturelle, corrobore le bien-fondé de ce mémoire qui vise à explorer comment ce type d’activité peut permettre l’évolution des préjugés des uns envers les autres. Ce type de recherche « met en valeur la subjectivité dans la compréhension et l’interprétation des conduites humaines et sociales » (Anadón, 2006, p.15). L’évolution réfère ici aux changements positifs pouvant être observés durant et après les interactions entre les acteurs concernés. Ce mémoire de maitrise s’inscrit dans un projet de recherche de plus

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grande envergure ayant pour nom : « La construction et la déconstruction des incompréhensions culturelles en contexte migratoire et la construction d'attitudes positives dans les relations interculturelles par le biais de groupes de pairs intergénérationnels en se fondant sur le modèle interculturel coopératif d’accompagnement mutuel (MICAM) »1. Ce projet est dirigé par Stéphanie Arsenault, responsable de l’Équipe de recherche en

partenariat sur la diversité culturelle et l’immigration de la région de Québec (EDIQ) et Professeure titulaire à l’École de service social de l’Université Laval. Il est fait en partenariat avec d’autres chercheuses et membres régulières de l’ÉDIQ : Lucille Guilbert, professeure titulaire au département des sciences historiques (ethnologie) de l’Université Laval; Nicole Gallant, Professeure titulaire, Centre Urbanisation Culture Société, Institut national de la recherche scientifique (INRS) ; et Aline Lechaume, Professeure agrégée, Département des relations industrielles, Université Laval.

La présente recherche s’articule autour de cinq chapitres. Le premier chapitre qui sert d’assise à la réflexion vise à contextualiser l’objet d’étude. Il sera introduit par une mise en contexte historique de l’immigration au Québec et au Canada explorant l’exposition de la vision du peuple québécois au fil de l’évolution des politiques d’immigration canadiennes et québécoises. Ensuite, elle présentera un court résumé des grands débats sociétaux entourant la question de la gestion de la diversité culturelle suivie d’une recension des écrits mettant en exergue les facteurs contribuant à la construction de perceptions négatives et ceux contribuant à l’établissement de perceptions positives. C’est à partir de l’ensemble des écrits recensés que sera dépeinte notre problématique spécifique, les questions et les objectifs qui en découleront. Les présentations théoriques et conceptuelles représentant les fondements sur lesquels se base l’analyse de cette recherche feront l’objet du second chapitre. Considérant que cette étude se penche sur les dynamiques qui résultent de l’interaction entre des acteurs porteurs de cultures, le cadre d’analyse sera inspiré de l’interactionnisme symbolique et de la théorie des représentations sociales. Suivra la définition des principaux concepts à l’étude que sont : la culture, l’interculturel et le préjugé. Le troisième chapitre dévoilera les considérations méthodologiques et éthiques de ce mémoire et énoncera en partie celles de la recherche globale dans laquelle il s’insère. Ce chapitre rendra compte de la démarche menée pour recueillir, analyser et interpréter les données provenant de huit entrevues prégroupe, de sept ateliers de groupe et de neuf entrevues post-groupe, réalisées auprès de dix personnes demeurant dans la région de Québec, soit cinq hommes et cinq femmes, d’âge varié, dont cinq natifs et cinq non-natifs du Québec. Le quatrième chapitre exposera les résultats recueillis tout au long de la collecte de données. Il sera initié par la présentation de la description du profil de l’échantillon de la recherche et explorera les propos recueillis autour de catégories établis en fonction des objectifs de l’étude. La discussion des résultats juxtaposés aux écrits recensés, au cadre théorique et au cadre conceptuel

composera le cinquième et dernier chapitre de ce mémoire.

1

(14)

Chapitre 1 - Problématique

Ce premier chapitre a pour objectif d’élaborer la problématique en vue de comprendre le contexte dans lequel s’insère la présente recherche, et de démontrer la pertinence de se pencher sur la question des préjugés de l’un envers l’autre. Il vise ainsi à exposer l’objet de recherche par la présentation, dans un premier temps, d’une mise en contexte historique et politique de l’immigration, tenant compte des mécanismes d’exclusion de la diversité dans l’histoire de l’immigration canadienne et québécoise. Par la suite, seront brièvement exposés les différents débats autour de la neutralité religieuse, débats ayant influencé les perceptions négatives de l’immigration dans la société québécoise du XXIe siècle. Dans un deuxième temps, un survol des écrits scientifiques concernant les principales thématiques liées à l’objet d’étude sera présenté, précédé d’un résumé de la recherche documentaire. Les thématiques explorées dans cette revue de la littérature seront : les variables contribuant à la construction des perceptions négatives, les impacts des perceptions négatives et sur les facteurs contribuant à la construction de perceptions positives. L’exposition des limites des études recensées complètera cette seconde section. Nous conclurons le chapitre par la présentation des pertinences sociales et scientifiques de cette recherche, suivies d’une brève présentation de la question de recherche et des objectifs auxquels ce projet tentera de répondre.

1.1 Mise en contexte historique et politique de l’immigration au Canada

Le territoire qui constitue aujourd’hui le Canada est habité depuis des milliers d’années par divers peuples, apportant des conceptions, des idées, des talents, des expériences et des traditions qui ont contribué à la construction de l’identité culturelle des Canadiens. Bien que la plupart des études historiques et sociologiques réalisées ne font mention que des peuples français et britanniques comme étant les colonisateurs successifs, en soulevant de manière occasionnelle les « Indiens » et des Inuits, d’autres peuples n’ayant pas ces identités ethniques ont contribué à la construction de cette société qui est nôtre (Burnet et Palmer, 1991). Cette partie du chapitre permet une mise en contexte de l’immigration au Québec et au Canada, par la présentation des grandes vagues migratoires, des politiques canadiennes et québécoises d’immigration, mais également de l’évolution des perceptions, de la conquête jusqu’au début du XXIe siècle.

