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Mécanisme de biodégradation des hydrocarbures pétroliers

Chapitre 2 Contexte général

2.1.3 Mécanisme de biodégradation des hydrocarbures pétroliers

2.1.3.1 Généralités

Un composé est dit biodégradable lorsqu’il est transformé en un autre composé par l’action de micro-organismes (Carey et al., 2000). Dans les aquifères contaminés par des composés organiques tel que les hydrocarbures pétroliers, la biodégradation entraine la perte de masse significative des contaminants (Chapelle, 1999; Wiedemeier et al., 1999). D’un point de vue chimique, la biodégradation est une réaction d’oxydo-réduction catalysée par les micro-organismes naturellement présents dans les sols et les eaux souterraines (Wiedmeier et al., 1999). Ces derniers vont utiliser les composés organiques disponibles comme source de carbone et d’énergie utiles pour

la croissance cellulaire, en facilitant le transfert d’électrons entre les donneurs et les accepteurs (Wiedmeier et al., 1999). En résultera une oxydation du donneur d’électrons (en général la matière organique, et notamment les hydrocarbures pétroliers) et une réduction de l’accepteur d’électrons (composés oxydés tels que l’oxygène, les nitrates, les sulfates…). Dans ce cas, le processus en jeu est le métabolisme direct, qui se caractérise par le fait que les composés organiques sont utilisés directement par la population bactérienne pour produire de l’énergie (Colombano et al., 2010; Nex, 2004; Wiedemeier et al., 1999). Par opposition, le cométabolisme est illustré par le fait que le contaminant est dégradé par une enzyme produite « fortuitement » par un micro-organisme, sans que celui n’en retire de bénéfice (Nex, 2004; Wiedemeier et al., 1999). En ce qui concerne la biodégradation des hydrocarbures pétroliers, le principal mécanisme rencontré est le métabolisme direct (Wiedmeier et al., 1999). Cependant Solano-Serena et al. (2001) ont montré, à partir d’expériences menées en laboratoire, que la dégradation par cométabolisme de l’éthylbenzène, des cyclohexanes et de certains isoalcanes est possible. De même, Littlejohns and Daugulis (2008) ont montré que le o-xylène était dégradé en présence des autres BTEX.

Certains facteurs influencent l’activité de biodégradation de la microflore : le pH, la température, l’humidité, la concentration en substrats, les interactions entre substrats, la disponibilité en nutriments (phosphates, nitrates…), la disponibilité des accepteurs d’électrons, la croissance et le déclin des micro-organismes (Boopathy R., 2000; Farhadian et al., 2008; Megharaj et al., 2011). Les conditions locales sont donc très influentes sur la biodégradabilité des contaminants.

2.1.3.2 Aspect thermodynamique de la biodégradation

La dégradation des hydrocarbures résulte d’un changement de l’état d’oxydoréduction du carbone (Atteia, 2011). Les bactéries stockent l’énergie libérée par les réactions d’oxydoréduction sous forme d’ATP2 (Jakobsen et al., 1998). Les micro-organismes catalysent les réactions qui produisent de l’énergie, ce qui signifie, d’un point de vue thermodynamique, que l’énergie libre de la réaction ∆𝐺° doit être négative (Atteia and Franceschi, 2001; Wiedemeier et al., 1999). Ainsi les bactéries utilisent les accepteurs d’électrons suivant leur disponibilité en suivant une progression thermodynamique favorable (du plus énergétique au moins énergétique) présentée sur la Figure 2-3.

L’oxydation des hydrocarbures pétroliers est le plus favorable en présence d’O2 car c’est la réaction qui fournit le plus d’énergie aux microorganismes (Stumm and Morgan, 1996). Dans un aquifère contaminé par des hydrocarbures, l’oxygène est consommé rapidement, ce qui entraine la mise en place de conditions anaérobies (Atteia, 2011; Saada et al., 2013; Wiedmeier et al., 1999). En absence d’oxygène, le rôle d’accepteur d’électrons dans la dégradation des hydrocarbures est successivement porté par les nitrates, le manganèse IV, le fer III, les sulfates et le dioxyde de carbone (Vroblesky and Chapelle, 1994; Wiedemeier et al., 1999).

