• Aucun résultat trouvé

Partie I : Développement d’un traceur compagnon pour la thérapie des tumeurs

1. La mésothéline

1.1 Identification et découverte de la MSLN

La mésothéline ou MSLN, a été initialement identifiée par Ira Pastan et Mark Willingham (NIH) en 1992 (Chang, Pastan and Willingham, 1992). A la recherche de nouveaux antigènes tumoraux pouvant être des cibles pour l’immunothérapie des cancers, ces chercheurs ont généré et isolé un anticorps monoclonal particulier appelé K1, après immunisation de souris avec la lignée humaine de cancer ovarien OVCAR-3. Cet anticorps cible un épitope d’une protéine située à la surface des cellules tumorales ovariennes. Ils ont nommé cet antigène CAK1 (K1-reactive Antigen) (figure 46). Via l’utilisation de l’anticorps K1, ils ont démontré que l’expression physiologique de CAK1 était restreinte aux cellules mésothéliales de la plèvre, du péricarde et du

péritoine. Du fait de son expression par ces cellules, CAK1 a ensuite pris le nom de mésothéline (MSLN) (Chang and Pastan, 1996). Outre sa capacité à cibler des tumeurs ovariennes, cet anticorps a également montré une réactivité importante vis-à-vis des mésothéliomes malins. L’expression de la MSLN a par la suite été confirmée dans différents cancers : pancréas, poumons, estomac, et cancer du sein triple négatif.

1.2 Structure de la MSLN

La MSLN est une protéine membranaire de 40 kDa à ancre GPI (glycosyl-phosphatidylinositol). L’ancre GPI est un glycolipide permettant l’ancrage de la protéine à la membrane plasmique. La MSLN est produite sous la forme d’un précurseur de 71 kDa (628 acides aminés) codé par un ADNc de 2138 paires de bases, qui est adressé à la membrane où il va être clivé au niveau d’un site protéolytique au niveau de l’arginine 295 par une protéase endogène de type furine pour générer 2 protéines (figure 47) :

Figure 46. Immunofluorescence de CAK1 sur des cellules OVCAR-3 à l’aide de l’anticorps K1 (Chang et al., 1992).

92

 MPF (Megakaryocyte Potentiating

Factor - 31 kDa), est une protéine soluble, située en N-term (Ser34-Arg 286).

 MSLN (40 kDa) est une protéine

membranaire située en C-term (à partir de Glu296).

La MSLN sous sa forme membranaire de 40 kDa, peut également être clivée au niveau de l’ancre GPI pour donner naissance à une forme tronquée, soluble, que l’on nomme SMRP, pour Serum Mesothelin Relative Peptide. Ainsi, la MSLN peut exister sous 2 formes membranaires : Full-ERC/mésothéline de 71 kDa et la forme C-ERC/mésothéline de 40 kDa et 2 formes solubles : N-ERC/mésothéline ou MPF

de 31 kDa et SMRP de 40 kDa (figure 48) (Einama et al., 2016)). A l’heure actuelle,

bien qu’il existe des logiciels de prédiction de la structure de la MSLN, qui possède notamment des motifs de répétition en tandem de type Hélice double hélice, sa structure tridimensionnelle n’est pas connue (Sathyanarayana et al., 2009). Trois variants issus d’épissage alternatif de la MSLN ont été identifiés (variant 1, 2 et 3), le variant 1 est la forme prédominante exprimée par les cellules mésothéliales ou cancéreuses (Muminova, Strong and Shaw, 2004). Le variant 1 est également celui majoritairement relargué par certaines cellules tumorales (SMRP) (Hellstrom, 2006).

Figure 47. Structure et clivage du précurseur de la MSLN (Pastan and Hassan, 2014).

93

Figure 48. Schéma représentatif des différentes formes de MSLN présentes chez l’homme (Einama et al., 2016).

1.3 Fonction physiologique de la MSLN

La fonction physiologique de la MSLN reste à ce jour encore largement mal connue. Bien que les protéines à ancre GPI soient généralement impliquées dans l’adhésion cellulaire ou la signalisation cellulaire, aucune fonction biologique ne semble être associée à la MSLN. En effet, les délétions du gène codant pour la MSLN générées chez la souris par l’équipe de I. Pastan n’ont pas permis de mettre en évidence d’anomalies phénotypiques, que ce soit au niveau anatomique chez la souris ou histologique sur des coupes de tissus (cellules mésothéliales de la plèvre, du péricarde et du péritoine) exprimant la MSLN (Bera and Pastan, 2000).