1.1.1 L’immigration au début de la colonie

Bien avant que les Français et les Britanniques prennent possession du territoire septentrional de l’Amérique du Nord, de nombreux explorateurs provenant de différents coins du Globe (Chinois, Allemands, Portugais, Espagnols, etc.) l’auraient parcouru. Si l’on attribue le terme « peuples fondateurs » aux Français et aux Britanniques, c’est parce qu’ils furent les créateurs des institutions, surtout politiques, qui étaient alors inconnues des autochtones. La période sous le Régime français est marquée par une très faible immigration,

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soit 66 personnes immigrantes par année. La politique officielle de cette période limite l’immigration aux catholiques français, bien que la colonie compte déjà sur la présence de ressortissants de nombreux pays, dont l’Autriche, la Grèce, l’Allemagne, la Belgique, l’Irlande, l’Italie, la Pologne, la Croatie, la Hongrie, les Pays-Bas, l’Écosse, le Portugal, l’Espagne, la Suisse, la Chine et l’Afrique. Jusqu’en 1615, les juifs auraient été tenus hors territoire et parfois même exclus de la Nouvelle-France. Les premières personnes de confession juives à s’être établies au Canada l’auraient fait uniquement après la conquête. Les Britanniques étaient moins enclins à exclure les personnes de confession juive et leur arrivée au pays s’est accompagnée de l’établissement d’Israéliens, mais également de gens de nombreuses origines dans les provinces maritimes. Peu après 1760, une communauté israélite a commencé à s’établir à Montréal, et plusieurs personnes issues de cette même communauté se sont installées à Québec, Trois-Rivières et dans d’autres localités (Burnet et Palmer, 1991).

Attirés par la promesse de terres fertiles gratuites, ce sont environ 20 000 immigrants par année, originaire des Îles Britanniques, qui font leur entrée au Canada entre 1769 et 1774 (Culliton, 1928). L’après-guerre de l’Indépendance américaine ayant marqué la période de 1775 à 1783 s’est soldé par l’arrivée de 40 000 loyalistes. De ce nombre, 12% étaient des esclaves originaires de l’Afrique, accompagnés de leur famille, qui suivaient leurs maitres loyalistes. L’arrivée des réfugiés loyalistes amena le Canada, étant alors une colonie britannique de langue française, à changer de cap et à choisir une population majoritairement anglophone d’origine britannique (Sampat-Mehta, 1973 dans Labelle et al., 1980).

1.1.2 L’immigration au XIX

e

siècle

L’ère de construction nationale qui marque le Canada à partir de 1867 amène le gouvernement fédéral à se pencher sur la question de l’immigration. Le gouvernement démontre dès lors son désir de se doter d’un mécanisme de régulation de l’immigration. En 1869, le fédéral adopte sa première loi sur l’immigration qui favorise d’abord une immigration de cultivateurs, d’ouvriers agricoles et de domestiques provenant des Îles Britanniques, de l’Europe de l’Ouest et des États-Unis. Par la mise en place de cette loi, le gouvernement cherche à empêcher l’arrivée d’immigrants considérés à risque de devenir des charges publiques, tels que les « pauvres », les « indigents » et les personnes considérées en mauvaise santé. Les agents de recrutement apparaissent en Angleterre et partout en Europe, où des publicités mensongères sur les possibilités d’emplois et de salaires y sont utilisées comme moyen de recrutement. En 1872, les colons qui s’installent dans l’Ouest canadien se voient offrir gratuitement une terre, mais les Asiatiques, perçus comme des immigrants indésirables, sont exclus de ce système, le gouvernement ne souhaitant pas qu’ils s’installent au pays (Labelle et al., 1980).

(16)

1.1.3 L’immigration durant la première moitié du XX

e

siècle

Deux régimes d’immigration, ensemble spécifique de règles à propos de l’immigration, marquent le XXe siècle. De 1900 à 1945, le Canada connait de nombreuses fluctuations dans son taux d’immigration en raison de l’histoire politique et économique marquant cette période. Le régime en vigueur durant cette période est axé sur les besoins de main-d’œuvre changeants du Canada. Le gouvernement comble ce manque de ressources humaines en sélectionnant uniquement des groupes de personnes hautement admissibles, par l’utilisation d’une politique de préférence ethnique et discriminatoire fondée sur une idéologie de déterminisme géographique (Labelle et al., 1983 ; Le Bourdais et Piché, 2003). C’est par le recours à cette politique que le gouvernement s’oppose à toute immigration noire en déclarant : « For a period of one year from and after the date hereof the landing in Canada shall be and the same is prohibited of any imigrants belonging to the Negro race, which race is deemed unsuitable to the climate and requirements of Canada » (Yarhi, 2020). Ce décret adopté par le cabinet du premier ministre sir Wilfrid Laurier souhaitait ainsi interdire pour une période d’un an l’arrivée de personnes noires au Canada, sous prétexte qu’ils ne pourraient s’acclimater au climat canadien.