Les changements géochimiques induits par la biodégradation des hydrocarbures pétroliers, entrainent une répartition des zones rédox dans l’espace occupé par le panache d’hydrocarbures dissous dans les aquifères (Vroblesky and Chapelle, 1994; Wiedemeier et al., 1999). Une conceptualisation idéale de cette distribution est présentée Figure 2-4.

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Adénosine triphosphate (ATP) : Principale molécule de transport et de stockage de l'énergie dans les cellules des organismes vivants.

Figure 2-3 : Potentiel redox des demi-couples impliqués lors de la dégradation des hydrocarbures pétroliers ; L’échelle des potentiels redox Eh (V) est donnée pour un pH de 7 et une PCO2 de 10-2 atm (d'après Atteia and Franceschi, 2001).

Sur site réel, les différentes zones rédox évoluent avec le temps et dans l’espace (Vroblesky and Chapelle, 1994). L’hétérogénéité des sédiments et l’évolution de la composition de la nappe induite par le processus de recharge (ré-aération et variation de la surface piézométrique) conduisent à des schémas complexes de réactions biogéochimiques (Vroblesky and Chapelle, 1994). Ceci complique nettement l’identification des zones rédox.

Figure 2-4 : Conceptualisation des zones d'accepteurs d'électrons en condition naturelle dans un aquifère contaminé par des hydrocarbures pétroliers (Wiedemeier et al., 1999).

2.1.3.3 Biodégradabilité des différentes familles d’hydrocarbures pétroliers

Une coupe pétrolière de type essence est composée de plusieurs centaines de molécules différentes. Les microorganismes dégradent les différents hydrocarbures selon un ordre préférentiel. Dans un mélange complexe d’hydrocarbures ce sont d’abord les alcanes et les aromatiques de poids moléculaires peu élevés qui sont dégradés, puis les isoalcanes et les cycloalcanes (Bocard, 2006). De façon générale, plus le nombre d’atomes de carbones de la molécule est important, plus la biodégradabilité du composé est faible. A nombre d’atomes de carbone égal, un hydrocarbure présentant des ramifications ou cyclisations sera moins biodégradable qu’un hydrocarbure linéaire (Bocard, 2006; Colombano et al., 2012).

La biodégradation des hydrocarbures saturés (n-alcanes, isoalcanes et cycloalcanes) et des alcènes au sein du mélange essence est peu étudiée dans la littérature (Bocard, 2006; Nex, 2004). Solano-Serena et al. (2001) ont mené une expérience en laboratoire sur la biodégradation des composés de l’essence par différentes cultures microbiennes en présence d’oxygène et de nutriment en excès. Cette étude montre que d’une manière générale, les BTEX (sauf l’o-xylène) et les n-alcanes sont dégradés rapidement, que la dégradation des isoalcanes démarre après celles des n-alcanes, et qu’après 1 mois certains d’entre eux ne sont pas complétement métabolisés.

Compte tenu de leurs solubilité, mobilité et toxicité, élevées de nombreuses études très détaillées ont été menées depuis les années 60 sur la biodégradabilité des hydrocarbures mono-aromatiques (BTEX) en condition aérobie et anaérobie.

En condition aérobie, les BTEX sont facilement dégradés (Atteia and Franceschi, 2001; Borden et al., 1997; Wiedemeier et al., 1999). Sur une étude réalisée en colonne Kelly et al. (1996) ont calculé des cinétiques de biodégradation en condition aérobie de 1,32 mmol/L/h pour le benzène, 1,42 mmol/L/h pour le toluène et de 0,833 mmol/L/h pour les xylènes. Cela correspond à des demi-vies de quelques heures à une journée.

En condition de terrain influencé, Landmeyer and Bradley (2003) rapportent des demi-vies de 38,5 jours pour le benzène, et de 36,5 jours pour le toluène lors d’ajout de MgO2.

En situation de biodégradation dynamisée par injection d’air dans la nappe, Chen et al., (2010) ont observé que le toluène est le plus rapidement dégradé (𝑡1/2 = 53 jours) suivi par les m,p-xylènes (𝑡1/2 = 57 jours), l’éthylbenzène (𝑡1/2 =78 jours), le o-xylène (𝑡1/2 = 91 jours) et le benzène (𝑡1/2 = 96 jours). Nakhla (2003), en procédant à l’injection de peroxyde d’hydrogène (H2O2) à l’échelle du pilote, observe une dégradation rapide des BTEX, avec des demi-vies de 0,8 à 2,3 jours pour le benzène, de 1 à 3 jours pour le toluène et de 1,1 à 3,3 jours pour le o-xylène.

