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Chapitre 5 : Résultats

5.2 Perceptions du rôle et des pratiques des IPSPL dans le domaine des maladies chroniques

5.3.3 Méconnaissance persistante du rôle de l’IPSPL, résistance et craintes face au changement :

interprofessionnelle optimales pour une gestion efficace des maladies

chroniques

Comme il a été mentionné dans la section précédente, la méconnaissance du rôle de l’IPSPL représente un défi très important entourant la pratique des IPSPL selon une majorité des informateurs clés rencontrés. D’abord, la pratique de l’IPSPL serait fréquemment confondue avec celle des autres rôles infirmiers, plus particulièrement avec la pratique de l’infirmière clinicienne. Cette confusion amènerait une utilisation sous- optimale de l’IPSPL dans certaines équipes de soins. Elle serait parfois appelée à prodiguer des soins courants qui pourraient aisément être administrés par une infirmière auxiliaire. Dans d’autres cas, on lui attribuerait des suivis de maladies chroniques qui pourraient tout aussi bien être effectués par une infirmière clinicienne via les ordonnances collectives. Ce type de suivis, octroyés à tort à l’IPSPL selon plusieurs répondants, ne permettrait pas à l’IPSPL de mettre à profit toute l’autonomie dont elle dispose via les actes médicaux qu’elle est habilitée à poser, comme le soulève cet informateur clé :

Ben moi, c'est parce que je veux qu'elles jouent pleinement leur [rôle], bon, elles ont été formées pour suivre des clientèles diversifiées, elles ont été formées pour être autonomes, j'ai pas envie de les réduire à des suivis, par exemple de INR, puis l'ajustement de Coumadin. (ENT 09, directrice des soins infirmiers)

La méconnaissance du rôle serait également à l’origine de difficultés d’intégration de l’IPSPL et de collaboration avec les autres professionnels dans certains milieux. D’abord, certains médecins anticiperaient une perte de revenu avec l’arrivée d’une IPSPL, craignant une réduction de leur volume de patients. De plus,

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la rémunération à l’acte des médecins ne favoriserait pas leur engagement dans des activités de collaboration interprofessionnelle, moins payantes que les activités cliniques auprès des patients. Par ailleurs, certains médecins seraient plus réticents à collaborer avec l’IPSPL par crainte d’imputabilité légale en cas de faute ou de manquement de l’IPSPL envers un patient, alors que cette crainte serait injustifiée, selon certains informateurs clés. Ils auraient parfois tendance à exercer une surveillance excessive de l’IPSPL, brimant ainsi l’autonomie dont elle devrait pouvoir bénéficier dans le cadre du suivi de ses patients. De plus, certains médecins se montreraient résistants à l’intégration d’une IPSPL, car ils se sentiraient menacés par les compétences avancées de l’IPSPL, craignant qu’elle ne vienne remettre en question leurs propres pratiques. D’autres auraient aussi du mal à accepter de perdre l’exclusivité du champ de pratique médical et le contrôle sur leurs patients, ou se montreraient tout simplement résistants au changement que l’IPSPL entraînerait dans leur pratique. De façon générale, il ressort du discours des informateurs clés que la confiance et l’aisance du médecin envers l’IPSPL prendrait un certain temps à se développer, le temps que le médecin se familiarise avec le rôle de cette nouvelle collaboratrice et que se dissipent ses craintes initiales.

Y [les médecins] ont un peu peur en fait que les IPS entrent dans leur pratique. J’ai l’impression peut-être d’une part parce que, disons-le, y ont peur de perdre un peu de pouvoir…sur leurs patients […] Mais aussi parce que j’pense que le rôle est méconnu là…de se faire challenger, j’pense qu’y a des médecins qui ont peur de la pratique des IPS parce qu’y connaissent pas leur pratique, y connaissent pas comment y fonctionnent, fait que y ont peur des erreurs médicales et compagnie, ça c’est sûr, mais j’pense pas que c’est la majorité. Y a beaucoup de médecins aussi qui…qui… qui vont se sentir aussi un peu dépassés par la pratique de ces IPS-là. C’est sûr que les IPS ont un…une expertise en fait qui est plus définie, qui est moins large que la nôtre. […] donc c’est peut-être plus facile pour eux de se tenir à jour sur la pratique donc… Moi, je pense que certains médecins ont peur de l’expertise qu’y peuvent avoir qui pourrait confronter leur propre expertise à eux. (ENT 40, médecin partenaire)