Entre 1902 et 1914, ce sont près de trois millions d’immigrants provenant des îles Britanniques (1 250 000), des États-Unis (près d’un million) et de l’Europe de l’Est (800 000) qui arrivent au Canada (Burnet et Palmer, 1991). Cette arrivée massive suit l’adoption du plan Sifton en 1902, plan visant l’accueil massif d’immigrants pour combler le besoin de main-d’œuvre bon marché. Cette période débutant à la fin du XIXe siècle est

marquée par la plus forte vague migratoire au pays, vague touchant également la province de Québec, où plus de 530 000 personnes immigrantes s’installent. Les Québécois se méfient de cette politique qui favorise l’arrivée d’une population britannique qu’ils perçoivent comme une stratégie pour minoriser la population canadienne-française. (Linteau et al., 1989). Cette volonté politique de recruter de nouveaux immigrants entraine, au Québec tout comme dans l’Ouest canadien, une nette opposition à l’immigration. C’est ainsi qu’apparaissent certaines voix nationalistes au Québec, critiquant la politique canadienne, la percevant comme une menace à l’équilibre ethnique anglophone francophone du pays (Le Bourdais et Piché, 2003).

De 1921 à 1930, une forte diminution du nombre de nouveaux arrivants est observée. Quelque 164 000 personnes arrivent au Québec pendant cette période. Certains facteurs marquent cette diminution, soit les contextes politiques et économiques telles que la crise économique et les réactions anti-immigration provoquées par l’après-guerre. Un courant « nativiste » qui s’exprime agressivement marque cette période au Québec et où certaines sectes religieuses se voient même interdites de séjour au Canada. Le gouvernement canadien instaure de nouvelles restrictions, dont la liste de pays « préférés » et « non préférés » (Labelle et al., 1983).

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Entre 1931 et 1950, le gouvernement canadien considère le pays suffisamment peuplé et ne souhaite plus accueillir de nouveaux arrivants, sauf ceux provenant des Îles Britanniques (Burnet et Palmer, 1991). La crise économique ainsi que la Deuxième Guerre mondiale entretiennent le courant « nativiste » déjà bien présent au pays. Une montée du racisme dans le monde occidental marque les années 1930, plus particulièrement envers les personnes de confession juive. Le Canada démontre peu d’ouverture à les accueillir, bien qu’ils soient victimes du nazisme. L’antisémitisme et la haine des étrangers sont grandissants au pays et les immigrants sont tenus responsables du haut taux de chômage, et la population exige aux politiciens de les déporter (Le Bourdais et Piché, 2003). Il s’agit d’une période « noire » pour l’immigration au Canada en raison du sort réservé aux Juifs et aux Japonais, qui se font confisquer leurs biens et internés dans des camps. Le gouvernement va jusqu’à établir un programme de rapatriement à la suite de l’attaque de Pearl Harbor, visant à se débarrasser du plus grand nombre de Japonais (Burnet et Palmer, 1991). Les Japonais vivant au Canada sont appelés à abandonner leur maison, leur terre ou leur commerce et à se rendre du côté pacifique, en vue d’une déportation. Les organisations vouées à la défense des droits civils parviennent à faire tomber le décret de déportation en 1947, les Japonais reçoivent une faible indemnisation pour les biens perdus. Ce programme de déportation constitue la mesure la plus draconienne ayant été prise à l’encontre d’un groupe ethnique au Canada (Burnet et Palmer, 1991). Bien que la juridiction de la Confédération prévoie un rôle partagé en matière d’immigration entre le Canada et les provinces, le Québec interviendra peu durant le premier régime, étant plutôt défavorable à l’immigration (Piché, 1997). La province demeure méfiante à propos de la politique d’immigration canadienne favorisant l’arrivée de Britanniques, qu’elle perçoit comme une stratégie pour minoriser la population canadienne-française. Une perception anti-immigration règne au Québec et se voit alimentée par une idéologie nationaliste et xénophobe dont le principal facteur d’homogénéité est la religion (Monière, 1977).

L’analyse de Juteau (1999) sur la période ayant pris fin à la suite de la Seconde Guerre mondiale révèle qu’en matière d’immigration, l’intervention de l’État fédéral était alors axée sur l’élaboration de politique visant à établir un ordre social quant à la hiérarchisation des différences ethniques. L’auteur ajoute que l’inaction des gouvernements fédéral et provinciaux, combinée à l’absence d’organisations facilitant l’intégration des nouveaux arrivants, a eu pour conséquence d’entrainer la création de communautés ethniques distinctes. Ainsi, la responsabilité de l’accueil de ces nouveaux arrivants était prise en charge par les immigrants eux-mêmes appuyés par des organismes privés que possédaient ces communautés ethniques distinctes telles que les écoles, les églises, les associations, etc.

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1.1.4 L’immigration durant la seconde moitié du XX

e

siècle

La période d’après-guerre est marquée par un redémarrage de l’immigration qui sera suivi par l’apparition d’un second régime d’immigration canadien. Tout comme son prédécesseur, la détermination des critères d’immigration de ce régime se base sur les principes politiques et économiques du Canada, mais des changements radicaux surviennent dans les mécanismes utilisés pour combler les besoins. Les critères ethniques sont remplacés par des critères de qualifications professionnelles et la politique d’intégration prend le nom de multiculturalisme au Canada. Cette période est marquée par un taux élevé d’immigration et par une transformation de celle-ci, où la dualité linguistique devient triangulaire en raison de l’arrivée d’allophones et par le fait même d’un nouvel enjeu d’intégration linguistique. Cette reprise de l’immigration est cruciale pour le Québec, puisqu’elle est dorénavant considérée comme un phénomène interne à la province et non plus un phénomène externe relevant uniquement du Fédéral. La province peut dorénavant intervenir de façon proactive. C’est dans ce contexte que le Québec tente, vers la fin des années 60, de développer son propre régime d’immigration qui se distingue de celui du Canada par sa politique d’intégration axée sur des objectifs linguistiques (Le Bourdais et Piché, 2003).

