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Chapitre 5 : Résultats

5.2 Perceptions du rôle et des pratiques des IPSPL dans le domaine des maladies chroniques

5.3.2 Des IPSPL manquant parfois d’outils et d’expérience pour gérer des maladies chroniques de

Selon certains informateurs clés, la complexité croissante des maladies chroniques représenterait un important défi dans la pratique de l’IPSPL. Cette complexité toucherait l’ensemble des maladies chroniques, incluant celles qualifiées de stables et pour lesquelles l’IPSPL offre un suivi. D’abord, les patients suivis par l’IPSPL seraient fréquemment atteints de plusieurs maladies chroniques à la fois, maladies bien souvent interdépendantes dont l’évolution de chacune se répercute sur le cours des autres. On parlerait alors de multipathologies ou de multimorbidité, et ces cas seraient de plus en plus représentés parmi la clientèle suivie en première ligne, tel qu’illustré dans cette citation :

Ben en fait, ce que les infirmières praticiennes en première ligne, ce qui n'est pas nécessairement simple, c'est qu'on a aussi une patientèle de plus en plus maladies chroniques, mais multi maladies chroniques. Et ça complexifie l'évaluation, ça complexifie aussi le traitement et le suivi. Et ça, quand on commence comme infirmière praticienne, on a… ça nous prend un certain temps avant de développer une certaine expérience, une habileté à travailler avec ces clientèles-là multi pathologiques et complexes. Je pense que ça, ça fait partie d'un défi important pour les IPS. Traiter une hypertension c'est une chose, mais traiter un patient qui est à la fois hypertendu, insuffisant cardiaque, insuffisant rénal et que là commence un diabète,

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c'est une autre paire de manches. Et ça, on commence à en avoir de plus en plus, de ce type de clientèle-là. (ENT 01, représentant d’une association professionnelle)

Le défi serait d’assurer une gestion conjointe de l’ensemble des problèmes de santé chroniques du patient plutôt que d’effectuer un suivi compartimenté pour chaque maladie prise de façon isolée. Une approche globale des cas de multimorbidité permettrait d’éviter de mettre en œuvre une intervention pertinente pour l’une des maladies, mais qui entraînerait des répercussions indésirables sur l’évolution des autres pathologies concomitantes. Ce défi serait d’autant plus grand chez les personnes âgées, dont l’état de santé plus précaire limiterait les options thérapeutiques. En plus de la problématique posée par la multimorbidité, une autre difficulté perçue pour l’IPSPL serait de tenir compte des nombreux éléments contextuels qui influencent l’évolution des maladies chroniques, que ce soit le contexte génétique, environnemental, familial ou psychosocial. Bien qu’elle soit formée pour intégrer ensemble les dimensions physique et psychosociale, certains informateurs clés ont avancé qu’il ne serait pas toujours évident en pratique d’établir les liens entre ces deux dimensions et de choisir l’intervention appropriée. Mis ensemble, la multimorbidité, les facteurs contextuels et, dans nombre de cas, l’âge avancé complexifieraient le suivi du patient atteint de maladies chroniques. Devant l’ampleur de la tâche, il serait parfois difficile pour l’IPSPL de cibler les priorités d’interventions pharmacologiques mais surtout non pharmacologiques touchant le changement de comportements.

Le lien santé mentale santé physique, y [les IPSPL] ont comme de la difficulté à le faire. Quand c'est santé mentale, je devrais dire plutôt psychosociale, parce que t’sais y'a des contextes de vie qui sont pas faciles […] pis quand y sont confrontées dans le quotidien, qui peuvent à ce moment-là [être] beaucoup plus attirées vers des choses qui sont plus faciles, qui donnent apparence de résoudre le problème. (ENT 03, responsable de la formation des IPSPL)

Bah, une des difficultés, c'est l'ampleur, c'est l'ampleur du travail qui pourrait être ciblé, et le fait de, d'arriver à scinder ça. Je vous dirais que souvent, on a tendance à vouloir aller tout azimut, et faire un plan sur plein de chose. Moi, je pense que c'est, c'est, c'est une force mais c'est en même temps une difficulté, mais c'est d'être capable de dire :« écoutez, on va statuer sur tel, tel aspect, on va travailler là-dessus et on réévaluera et on travaillera sur d'autres aspects éventuellement. » T'sais on peut pas tout d'un coup demander à la personne d'accepter sa maladie, d'accepter de changer ses modes de vie, son alimentation, son exercice, d'accepter d'arrêter de fumer, d'accepter de diminuer l'alcool […]. (ENT 16, responsable de la formation des IPSPL)