Si aucune fonction biologique n’a encore été attribuée à la MSLN, l’expression du facteur MPF semble jouer un rôle physiologique. Ce facteur MPF a initialement été isolé à partir du milieu de culture de cellules tumorales pancréatiques et semble jouer un rôle de cytokine potentialisant in vitro l’activité de cellules de la moelle osseuse particulières, les mégakaryocytes,responsables de la production des plaquettes (Yamaguchi et al., 1994). Néanmoins, la délétion du gène codant pour la MSLN, et par conséquent du facteur MPF, sur des modèles murins, n’a pas montré d’effet sur la numération plaquettaire suggérant que le facteur MPF n’est pas essentiel à la production de plaquettes in vivo.

94

1.4 Interaction de la MSLN avec CA125

Une protéine a été identifiée comme étant l’unique ligand de la MSLN (Gubbels et al., 2006). Il s’agit de MUC16, une protéine transmembranaire, qui porte un déterminant antigénique particulier appelé CA125 (figure 49). L’antigène carbohydrate CA125 est un marqueur tumoral dosé pour le suivi de traitement des cancers épithéliaux de l’ovaire. Cette protéine peut exister soit sous une forme soluble, soit sous une forme membranaire. Bien que relativement peu spécifique, le dosage sanguin de CA125 est très utilisé dans la surveillance de ces tumeurs. L’interaction entre la MSLN et CA125 pourrait jouer un rôle clé dans la croissance et la dissémination des cellules tumorales ovariennes, pancréatiques, mais également de mésothéliomes (Muniyan et al., 2016 ; Chen et al., 2013). Il a par ailleurs été suggéré que l’expression de la MSLN sur les cellules mésothéliales du péritoine faciliterait l’implantation des cellules tumorales exprimant CA125 (Rump et al., 2004 ; Gubbels et al., 2006). De même, il semblerait qu’une interaction entre CA125 exprimée à la surface des cellules mésothéliales et la MSLN présente à la surface des cellules tumorales soit également impliqué dans l’implantation des cellules tumorales. (Hassan et al., 2010).

Figure 49. Modèle proposé

de l'interaction

MSLN-CA125 et rôle dans la dissémination métastatique (Hassan et al., 2010).

Par des méthodes de mutagénèse dirigée Kaneko et al. ont identifié un site de liaison de la MSLN à CA125. Il s’agit d’une région de 64 acides aminés, appelée IAB, située sur la partie N-terminale de la MSLN qui est la région nécessaire et

95

suffisante pour permettre cette interaction (Kaneko et al., 2009). Si l’interaction CA125-MSLN est impliquée dans la dissémination métastatique, cibler et inhiber celle-ci pourrait s’avérer être une stratégie pertinente pour la prise en charge des tumeurs ovariennes et des mésothéliomes. Une immunoadhésine, une protéine chimérique qui combine une séquence d’intérêt et la région Fc d’une immunoglobuline, a récemment été développée dans cette optique. Il s’agit de HN125 qui est formée de la séquence IAB, le domaine d’interaction MUC16-MSLN, fusionnée à la partie N-terminale d’une IgG1 humaine (Xiang et al., 2011). Il a pu être montré in vitro que HN125 abolit l’interaction MSLN-MUC16, suggérant que son inhibition pourrait être une nouvelle stratégique thérapeutique pour le cancer ovarien.

Chen et al. ont montré que l’expression de CA125 était corrélée à celle de la MSLN dans les tumeurs pancréatiques. Cette

co-expression est notamment

impliquée dans la motilité

cellulaire et l’invasion tumorale (figure 50) (Chen et al., 2013 ; Shimizu et al., 2012). Elle est de plus associée à un mauvais pronostic chez les patients atteints d’adénocarcinomes pancréatiques

(Einama et al., 2011). Figure 50. Voie de signalisation induite par la

signalisation MSLN-MUC16 dans les cellules

96