La politique canadienne d’immigration subit donc quelques grands changements durant la période allant de 1950 à 1970: la notion de qualifications professionnelles comme nouveau critère de sélection ; le relâchement à partir de 1962 des critères ethniques qui seront finalement abandonnés en 1968 et ; le Canada ouvre ses portes aux personnes réfugiées et déplacées (Le Bourdais et Piché, 2003). C’est en 1965 que la volonté du Québec d’intervenir dans les politiques d’immigration s’exprime, alors que la province fait face à une augmentation de sa diversité. Le peuple québécois craint qu’il y ait une diminution du nombre de francophones, puisque la majorité des nouveaux arrivants sont intégrés à la communauté anglophone. Cette volonté d’intervenir engendre la création en 1968 du ministère de l’Immigration du Québec. Sa fonction est d’assurer l’intégration des immigrants à la communauté francophone, de produire des études du marché du travail, de fournir des informations sur le Québec aux immigrants et de leur offrir des services d’intégration et d’aide sociale (Labelle, Lemay et Painchaud, 1980). Durant les années 1970, le Québec signe diverses ententes avec le gouvernement fédéral lui permettant de participer à la sélection et à l’intégration des candidats. En 1971, le Canada accepte la présence d’agents d’orientation en provenance du ministère québécois dans leurs ambassades, mandatés pour les candidats francophones désirant s’installer au Québec (Le Bourdais et Piché, 2003).

La période de récession allant de 1975 à 1985 entraine une baisse du niveau d’immigration au Québec. Suivant l’arrivée des agents d’orientation dans les ambassades en 1971, le Canada autorise en 1975 les agents québécois à examiner les demandes pour les candidats voulant s’établir au Québec. En 1976, une

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nouvelle loi entre en vigueur au pays, où de nombreuses modifications dans les règles en matière d’immigration sont systématisées. Ces modifications comportent la mise en place d’une grille de pointages basés sur les qualifications professionnelles et l’instauration de trois catégories d’immigration distinctes, soit les indépendants, la catégorie familiale (basée sur ce que l’on appelle aujourd’hui la réunification familiale) et les réfugiés sélectionnés à l’étranger. Une entente entre le Québec et le Canada est signée en 1978, donnant au Québec le pouvoir décisionnel pour la sélection de ses immigrants. Sur le plan de l’intégration, le Québec travaille à la mise en place des notions de convergences culturelles, fondation d’un espace national dont les pôles dominants sont les valeurs, les normes, l’héritage historique des Canadiens français ainsi que l’interculturalisme en réponse au modèle multiculturel de la politique d’immigration du Canada, fortement critiqué par la province (Helly, 1997). Le multiculturalisme et les politiques canadiennes qui lui sont associées sont perçus par certains comme une manière de banaliser l’identité nationale québécoise (Weinstock, 2007), en plus de constituer une menace à l’harmonie sociale. Le multiculturalisme favoriserait la préservation et la transmission de la culture et de la religion d’origine tout en contribuant à la ghettoïsation des minorités (Woehrling, 1998).

La période allant de 1985 et 2000 est marquée par une recrudescence du taux d’immigration au Québec. Le gouvernement du Québec crée en 1984 le Conseil des communautés culturelles et de l’immigration. L’Assemblée nationale adopte en 1986 la Déclaration sur les relations interethniques et interraciales, soulignant l’importance qu’attache le gouvernement « à l’égalité et à la participation de tous les citoyens du Québec à son développement » (Gouvernement du Québec, 1990, p.6). Afin de répondre à son objectif d’intégration des immigrants à la majorité francophone, le Québec élabore en 1987 des programmes sur le rapprochement interculturel, et adopte ses premiers programmes de francisation. À l’aube des années 1990, la préoccupation pour l’avenir démographique et d’autres facteurs nouveaux entrainent une sensibilisation de la population à la nécessité d’accroitre l’immigration afin de répondre aux enjeux économique, démographique, culturel et linguistique de la société. Bien que l’expérience passée ait démontré les effets positifs de l’immigration sur le plan économique, linguistique et culturel, des inquiétudes et des interrogations sur les effets à long terme de l’immigration sur la société québécoise émergent dans la population. Des réactions de rejet ou de repli sur soi sont observées et des difficultés dans les interactions dans un contexte pluraliste, francophone et démocratique sont vécues au quotidien dans la société. C’est pourquoi en 1991, le gouvernement adopte l’Énoncé Au Québec pour bâtir ensemble, indiquant sa volonté « d’associer plus étroitement l’immigration aux objectifs de développement de la société québécoise » (Gouvernement du Québec, 1990, p.7). Cet énoncé apparait comme un moment crucial pour l’immigration sur le plan politique, puisque son ouverture et sa vision positive de l’immigration signifient une coupure quant à la méfiance longtemps véhiculée dans la province (Le Bourdais et Piché, 2003). La notion de « contrat moral garant d’une

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intégration réussie » (Gouvernement du Québec, 1990, p.16) est également introduite dans cet énoncé, se basant sur trois principes : une société ayant le français comme langue commune de la vie publique ; une société démocratique où sont attendus et favorisés la participation et la contribution de tous ; et une société pluraliste ouverte (Le Bourdais et Privé, 2003).

1.1.5 L’immigration québécoise au XXIe siècle

Au début du XXIe siècle, le gouvernement du Québec continue de jouer un rôle précis en matière d’immigration. C’est au travers de sa politique mise en place en 1990 que le Québec poursuit son rôle. Durant une courte période s’étalant de 2002 et 2008, la sélection des immigrants se penche sur le « capital humain » du candidat à l’immigration économique, et ce, quelle que soit son origine.