Selon un informateur clé provenant du milieu universitaire, la rétroaction qu’il aurait obtenue de plusieurs IPSPL graduées indiquerait que celles-ci percevraient leur formation insuffisante en matière de maladies chroniques, malgré une formation globale jugée de très haute qualité par de nombreux informateurs clés. La formation très chargée, couvrant sur une période de deux ans l’ensemble des notions médicales théoriques et pratiques à acquérir, ne permettrait pas d’approfondir autant que souhaité les connaissances relatives aux

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maladies chroniques. De plus, une fois en milieu de travail, certaines IPSPL seraient principalement affectées aux soins courants ponctuels, comme les périodes de sans rendez-vous. En raison de leur petit nombre dans les milieux de première ligne, elles seraient aussi souvent appelées à couvrir un large éventail d’activités (sans rendez-vous, soins à domicile, cliniques jeunesse, suivis pédiatriques, suivi général, cliniques spécialisées). Cette pratique éclatée ne leur donnerait donc pas l’occasion de développer et de maintenir une expérience significative en gestion des maladies chroniques.

Pour ce qui est de la réalité, j'ai l'impression qu'avec le temps, les maladies chroniques, c'est pas… elles font plus de soins courants que ce qu'on s'attendait. Donc, on pensait vraiment que, nous, la majorité de nos heures seraient consacrées au suivi des maladies chroniques. […] j'ai communiqué avec toutes mes diplômées [IPSPL] des cinq dernières années, c'est un sondage anonyme, puis c'est sur ça qu’elles semblent le moins solides, le suivi des maladies chroniques, et qu’elles trouvent que notre formation n'est pas suffisamment solide, qui est à améliorer, puis aussi qu’elles trouvent qu’elles manquent d'expérience. (ENT 03, responsable de la formation des IPSPL)

D’autres informateurs clés ont soulevé certains besoins de formation plus spécifiques en lien avec le suivi des maladies chroniques. Ces besoins se situeraient au niveau du suivi de la clientèle âgée, souvent atteinte de multimorbidité et de déficits cognitifs, ainsi qu’au niveau des connaissances en pharmacologie. Par ailleurs, les opportunités de formation continue en maladies chroniques seraient jugées insuffisantes dans certains milieux. Alors que les lignes directrices en matière de gestion des maladies chroniques évoluent rapidement sur la base des nouvelles données probantes issues de la recherche, certains milieux n’offriraient pas aux IPSPL le temps et les ressources financières nécessaires à leur participation à des activités de formation continue.

Y'a aussi les maladies chroniques qui se complexifient avec le vieillissement, et le nombre de maladies chroniques qu'a une personne fait en sorte que ça rend les situations de santé des patients plus complexes. Et j'imagine que la formation va devoir s'ajuster aussi pour être en mesure de répondre à cette clientèle-là plus vieillissante, plus malade, plus multi pathologique. (ENT 01, représentant d’une association professionnelle)

Avec ce que mes étudiantes me disent, c'est sûr que la partie pharmacologie devrait être encore davantage explorée. Les étudiantes ne se sentent pas assez outillées au niveau pharmacologie. (ENT 16, responsable de la formation des IPSPL)

Je sais que quand on a fait nos rencontres au mois d'octobre, un des éléments qui a ressorti entre autres, c'est que les infirmières praticiennes trouvaient qu’on leur offrait pas beaucoup d'opportunités de formation continue. Et c'est sûr que c'est un incontournable dans les soins de santé, avec l'évolution scientifique, d'avoir la possibilité d'aller à de la formation continue. Entre autres particulièrement au niveau des maladies chroniques, parce que, comme je vous dis, ça va devenir une bonne partie de leur clientèle dans les prochaines années. (ENT 01, représentant d’une association professionnelle)

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Enfin, la gestion efficace de maladies chroniques de plus en plus complexes nécessiterait bien souvent la mobilisation de ressources particulières, que ce soit des outils de suivi destinés à l’IPSPL ou au patient, la référence à des services communautaires, comme les groupes de soutien à l’arrêt tabagique, ou encore le recours à l’expertise des autres professionnels du milieu tels les nutritionnistes, les kinésiologues, etc. Quelques informateurs clés ont relevé d’une part que l’IPSPL aurait parfois du mal à bien connaître l’ensemble de ces ressources pour en faire bénéficier ses patients atteints de maladies chroniques, surtout en début de pratique. D’autre part, la disponibilité de ces ressources serait limitée dans certains milieux. À titre d’exemple, le télésoin est un outil technologique de suivi permettant au patient de surveiller lui-même de son domicile plusieurs paramètres de son état de santé et d’autogérer ses problèmes de santé chroniques en conséquence, avec le soutien à distance d’une infirmière ayant accès aux paramètres enregistrés. Cet outil, qui facilite le suivi du patient et son habilitation à prendre en charge de façon autonome son état de santé, ne serait toutefois pas disponible dans tous les milieux de soins de première ligne.

5.3.3

Méconnaissance persistante du rôle de l’IPSPL, résistance et craintes face