D’une manière générale, les taux de dégradation aérobie sont plus élevés pour les BTEX que ceux relevés en conditions anaérobies (Atteia and Guillot, 2007). En condition de biodégradation naturelle anaérobie, le toluène est facilement dégradé, les xylènes et l’éthylbenzène plus difficilement, et le benzène est le composé le plus récalcitrant à la biodégradation (Atteia and Franceschi, 2001). Dans une étude de biodégradation dynamisée par ajout de nitrates, Schreiber and Bahr (2002) n’observent pas de dégradation du benzène et de l’o-xylène, seul les TEX se dégradent, avec des temps de demi-vies de 9,5 à 33 jours pour le toluène, de 9 à 26,5 jours pour l’éthylbenzène et de 17 à 58 jours pour les m,p-xylènes.

En revanche, en conditions ferro-réductrice et sulfato-réductrice dynamisées, plusieurs études montrent que le benzène, comme les TEX sont biodégradables (Farhadian et al., 2008; Weiner et al., 1998). Sublette et al. (2006) rapportent une dégradation des BTEX lors d’injection de sulfates dans un aquifère contaminé par de l’essence, avec des temps de demi-vies compris entre 210 et 346 jours pour le benzène, 178 et 97 jours pour le toluène, 533 et 770 jours pour l’éthylbenzène et 231 et 495 jours pour les xylènes.

2.1.3.4 Biodégradabilité de la phase organique

La littérature recense peu d’études concernant la biodégradation de la phase non-aqueuse (phase huile) des hydrocarbures pétroliers. Les études sur la biodégradation des hydrocarbures pétroliers en phase huile partent du postulat que la biodégradation des contaminants n’est pas seulement relative au couplage dissolution de l’hydrocarbure résiduel/biodégradation de l’hydrocarbure dissous, mais aussi à la biodégradation directe de la phase huile résiduelle présente sous forme de gouttelettes (Côme, 1996; Seagren et al., 2002, 1994). Cette hypothèse de fonctionnement provient de l’observation, dans certains cas, de taux de biodégradation des hydrocarbures pétroliers dissous supérieurs à la vitesse de dissolution du composé de la phase non-aqueuse (phase huile) vers la phase aqueuse (Seagren et al., 2002). Côme (1996) observe sur des tests en colonne la capacité de la biomasse bactérienne à consommer les hydrocarbures sous forme de gouttelettes (phase huile). Il a réalisé des tests de sensibilité sur des modèles numériques qui montrent qu’un processus actif de biodégradation de l’hydrocarbure dissous n’engendre pas d’augmentation sensible du transfert de masse entre la phase huile et la phase dissoute. (Seagren et al., 2002) concluent l’inverse à partir de leurs travaux, en constatant que dans certains cas où les concentrations en contaminants ne sont pas toxiques pour les bactéries, l’activité bactérienne accélère les cinétiques de dissolution en augmentant le gradient de concentration à l’interface phase non-aqueuse/phase dissoute. En outre, Wiedemeier et al. (1999) considèrent que dans la mesure où les conditions de biodégradation sont plus favorables pour les composés en phase dissoute, les phénomènes de biodégradation de la phase non-aqueuse peuvent être négligés pour des périodes de temps relativement courtes (inférieur à des dizaines voire des centaines d’années).

Les études concernant la biodégradation de la phase huile des hydrocarbures pétroliers en phase non-aqueuse étant peu nombreuses, nous considérons dans notre étude que les bactéries dégradent les hydrocarbures dissous, et que la fraction en phase huileuse est transférée en phase aqueuse par un phénomène de dissolution cinétique qui peut être accélérée par le déplacement de l’équilibre fraction en phase huileuse/phase aqueuse induit par la biodégradation dynamisée. Dans la mesure où les travaux des différents auteurs montrant que la biodégradation affecte principalement la phase dissoute, cette simplification ne doit pas affecter significativement les conclusions des travaux présentés ici.