En 2008, le Québec met en place un plan stratégique en matière d’immigration, la Diversité, une valeur ajoutée, où trois orientations sont promues dont celle de reconnaitre et de contrer les préjugés et la discrimination (Gouvernement du Québec, 2013a). Ce premier plan d’action constitue, aux yeux du gouvernement, « un pas décisif vers une action concertée de prévention et de lutte contre le racisme et la discrimination sur la base de la « race », de la couleur, de l’origine ethnique ou nationale ou de l’appartenance religieuse » (Gouvernement du Québec, 2008, p 6).

Près de 50 ans après la prise de conscience du gouvernement du Québec de l’importance d’intervenir en matière d’immigration, Québec se dote, en 2016, d’une nouvelle politique en matière d’immigration, de participation et d’inclusion, Ensemble, nous sommes le Québec, une refonte de la loi sur l’immigration mise en place en 1990. Un nouveau plan stratégique détrône celui instauré en 2008 (Gouvernement du Québec, 2013a). Pour ce nouveau plan, le gouvernement mise d’abord sur l’immigration pour les enjeux de prospérité économique et pour le maintien de la langue française. Il choisit de s’appuyer sur l’apport stratégique de l’immigration permanente et temporaire et prétend s’assurer qu’il soit possible pour les personnes immigrantes de réaliser leurs démarches avec célérité. Le gouvernement affirme viser « une société inclusive et engagée à favoriser la pleine participation » (Gouvernement du Québec, 2015, p.2)

En 2018, le nouveau gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) met en œuvre un projet visant à réduire d’environ 20% le nombre d’immigrants et justifie son choix en disant miser sur une meilleure intégration sociale et économique (Croteau, 2018). Le 9 juillet 2020, une modification au Programme de l’expérience québécoise (PEQ) est apportée, devant un tollé de contestations, par le gouvernement du Québec. Ce programme créé en 2010 visait « à inciter les étudiants étrangers (EE) diplômés au Québec et les travailleurs temporaires (TT) spécialisés en emploi à s’installer de manière permanente au Québec »

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(Gouvernement du Québec, 2013b, p.1) en leur permettant l’obtention rapide d’un certificat de sélection du Québec. Une première mouture de cette modification a été présentée à l’automne 2019 prévoyant des règles plus strictes quant à l’expérience de travail requise et à la maitrise du français. Cette proposition de modification fait l’objet d’une controverse ralliant de nombreux acteurs, dont ceux des partis de l’opposition, ceux du milieu de l’éducation, ceux des groupes de défense des droits des migrants, et plusieurs autres. La nouvelle version du PEQ affirme vouloir favoriser : « l’établissement durable des personnes qui sont au Québec à titre de résidents temporaires, mais aussi de reconnaitre l’apport économique, social et culturel des étudiantes et étudiants et des travailleuses et travailleurs étrangers à notre société » (Immigration, Francisation et Intégration, 2020). Bien qu’elle ait finalement fait l’objet d’assouplissement, cette mouture demeure tout de même contraignante pour ses candidats et plusieurs continuent à s’y opposer.

Lors du recensement de 2016, 13.7% de la population du Québec a déclaré être un immigrant reçu ou résident permanent du Canada. Entre 2011 et 2016, ce sont 215 170 nouveaux immigrants qui sont arrivés au Québec. De ce nombre, 13 445 se sont établis dans la Ville de Québec. Au Canada, 21.9 % de la population s’est déclarée immigrant reçu ou résident permanent. Entre 2011 et 2016, ce sont 1 212 075 nouveaux immigrants qui se sont établis au Canada (Gouvernement du Canada, 2017).

Malgré le travail réalisé par le gouvernement du Québec pour favoriser l’intégration dans les 50 dernières années, les nouveaux arrivants font encore face à de multiples défis liés à leur intégration pouvant s’avérer plus ou moins ardue. Le gouvernement du Québec tente depuis une vingtaine d’années de sensibiliser sa population à la diversité, mais cet objectif semble encore loin d’être atteint; les peurs, les préjugés et les stéréotypes perdurent (Vatz-Laaroussi, 2015). Ces incompréhensions culturelles se manifestent entre autres par l’entretien d’un rapport hiérarchique entre groupe majoritaire et groupe minoritaire fondé sur la discrimination tels que dans le domaine de l’emploi, du logement ou de la justice (Vatz-Laaroussi, 2005). Certes, les attitudes se sont modifiées profondément tout au long de l’histoire, et malgré les volontés politiques d’intégration, de sensibilisation et d’ouverture, les relations entre Québécois dits « de souche » et les minorités, les interactions quotidiennes ainsi que les expressions publiques discriminatoires qui relatent des gestes et des propos haineux sont encore bien présentes dans ce Québec du XXIe siècle.

1.2 Les débats autour de la neutralité religieuse

Le début du XXIe siècle est touché par des débats notoires sur les questions de l’immigration, de la neutralité religieuse et de l’égalité des genres. La couverture médiatique ayant mené à la commission Bouchard et Taylor, celle autour de la charte des valeurs québécoises et de l’adoption en 2017 de la loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodement

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pour motifs religieux dans certains organismes a contribué à alimenter l’intolérance déjà bien présente dans la société québécoise (Emongo et W. White, 2015). Cette intolérance, nourrie par des « dérapages médiatiques » touchant ces différents débats, a contribué à l’émergence de préjugés au sein de la société québécoise et a créé par le fait même une dichotomie entre les natifs et les immigrants (Potvin, 2010).

