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5. Hétérogénéité phénotypique tumeur primaire-métastases

5.3 Pourquoi une-t-elle discordance ?

Tous les mécanismes responsables du changement d’expression de ces récepteurs ne sont pas encore élucidés. Plusieurs faits peuvent expliquer cette discordance et incluent l’hétérogénéité intra-tumorale, des changements moléculaires au cours de l’évolution biologique de la tumeur, le micro-environnement ou encore la pression de sélection induite par les thérapies.

5.3.1 Hétérogénéité intra-tumorale : sélection clonale vs modèle

adaptatif

Pour comprendre l’origine de ces discordances, il est nécessaire de s’intéresser au processus d’évolution tumorale. Il existe une hétérogénéité intra-tumorale marquée : toutes les cellules ne sont pas identiques et représentent une véritable mosaïque tumorale. Deux types d’explication ont été proposés afin de rendre compte de ce phénomène : l’existence de cellules souches cancéreuses (CSC) et l’évolution clonale basée sur le principe de sélection naturelle. Ces deux concepts sont à l’heure actuelle les plus évoqués pour expliquer cette hétérogénéité.

 Cellules souches cancéreuses (CSC)

L’existence de cellules souches cancéreuses (CSC) a été mise en évidence en 2003 à partir de métastases issues du sein (Al-Hajj et al., 2003). Selon ce concept de CSC, une seule partie des cellules tumorales est responsable de la progression tumorale. Cette population de cellules posséderait des propriétés semblables à celles de cellules souches, à savoir celles d’auto-renouvellement, de différenciation, mais aussi de quiescence (Marusyk and Polyak, 2010 ; Fulawka, Donizy, and Halon, 2014). Elles se caractérisent par leur capacité à effectuer un nombre illimité de cycles cellulaires tout en maintenant un état indifférencié. Ces cellules peuvent se diviser et donner deux CSC ou alors générer un progéniteur, cellule différenciée. De cette manière, l’auto-renouvellement de cellules souches assure la tumorigenèse alors que la différenciation serait à l’origine de l’hétérogénéité tumorale. Ainsi, les cellules souches sont au sommet de ce modèle et peuvent produire toutes les autres cellules tumorales.

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 Evolution clonale

La théorie de l’évolution clonale a été proposée dès 1976 par Nowell (Nowell, 1976). Selon cette théorie, les tumeurs dérivent initialement d’une cellule unique qui devient la cible de diverses mutations. Ce phénomène conduit à la sélection de diverses sous-populations avec des phénotypes différents. La conséquence est une sélection progressive du clone le plus agressif. Selon cette théorie, la masse tumorale représente un ensemble dynamique composé de plusieurs populations de cellules tumorales transformées. Les cellules tumorales subissent des mutations drivers, essentielles au développement tumoral et passengers qui ne confèrent pas d’avantage sélectif aux cellules tumorales (Stratton, Campbell, and Futreal., 2009). Ainsi, dans ce modèle, toutes les cellules possèdent le même potentiel intrinsèque de contribution à la croissance tumorale.

Figure 27. Modèle des CSC. Les CSC sont dotées d’une capacité à réaliser un nombre illimité de divisions. L’hétérogénéité tumorale résulte de populations aux phénotypes divers aux différents stades de maturation. (Fulawka et al., 2014).

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Si ces deux théories ont pendant longtemps été considérées sans lien apparent, on admet aujourd’hui qu’elles sont complémentaires (figure 29).

Figure 28. Evolution clonale. La tumeur

évolue au travers d'accumulations

d'anomalies génétiques et épigénétiques.

Différents sous-clones évoluent

indépendamment tout en accumulant des mutations. (Fulawka L et al., 2014).

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5.3.2 Micro-environnement et plasticité tumorale

Comme nous l’avons vu précédemment, le micro-environnement tumoral représente une structure complexe composée de nombreux types cellulaires (cellules immunitaires, cellules endothéliales, fibroblastes…). En plus de l’hétérogénéité des cellules tumorales, il existe également une hétérogénéité du stroma tumoral (figure 30). Ce sont les différentes interactions entre les cellules tumorales et cet environnement qui contribuent à la progression tumorale (Koren and Bentires-Alj, 2015). Ces interactions ne sont pas uniformes dans la tumeur. A titre d’exemple, certaines zones dans la tumeur se trouvent à distance des vaisseaux sanguins et sont par conséquent moins oxygénées. On parle d’hypoxie intra-tumorale, responsable de modifications du métabolisme énergétique (Billaud, 2012). Cette hypoxie constitue également un facteur clé de

Figure 29. Modèle d’hétérogénéité tumorale. Complémentarité des modèles d’évolution clonale et de CSC. La population des CSC peut subir une évolution clonale. L’hétérogénéité tumorale résulte de l’existence de variants clonaux et de différents stades de maturation cellulaire (Fulawka et al., 2014).

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développement de clones tumoraux à haut potentiel métastatique (Vaupel, 2008). Par ailleurs, l’immuno-surveillance par les cellules du microenvironnement peut conduire à une sélection de sous-clones dépourvus d’antigènes ou de sous-clones avec une sensibilité vis-à-vis du système immunitaire amoindrie (Matsushita et al., 2012 ; DuPage et al., 2012).

5.3.3 Pression de sélection thérapeutique

La prise en charge thérapeutique des cancers, que ce soit par l’utilisation de la chimiothérapie, de la radiothérapie ou des thérapies ciblées est également à l’origine d’une hétérogénéité intra-tumorale. On peut ainsi observer, sous la pression thérapeutique, l’expansion de clones résistants pré-existants ou l’émergence de cellules devenant résistantes (figure 31) (Dagogo-Jack and Shaw, 2017). Plusieurs équipes se sont notamment intéressées à l’expression de ER chez des patientes traitées par hormonothérapie et ont observé une évolution tumorale vers des phénotypes ER- (Johnston et al., 1995). Cette discordance phénotypique a également été observée après la prise en charge de patientes avec un cancer du sein invasif par chimiothérapie avec un changement dans les statuts HER2, PR et

Figure 30. Micro-environnement et hétérogénéité intra-tumorale. Les différents acteurs du micro-environnement (cellules immunitaires, fibroblastes, adipocytes...) peuvent conduire à l’hétérogénéité tumorale. Adaptée de Koren et al., 2015.

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ER observé chez 10 à 54 % des patientes (Jin et al., 2015 ; Yang et al., 2013 ; Yoshida et al., 2017).

5.4 Impact de la discordance tumeur primaire-métastase sur la