Puis je peux vous dire, elles [les IPSPL] ont dû faire leurs preuves dans ce contexte-là. Fait que les médecins sont [maintenant] rassurés. (ENT 18, directrice de soins infirmiers)

Du côté des infirmières cliniciennes, certains informateurs clés ont relevé que celles-ci ne percevraient pas toujours la distinction entre leur propre rôle et celui de l’IPSPL, et ne verraient donc pas la pertinence d’intégrer l’IPSPL au sein de l’équipe de soins. Certaines infirmières cliniciennes manifesteraient une attitude négative envers l’IPSPL, qu’elles considéreraient comme une compétitrice, une menace à l’intégrité de leur propre rôle, plutôt qu’une collaboratrice. La méconnaissance du rôle s’observerait également du côté de certains pharmaciens communautaires, qui ne reconnaîtraient pas les prescriptions de l’IPSPL au même titre que celles du médecin. Malgré des dispositions très claires dans la réglementation de la pratique de l’IPSPL quant aux médicaments qu’elle est autorisée à prescrire, certains pharmaciens questionneraient encore la valeur légale des prescriptions signées par l’IPSPL.

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Ça, initialement là, quand on savait qu'on aurait une IPS qui s'en viendrait ici, je dois dire que les infirmières cliniciennes ne voyaient pas ça nécessairement d'un bon œil, hein, c'était comme bon, comme, en fait c'était beaucoup encore dans l'incompréhension ou la méconnaissance du rôle parce que là, l'infirmière disait, l'infirmière clinicienne disait : « oui, mais ici on a des protocoles, on va administrer les protocoles, puis dans le fond ben qu'est-ce que ça va donner de plus à l'UMF d'avoir une IPS? » (ENT 22, médecin partenaire)

On nous relève beaucoup de situations où le pharmacien en communauté remet en question des prescriptions des infirmières praticiennes, ils les surveillent alors que ce n'est pas vraiment leur mandat de surveiller la pratique des infirmières praticiennes. On a même entendu des praticiennes qui nous ont dit : « ben mes patients là sont allés à la pharmacie communautaire pour remplir la prescription, ils se sont fait dire que ce serait mieux d'avoir un médecin, vous êtes pas sûrs vos assurances remboursent parce que c'est une infirmière praticienne. » (ENT 01, représentant d’une association professionnelle)

Nos défis qu'elles ont, nos IPS, je dois vous dire, c'est de faire accepter leurs prescriptions, par les pharmacies communautaires. […] Parce qu'ils refusent les prescriptions de notre clientèle, allant même jusqu'à ce qu'un client a été 48 heures sans avoir sa médication. (ENT 18, directrice des soins infirmiers)

Ainsi, non seulement la méconnaissance du rôle de l’IPSPL nuirait à son intégration dans les milieux de première ligne et à la collaboration avec les autres professionnels de la santé, mais elle compromettrait également la qualité et la sécurité des soins prodigués aux patients. Le continuum de soins, essentiel à une prise en charge optimale des patients atteints de maladies chroniques, serait parfois menacé par la non- reconnaissance de l’IPSPL au même titre qu’un médecin pour certains actes médicaux :

Ce qui limite des fois le fonctionnement des IPS, c'est la méconnaissance des rôles par les GMF, parfois par les partenaires externes. […] Les IPS à c’t’heure ont le droit de prescrire des mammographies […] mais la façon que ça fonctionne dans le système, l'IPS n'est pas reconnue au niveau médical, ça veut dire que le résultat de mammographie se ramasse au médecin de l'Agence. Ça veut dire y'a un manque de communication dans le système et des fois les patients tombent entre deux chaises de même, et à ben des endroits, une IPSPL, c'est considéré comme une infirmière clinicienne. (ENT 19, gestionnaire de soins infirmiers)

5.3.4

Un nombre insuffisant d’IPSPL au Québec qui compromettrait la diffusion du