1.2.1 Commission Bouchard Taylor

C’est en 2008 que la commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles est mise en place par le gouvernement du Québec. Communément appelée la commission Bouchard-Taylor, elle a pour but de répondre aux expressions de mécontentement de la population face aux accommodements raisonnables (Bouchard et Taylor, 2008). Elle fait suite à la montée d’un malaise chez certains Québécois natifs envers la population immigrante, malaise né d’un tsunami médiatique dépeignant et déformant le portrait de cas particuliers et isolés d’accommodements (Giasson et al., 2010). La liberté de religion devient ainsi le thème de nombreux articles, reportages et textes d’opinion, souvent caractérisés par une mauvaise compréhension de la notion d’accommodement raisonnable improprement utilisée. Le débat est suscité par de nombreux cas soulevant des conflits de valeurs n’ayant rien à voir avec l’obligation juridique qu’est l’accommodement raisonnable, mais rapporté par les médias comme tels. La définition de l’accommodement raisonnable repérée sur le portail du Centre d’accès à l’information juridique, est la suivante: « Obligation juridique fondée sur le droit à l'égalité qui consiste à assouplir, en faveur d'une personne menacée de discrimination, l'application d'une norme institutionnelle ou d'une pratique à portée générale lorsque cette personne risque de ne pouvoir exercer un droit que la loi lui reconnait et, conséquemment, d'être pénalisée par telle application » (Espace CAIJ, s.d.). Bien que le mandat premier de cette commission soit de dissiper la confusion conceptuelle liée à la notion d’accommodement raisonnable, elle se penche plutôt sur une conception plus large en tentant d’analyser les enjeux fondamentaux qui les sous-tendent (Bernatchez, 2007).

1.2.2 Charte des valeurs

Le 7 novembre 2013, un projet de loi portant le nom de « Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accommodement » est déposé à l’Assemblée nationale du Québec. Cette charte, plus connue sous le nom de « chartes des valeurs Québécoises » a pour but de définir des règles communes afin de renforcer l’harmonie et la cohésion sociale, en misant sur la poursuite de la démarche de séparation entre l’État et la religion (Gouvernement du Québec, 2013). Le projet de loi met au cœur du débat québécois la notion d’égalité entre les hommes et les femmes, liée aux valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État, par la règlementation du port de signes religieux « ostentatoires » et des accommodements raisonnables. Le désir

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de l’État d’imposer des règles vestimentaires dans les services publics et parapublics remet en cause un droit fondamental de la société québécoise, celui de la liberté de religion. La parution de nombreux textes d’opinion, d’articles et de reportages, faisant usage des signes religieux à mauvais escient, partagés et commentés sur les réseaux sociaux, ravive les débats autour de la neutralité religieuse et des accommodements raisonnables et vient diviser la population. Les opinions divergent au sein de la société québécoise au regard du port du voile musulman et de l’enjeu d’égalité entre les hommes et les femmes qui refait surface dans la symbolique collective. La nouvelle norme québécoise est devenue « Vivre sa religion dans le privé et sans signe visible » (Vatz Laaroussi et Laaroussi, 2014, p. 25) et montrer sa religion dans l’espace public est maintenant « perçu[e] comme malsain, menaçant, signe d’une domination ou, au contraire, d’une volonté de prosélytisme et d’invasion de la société québécoise » (Vatz Laaroussi et Laaroussi, 2014, p. 25). Le contexte dans lequel est situé le débat est marqué par une augmentation de l’islamophobie et du questionnement identitaire des populations occidentales. Ce sont essentiellement les femmes de minorités religieuses, particulièrement les femmes de confession musulmane, qui sont ciblées par les débats et la tourmente engendrés par ce projet de loi, qui touche autant les sphères politiques, sociales et idéologiques. Bien que ce projet affirme avoir pour visée d’améliorer l’harmonie entre minoritaires et majoritaires, les tensions sociales qu’il suscite ont eu pour effet de fragiliser les rapports entre l’un et l’autre. Ce projet qui n’a finalement pas été adopté, et qui a même contribué à la chute du gouvernement péquiste l’ayant promu, constitue néanmoins « un jalon clé dans l’histoire des relations intercommunautaires à l’échelle locale et s’inscrit dans un continuum d’évènements ayant contribué à leur exacerbation » (Johnson-Lafleur et al., 2016, p.193).

1.2.3 Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État

La Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes est adoptée en octobre 2017 à l’Assemblée nationale du Québec. Dans la même lignée que le projet de la Charte des valeurs, cette nouvelle loi prévoit la neutralité religieuse des membres du personnel des organismes publics, en prévoyant que toute personne qui offre ou utilise le service le fasse à visage découvert (Gouvernement du Québec, 2017). La parution de cette loi provoque une fois de plus des réactions tant dans la sphère publique québécoise que dans la sphère canadienne où la nature de cette loi est dénoncée. L’augmentation des risques de créer des divisions entre les groupes, plus particulièrement entre les populations non-musulmanes et les populations musulmanes, est mise en avant-plan (International, 2017). Plusieurs organismes tels que La commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) et Amnistie internationale se montrent en défaveur de cette loi, dénonçant, entre autres, la mesure visant l’offre de services à visage découvert, mesure pouvant contribuer à la discrimination systémique envers les femmes appartenant à un groupe minoritaire, en plus de multiplier les obstacles pouvant être rencontrés au quotidien. Cette loi met également les femmes à risque de devenir la

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cible de propos et de gestes discriminatoires (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2018).

1.2.4 Loi sur la neutralité de l’État

Adoptée sous bâillon en juin 2019, la loi sur la neutralité de l’État a pour objectif d’affirmer et de préciser la loi sur la neutralité religieuse de l’État qui avait été adoptée en 2017. Dans cette loi, la neutralité de l’État repose sur quatre principes : la séparation de l’État et des religions ; la neutralité de l’État ; l’égalité de tous les citoyens et citoyennes ; et la liberté de conscience et la liberté de religion. En vue d’éviter les contestations de personnes voulant faire valoir leurs droits de liberté de religion et leurs droits d’égalité, cette loi s’est prévalue d’une clause dérogatoire à la Charte canadienne des droits et libertés. Elle fait aujourd’hui l’objet de contestation devant la Cour supérieure du Québec, où des demandes d’invalidation furent déposées par plusieurs individus, organisations, fédérations, etc. Les nombreux débats sur la laïcité l’entourant ont à nouveau alimenté l’intolérance et favorisé l’émergence de préjugés et de discriminations et plus particulièrement envers les minorités religieuses, dont les personnes de cultures musulmanes.

Les débats autour des accommodements raisonnables, de l'égalité des genres et de la neutralité religieuse de l'État ainsi que leur couverture médiatique, contribuent à alimenter l'intolérance déjà bien présente dans la société québécoise. Les médias sociaux mettent en lumière, à travers les commentaires de ses utilisateurs, un manque de tolérance grandissant du milieu d’accueil envers les personnes issues de l’immigration. Ce phénomène s’observe également dans certains médias allant parfois jusqu’à véhiculer des discours haineux envers les personnes issues de l’immigration. Ce constat se fait d’ailleurs de plus en plus sentir avec la montée d’un discours populiste souvent teinté de xénophobie dans l’appareil politique.

1.3 Revue de la littérature

La population du Québec d’aujourd’hui est de plus en plus caractérisée par la présence de personnes issues de l’immigration. Chaque année, le Québec accueille environ 50 000 nouveaux arrivants provenant de pays divers. Plusieurs d’entre eux font face à des difficultés d’intégration, souvent liées aux stéréotypes et aux préjugés que leur prête la société d’accueil. Cette recension des écrits propose d’examiner différents aspects de la construction des préjugés, des stéréotypes et de la discrimination. Elle met en lumière des techniques pouvant favoriser des contacts positifs entre la société d’accueil et les immigrants. Les informations recueillies pour cette recension sont regroupées sous trois grands thèmes: 1) Les variables contribuant à la construction des perceptions négatives; 2) Les impacts des perceptions négatives; 3) Les facteurs contribuant à la construction des perceptions positives.

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1.3.1 La démarche documentaire

Dans le but d’explorer la documentation sur le sujet traité, une revue de la littérature a été réalisée. Les études ont ainsi été recueillies à partir de diverses bases de données multidisciplinaires tels que : Érudit, Anthropology Plus (EBSCO) et eHRAf World Culture, Social services Abstracts et Sociological Abstracts. Plusieurs recherches ont été faites à partir de la plateforme Ariane de la bibliothèque de l’Université Laval. Des articles ont également été recensés à la suite de divers écrits traitant de la question parus dans les médias. Différents mots clés ont été utilisés pour la démarche documentaire dont certains furent traduits en anglais: « immigration, « immigrants », « immigrant », « refugiés », « refugees », « diversité culturelle », « cultural diversity », « discrimination », « discrimination », « préjugés », « préjudice », « stéréotypes », « stereotype », « préjugés ethniques », « ethnic prejudice » « intégration », « communication interculturelle », « interculturel communication » et «médiation culturelle ».

1.3.2 Variables contribuant à la construction des perceptions négatives

Plusieurs études portant sur l’immigration rapportent l’existence de facteurs pouvant contribuer à la construction de perceptions négatives de l’Un envers l’Autre. Une personne peut être associée à un groupe homogène et non diversifié par la consonance de son nom ou par son apparence physique, sans même que ses caractéristiques individuelles ne soient considérées (Bergamaschi, 2011; Curovac Ridjanovic, 2007; Lemoine, 2010; Steinbach, 2015; Vatz Laaroussi et al., 2008). Ces perceptions, pouvant mener à des pratiques discriminatoires, peuvent être influencées par les discours présents dans la société d’accueil, la couverture médiatique et les variables sociodémographiques tant des personnes issues de la société d’accueil que de celles issues de l’immigration.

• Les discours présents dans la société d’accueil

En raison des spécificités de chaque pays d’accueil, dont celles de l’historicité de l’immigration et la manière dont sont gérées les politiques nationales de celle-ci, les perceptions liées à l’immigration de la population non immigrante peuvent varier (Bergamaschi, 2011). Le contexte historique et idéologique des politiques d’immigration des pays d’accueil joue un rôle important dans l’intégration des personnes immigrantes et sur le discours de la population de la société. Une étude de Bergamaschi (2011) réalisé auprès d’un échantillon de jeunes sélectionnés en France et en Italie démontre que les discours sur l’immigration qui circulent dans la société influencent les attitudes intergroupes chez les jeunes. Ayant pour objectif de situer les représentations et les attitudes envers l’immigration, il apparait dans cette étude que les jeunes Italiens et les jeunes Français ont des visions divergentes sur la question identitaire et sur la perception de l’Islam. L’analyse réalisée auprès de 920 lycéens âgés en moyenne de 17 ans répartis entre la population italienne (51,9 %) et française

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(48,1 %) montre que les jeunes Français sont très fermés à l’islam. Cette religion est, selon eux, susceptible d’empêcher une « bonne intégration ». Les jeunes italiens, pour leur part, y sont que très peu réactifs. En moyenne, 89 % des jeunes Français croient que les femmes musulmanes ne devraient pas être autorisées à porter le voile au travail ou à l’école contre 59,3 % des jeunes Italiens. Les jeunes Italiens se montrent davantage préoccupés par les enjeux socioéconomiques liés à l’immigration plutôt qu’aux enjeux sur la question identitaire dont la présence est très élevée auprès des jeunes Français (Bergamaschi, 2011). Ce même constat apparait dans un rapport de 2018 de La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur l’état du racisme et de la xénophobie en France. Ce rapport qui s’appuie sur un sondage réalisé auprès d’un échantillon de 1000 personnes adultes résidant en France métropolitaine, révèle la présence dans la population d’un argument d’ordre identitaire et culturel, qui consiste « à reprocher aux immigrés de ne pas respecter les coutumes et les traditions françaises, de ne pas se conformer aux valeurs de la société d’accueil » (Mayer et al., 2018, p. 90). Les enjeux d’ordre identitaire font également surface dans une étude réalisée au Québec sur la menace de l’immigration sur l’identité québécoise. Mais au Québec, ce sentiment de menace identitaire face à l’immigration s’expliquerait plutôt par le statut minoritaire de la province devant l’ensemble du Canada.Ce sont au total 29 627 Québécois de 150 localités situées partout à travers la province qui ont été interrogées pour cette étude qui visait à comparer les perceptions des Québécois ayant pour langue maternelle le français (Bilodeau et Turgeon, 2014).

• Les représentations sociales

Certains auteurs mentionnent l’influence majeure qu’ont les représentations sociales de la société d’accueil sur l’intégration des personnes immigrantes. Les politiques y jouent un rôle important, puisqu’elles structurent les conditions de l’inclusion des personnes. Elles doivent donc proposer des outils pour contrer les représentations erronées autant des personnes issues de la société d’accueil que de celles issues de l’immigration. La faible reconnaissance des différences des immigrants aussi appelée « cultural Blindness » aux « États-Unis » (Bennett, 1993), peut avoir pour conséquence de limiter la capacité l’inclusion des personnes issues de l’immigration, tout en influençant la volonté de la société d’accueil de leur offrir du soutien dans leur intégration. Selon les données de l’étude de White, Gratton et Rocher (2014), le fait d’avoir été laissées à elles-mêmes favorise chez les personnes immigrantes le développement de l’idée que « le Québec est une société fermée » (p.14). Dans le même ordre d’idée, de nombreux Québécois soutiendraient que « les immigrants ne veulent pas s’intégrer ». Les auteurs soulèvent ainsi que « ces deux représentations confirment les préjugés des uns et des autres et créent un cycle de distanciation et de renfermement qui représente un obstacle considérable à l’inclusion des personnes issues de l’immigration » (p.14).

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• La couverture médiatique

La façon dont les médias rapportent les évènements influence les perceptions des populations en plus d’exercer un effet dans la construction de l’opinion publique (Hallam et Street, 2000). Les médias peuvent ainsi nuire à la population immigrante en présentant des stéréotypes ou des préjugés, et provoquer de l’aliénation de la part de la société d’accueil (Potvin et al., 2008; Proulx et Bélanger, 1996; Van Dijk, 1989). Le rapport du CNCDH (2018) soulève également cette influence des médias en France, et ajoute que l’intolérance et les préjugés de la population ne proviennent pas des évènements susceptibles de peser un poids sur l’opinion, tels que les attentats terroristes souvent rapportés, mais qu’ils proviennent de la manière dont sont présentés ces évènements par les élites politiques, sociales et médiatiques. Le rapport ajoute que la multiplication des attentats commis par l’islamisme radical et les débats dans l’espace public qui entourent le port de signes religieux mettent l’islam au cœur des débats politiques et favorisent la stigmatisation des personnes de confession musulmane. L’analyse d’entrevues semi-dirigées réalisées auprès de cinq familles bosniaques arrivées au Québec entre 1993 et 1995 montre que les médias contribuent à la formation de préjugés et de stéréotypes en plus d’offrir, selon le récit de ces familles, une mauvaise couverture médiatique des situations de guerre se produisant à l’international. Les femmes musulmanes bosniaques rencontrées dans le cadre de l’étude font mention du manque de distinction dans les médias entre les différentes populations musulmanes, ne présentant qu’une image stéréotypée des musulmans arabes (Curovac Ridjanovic, 2007). De nombreuses recherches ont d’ailleurs rapporté que les personnes de confession musulmane sont plus susceptibles de vivre des difficultés d’accès à l’emploi et aux logements (Amiraux et Desrochers, 2013; Antonius, 2008). Elles vivent ainsi de l’assignation identitaire: « processus au cours duquel une des composantes de l'identité des individus prend le dessus sur toutes les autres, à la suite de son interpellation dans le cadre d'un rapport de pouvoir » (Antonius, 2008, p. 14). Nombreuses personnes rapportent avoir été victimes d’incidents déplorables en raison de la simple consonance de leur nom ou d’une composante de leur identité qui les associent à l’Islam. Il peut s’agir d’insultes, d’humiliations, de profanation de mosquées, d’agressions physiques ou verbales de femmes voilées. Tous ces actes sont des manifestations de l’islamophobie. Les médias peuvent être les vecteurs d’une forte assignation identitaire des personnes immigrantes, et peuvent ainsi contribuer à les discriminer (Amiraux et Desrochers, 2013; Antonius, 2008).

Les travaux de Giasson, Brin et Sauvageau (2010) portant sur la couverture par la presse québécoise de la crise des accommodements raisonnables concluent que la couverture médiatique de ce débat s’est manifestée par un tsunami médiatique. Les chercheurs ont analysé le contenu de tous les textes provenant de 11 quotidiens québécois et traitant de l’enjeu des accommodements raisonnables parus entre le 2 mars 2006 et le 9 février 2007. La première vague analysée s’est produite à la suite d’une décision de la Cour suprême

Figure

Figure 1: Déroulement de la collecte de donnée de ce mémoire
Tableau 1: Profil sociodémographique
Tableau 2: Identification des préjugés
Tableau 3: Identification des dynamiques de changement  2.  Identification des

Références

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